L'amour d'une soeur (An unspoken promise)

Il s'était proposé de lui faire une lettre de recommandation au cas où elle voudrait s'inscrire à l'université. Elle ne songeait pas vraiment à retourner sur les bancs de l'école, sauf peut-être pour faire plaisir à Diana... et pour apaiser ses inquiétudes constantes à son sujet. Le petit voyant rouge clignotait et l'écran du répondeur affichait cinq messages. Mais Amy n'eut pas le temps d'appuyer sur le bouton de lecture car la sonnette de la porte retentit... Diana, sans doute, qui avait changé d'avis. Tans pis pour le plat au micro-ondes. Elles commanderaient un festin chez le traiteur chinois et passeraient la soirée à regarder des cassettes vidéo tout en bavardant, comme du temps où elles étaient petites. Amy se précipita vers la porte, poussa le loquet. ­
- Tu as oublié quelque chose ? demanda-t-elle en ouvrant. Ce n'était pas Diana. Ses doigts se crispèrent sur la poignée. Instinctivement, elle recula d'un pas derrière la porte, comme si cette barrière de bois pouvait la protéger. ­ - Maman ? Qu'est-ce que tu fais là ? Eileen balaya d'un regard froid la salle de séjour. ­
Tu attendais quelqu'un ? s'enquit-elle finalement, après un silence qui paru affreusement long à Amy.
- Diana vient de partir. J'ai pensé qu'elle... Oh, ça n'a pas d'importance. Sa raison l'avertissait que ce n'était pas l'esprit de réconciliation qui avait incité sa mère à venir. Pourtant, une lueur d'espoir continuait de briller, une flamme minuscule qu'Amy refusait de sacrifier à la logique.
- Je peux entrer ? dit Eileen. C'était plus une critique adressée à son impolitesse qu'une question.
- Oui, bien sûr. Excuse-moi, mais tu m'a prise de court. Elle était surprise, et à juste titre. Depuis six ans qu'elle vivait seule, sa mère ne lui avait jamais rendu visite. Pas une seule fois. Amy s'effaça pour la laisser passer. Eileen se dirigea vers le milieu du salon et s'arrêta devant l'unique fauteuil, occupé. Elle attendit, debout, jusqu'à ce que sa fille vienne débarrasser le siège de son sac et des paquets qu'elle y avait emplilés un peu plus tôt. ­
- Tu veux boire quelque chose ? demanda Amy. ­
- Si mes souvenirs sont exactes, Diana nous a dit que tu ne buvais plus. Eileen s'assit, droite, le dos rigide, à peine posée sur le siège. Son tailleur-pantalon de lin beige semblait sortir tout droit du pressing. Eileen Winchester était toujours impeccable. Elle ne souffrait jamais du froid ni de la chaleur, ne transpirait jamais, son rouge à lèvres avait toujours le même éclat et le vent le plus violent ne parvenait pas à déranger sa coiffure : ses cheveux flottaient dans tous les sens, puis chaque mèche reprenait sa place initiale... Sa distinction, son élégance paraissaient innées, au même titre que le bleu glacial de ses yeux, qui considéraient les moins favorisés sans aucune compréhension, aucune indulgence.
-­ «Boire» ne s'applique pas seulement à l'alcool, dit Amy, je t'offrais du café.
Déjà publié par les Presses de la Cité en 2000, dans la collection Grands Romans.