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Le roman-photo

Rinou - 31/01/2018

Qu’est-ce que le roman-photo ? Selon le CNRTL, il s’agit d’une « histoire entre plusieurs personnages, généralement d’un romanesque convenu, mélodramatique, racontée dans une succession de photographies évocatrices, explicitées par des dialogues et des commentaires brefs (bulles et légendes) et publiée dans des magazines populaires. »

Le « fotoromanzo », mélange de bande dessinée, de cinéma et de photographie, a vu le jour en Italie au sortir de la seconde guerre mondiale.

En 1946 parait d’abord la revue Grand Hotel, hebdomadaire contenant des histoires d’amour dessinées, destinées à un public féminin. L’année suivante paraissait la revue Il mio sogno, où des photos remplaçaient les dessins dans deux histoires par numéro. Le même mois était publié Bolero Film, constitué d’une histoire à épisodes qui mettait en scène des acteurs, afin d’attirer le public grâce à des visages connus. C’est ce journal qui fut le premier à utiliser le nom « fotoromanzo » pour désigner ce nouveau genre.

Le fotoromanzo a connu un succès quasi immédiat. Les journaux étaient vendus à des prix assez bas, et les histoires reprenaient les codes romantiques des films en vogue à l’époque, avec des héroïnes le plus souvent pauvres mais déterminées et dévouées. Liala, auteur italienne de romans d’amour, collabora à des romans-photos titrés « Les confidences de Liala ». De nombreux acteurs débutants apparurent dans les vignettes des romans-photos, comme Sophia Loren ou Gina Lollobrigida, ou à l’inverse seront choisis entre ces pages pour être lancés au cinéma. Et lorsque les magazines n’obtenaient pas les droits des films, des histoires étrangement similaires, avec des modèles ressemblant aux acteurs d’origine, étaient publiées sous des titres totalement différents.

Peu à peu le roman-photo se tourna également vers le suspense et le policier, avec Killing comme titre le plus connu (paru en France sous le nom Satanik, il fut censuré après seulement 19 épisodes car très violent). Et des livres pratiques comme Comment faire un roman-photo, publié en 1956, firent leur apparition.

En Amérique du sud, le roman-photo a également connu un succès fulgurant, d’abord en Argentine puis dans le reste du continent, sous le nom fotonovela. Dans les années 60 il y avait plus d’une trentaine de publications de romans-photos en Amérique latine, que ce soit des adaptations de films ou des histoires inventées pour l’occasion. A noter que les romans-photos policiers y avaient beaucoup de succès, en particulier Kiling (l’italien qui avait perdu un L en traversant l’Antlantique) entièrement refait et poursuivi.

En Amérique du nord le roman-photo a connu le succès au début des années 60 grâce au magazine Help! qui présentait des histoires humoristiques. Dans les années 70 des collections de livres de poche, appelés fotonovels ou photostories, furent publiées, adaptant des films ou des séries télé. A noter
que la popularité du genre au sein de la communauté hispanophone nord américaine donna l’idée aux organismes de santé publique de créer des feuillets informatifs sur le modèle des romansphotos, dans l’espoir de passer plus facilement les messages importants des campagnes de prévention.

Au Royaume-Uni, les romans-photos étaient fréquemment publiés même dans les journaux. On en trouvait aussi dans les magazines pour filles (Jackie étant le plus connu), et pour garçons (Eagle fut même relancé avec des « photo strips » de science-fiction comme Doomlord, mais sans trop de succès).

En France le roman-photo apparut dès 1950, d’abord dans le magazine Festival, puis dans l'hebdomadaire Nous Deux. Tout comme en Italie, les célébrités prêtaient leur visage aux personnages des histoires. A une époque où la télévision n’existait pas, paraître dans ces publications était un bon moyen de se faire connaître. Là encore l’histoire d’amour était prépondérante, même si elle pouvait être assaisonnée de suspense. Le genre était si populaire qu’on estime qu’un Français sur trois lisait des romans-photos à cette époque – les femmes en majorité. Le public féminin adorait ces histoires d’amour qui finissent bien, des grandes romances racontées image après image. En 1972 parut pour la première fois le magazine Amina, dirigé plus spécifiquement vers les femmes africaines et antillaises, qui comportait un roman-photo au milieu de nombreuses rubriques. A noter également que le magazine Hara-Kiri, ancêtre de Charlie Hebdo créé dans les années 60, présentait aussi des romansphotos satiriques et/ou érotiques. Coluche y fit de nombreuses apparitions. Il y eut aussi une série de publications érotiques dans les années 70, comme Supersex ou Satanik.

A noter que beaucoup d’autres pays ont été pris par la fièvre du roman-photo mais il a été quasi impossible de trouver des informations utilisables pour cet article, dommage.

Dans le livre Comment faire un roman-photo (Ennio Jacobelli, 1956), on apprend qu’il existe deux types de roman-photo: le premier suit le modèle des revues spécialisées de la presse du coeur, le second, à vocation documentaire, peut servir un but touristique, artistique, industriel ou didactique. On voit aussi que le romanphoto a de nombreux points communs avec le cinéma : scénario, casting, tournage, montage, et distribution. La mise en scène est très importante, et le livre insiste sur les thématiques comme la rencontre amoureuse, les poses, et les lieux d’action typiques comme le sofa ou le tram. L’accent doit porter sur les personnages et leurs émotions.

Véritable phénomène dans la société de l’après-guerre, le roman-photo est encore maintenant un genre méprisé, snobé, car il parle essentiellement « d’histoires à l’eau de rose » - ça vous rappelle quelque chose ? Mêmes thèmes, même accueil. J’ai même vu écrit « Nous Deux, équivalent visuel des publications Harlequin » dans un article assassinant le côté romance des romans-photos. En réalité, d’après une sociologue ayant participé à une exposition qui a lieu en ce moment à Marseille, le roman-photo va remettre en cause le mariage classique des années 60 : “ Cette société, qui était en train de chercher de nouvelles formes, de réorganiser le couple et la sexualité, a soudain considéré que l’amour était prisonnier et que rien ne pouvait être plus beau que de le libérer. Le romanphoto a donc activement participé à cet immense mouvement de remise en cause du mariage bourgeois avec les féministes, les sexologues, le planning familial, les intellectuels.

Néanmoins se replonger dans ces vignettes permet aussi de voir l’évolution de la société : mode, moeurs, appareils ménagers ou encore voitures, tout ça apparaît et change au fil des années et des publications.

La vulgarisation de la télévision dans la plupart des foyers dans les années 80 sonna le déclin des publications dans tous les pays. En France, les magazines Nous Deux et Amina sont, eux, toujours publiés à l’heure actuelle. A noter que chez nous aussi certaines campagnes de prévention lancées de temps en temps se basent sur le principe du roman-photo, comme cet épisode d’Amour Gloire et Santé sur les dangers du monoxyde de carbone : http://inpes.santepubliquefrance.fr/CFESBases/catalogue/pdf/1672.pdf

Internet a permis un nouvel essor des romans-photos : des séries de webcomics comme Night zero ou Alien loves predator ont été créées à la fin des années 2000, avec beaucoup de succès. Les éditions Blabla, entre 2012 et 2016, ont tenté l’expérience du roman-photo numérique, le renommant photo-roman, et proposant des romances érotiques, des adaptations de courts-métrages ou des ateliers théâtraux. Il faut citer aussi les Éditions FLBLB, créées en 2002, qui publient « bandes dessinées, romans-photos, flip-books, textes illustrés, avec un goût prononcé pour le récit (mais pas que), la dérision et l’humour (mais pas que), l’histoire et le documentaire (mais pas que), en tout cas toujours en lien avec le monde si beau dans lequel on vit (mais pas que). »

De plus, des logiciels comme Comic life, qui permettent d’ajouter des bulles sur les photos personnelles pour les incorporer dans des BD, ont relancé un

intérêt ludique, mais sans doute anecdotique, pour le format.

 

Si ça vous intéresse et que vous êtes dans le coin, vous pourrez retrouver l’exposition sur le roman-photo du 13 décembre 2017 au 23 avril 2018 au Musée des civilisations de l’Europe et de la Méditerranée à Marseille, exposition d’autant plus intéressante que la plupart des maisons d’édition et imprimeurs n’ont quasiment pas gardé d’exemplaires de leurs publications.

 

Rinou

 

Sources :

https://it.wikipedia.org/wiki/Fotoromanzo

http://www.mucem.org/programme/exposition-et-temps-forts/roman-photo

http://www.arabeschi.it/le-roman-photo-images-dune-histoire-/

http://mobile.lesinrocks.com/2018/01/03/style/artydecale-et-feministe-le-roman-photo-comme-vous-ne-lavez-jamais-vu-111028367/

 


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