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Beverly Jenkins - Auteur à l'honneur

Les Romantiques - 28/02/2018

Avec la parution chez J’ai lu pour elle en janvier du roman Le droit de t’aimer (Forbidden), Beverly Jenkins, originaire de Detroit, signe son grand retour en France après treize ans d’absence. Nous avons décidé de lui consacrer un article, en tant que pionnière de la romance historique afro-américaine. Nous remercions également Beverly pour sa participation à cet article.

Avant de revenir sur son parcours, je tiens à préciser que je n’ai jamais vraiment aimé le terme afro-américain. Et j’ai réalisé en faisant mes recherches qu’elle non plus. Voici ce qu’elle déclare dans une interview pour le site Happy ever after en 2016: « Avon fait un super travail d’édition et de marketing pour moi, mais d’autres auteurs de couleur ont des difficultés à être découvertes par nos lectrices, parce que leurs livres ne sont pas mis en marché ou vendus comme des romances. L’afroaméricain n’est pas un genre. Leurs livres devraient se trouver dans la section romance. » Cependant, je suis obligée d’insister sur le fait qu’elle est bel et bien une pionnière de la multiculturalité dans la romance historique, car c’est grâce à sa persévérance que les mentalités ont évolué à ce sujet. Pour cela, je lui dis bravo.

Beverly Jenkins a toujours aimé lire. Elle dit volontiers que c’est la faute de sa mère qui, je cite, lui lisait des histoires quand elle était enceinte, ce que les femmes ne faisaient pas dans les années 1950. Par conséquent, pour elle il est logique qu’elle dévore des livres depuis qu’elle a appris à lire. Elle découvre la bibliothèque quand elle a six ans, et par la même occasion sa vocation. Elle décide dès lors qu’elle sera un jour bibliothécaire. Avec la découverte des livres arrivent les premiers essais d’écriture, des poèmes ou des histoires courtes, mais juste pour le plaisir. Elle préfère largement lire et, à l’âge de quatorze ans, elle avait lu tous les livres de sa bibliothèque. Elle y découvre d’ailleurs l’auteur Victoria Holt. Plus tard elle va lire le livre qui la fait définitivement basculer dans le monde de la romance… l’inoubliable The flame and the flower de Kathleen E. Woodiwiss (Quand l’ouragan s’apaise - J’ai lu pour elle 2013).

Elle commence à écrire des histoires plus longues, toujours pour le plaisir. Elle écrit d’abord un romantic suspense, qui est encore caché dans ses tiroirs. Ensuite elle commence une romance historique. A ce moment-là, elle est bibliothécaire dans une grande société pharmaceutique et, lorsqu’une de ses collègues est publiée, elle n’hésite pas à lui montrer son travail. Cette dernière l’encourage à persévérer et à le faire publier. Beverly termine alors le manuscrit, puis prend un agent. Elle met toutefois deux ans avant de trouver un éditeur, qui sera Avon. C’est l’éditrice Ellen Edwards qui choisit de lui donner une chance, et pour cela Beverly lui sera éternellement reconnaissante.

Ainsi, en 1994 sort la première romance historique avec des héros noirs, Night song (non traduit). Même si Avon a misé sur elle, et que son livre a rencontré un beau succès, cela n’a quand même pas été facile à cette époque. « C’était quelque peu solitaire » dit-elle au site Shondaland. « Heureusement, j’avais un super éditeur, mais aller à des évènements était étrange. La plupart du temps, comme j’aime bien le dire, j’étais la seule pépite de chocolat sur le gâteau. Je ne m’occupais pas des haineux, ou de ceux qui avaient un problème avec le fait que je sois dans la même pièce ou la même conférence qu’eux. J’ai choisi d’accepter qui j’étais et ce que je faisais, de garder la tête dans le guidon et de continuer à écrire, en espérant que tout cela change. Mais c’était solitaire dans le sens où j’étais la seule. Il y avait des femmes super qui écrivaient du contemporain [romance] pour Kensington ou Arabesque, comme Brenda Jackson ou Donna Hill ou Francis Ray. Mais j’étais la seule à écrire de l’historique – ce qui, dans un sens, était bien parce que j’ai en quelque sorte créé ma propre niche. » Pendant une vingtaine d’années, elle sera la seule à écrire sur des personnages noirs dans ce sous-genre.

De manière générale, elle peut aussi bien être inspirée par ses différentes recherches historiques que par ses lectrices, lorsqu’elles demandent une histoire sur l’un ou l’autre de ses personnages secondaires. Elle sort environ deux livres par an, car l’écriture lui prend six mois et elle travaille sur un seul projet à la fois. Elle n’a qu’un rituel, qu’elle ne s’explique pas mais suit scrupuleusement : « Quand je peux voir la lumière au bout du tunnel, à la fin d’une histoire, je dois déplacer l’ordinateur du bureau vers ma chambre à coucher pour atteindre la dernière ligne. Je ne sais pas pourquoi j’ai besoin de ce changement de lieu, mais je rassemble mes affaires et je traverse le couloir. »

L’un des éléments que les lectrices adorent chez Beverly, c’est la profondeur historique, qui se mélange parfaitement à la romance. Parler de personnages noirs lui est venu naturellement, non parce qu’elle voulait se démarquer, mais parce que c’est une population qui lui parle, historiquement mais aussi personnellement. On peut dire que c’est donc par hasard qu’elle est devenue le modèle de beaucoup d’auteurs et de lectrices. Beverly adore parler de ces personnes noires américaines oubliées, qui ont pourtant fait la différence. Elle explique qu’elle a eu de la chance d’avoir été à l’école dans les années 60-70, époque où a eu lieu le rétablissement de la vérité sur le rôle des noirs dans l’Histoire. Par la suite elle a travaillé dans des bibliothèques, ce qui lui a permis d’approfondir ses recherches sur le sujet beaucoup plus facilement.

Le plus difficile pour elle, quand elle écrit sur l’histoire des noirs américains ? « J’ai envie de mettre TOUS les éléments historiques que je trouve dans l’intrigue. Ecrire une histoire n’est pas un problème, parce que même si mes ancêtres ont eu à faire face aux terribles barrières instituées par l’Amérique, ils sont quand même tombés amoureux, se sont mariés, ont eu des enfants et célébré leurs accomplissements. Je me retrouve tellement immergée dans les faits historiques que je veux partager tout ce que j’ai découvert pendant mes recherches. Mais je me redis que je suis en train d’écrire un roman, pas un livre d’histoire. »

C’est l’une des raisons qui expliquent pourquoi Beverly fait partie de ces auteurs qui croient fermement que la romance sert aussi à éduquer. Voir notre dossier sur La romance, la lectrice et les autres de décembre 2017, où 44% de lectrices disaient que le genre servait aussi à ça. Ainsi que le dossier sur La romance en Afrique en octobre 2017, où les éditeurs et auteurs africains disent oeuvrer pour éduquer et faire changer les comportements et les mentalités grâce à la romance.

Quant à Beverly, voici ce qu’elle en pense : « Quand vous éduquez une femme, vous éduquez une race. Donc ces femmes afro-américaines, blanches, d’origine chinoise et asiatique, qui lisent ces livres, sont capables de partager [ces histoires] avec leurs enfants et leurs petits-enfants. Et cela change leur vie parce que les enfants ne peuvent pas être ce qu’ils ne peuvent pas voir. Connaître cette histoire leur donne une fierté qu’ils n’avaient peut-être pas avant, parce qu’ils étaient plus que simplement ces gens qui posaient des rails, ou que des esclaves, ou que la clandestinité dans laquelle l’histoire a relégué la population de couleur. J’appelle cela l’ouverture. »

Beverly n’écrit pas seulement de la romance historique, elle a également publié du romantic suspense, notamment avec sa série Edge, du YA historique (Belle and the Beau, Josephine and the soldier) et du roman féminin avec sa longue série Blessings, qu’elle a commencée en 2009 et dont elle sort un roman chaque année. Le prochain est prévu pour août 2018. Elle a aussi le projet d’adapter l’un de ses romantic suspenses, Deadly sexy, en film. Elle demande pour cela un financement participatif. Pour plus d’informations, c’est par ici : https://www.gofundme.com/DSTheMovie

A ce jour, Beverly a publié plus d’une trentaine de livres. Quand elle n’écrit pas, elle s’occupe de son jardin, dort et essaie de faire diminuer sa PAL, ce qu’elle n’a pas beaucoup le temps de faire quand elle écrit. Comme elle le dit si bien, « l’un des désavantages d’être un auteur publié, c’est que je ne peux pas lire pour le plaisir autant que je le voudrais. » Elle a une très grande communauté de fans, que ce soit sur les réseaux sociaux ou dans la vraie vie, ce que nous avons pu constater en visionnant le documentaire Love between the covers. Beverly explique qu’elle adore rester en contact avec ses lectrices, parler de tout ce qui l’intéresse en général. Deux fois par mois, lectrices et auteur se réunissent pour parler de ses livres.

En France, deux romans ont été traduits chez J’ai lu pour elle : Before the dawn (La métisse de Denver - 2003) et A chance at love (Celle qu’on n’attendait pas - 2004).

L’avis de Brettyg au sujet de La métisse de Denver : « A la recherche d’histoires avec ce type de héros/héroïne, je n’ai pas été déçue... j’ai été très surprise de lire une romance, certes avec des personnages noirs, mais en plus à une époque pas drôle pour eux (l’esclavage vient juste d’être aboli). Une romance à cette époque, c’est risqué, et pourtant c’est bien mené. J’ai trouvé l’intrigue captivante, l’histoire d’amour assez prenante et toute l’histoire rondement menée... Vraiment un bon moment ! »

 

 

L’avis de Lys sur Celle qu’on n’attendait pas : « Ce bouquin est frais, drôle et se lit très facilement. Les personnages sont vivants (les héros et tous les personnages secondaires). J’ai beaucoup aimé Loreli qui, même si elle est indépendante, n’en est pas moins sensible. Cela nous change des héroïnes indépendantes mais qui sont des girouettes et des têtes à claques du genre «je t’aime, je te hais» toutes les dix minutes ! »

 

Le droit de t’aimer vient compléter ces deux titres. « La série Old West a été inspirée par mes lectrices. Rhine Fontaine, le héros du premier tome, Forbidden, était un personnage secondaire dans un livre que j’ai écrit il y a près de dix ans, intitulé Through the storm. Depuis sa publication les lectrices me suppliaient d’écrire son histoire. Le résultat est la série Old West. C’est une trilogie et le dernier tome, Tempest, est sorti le 30 janvier 2018. »

En 2017, Beverly Jenkins remporte ce qui est considéré comme le nec plus ultra pour un auteur : le Nora Roberts Lifetime Achievement Award. « Etre la descendante d’un peuple qui, par la loi, avait interdiction d’accéder à la chose écrite et recevoir une telle récompense était une reconnaissance de tout ce que mes ancêtres ont fait pour moi. C’était une émotion incroyable », nous dit-elle.

Et ce qui est le plus important de tout : elle n’est plus seulement considérée comme un auteur de romance historique afroaméricaine, mais un auteur de romance, tout simplement. Cela ne l’empêche pas de continuer à oeuvrer pour la promotion de la romance multiculturelle. Son message pour les lectrices qui disent qu’elles n’en lisent pas parce qu’elles ne peuvent pas s’identifier aux personnages : « Vous pouvez vous identifier aux changeformes, vous pouvez vous identifier aux vampires, vous pouvez vous identifier aux loups-garous, mais vous ne pouvez pas vous identifier à une histoire écrite par et au sujet d’Américains noirs ? »

Fabiola

Source :
http://www.beverlyjenkins.net/web/
http://happyeverafter.usatoday.com/2016/06/08/madeline-hunter-interviews-beverly-jenkins-forbidden/
http://www.shondaland.com/inspire/books/a12821649/beverly-jenkins-romance-interview/
https://www.npr.org/2015/07/29/427416512/beverly-jenkins-wraps-bitter-history-in-sweet-romance
https://pictorial.jezebel.com/talking-black-history-and-love-stories-with-romance-wri-1755218569
http://contemporaryromance.org/2015/07/interview-with-beverly-jenkins/

 

La page de l'auteur : http://www.lesromantiques.com/?u=1437/Beverly-Jenkins

 

Gros plan

Indigo
non traduit, publié en 1996, un classique

 

Enfant, Hester Wyatt a échappé à l’esclavage, mais maintenant cette beauté noire est membre du chemin de fer souterrain du Michigan, offrant à d’autres fugitifs une chance d’obtenir la liberté qu’elle a appris à aimer. Quand l’un de ces « conducteurs » lui amène un homme blessé qu’il faut cacher, Hester n’hésite pas, même après qu’on lui a parlé de la prime offerte pour sa capture. L’homme en question est le grand conducteur connu sous le nom de « Black Daniel », un membre vital du réseau du chemin de fer souterrain du nord, mais Hester le trouve si grossier et arrogant qu’elle commence à se poser des questions sur le serment qu’elle a fait de le cacher.
Quand, blessé et battu, Galen Vachon, alias le Black Daniel, se réveille dans la cave d’Hester, il n’est pas préparé à la rencontre avec cette jeune conductrice fougueuse qui lui prodigue des soins. En tant que membre de l’une des plus riches familles noires libres de la Nouvelle Orléans, Galen s’est détourné de la vie opulente à laquelle il était habitué afin d’offrir la liberté à ceux qui sont esclaves dans le sud. Cependant, au fur et à mesure qu’il guérit, il ne peut envisager d’abandonner Hester Wyatt. Son innocence le remplit comme un souffle d’air pur, et il est déterminé à la faire sienne. Mais les traitres doivent être démasqués, les chasseurs d’esclave mis en déroute, et le refus d’Hester de faire confiance à son propre coeur doit être vaincu avant qu’elle et Galen ne trouvent la liberté que seul l’amour peut apporter.

 

Ce qu’en dit Beverly : « A cause de la culture dominante et de ce qui est défini comme la beauté, vous avez rarement, voire jamais, une femme à la peau très noire comme héroïne d’une histoire d’amour. Et Hester est une femme à la peau très, très noire. Et elle a les mains violettes, à force d’avoir travaillé la teinture indigo quand elle était petite : cela a taché ses mains et ses pieds. Ce qui était une chose normale pour les gens qui travaillaient sur les plantations en Caroline du Sud et sur les côtes de Géorgie. En fait, Julie Dash a fait un super film, Daughters of the dust, qui m’a donné l’idée pour le livre. Donc j’ai écrit ce livre et participé à des séances de dédicaces, et les femmes noires pleuraient. Elles disaient qu’elles n’avaient jamais été décrites comme belles. Et elles pleuraient, et je pleurais, et tout le monde pleurait dans la file d’attente. C’était l’expérience la plus émouvante que j’aie jamais vécue. Et donc j’ai su que j’avais fait une bonne chose. Mais je ne l’ai pas fait avec ça en tête. Hester m’est venue comme elle était – une femme à la peau très noire. Donc je ne savais pas ce qui allait se passer. Ensuite, quand j’y ai repensé, bien sûr que ces femmes avaient raison. Mais c’est toujours un super livre. Et comme je le dis, les gens le découvrent encore et en sont toujours émus. Et Galen est un héros incroyable. J’ai créé les « gens de couleur », les hommes noirs Français libres de Louisiane. »

 

Quatre questions à Beverly Jenkins

1 – Comment trouvez-vous l’évolution de la romance, et particulièrement la romance Afro-américaine ?
La romance est le leader en perpétuelle évolution de la fiction populaire. Nous ouvrons la voie en offrant aux femmes des livres qui leur permettent de prendre le pouvoir sur leur propre sexualité. Les romances sont des histoires de femmes centrées sur l’espoir et l’émancipation, où ce qu’ELLE veut, ce dont ELLE rêve, est important. Maintenant que l’industrie de la romance a ouvert ses portes à tous les aspects de la société américaine, y compris l’afro-américain et le LGBT, elle commence à refléter ce qu’est la vraie société américaine. Le consentement est également un thème important.

2 – Quel est votre livre préféré ?
Dune de Frank Herbert, un classique de la science-fiction. Je suis une grande lectrice de science-fiction et de fantasy.

3 – Sur quoi travaillez-vous en ce moment ?
Sur le neuvième tome de ma série Blessings (NDLR : celui prévu en août). Ensuite je vais commencer une nouvelle série historique, mais à l’heure actuelle je n’ai pas la moindre idée de ce dont elle va parler.

4 – Beaucoup de lectrices françaises vont découvrir votre travail pour la première fois, grâce à J’ai lu. Que souhaitez-vous dire à ces personnes ?
Aux lectrices françaises qui vont lire mon livre, je dis tout d’abord : merci. Je dis aussi que l’histoire est vraie, et vous ne trouverez pas de stéréotypes chez mes personnages, qui sont profondément développés. Ce que vous trouverez c’est une magnifique histoire d’amour, racontée sous un angle qui sera peut-être nouveau pour vous.


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