Jouer n'est pas aimer (Winner takes all )

Barbara regarda Jenny sauter du bateau et s’éloigner de son pas encore maladroit. Elle la suivit des yeux avec attendrissement. Cette petite fille, c’était désormais sa raison de vivre, l’éclaircie qui venait, par instants, percer le ciel plombé de ses souvenirs… Soudain, l’enfant poussa un petit cri étonné. Puis elle s’accroupit, et montra quelque chose, derrière un buisson. Barbara mit pied à terre, et à son tour, s’avança sur la berge :
- Qu’as-tu vu, Jenny ? lui demanda-t-elle tandis qu’elle approchait du buisson. Un petit animal ? Elle contourna le buisson… et se figea. Ce n’était pas un animal qui retenait l’attention de Jenny mais un homme. Blessé, sans forces, il semblait délirer. Barbara s’agenouilla doucement, caressa d’une main apaisante le front en sueur, les cheveux emmêlés. Puis elle tendit l’oreille. De sa voix rauque et hachée, l’homme parlait de jeu… de dettes de jeu… et d’un petit garçon qu’on menaçait… Oppressée, tout à coup, Barbara ferma les yeux : pour tout autre qu’elle, ces paroles décousues eussent été incohérentes. Mais elle, hélas, elle pouvait les déchiffrer, et comprendre qu’un drame semblable à celui qui lui avait déjà enlevé son mari et son fils était peut-être en train de se nouer une deuxième fois… A moins qu’elle ne se décide, enfin, à prendre le risque, si lourd, d’agir…