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La romance, les lectrices et les autres

Les Romantiques - 08/01/2018

Les articles sur la bienveillance entre lecteurs, sur l’élitisme culturel dans la littérature qu’il faut abattre, sur la liberté d’apprécier un genre sans devoir se justifier... pullulent depuis quelque temps sur internet et particulièrement dans la blogosphère.

Est-ce un besoin de militantisme, face au despotisme des lecteurs ou non lecteurs (ceux-là sont certainement les plus terribles) qui portent des jugements ?

Dans ce contexte, le quotidien des lectrices de romance est particulièrement compliqué. Toutes ont entendu un jour des phrases toutes faites, de la simple affirmation condescendante à la remarque pleine de mépris, en passant par la pique acerbe. Pourquoi ? Parce que la romance, bien que très loin de ses balbutiements, est la cible préférée des critiques en quête de littérature dite noble. Elle est une cible de choix, comme la bande dessinée, le polar et la science-fiction en leur temps. Jusqu’à l’arrivée de la prochaine cible.

En attendant nous avons décidé de la défendre, une fois de plus. Nous avons choisi de nous intéresser aux différents clichés qui lui collent à la peau, pour les interroger et pourquoi pas les renverser. Pour cela, nous avons fait appel à vous, lectrices, lecteurs de romance, nous avons recueilli vos impressions, vos témoignages, vos expériences via un questionnaire dense, auquel vous avez été 267 à répondre. Mais, avant de nous intéresser à vos retours, et donc de dresser une image de la romance à travers le regard de ses lectrices, intéressons-nous aux chiffres de ce marché éditorial en expansion, histoire de démontrer aux détracteurs du genre que la romance, ce n’est pas juste une affaire de coeur, c’est plus que ça, c’est une affaire de gros sous !

 

Marché éditorial : La romance en chiffres

Lors de la rentrée littéraire 2017, ce ne sont pas moins de 581 romans qui sont sortis entre la mi-août et la fin octobre en littérature générale, contre 290 dits sentimentaux/érotiques (sans compter les publications numériques et les petites maisons d’édition qui ne passent pas par les circuits de distribution traditionnels). Près de la moitié ! Ce n’est pas mal pour un sous-genre, non ?
C’est même encore mieux, parce que ce chiffre n’est pas exceptionnellement lié à la rentrée littéraire ! En effet, entre le 1er novembre et le 31 décembre, ce sont près de 203 titres qui seront publiés, toujours sans compter les publications numériques ou les petits éditeurs.
Quand on parle du marché de la romance, les éditeurs sont d’accord sur un mot pour le décrire : dynamique ! Il faut reconnaître que, depuis le succès planétaire de Fifty shades of Grey, le genre s’offre une nouvelle jeunesse, un nouveau public, mais aussi un décloisonnement avec notamment une présence massive dans les rayons de nos librairies préférées, des mises en avant sur leurs fameuses tables de présentation et l’organisation de dédicaces d’auteurs dans leurs prestigieux programmes. Bonus : alors que le genre s’est toujours vendu en poche, dorénavant le grand format (ou encore le semi-poche) remporte tout autant de succès. Les circuits de vente cohabitent.

Après une année 2015 exceptionnelle, où la part du grand format dans les ventes de livres de romance avait atteint 34,6 %, le poche retrouve ses positions traditionnelles dans ce secteur, avec trois livres vendus sur quatre. (Source : LivresHebdo)

Et cela rien que pour la production papier !

En numérique, le genre est d’une vitalité redoutable : «Milady approche les 50 % de ventes numériques pour certains titres, le chiffre d’affaires de la majorité des collections se situe plutôt autour de 20 % - contre environ 3 % pour l’édition grand public.» (Chiffre 2015)

Comédie romantique, romance contemporaine, new adult, dark romance... la romance est un secteur en mouvement perpétuel, un genre en pleine mutation. Et même plus, le genre a pris un virage stratégique. Les éditeurs spécialisés (ou qui disposent d’une collection de romance) se multiplient. Pour le moment les traductions sont davantage plébiscitées par les lectrices, toutefois certains auteurs français s’imposent tout doucement, mais sûrement, dans le paysage. En attendant, désormais les traductions font partie des meilleures ventes du New York Times, des livres plébiscités sur Goodreads, notamment par les Goodreads choice awards, et des romans récompensés aux RITA awards. Ces titres s’arrachent aux enchères entre éditeurs. Un bestseller en cache un autre, un phénomène éditorial en remplace un autre, pour le plus grand plaisir de tous.

Bien que le genre soit porteur, certains professionnels de la chaîne du livre et de la presse continuent à parler de la romance avec beaucoup de condescendance, pour ne pas dire avec mépris. Eh oui, comment qualifier autrement les propos de ceux qui en parlent comme du mommy porn, après l’avoir appelée pendant des années roman à l’eau de rose ?

C’est dans ce contexte que les communautés de lectrices de romance se sont soudées sur l’internet, pour partager sans jugement. C’est d’ailleurs à ces mêmes communautés que nous avons décidé de poser des questions, pour prendre leur pouls.

 

Image de la romance : Retour d’expérience


Elles/ils sont 258 lectrices/lecteurs de romance à avoir répondu à notre enquête «La romance, vous et les autres». Ces 258 personnes représentent un panel aussi varié qu’intéressant : des lectrices (251), des lecteurs (2) et des gender fluids, autrement dit qui avaient coché la case Autre à cette question (3). Tous les groupes d’âge étaient représentés, avec une grande part de personnes entre 30 - 39 ans (38.8% soit 100 personnes) suivies de très près par le groupe des 20 - 29 ans avec 33.3% soit 86 personnes.

Comme le roman policier, la romance est un véritable genre littéraire avec des codes précis. Tous les lecteurs n’ont pas forcément ces codes en tête, ainsi certains romans sont associés au genre, alors qu’ils ne correspondent pas tout à fait à ses codes. C’est le cas par exemple de Roméo et Juliette, une belle et tragique histoire d’amour, qui n’est pourtant pas du tout une romance.

Pour jauger les personnes qui ont pris le temps de répondre à notre questionnaire, et ainsi affiner le panel des répondants pour une meilleure exploitation des résultats, nous avons posé des questions test et par extension des questions filtrantes. Ainsi, lorsque nous vous avons demandé «Quelle est selon vous la romance qui est surestimée et celle qui au contraire est sous-estimée», loin de nous l’idée de lyncher tel ou tel titre, ou au contraire de porter aux nues tel ou tel auteur. D’ailleurs, ces réponses ne seront jamais dévoilées. Cette question a perturbé beaucoup de participants, il était important pour nous de clarifier les choses avant d’entrer dans le vif du sujet.

1 - La romance

Pour être certaines de parler la même langue tout au long de cette enquête, nous avons placé des questions qui faisaient office de test. Ainsi, nous avons demandé : «Pour découvrir la romance, vous recommandez de commencer par quel titre ?», «Quel est votre classique de la romance ?», «Quels sont vos auteurs favoris ?», «Avez-vous les éditeurs favoris ? Des collections ?» et enfin «Quels sont les ingrédients d’une bonne romance selon vous (personnage, scénario, les faux-pas à éviter) ?». Les réponses à ces questions, bien que très, très intéressantes, ne seront pas exploitées dans cet article, parce qu’elles sont trop nombreuses. Mais nous envisageons d’en parler dans un prochain numéro.

En attendant, nous avons également demandé de définir le terme « romance » en 5 mots :
Sur les 258 questionnaires, seules 229 personnes ont pris le temps de répondre à cette question en citant 996 mots ! Le top 20 des termes les plus utilisés correspond tout à fait à la définition du mot Romance par Les Romantiques :

Amour (184), Passion (60), Rêve (52),

Sentiments (42), Émotions (41),

Happyend (34), Couple (29),

Evasion (25), Sexe (24),

Rencontre (22), Bonheur (16),

Romantisme (15), Relation (15),

Amitié (14), Sensualité (12),

Fantasme (12),

Humour (12), Ame-soeur (11),

Histoire (11), Addictif (11).

 

Quels termes qualifient le mieux la romance ?
Ensuite, nous les avons invitées à participer à un sondage autour du terme qu’elles associent ou non à la romance. Ils n’ont pas été choisis au hasard, mais piochés dans des articles de presse/de blog qui avaient pour sujet la Romance. Elles sont 256 à avoir planché sur cette question :

Fantasme : 249 OUI vs 7 NON
L’un des termes qui met tout le monde d’accord, c’est celui du fantasme. 249 personnes considèrent que la romance cohabite pleinement avec le fantasme. Libre à chacun de déterminer s’il s’agit de fantasme sexuel et/ou fantasme
romantique.

• Éducation : 114 OUI vs 134 NON
• Pédagogie : 106 OUI vs 132 NON
• Responsabilisation : 161 OUI vs 80 NON

Dans le dossier « La romance en Afrique » du webzine Les Romantiques numéro 111 - octobre 2017, des éditeurs ont été interrogés sur les objectifs de leur collection de romance, et il y avait parmi eux l’idée d’éducation : « de contribuer à l’Éducation sentimentale des lecteurs en faisant revivre des vertus comme la loyauté, la fidélité, le pardon, l’humilité, l’amour vrai… »
Dit comme ça, l’idée semble archaïque. Mais finalement, souvent les auteurs de romance utilisent leurs histoires pour nous parler de sujets sensibles, alerter les lectrices sans sembler vouloir le faire... Colleen Hoover en tête de liste, suivie de très près par Samantha Young ou encore Tamara Webber. Elles traitent de sujets compliqués (harcèlement, viol, inceste, violence conjugale) amenés avec sincérité, sans pathos, sans fioritures. Loin d’elles l’idée d’être manichéennes, moralisatrices ou justicières. Elles abordent un sujet et laissent aux lectrices le soin de tirer les conclusions qu’elles estiment les plus justes.
Moins subtilement, certains auteurs manifestent clairement leur intention de faire entrer des réflexes dans les moeurs et les habitudes des lectrices. Notamment le groupe d’auteurs, de lecteurs et d’éditeurs regroupés autour du projet « we need more safe sex books », soutenant l’idée de ne pas invisibiliser dans les livres la nécessité de se protéger dans ses pratiques sexuelles.

• Égalité homme/ femme : 204 OUI vs 47 NON
• Émancipation : 186 OUI vs 61 NON
• Féminisme : 183 OUI vs 66 NON
• Militantisme : 76 OUI vs 159 NON
• Rétrograde : 36 OUI vs 203 NON

Pour illustrer cette partie, je vous renvoie au dossier de Rinou, « Féminisme et Romance », dans le numéro 84 du webzine Les Romantiques, de mars 2015 :
« Dans un article paru sur le site Heroes and heartbreakers, Isabel Farhi, petite-fille d’une des fondatrices du mouvement féministe américain, est plus modérée : Je dirais que la Romance véhicule essentiellement un message féministe. Notez que je parle là du féminisme qui permet d’échapper au mythe de la femme au foyer, d’apprendre à se définir autrement que par rapport à son mari/amant. Parce que les romances mettent souvent en avant le compromis, de la part de la femme comme de celle de l’homme.
Ca peut ne pas être strictement féministe, dans le sens où l’héroïne finit toujours avec un homme, mais ce n’est pas parce que c’est la seule façon pour elle de s’accomplir totalement, c’est parce qu’elle l’aime. C’est cet amour qui les pousse à faire des compromis, ce qui les fait tous deux devenir meilleurs. Et je ne peux pas croire que ma grand-mère aurait affirmé que l’amour n’est pas féministe. L’amour est un grand niveleur, y compris dans la plupart des romances modernes, entre les hommes et les femmes

• Relation ultra-traditionnelle : 124 OUI vs 120 NON

C’est LE terme qui divise le groupe. C’est d’ailleurs assez surprenant. Là aussi, je reprends les mots de Jackie C. Horne du site Romance Novels for Feminists, traduits par Rinou :
« Traditionnellement la romance en tant que genre se caractérise par son hétéronormativité (la croyance selon laquelle la seule fin convenable voit un homme et une femme aboutir à une relation sérieuse, le plus souvent avec mariage ou fiançailles). La publication de romances gays, lesbiennes, bisexuelles ou transsexuelles au cours de la dernière décennie suggère que le genre n’est pas hétérosexuel en soi, mais à l’exception de la romance érotique, il prend toujours l’hétérogamie comme norme. »

Je crois sincèrement que le panel des publications offre une large gamme de possibles dans la romance, les lectrices averties ont déjà pris l’habitude de regarder dans toutes les directions pour piocher les histoires dont elles ont envie, les autres vont très rapidement prendre le pli.

En parlant de tradition, nous avons ensuite demandé aux lectrices de nous citer les préjugés rattachés à la romance. Elles sont 216 à nous avoir répondu, souvent les unes font écho aux autres. Voici quelques-unes de ces phrases types, de ces affirmations condescendantes, de ces piques qui font le quotidien des lectrices de romance :

• Pour ceux qui n’en lisent pas, la romance ce sont des histoires d’amour débiles et ceux qui les lisent des personnes incultes.
• Ca n’est que pour les femmes, c’est toujours des histoires à l’eau de rose, il ne se passe jamais rien dans l’histoire.
• Ce sont des histoires pour femmes frustrées. La romance c’est de la pornographie. Ce sont toujours les mêmes histoires.
• Léger, répétitif, écrit à la chaîne, sexy, pas intello.
• Roman à l’eau de rose, de gare, mal écrit.
• C’est gnangnan.
• Pas assez réaliste, pour les midinettes, trop mielleux.
• Trop de sexe, trop de violence, manipulation de la fille...
• C’est des livres de «cul»
• Les vieux Harlequin avec des personnages masculins forts, beaux et macho et des personnages féminins niais, crédules et sans réelle personnalité.
• Lecture facile et frivole.
• Livre trop mièvre, sans réelle histoire.
• Pas de la vraie littérature.
• Lecture bas de gamme, pas assez intellectuelle.
• Une fille nunuche. Un garçon avec trop d’émotions. Une fin qu’on devine par avance.
• Un peu trop cucul.
• Niais, vulgaire.
• Ce n’est pas considéré comme de la vraie lecture.
• Ca finit toujours bien.
• Les scénarios clichés, le manque de profondeur des personnages, l’importance supposée des scènes érotiques dans le scénario.
• Les auteurs ne sont pas professionnels, la romance est un genre à part, moins de textes de qualité.
• Les scènes de sexe décrites comme si on y était... apparemment ça fait pervers !?
• On risque d’idéaliser l’amour et de se prendre pour les personnages.
• Soit cucul, soit du cul.
• Pour les romantiques et les naïfs.
• Ça parle juste d’amour, donc l’histoire est vide, creuse.
• Ce n’est pas de la culture, ça n’instruit pas
• Genre inutile, honteux, pas intellectuel.
• Les gens croient qu’on est des nymphomanes si on lit ce genre de livre.
• Ca donne une image rabaissée de la femme.
• C’est pour les personnes peu cultivées qui n’ont rien à faire de leur temps.
• Fabrication industrielle. Pas de vrais auteurs. Fait pour se masturber.

Sur les 217 réponses, 8 personnes nous ont tout de même dit qu’elles ne comprenaient pas la question et qu’il n’y avait aucun préjugé associé à la romance... Eh bien, c’est peu mais tout de même : la révolution est en marche.

Enfin, pour appuyer notre question autour des préjugés, nous avons également demandé aux participants de qualifier l’image de la romance dans la chaîne du livre et dans la mentalité des gens (Très positive | Positive | plutôt négative|) :

Pour vous, quelle image a la Romance en général ?

Pour les 256 participants, alors que l’image de la romance est plutôt positive dans la chaîne du livre selon 71 personnes, elle est plutôt négative dans la mentalité des gens selon 117 personnes.

Vu le contexte dans lequel se place la romance dans l’imaginaire collectif, nous avons eu envie d’en savoir plus sur ces lectrices ponctuelles ou régulières de romance. Savoir pourquoi elles en lisent, si elles ont un intérêt pour la romance uniquement dans les romans, ou si c’est un goût plus global, quel type de romance elles affectionnent et si elles sont ouvertes à d’autres genres littéraires. Ensuite nous leur avons posé des questions pour savoir jusqu’à quel point elles «assument» de lire de la romance. Ainsi, nous nous sommes intéressées à leur rapport personnel à la romance, pour ensuite leur poser des questions sur leur rapport aux autres avec la romance.

 

2. Les lectrices et leur rapport à la romance

Rapport personnel : Avez-vous toujours lu de la romance ?

Sur les 258 personnes ayant répondu à cette question, 53.5% ont dit oui, soit 138 personnes.

Aux 120 autres, nous avons demandé quel a été le déclencheur (événement, lecture, rencontre auteur) qui les a conduites à la lecture de ce genre. Il y a autant de réponses que de lectrices. Toutefois quelques-unes se rejoignent, notamment les rencontres avec d’autres lectrices de romance et le partage de recommandations (famille, amis) ; les collections dans les médiathèques (notamment Harlequin) ; les livres offerts ; les livres achetés au hasard (notamment chez France Loisirs). La découverte de certains auteurs, Julie Garwood, Barbara Cartland, Jane Austen, Angela Morelli ; certains romans (notamment 50 nuances de Grey - cité 43 fois ! - Twilight - cité 8 fois -) ; certains sous-genres, notamment la Bit-Lit ou le M/M. Les booktubers, les lectures obligatoires à l’école.

Pourquoi lisez-vous de la romance ?

238 personnes ont eu le courage de nous répondre. Et c’est l’une des seules questions ouvertes où tant de réponses se ressemblent ! C’est d’ailleurs assez incroyable... Ainsi, on a pu découvrir que les motivations les plus partagées des lectrices de romance sont :

• L’envie de s’évader, de rêver et de se détendre.
• Le plaisir de découvrir une belle histoire d’amour et surtout la promesse d’une fin heureuse.

Avez-vous un intérêt pour la romance en-dehors de vos lectures : dans les films et les séries par exemple ?

Sur les 257 personnes qui ont répondu à cette question, 87.9%, c’est-à-dire 226, ont également un intérêt pour la romance en-dehors de leurs lectures.

Quels sous-genres de romance lisezvous ?

Voici le top 5 des retours :
· New Adult : 206
· Romance érotique : 201
· Romance contemporaine : 200
· Dark romance : 128
· Romance historique : 118

Lisez-vous d’autres genres ?

Majoritairement les lectrices de romance sont ouvertes à d’autres genres. C’est du moins ce qui ressort lorsque nous leur avons demandé si elles en lisent (habituellement ou ponctuellement). Voici le top 5 des résultats :
• Littératures de l’imaginaire (sciencefiction, fantasy, fantastique) 124
• Roman policier 103
• Littérature contemporaine 102
• Littérature classique 74
• Roman historique 63

Les personnes qui ont pris le temps de répondre à notre questionnaire sont majoritairement des lectrices de romance de longue date, qui lisent pour le plaisir de décompresser avec une lecture qui promet une fin heureuse. Cet intérêt pour la romance ne se concentre pas uniquement sur les livres, mais aussi dans les autres types de fiction... pour autant la romance n’est pas le seul genre qu’elles affectionnent, elles lisent volontiers d’autres genres.

 

Une fois le portrait des lectrices de romance dressé, nous leur avons posé des questions sur leur rapport à la romance face aux autres. Six questions pour déterminer jusqu’à quel point elles assument leurs choix de lecture.

Rapport aux autres

La première question, anodine de prime abord, annonce immédiatement la couleur : assumez-vous vos choix de lecture ?

Lisez-vous des titres de romance (couverture apparente) dans un lieu public (Bus, métro, banc...) ?

Elles sont nombreuses, celles qui lisent leur romance sans se poser de questions dans les lieux publics : 200 (tout le temps/de temps en temps) contre 57 qui ne le font jamais !

Pour aller plus loin, nous leur avons demandé de commenter leur réponse : les retours vont de l’incompréhension (Pourquoi se cacher ? / C’est MA lecture pourquoi je me cacherais ? / Je lis ce que je veux !) à la gêne, puissance intersidérale (Peur d’être jugée / Métier qui impose une retenue), en passant par le compromis (Ca dépend des couvertures (torse visible ou pas torse visible), du titre / Je cache la couverture). À noter que la liseuse permet à beaucoup de lire en toute discrétion, pour leur plus grand plaisir. Il n’est donc pas étonnant que les premières utilisatrices de ce mode de lecture aient été les lectrices de romance !

Là aussi, pour une question ouverte, vous avez été très, très nombreuses à nous répondre : Je n’ai pas honte de ce que je lis. Tout simplement.

Pour compléter cette question, nous avons demandé où elles achetaient leurs livres et où elles achetaient leurs romances. Les retours sont sensiblement les mêmes :
• En librairie : 154 (romans) vs 134 (romances)
• En grande surface : 167 (romans) vs 166 (romances)
• Sur Internet : 222 (romans) vs 230 (romances)
• En magasin d’occasion : 105 (romans) vs 106 (romances)
Dossier : La romance, les lectrices et les autres
• Par correspondance : 33 (romans) vs 32 (romances)

Les lectrices de romance sont globalement plutôt ouvertes au sujet de leurs lectures visà-vis d’inconnus, mais qu’en est-il de leur entourage ?

Votre entourage sait-il que vous lisez de la romance ?
Le oui l’emporte à 96.1%, soit 248 personnes.

Ensuite nous avons demandé quel type de retours elles avaient eu :
• Avez-vous eu des remarques positives sur le fait de lire de la romance ?
113 OUI vs 134 NON
• Avez-vous eu des remarques négatives sur le fait de lire de la romance ?
108 OUI vs 136 NON

Pour aller plus loin, nous leur avons demandé quel type de remarques elles avaient entendu. L’objectif était clairement d’aller à la pêche aux remarques positives, puisque nous avons déjà évoqué les clichés. Aussi, au moment de dépouiller les réponses, nous avions en tête de faire un tableau des retours positifs et négatifs pour cette question.
Malheureusement nous constatons que les clichés sont de retour, et les remarques positives ne le sont pas tant que ça et sont même plutôt insidieuses (notamment le fameux «au moins tu lis»).

• « C’est toi qui lis ça» de la part d’une collègue qui ne lit pas...
• Encore du cul !!
• Mais c’est pas de la culture. C’est pas la vraie vie. Mais ça t’apporte quoi ?...
• Mais pourquoi tu lis cette merde ?
• Tu lis des trucs de fille prépubères.
• Ça peut donner des idées ! (Remarque d’un homme).
• Ce n’est pas très intelligent (Collègues).
• Au moins ça finit bien et c’est positif.
• Au moins tu lis des livres.
• C’est des pervers qui lisent ça.
• C’est chouette de lire! Ça fait rêver la romance. Tu lis des romans à l’eau de rose, j’ai sûrement des vieux Harlequin... Ah tu lis des livres pornos...
• C’est moderne, ça représente une femme libérée et qui s’assume.
• C’est très léger, tu ne lis pas de vrais livres ?
• C’est trop cucul ou mal écrit pour le négatif et ça se lit bien pour le positif.
• Ça permet de développer ses sentiments et de sortir de la réalité.
• Ça structure les idées.
• Ça permet quelquefois de s’identifier aux personnages.
• Ça rend heureux.
• Certaines lectrices sont venues vers moi pour me dire qu’elles aussi lisaient de la romance et nous avons partagé un bon moment en discutant de nos goûts et lectures en cours.
• Comme n’importe quel livre, ça ouvre l´esprit sur plein de choses.
• En fait, on me répète qu’il est bien de lire, peu importe le genre.
• Et sinon, tu lis quoi d’autre de plus intéressant ?
• Facile à trouver, lecture intéressante, prix raisonnable.
• Ah, toi aussi ! Ca fait rêver.
• Il y a mieux comme lecture ! Oh tu lis des livres pornos. Ben dis donc ma cochonne...
• La romance est faite pour les femmes célibataires.
• Lecture «débilitante». Toujours la même fin, pas d’originalité ni de surprise.
• Les gens trouvent ça drôle ou pensent que je suis trop fleur bleue.
• Lire des lectures «roses», et dédaigner la vraie littérature.
• Mes proches ou amis sont très ouverts d’esprit, il n’y a pas de tabou, ma mère en lit aussi, on commente nos ressentis et ça nous rapproche.
• Mon fiancé se moque de temps en temps en me demandant si je fantasme avec l’histoire d’amour que je lis...?
• Mon mari ne comprend pas pourquoi moi, sa femme, j’aime l’amour entre hommes.
• C’est une perte de temps.
• On m’a souvent dit que ça allait altérer mon jugement sur les hommes et que ça donnait de fausses idées sur les histoires d’amour et le sexe.
• Plus de vocabulaire.
• C’est une lecture comme une autre.
• C’est pas de la lecture.
• La romance apporte vraiment beaucoup de bonheur à ceux qui ont la chance d’aimer ce genre de livre. Cela permet de s’évader, de vivre d’autres vies qui ne seront peut-être jamais la nôtre. Cela donne aussi naissance à beaucoup de rêves et d’ambitions.
• C’est un genre à la mode, ça fait du bien de voir des jeunes lire encore aujourd’hui.
• Ca permet de rêver, de combler un manque.
• Tu as passé l’âge, ce n’est pas avec ce genre de lectures qu’on se trouve un mec.
• Tu es trop accro.
• Tu aimes tel auteur? Oui, tiens regarde son autre livre...
• Tu lis ce que tu veux. A chacun ses goûts en lecture.
• Vivre l’amour par procuration et ne pas vivre ma vie.

Chaque fois qu’il y a un pas en avant, avec des lectrices qui assument de plus en plus leurs lectures, qui rappellent à chacun le plaisir de jouir de sa liberté de choix... les retours de proches ou d’inconnus pleins de jugements font reculer le genre d’un pas de géant.

 

3. Le profil des lectrices

Il nous reste encore une question : qui sont les lectrices de romance ? Hommes, femmes, gender fluids entre 20 et 39 ans... Ce sont là les termes qu’utilisent les éditeurs pour parler du coeur de cible de leur lectorat. Nous avons voulu aller plus loin, en savoir plus sur leurs profils, connaître la profession qu’elles exercent, leur niveau d’études, nous ne leur avons pas demandé leur salaire, mais combien elles dépensent par mois en livres, sur quel support elles lisent et d’ailleurs, combien elles lisent de romans par an.


Nombre de livres lus par an ? (257 réponses)
Ce sont de très grosses lectrices, 56% affirment lire plus de 60 livres par an.

Votre budget d’achat moyen par mois ? (257 réponses)
Qui dit grosse lectrice, dit gros budget : entre 25 et 50€ par mois et par personne ! Sans compter les emprunts, échanges, trocs, les lectures en ligne (fan fictions/ Wattpad).

Vous lisez sur quel support ? (257 réponses)
S’ajoute à ce budget d’achats mensuels l’investissement dans une liseuse pour une grande majorité d’entre elles. En effet, les deux supports cohabitent dans le quotidien des lectrices de romance : elles lisent à la fois en livre papier (84%) et en numérique (78.6%).

 

Nous avons ensuite posé trois questions très personnelles : l’une concernant leur niveau d’études (pardon à nos amies belges et suisses qui ne se sont pas retrouvées dans la grille universitaire française), l’autre concernant leur profession et, dans la dernière, nous leur avons demandé de décrire leur personnalité en cinq mots (egotrip autorisé, bashing aussi, l’anonymat était complètement garanti).
L’idée n’est pas de poser une échelle de valeurs entre les lectrices, mais plutôt de démontrer la diversité des profils.

Votre niveau de diplôme ? (257 réponses)
La validation d’un diplôme n’indique pas forcément l’intelligence et la compétence d’une personne, nous en avons conscience, c’est la réussite d’un examen à un instant T. Tout de même, cela permet de montrer aux détracteurs de la romance que non, non, non les lectrices ne sont pas des «écervelées».
Pour preuve : sur les 257 participantes, 245 ont un diplôme allant du CAP/ BEP en passant par le baccalauréat / brevet professionnel jusqu’au diplôme de
l’enseignement supérieur bac + 8.

Votre profession ? (252 réponses)
Employé (114), Cadre et profession intellectuelle supérieure (42), Étudiant (29), En recherche d’emploi (22), Parent à plein temps (19), Profession intermédiaire (14), Artisan, commerçant, chef d’entreprise (12).

Auxiliaire de vie, chef d’entreprise, fonctionnaire, auteur, employé, esthéticienne, conjointe collaboratrice, enseignante... autant de métiers que de lectrices. Et pourtant, dans les clichés, on parle toujours de ménagères et de femmes au foyer. D’ailleurs ça veut dire quoi, femme au foyer ? Cette expression, elle est tombée en désuétude, non ? On ne parle plus de chef de famille, alors pourquoi on ne balaierait pas cette expression également. Voilà, faisons ça. Il en va de même pour le terme de ménagère !

Nous ne savons pas à quel point poser des questions sur le statut marital de chacun, voire le degré d’épanouissement sexuel, aurait pu contribuer à lutter contre les préjugés. C’est un aspect que nous estimons sans importance dans cet article, et en général.

Pour aller au bout de notre démarche, nous avons demandé aux participantes de se décrire en cinq mots. Spoiler alerte, personne n’a utilisé le terme niais !

Vous en 5 mots :
Une question simple et qui n’engage que celui qui répond... En effet, nul n’ira vérifier qui s’est surestimé ;) et pourtant, sur les 258 participantes, seules 202 ont pris le temps de répondre, dont 2 pour nous dire qu’elles n’étaient pas à l’aise avec l’exercice !

Pour les autres, c’était open-bar : les qualités sont plus élogieuses les unes que les autres, et les défauts cités sont souvent des qualités camouflées. Nous avions, entre autres, parmi nos répondantes une impératrice ! Tant mieux, vive l’estime (et la sur-estime) de soi-même.

En tout, ce sont 852 termes qui ont été utilisés. Certaines lectrices se rejoignent sur une qualité ou un défaut. Voici le top des qualités/défauts les plus partagés : rêveuse (65), curieuse (30), passionnée (28), romantique (28), lectrice (22), timide (21), gentille (18), sensible (17), généreuse (16), amoureuse (16), sociable (12), drôle (12), réservée (11) et solitaire (10).

Toutefois, ramenés au nombre de participantes (202), ces points communs entre lectrices sont plutôt minimes. S’ajoute à cela l’évidence : aucune combinaison de termes cités par l’une ne ressemble à celle citée par d’autres ! Chaque lectrice est unique, et c’est tant mieux, car la romance réunit des personnes de divers horizons, croyances...

 

Les lectrices se rassemblent autour de l’idée de lire de la romance pour s’évader, mais ne se ressemblent pas. Pourtant, toutes affrontent au quotidien une ribambelle de clichés d’une banalité affligeante, qui à force de répétition deviennent presque universels ! Certains nous font rire ou sourire, quand d’autres nous énervent. La plupart, il faut le dire, nous font soupirer. TOUS les clichés sont faciles à enrayer ! Pour cela, à nous lectrices de romance de faire preuve de patience et de pédagogie. À nous de reprendre chaque remarque, chaque pique, chaque critique. C’est une lutte de tous les instants que nous devons engager. Une lutte contre le despotisme des élitistes littéraires. Une lutte pour la légitimité de la romance ! Si cette lutte vous semble superflue, rappelez-vous qu’elle va de pair avec la lutte pour le respect de notre liberté individuelle de choisir nos lectures sans subir le jugement des autres.

 

Bib

 

Sources :
http://www.livreshebdo.fr/article/dossier-romance-le-coming-out#310143

http://www.livreshebdo.fr/article/dossier-romance-post-coitum#363094

http://romance-bluemoon.com/2016/12/plaidoyer-pour-une-romance-feministe/

https://weneedmoresafesexbooks.wordpress.com/2015/10/19/temoignage-1/

http://www.lesromantiques.com/?a=81/F-eminisme-et-Romance

 


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