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Mary Seacole - Héroïne Historique

Rinou - 02/05/2018

Mary Grant naquit en 1805 à Kingston, en Jamaïque (alors britannique). Son père était un officier écossais et sa mère, créole jamaïcaine, une guérisseuse qui tenait également une pension de famille où logeaient beaucoup de soldats et de marins européens. C’est là qu’elle apprit les rudiments sur les soins, qu’elle mit à profit plus tard.

Mary travailla à plusieurs reprises pour une vieille femme riche, qu’elle appela dans sa biographie « sa gentille patronne ». A la mort de celle-ci elle revint travailler dans la pension familiale, tout en faisant des vacations pour l’hôpital de l’armée britannique dans diverses îles des Caraïbes, dont Cuba et Haïti. Elle fit plusieurs voyages à Londres pour rendre visite à des amis.

En novembre 1836, Mary épousa Edwin Horatio Hamilton Seacole, dont la rumeur veut qu’il ait été le fils illégitime de Lord Horatio Nelson et sa maîtresse,
Lady Hamilton. Ils ouvrirent ensemble une épicerie à Black River, mais la santé d’Edwin déclina rapidement et ils revinrent s’installer chez la mère de Mary en 1840. Il mourut un mois plus tard. En 1843, la pension de famille fut à moitié détruite par un incendie, et un an plus tard la mère de Mary mourut à son tour. Cette dernière reprit la pension familiale, qui devint le lieu favori des militaires européens en Jamaïque.

En 1850 une épidémie de choléra frappa l’ile, tuant plus de 32 000 personnes. Mary utilisa ce qu’elle avait appris de sa mère pour soigner de nombreux malades.

L’année suivante, alors qu’elle rendait visite à son frère qui avait ouvert un magasin et un hôtel dans l’isthme de Panama, où n’existait pas encore le canal, une recrudescence de l’épidémie de choléra, latente dans le pays, lui apporta une grande réputation de soigneuse. Les remèdes qu’elle utilisait étaient essentiellement des mélanges vomitifs, des cataplasmes chauds, des emplâtres à la moutarde, et du chlorure de mercure, remèdes couramment prescrits par les médecins de l’époque mais dont elle reconnut dans ses mémoires qu’ils la faisaient maintenant frémir et qu’il y avait eu quelques gaffes. Mary contracta elle-même la maladie, mais survécut.

Elle ouvrit une table d’hôte en face de chez son frère puis, en 1852, rentra en Jamaïque sur un navire anglais, après qu’un bateau américain lui eut refusé d’embarquer. Les autorités médicales jamaïcaines lui demandèrent de l’aide pour soigner les malades atteints de la fièvre jaune et, dans son autobiographie, Mary raconta juste qu’il n’y avait pas grandchose qu’elle puisse faire face à l’ampleur de l’épidémie, et qu’elle retourna dans sa pension de famille. En 1854 elle repartit au Panama s’occuper des établissements qu’elle avait créés auparavant, ouvrit un magasin près d’une mine d’or, avant de voguer vers Londres pour gérer ses actions dans une compagnie minière.

A cette époque les conditions de soin et de logement des soldats envoyés en Crimée pour la guerre contre la Russie étaient déplorables, et les maladies proliféraient. Le secrétaire d’état à la guerre britannique avait chargé Florence Nightingale de constituer une équipe d’infirmières à envoyer sur place. Ayant vu des annonces de recrutement, Mary Seacole se présenta directement au Bureau de la Guerre, mais fut renvoyée de bureau en bureau sans jamais recevoir de réponse positive, quand on daignait la recevoir. Même la fondation Crimée refusa de prendre en charge son transfert vers la zone de guerre. Elle raconta dans son livre qu’elle n’entrait pas dans les critères établis par Florence Nightingale, vu elle était métisse et avait à ce moment-là quarante-neuf ans. Néanmoins il est  probable que le fait qu’elle n’ait aucune formation ni expérience en hôpital ait joué contre elle plus que ses origines.

Finalement, Mary décida de voyager jusqu’en Crimée par ses propres moyens et d’y ouvrir un Hôtel Britannique. Elle prépara le terrain en envoyant des cartes de visite pour annoncer son arrivée prochaine. Un peu avant son départ elle croisa Thomas Day, qu’elle connaissait des Caraïbes, qui s’associa à elle pour acheter des fournitures. Enfin, en janvier 1855, Mary embarqua pour Constantinople, où elle rencontra brièvement Florence Nightingale.

Elle se dirigea ensuite vers Balaklava. Là-bas elle trouva un emplacement pour son hôtel, près de la route reliant Balaklava au camp britannique de Sébastopol. Le bâtiment fut construit avec des matériaux de récupération et ouvrit en mars 1855, mais ne fut entièrement terminé qu’en juillet. Mary y vendait de tout, aux officiers comme aux visiteurs, que ce soit des produits locaux ou en provenance de Londres ou Constantinople. L’hôtel proposait des repas, une table de mess pour les officiers, et assurait également quelques livraisons, mais était fermé le dimanche. Il était surnommé la cabane de Mme Seacole.

Mary faisait aussi office de cantinière régulière dans le camp britannique de Kadiköy, où elle était connue sous le nom de la Mère Seacole, ou la Créole à la Tasse de Thé, et se rendait également sur les tranchées près de Sébastopol. Dans une dépêche de septembre 1855, le journaliste du Times William Howard Russell écrivit :  « A l’heure de leur maladie, ces hommes ont trouvé une soignante chaleureuse et talentueuse, une Mme Seacole. Elle vient de Jamaïque, soigne et guérit toutes sortes d’hommes avec un succès extraordinaire. Elle est toujours proche du champ de bataille pour aider les blessés et a mérité la bénédiction de nombreux pauvres types. » Il écrivit aussi qu’elle avait redoré le nom de cantinière.

Alan Palmer, auteur d’une biographie de Mary Seacole, raconte : « Son statut indépendant lui assurait une liberté de mouvement refusé au service infirmier officiel ; en juin elle était devenue une figure familière du champ de bataille, allant en avant avec deux mules, l’une portant des médicaments et l’autre du vin et de la nourriture. Elle apporta du réconfort aux estropiés et aux mourants après l’assaut sur le Redan, dans lequel un quart des forces britanniques fut tué ou blessé, et elle soigna des blessés italiens, français et russes à la Tchernaïa, deux mois plus tard. »

Lady Alicia Blackwood, épouse d’un révérend chapelain de l’armée, et qui s’occupait elle-même d’un hôpital non officiel pour les épouses, les veuves et  les enfants de soldats, raconta que Mary ne s’était épargné « aucune peine ni aucun effort pour visiter les champs de malheur, et donner de ses propres mains tout ce qu’elle pouvait pour réconforter ou soulager la souffrance des gens autour d’elle, gratuitement pour ceux qui ne pouvaient pas payer, et de nombreux soldats dont les yeux se fermaient dans la mort et desquels aucun paiement ne pouvait jamais être attendu. »

En septembre 1855, Mary devint la première femme britannique à entrer dans Sébastopol après sa chute, munie d’un laisser-passer et de provisions pour les soldats. Elle fut arrêtée par des pillards français, mais sauvée par un officier qui la reconnut. Elle-même récupéra quelques objets, dont une cloche d’église, un cierge qu’elle offrit au commandant en chef qui lui avait fourni le laisser-passer, et un tableau de trois mètres représentant la Vierge à l’Enfant, qu’elle acheta à un soldat français en repartant.

En mars 1856 le traité de Paris marqua enfin la paix et le retrait des troupes de Crimée, mais le début des problèmes financiers pour Mary. Les soldats qui partaient laissèrent des dettes, mais les commandes déjà passées étaient livrées et devaient être payées. Elle fut contrainte de vendre à perte aux soldats russes qui rentraient chez eux. L’évacuation des armées alliées se termina à Balaklava en juillet 1856 et Mary fut l’une des dernières à quitter la zone, rentrant en Angleterre plus pauvre qu’à son départ. Les créanciers la poursuivirent et elle fut mise en cessation de paiement en novembre 1856.

A cette époque elle se mit à porter des médailles militaires : une légion d’honneur française, une médaille de Crimée britannique, et une médaille de l’ordre du mérite turc. Dans ses mémoires elle raconta les avoir portées pour honorer les vétérans. Les nouvelles de sa situation financière furent rapportées dans la presse britannique, et Mary reçut dans un premier temps des dons de la part de personnalités influentes, ce qui lui permit de faire lever sa banqueroute et celle de Thomas Day. Finalement le journal Punch lança une collecte publique, le Seacole’s Testimonial Fund, pour lui venir en aide.

Grâce à la notoriété que l’appel à la collecte lui avait value, Mary envisagea de partir en Inde pour aider les blessés de la révolution indienne de 1857, et de nombreux anciens militaires de Crimée décidèrent d’organiser un Grand Festival Militaire du Fond Seacole, afin de récolter l’argent nécessaire à ce voyage. Malgré la présence de 40 000 spectateurs, une fois les coûts de production payés et les problèmes financiers de la compagnie organisatrice réglés, Mary ne reçut que 57£ et la révolution était terminée.

Elle publia alors, en juillet 1857, Les aventures extraordinaires de Mrs. Seacole dans de nombreux pays, qui est la première autobiographie écrite par une
femme noire en Grande-Bretagne. Dans la conclusion, Mary remercia ses soutiens lors de la collecte de fonds, dont le Major Général Lord Rokeby, le Prince Edward de Saxe-Weimar, le duc de Wellington, le duc de Newcastle, et de nombreux militaires. Le livre fut préfacé par le journaliste du Times William Howard Russell, qui avait parlé d’elle pendant la guerre de Crimée en ces mots : « J’ai été témoin de son dévouement et de son courage… et j’ai confiance dans le fait que l’Angleterre n’oubliera jamais quelqu’un qui a soigné ses malades, cherché ses blessés pour les aider et les secourir, et qui a réalisé les toilettes mortuaires de certains de ses illustres disparus. »

En 1860 Mary retourna en Jamaïque, mais en 1867 elle eut de nouveau des problèmes financiers et le Fond Seacole fut relancé temporairement à Londres. Elle put acheter un terrain à Kingston et y construire une propriété, qu’elle mit en location, et un bungalow qu’elle garda pour y vivre. Trois ans plus tard elle retourna à Londres, probablement dans l’espoir d’offrir une aide paramédicale pendant la guerre franco-russe. Elle y contacta le beau-frère de Florence Nightingale, qui siégeait au parlement et faisait partie de la branche historique de la Croix Rouge. Florence Nightingale écrivit à celui-ci une lettre insinuant que Mary Seacole tenait une « mauvaise maison » en Crimée et était responsable de beaucoup d’ivresses et de conduites déplacées. L’Angleterre ne s’impliqua pas dans la guerre franco-russe et aucune infirmière, formée ou non, ne fut envoyée sur le continent à cette occasion.

En Crimée, Mary avait eu comme client un neveu de la reine Victoria, le prince Victor de Hohenlohe-Langenburg. A Londres il sculpta un buste en marbre de Mary, qui fut exposé lors de l’exposition d’été de l’Académie Royale en 1872. Il lui fit également rencontrer la princesse de Galles, qui souffrait de rhumatismes et de phlébite, et dont Mary devint la masseuse officielle.

Mary Seacole mourut à Londres en 1881, à l’âge de soixante-seize ans. Elle léguait l’essentiel de ses biens à sa soeur Louisa, moins des dons aux trois curateurs du Fond Seacole.

Le souvenir de son travail en Crimée fut longtemps oublié, éclipsé par celui de Florence Nightingale. Elle resta plus connue en Jamaïque, où elle reçut l’ordre du mérite jamaïcain à titre posthume en 1991, et où l’Association des Infirmières fut baptisée la Maison Mary Seacole en 1954. Des plaques commémoratives furent plus récemment installées sur les maisons londoniennes où elle vécut. Mary Seacole est maintenant citée dans les manuels scolaires britanniques aux côtés de Florence Nightingale.

Un prix annuel décerné par le Service National de Santé britannique porte son nom, ainsi que de nombreux bâtiments d’université à travers le pays. En 2005, pour le bicentenaire de sa naissance, une exposition Mary Seacole fut ouverte dans le musée Florence Nightingale de Londres, et y resta deux ans. En 2004 elle fut élue plus grande noire britannique par un panel de 10 000 personnes.

En 2003, un député lança une campagne pour l’installation d’une statue de Mary Seacole à Londres. Il fallut attendre 2016 pour qu’elle soit enfin érigée devant l’hôpital St Thomas, au grand dam des fans de Florence Nightingale qui déplorèrent qu’on célèbre Mary Seacole au détriment de la Dame à la Lampe, devant l’hôpital où celle-ci avait créé sa première école d’infirmières. En effet, de nombreuses fausses informations courent à présent sur Mary « l’infirmière », contredites pour la plupart par ce qu’elle raconte ellemême dans ses mémoires. Néanmoins on ne peut ignorer ce qu’elle a accompli, et cette statue est un bel hommage.


Rinou

Sources
https://fr.wikipedia.org/wiki/Mary_Seacole#Guerre_de_Crim%C3%A9e,_de_1854_%C3%A0_1856

http://spartacus-educational.com/REseacole.htm

https://www.nationalgeographic.org/news/maryseacole/

http://www.maryseacole.info

http://digital.library.upenn.edu/women/seacole/adventures/adventures.html#I

 


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