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Marianne Levy - Interview

Les Romantiques - 02/12/2017

Nous avons pu rencontrer cet auteur très sympathique lors du lancement de son roman La malédiction de la zone de confort, en octobre dernier. L’occasion également de lui poser des questions que Krapokouk, notre chroniqueuse, avait préparé.

1. Y a-t-il une part d’autobiographie dans ce roman? Les descriptions et les scènes, les anecdotes sont fantaisistes mais très réalistes (notamment la copine Isa, personnage secondaire très bien campé, le groupe du cours de théâtre), les lieux sont décrits et on suit le parcours de Ben dans Paris comme si on y était.
Heureusement pour Racine et Shakespeare, il n’y a aucune part autobiographique dans « La malédiction de la zone de confort ». Je crois que j’aurais été l’actrice la moins douée de l’hémisphère nord, ce qui aurait probablement fait la fortune des producteurs de tomates. Je n’ai jamais tenté une carrière d’actrice, je n’ai même jamais pris de cours de théâtre… En revanche, comme je suis critique de séries depuis plus de dix ans, je connais bien les coulisses de la télévision et de la création. J’ai assisté à des heures de tournage, j’ai eu la chance d’interviewer de nombreux acteurs et de brillants scénaristes. J’ai pu faire ma petite souris et observer des réalisateurs et des producteurs. Je dis souvent que le journalisme est une sorte de baguette magique qui me permet de rencontrer tous ceux dont le travail me fascine. Avec le recul, je m’aperçois que tous ces moments précieux ont été des cadeaux qui m’ont permis d’écrire « La malédiction de la zone de confort ». Aucun des personnages du roman n’existe dans la réalité. Mais ces rencontres sont à l’origine des émotions qui m’ont inspirée. C’est vraiment dans les émotions que je puise pour écrire. Le roman se déroule en grande partie dans le Quartier latin et le XIVème arrondissement à Paris, des lieux où j’ai beaucoup de souvenirs heureux. Les souvenirs et les sensations m’aident à inventer l’univers dans lequel vont tenter d’exister mes personnages.

2. Le roman est marqué par la culture anglo-saxonne (notamment la scène au restaurant où Vlad et Ben espionnent une conversation de filles à la table d’à côté à propos du héros de Mad men). D’où vous vient cette «anglo saxon touch» ? En même temps le mélange est habile car elle est contrebalancée par des personnages secondaires (encore) très frenchy (la restauratrice et ses tartes aux pommes ou poires).
Je suis une séries addict. Je passe des heures à regarder les séries et j’en ai même fait mon métier. Je suis convaincue que j’ai appris à écrire en regardant la télé. Les personnages sont tellement importants dans ma vie que j’ai même créé un blog « I Love TV So What ? » parce que je ressentais le besoin de vivre encore un peu avec eux. J’ai ainsi écrit à tous mes personnages préférés pour toute la vie à la première personne. C’est à la limite de la santé mentale, d’écrire à des gens qui n’existent pas. Mais j’assume, car je suis certaine que ces personnages ont changé ma vision du monde. Ils m’ont ouvert à des univers que je ne connaissais pas. Ils m’ont rendue plus tolérante. J’ai mes séries doudous dans lesquelles je me réfugie quand dehors il fait froid, comme « Studio 60 on the Sunset Strip » d’Aaron Sorkin ou « Friday Night Lights » de Peter Berg, par exemple. Cette touche anglo-saxonne vient de là. Ces créateurs sont si géniaux qu’ils parviennent à être universels. « La malédiction de la zone de confort » est à la fois très frenchie, parce que l’histoire se déroule dans mon pays, mais forcément traversée par ces influences…

3. Je note une certaine veine à la Gilles Legardinier dans ce mélange de suspense-fantaisie et livre feel-good. Appréciez-vous les livres de cet auteur ou êtes-vous plutôt dans la mouvance Marc Lévy ? Je suis directement tombée dans le livre, rien qu’avec la scène d’ouverture chez la gynécologue...
Les comédies de Gilles Legardinier sont très joyeuses. J’ai cependant une petite préférence pour les romans de Marc Levy qui, d’ailleurs, n’est pas du tout de ma famille, même si nous portons le même nom. Il raconte des histoires comme l’on écrit des films. Son écriture est très visuelle. Je suis impressionnée par son habileté à manier des genres très différents. J’ai pris beaucoup de plaisir à lire sa comédie romantique « Elle & Lui ». Au-delà de la rencontre amoureuse, qui est délicieusement traitée, il a trouvé une très jolie idée dans ce roman.

4. Vous déclarez : «Mon désir d’écrire pour rire est toujours plus fort que ma peur de libérer mes émotions» et vous dédiez votre livre à votre mère, qui vous a convaincue de ne renoncer à rien... Pouvez-vous en quelques mots résumer votre parcours et surtout votre démarrage en écriture?
Je suis journaliste, donc je forme un vieux couple avec mon clavier d’ordi depuis longtemps. Mais, heureusement, pas encore de routine entre nous. Je crois que je suis finalement venue à la fiction parce que la réalité ne répondait pas à toutes mes questions. Par ailleurs, le rythme de l’info s’est considérablement accéléré avec les réseaux sociaux. L’info continue est devenue la norme. Le grand reportage n’est plus que l’exception. C’est pourtant ce que j’aime le plus dans mon métier. C’est un temps de rencontres. Le roman m’offre ce temps. Dans les recherches pour créer les personnages, et dans l’écriture qui me permet de me plonger dans le thème que je veux explorer. Dans « La malédiction de la zone de confort », je me suis interrogée sur les raisons de l’épidémie de solitude qui sévit dans notre monde ultra connecté. La comédie était une évidence. Écrire pour rire et pour faire rire me permet de me poser toutes les questions sans tabous. Je ne sais pas si j’oserais autrement. Je crois que j’aurais trop la trouille. Parce qu’écrire un roman, c’est comme essayer de rejoindre New York depuis Quiberon en paddle. Il y aura des moments très compliqués mais, petit miracle, soudain la statue de la Liberté se dessinera à l’horizon.

5. Quelle connaissance, fréquentation avez-vous de la romance ? Connaissez-vous JAK et SEP ? Il y a une certaine proximité entre votre style et la fantaisie de ces deux auteurs.
J’aime tous les genres de la littérature. Je n’opère aucune hiérarchie. Ce qui me touche avant tout ce sont les voix d’auteurs. J’ai la chance de faire partie
d’un collectif, la Team RomCom avec  Isabelle Alexis, Tonie Behar, Adèle Bréau, Sophie Henrionnet et Marie Vareille. Toutes m’épatent par leur écriture fine et singulière. En plus, elles sont hyper sympas et drôlissimes. C’est vraiment chouette de travailler avec elles, comme dans notre recueil de nouvelles « Y aura-t-il trop de neige à Noël ? ». Je n’ai jamais encore lu JAK et SEP. Mais pour répondre à votre question, je pense à trois grands romans d’amour qui comptent beaucoup pour moi. L’un est écrit par une femme, Jane Austen. Son « Orgueil et préjugés » me vient immédiatement à l’esprit. Les deux autres sont contemporains. « La poursuite du bonheur » de Douglas Kennedy et le très poétique « Ce que le jour doit à la nuit » de Yasmina Khadra. Ces trois romans ne me quittent jamais, puisqu’ils sont aussi dans la bibliothèque numérique de mon téléphone.

6. Les réseaux sociaux sont également importants dans votre livre (échanges de mails entre Ben et Rose), et il y a le délire avec le héros médiéval. D’où vous vient cette idée loufoque de mélanger extrême modernité (vie virtuelle) et passé (Guillaume d’Aquitaine, virtualité de l’amour courtois, qui lui aussi est hyper platonique, pas touche à la femme du seigneur/suzerain).
« La malédiction de la zone de confort » est un roman qui pose la question de la difficulté de la rencontre amoureuse. Tout devrait être simple. Jamais nous n’avons eu autant d’occasions de nous rencontrer. Pourtant tout est terriblement compliqué. Peut-on décider en trois secondes, sur son téléphone, si la jeune femme qui nous sourit est la femme de notre vie ? Les troubadours, et en particulier Guillaume, bossaient comme des fous pour séduire les femmes qui leur plaisaient. La conquête amoureuse était un art pour eux. Je trouvais intéressant, et également très drôle, de téléporter un homme d’hier dans le monde d’aujourd’hui.

 

Gros Plan

La malédiction de la zone de confort
Pygmalion | 11/10/2017 | 400 pages

Rose a presque tout pour être heureuse. Après 763 auditions infructueuses, elle a enfin décroché son premier grand rôle dans la série télé de l’année. Elle peut compter sur le soutien de sa joyeuse bande d’amis et sur son fiancé imaginaire, un troubadour du XIIème siècle...
Ben n’a (presque) rien pour être heureux. En panne d’émotions, le scénariste et auteur de polars n’arrive plus à écrire une ligne. Il se noie dans un quotidien sinistre qu’il dissimule mal à ses deux seuls amis. Ils étaient faits pour ne pas se rencontrer. Et si la vie déjouait les algorithmes ?

L’avis de Krapokouk : J’ai adoré ce roman. Ecrit en français, et non traduit en français, son style est fluide, fin, léger, drôle. Cela fait un bien fou, c’est de l’air frais. Les chapitres sont courts et accrocheurs. On sent l’influence de la culture séries TV de l’auteur, mais sans que cela fasse téléphoné. C’est une vraie romance, les personnages secondaires sont formidables. Le décor, l’époque sont bien dessinés. On s’y croit, on y croit. C’est digne des meilleurs JAK ou SEP. A lire absolument !

 


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