Musique et Romance

14/08/2017

«Des compositeurs classiques aux rock stars, il y a quelque chose d’extra romantique chez un musicien. Toutes nos idées préconçues sur le génie, le fait de broyer du noir et les muses sont des terrains fertiles pour l’auteur, et c’est depuis longtemps une carrière de choix pour les héros.»
(Heroesandheartbreakers.com)

La musique a, en effet, toujours été une grande inspiration pour les auteurs de romance. Ce n’est pas étonnant quand on sait que Jane Austen, notre reine à toutes, a vécu à une période où c’était une activité très importante qui faisait partie de la vie quotidienne des gens, et surtout des jeunes filles de la Haute Société.

D’aussi loin que je me souvienne, dès qu’on me parle de musique dans la romance, je pense au couple phare de Mary Burchell, j’ai nommé Oscar et Anthea Warrender. A song begins (Une mélodie s’élève – Harlequin Série Club 1980) est une romance contemporaine publiée pour la première fois en 1965. Elle met en scène la jeune Anthea Benton, chanteuse d’opéra, qui rencontre celui qui deviendra l’homme de sa vie, le chef d’orchestre Oscar Warrender.

L’auteur crée par la suite d’autres personnages dans cet univers, avec des héros différents pour les treize tomes suivants. Et même si la série s’intitule Warrender, excepté dans Masquerade with music, qui en est le douzième, les autres héros n’ont aucun lien de parenté avec le premier couple. Quant à Anthea et Oscar, ils auront souvent un rôle secondaire dans les tomes suivants. Les neuf premiers ont été traduits par Harlequin dans les années 1980.

Dans la romance historique, l’approche du thème de la musique n’est pas la même. Parce qu’elle fait partie intégrante de ce sous-genre, même lorsque les héros ne sont pas nobles. Dans His every kiss (Sous chacun de tes baisers – J’ai lu A&P 2012) de Laura Lee Guhrke par  exemple, même si nos héros ne fréquentent pas le beau monde, elle est violoniste et lui pianiste.

Cela arrive quand même que certains auteurs souhaitent faire de la musique l’un des thèmes principaux de leurs histoires. C’est notamment ce qu’a fait Julia Quinn dans sa série Smythe-Smith. «Les Smythe-Smith (et leur tristement célèbre concert) ont fait leur première apparition dans mon troisième roman, Minx (L’insolente de Stannage Park – J’ai lu A&P 2011). Mon héros et mon héroïne assistaient à un concert amateur, et je me suis dit «Une mauvaise musique est tellement plus amusante qu’une bonne musique» donc (peut-être en l’honneur des concerts organisés par l’école élémentaire Veterans Park, auxquels mes parents étaient obligés d’assister) j’ai créé le concert annuel Smythe-Smith. Chaque année, il semblait y avoir assez de cousines à rassembler pour un quatuor, et chaque année, elles faisaient se retourner Mozart dans sa tombe. Quelques années plus tard, je voulais placer mon héros et mon héroïne à une réception où on ne dansait pas, et cela m’a traversé l’esprit… qu’il n’y avait pas de raison que ces personnages n’aient pas aussi à souffrir pendant une performance des Smythe-Smith. Par la suite, cela a commencé à devenir un sujet de plaisanterie entre mes lectrices et moi. Et je pense que nous nous sommes toutes posé des questions sur ces pauvres filles qui étaient obligées de prendre leurs instruments chaque année. Donc avec Just like heaven (Un goût de paradis – J’ai lu A&P 2017), A night like this (Sortilège d’une nuit d’été – J’ai lu A&P 2017), The sum of all kisses (Pluie de baisers – J’ai lu A&P 2017) et The secrets of Sir Richard Kenworthy (Les secrets de Sir Richard Kenworthy – J’ai lu A&P 2017), j’ai finalement mis les Smythe-Smith dans un rôle principal.» Et effectivement, pour donner un ton léger à cette série, l’auteur n’en fait pas toutes des virtuoses de la musique et du chant, loin de là.

Du fait que la musique n’a pas la même portée de nos jours, les auteurs qui décident d’utiliser principalement ce thème dans leurs romances contemporaines ont ainsi l’occasion d’ajouter des obstacles à la relation du couple et l’évolution des sentiments :
- lorsque les deux héros ont fait de la musique leur métier, ils doivent finir par faire des compromis pour pouvoir allier vie professionnelle et vie de couple. Dans la plupart des cas, ils finissent par travailler ensemble pour ne plus avoir à se quitter.
- lorsque l’un des deux (en général l’héroïne) participe à un concours dont le héros est membre du jury, la relation n’est pas très équitable et le plus souvent, pour éviter les conflits d’intérêt, il ne choisit pas l’héroïne. Mais l’auteur parvient à les réunir pour la suite. C’est d’ailleurs ce qui se passe dans A song begins.
- lorsque l’un de nos héros est artiste, c’est parfois plus compliqué, mais les auteurs de romance ont plus d’un tour dans leur sac, ce que nous avons déjà remarqué, et elles finissent toujours par trouver une bonne résolution au conflit. Quand le héros a fait de la musique son métier, l’héroïne quitte tout pour le suivre dans ses tournées. L’exemple le plus récent que je peux citer est la série Stage Dive de Kylie Scott, traduite en français chez JC Lattès &moi. Tous les héros font partie d’un groupe et les héroïnes s’adaptent à leur carrière.

Quand c’est l’héroïne qui en a fait son métier, elle rencontre souvent le héros alors qu’elle fait une pause dans sa carrière ou ne fait que des concerts privés. C’est ce qu’on peut notamment trouver dans Sweet talk (La vie en couleurs – Harlequin Prelud 2009) de Susan Mallery ou encore Carnal innocence (Coupable innocence – Mosaïc 2013) de Nora Roberts. A la fin de l’histoire, si l’héroïne continue sa carrière, elle donne des concerts à guichets fermés, comme celle de Midnight angel (L’ombre de minuit – J’ai lu PI 2011) de Lisa Marie Rice.

Je me rappelle surtout d’une de mes histoires préférées de Danielle Steel, Star (Pocket 2015), parue en 1989, où on suit le parcours de Crystal Wyatt, qui deviendra une star mondiale. Au moment où elle rencontre le héros, elle débute à peine et ils auront une relation assez chaotique. Lorsqu’ils se retrouvent, vraiment à la fin du livre, pour leur happy end, Crystal a mis un terme à sa carrière.

Je sais que nous avons là à nouveau une relation pas très égalitaire dans le monde de la romance. Après tout, pourquoi le héros ne serait-il pas celui qui abandonne tout pour que l’héroïne vive ses rêves ? Heureusement, les temps changent, les mentalités évoluent et la romance bouge avec. «Les rockeuses dans la romance ne sont pas aussi rares que les licornes, mais elles peuvent être difficiles à trouver, dit le site Heroesandheartbreakers.com. Mais elles existent !».

Alors, forcément, c’est dans les romances où les héroïnes sont des rockeuses qu’on a pu dégoter un bel exemple de sacrifice : Price of fame d’Ashley Ladd. Il s’agit d’une romance érotique non traduite où l’héroïne est la chanteuse star d’un groupe de rock et le héros un médecin. A la fin, alors qu’elle est prête à abandonner sa carrière pour le rejoindre à l’autre bout du pays, il refuse en disant que la musique fait partie d’elle tandis que lui peut pratiquer la médecine n’importe où.

Une trame beaucoup plus simple : le héros ou l’héroïne professeur de musique, chargé de donner des cours à l’autre ou à l’enfant de l’autre. Dans The shy bride (Leçon pour un playboy – Harlequin Azur 2011) de Lucy Monroe, l’héroïne est une célèbre violoniste qui donne des cours au héros.

Au fil des années, la musique a pris une place de plus en plus importante chez les auteurs, qui s’en inspirent vraiment pour écrire des livres. Une anthologie a été publiée en 2015, réunissant neuf novellas inspirées des musiques du groupe Duran Duran. Kerry Adrienne, l’un des auteurs, a expliqué dans un article publié sur le site pressrelease.com : «La mélodie (NDLR : de Before the rain, titre de la chanson qu’elle a choisie et de sa novella) est envoûtante et me paraissait très post-apocalyptique. Je me suis demandé à quel point il serait difficile de trouver l’amour dans un monde de ce type.»

Etant donné que les auteurs ont de plus en plus souvent des titres qu’elles écoutent en boucle lorsqu’elles sont en phase d’écriture, la bande-son du livre devient un élément prégnant de l’histoire. Cette mode a notamment connu un essor important avec E.L. James et sa série Fifty shades, publiée en français chez JC Lattès. A l’époque de la sortie du livre, l’auteur avait mis sur son site la liste des titres qu’elle écoutait pendant qu’elle l’écrivait. Par la suite, de nombreux auteurs ont suivi l’exemple, et on peut maintenant trouver la liste des titres de la bande-son à la fin d’un roman, et également sur le
site Internet Spotify, où la lectrice peut accéder directement aux titres en ligne.

Victoria James explique son processus sur son site Internet : «J’ai pris l’habitude de faire une playlist pour chaque livre que j’écris. J’adore la musique, mais la plupart des chansons me distraient, donc je ne peux pas écouter de la musique au hasard quand j’écris. Cependant, j’ai découvert que certaines chansons soulignaient vraiment l’émotion et les sensations d’un livre ou d’un personnage.

Quand je fais les révisions d’un manuscrit, ça se passe souvent des mois plus tard et je travaille sur de nouveaux livres à ce moment-là – ce qui signifie que d’autres personnages prennent toute la place dans ma tête. Donc quand je dois me plonger dans les révisions, mes playlists m’aident à me remémorer les personnages de ce livre en particulier.»

De là à ce que les auteurs de romance s’associent avec des artistes pour écrire une histoire, il n’y avait qu’un pas que certaines n’ont pas hésité à franchir. Colleen Hoover a collaboré avec Griffin Peterson sur un album entier pour son livre Maybe someday (PKJ 2017). Plus récemment, Scarlett Cole a collaboré avec Bishop Blue à la création d’une chanson pour son roman The purest hook, paru en VO en mai 2016.

Nous avons demandé à Bishop Blue comment ils en étaient arrivés à un tel projet : «J’ai rencontré Scarlett par hasard, elle venait acheter du poisson dans le magasin où je travaillais. Notre lien par la musique a tout de suite été évident dans nos conversations, nous avons donc décidé de travailler ensemble sur son livre. La chanson Living without you est sortie le même jour que le roman.»

Damon a écrit les paroles avant que James et Nicola ne se joignent à lui pour former le groupe Bishop Blue, mais plusieurs mois avant la sortie du livre, ce qui leur a permis de travailler ensemble avant de faire les arrangements sur la chanson.

«Depuis que Nicola et James m’ont rejoint, nous avons masteurisé la chanson, et il nous a semblé approprié de l’inclure dans notre tout nouvel album.» Damon a lu le livre à sa sortie. «C’était un moment très excitant. Voir quelque chose que j’avais créé, être impliqué dans une telle réussite, c’était vraiment un moment de fierté. Quand le résultat de notre collaboration a été commercialisé, je me suis senti revigoré, plein à craquer de passion pour continuer ma carrière de
chanteur et musicien.»

Nous avons fait un article sur Scarlett dans le webzine de mars 2017 : http://www.lesromantiques.com/Webzine/Webzinemars2017.pdf

Ce type de collaboration dans la romance est encore très récent, mais je suis certaine que nous en aurons de plus en plus à l’avenir. En tout cas, la musique et la romance ont encore un long chemin à parcourir ensemble.

Fabiola

Sources :

https://www.heroesandheartbreakers.com/blogs/2011/05/top-10-musically-inclined-romance-heroes
http://www.24-7pressrelease.com/press-release/author-kerry-adrienne-uses-duran-duran-song-as-inspiration-for-new-novella-before-the-rain-411188.php
http://www.victoriajames.ca/playlists
https://www.heroesandheartbreakers.com/blogs/2014/04/rock-and-rollhers-the-women-of-rock-in-romance

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