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Sarah Delaval - Scandaleuse

lafouine77 - 31/10/2017

Comtesse de Tyrconnell (1763-1800)

Année du scandale : 1792.
Epoque : règne du roi George III.
Objet du scandale : elle quitte son époux le comte de Tyrconnell pour aller vivre maritalement avec John Bowes Lyon, 10ème comte de Strathmore (l’un des ancêtres de la défunte reine mère d’Angleterre).

 

Sarah “Hussey” Delaval est née le 1er juillet 1763 à Seaton Delaval Hall, dans le Northumberland. Elle est la plus jeune fille de John Hussey, 1er baron Delaval (1728-1808), et de son épouse (qui était aussi sa cousine), Susannah Robinson (1730-1783). Six enfants l’ont précédée: cinq filles et un fils, qui mourra très jeune : Rhoda (en 1751), Susannah (en 1753), Sophia Ann (en 1755), John (en 1756), Elizabeth (en 1757) et Frances (en 1759). La tradition familiale veut que le premier Delaval à avoir foulé le sol anglais ait été un seigneur normand, compagnon de Guillaume le Conquérant, duc de Normandie, venu envahir l’Angleterre en 1066.

A l’époque de la naissance de Sarah, la famille Delaval est riche et puissante. Deux ans auparavant son père a reçu le titre de baron Delaval, parachevant l’ascension de la famille commencée par le grandpère de Sarah, le capitaine Francis Blake Delaval. Ce dernier a hérité de son oncle, l’amiral Delaval, un domaine dans le Northumberland nommé Seaton Delaval Hall, à quelques kilomètres au nord de Newcastle upon Tyne, dont le plus magnifique fleuron est le superbe théâtre intérieur dédié à la passion des Delaval : la scène.

Les descendants du capitaine Francis Blake Delaval (enfants et petits-enfants dont faisait partie Sarah) sont surnommés par leurs contemporains les “Gais Delaval”, essentiellement à cause des grandes fêtes qu’ils organisent dans leur résidence de Seaton Delaval Hall. Ils sont aussi renommés pour leurs réparties cinglantes , leur sens de la conversation, leur amour du jeu et leur passion pour le théâtre. Les Delaval savent aussi se mettre à la modernité et exploitent les ressources naturelles de leurs terres : notamment avec la production de sel, l’extraction de charbon et la production de verre.

En 1764, John Delaval (père de Sarah) et son frère Thomas créent le port local (à quelques kilomètres de Seaton Delaval Hall) avec notamment la construction d’un quai où les bateaux peuvent accoster pour décharger leurs marchandises. Le baron Delaval élève ses filles dans l’opulence. A l’âge de douze ans, Sarah promet d’être une beauté : blonde aux yeux bleus, elle est espiègle, intrépide et adore monter à cheval. C’est à l’adolescence qu’elle rencontre un ami de son père, le jeune George Carpenter, 2ème comte de Tyrconnell, alors marié depuis 1772 à Frances Manners, l’une des soeurs du duc de Rutland.C’est l’un des hommes les plus beaux de son époque, et aussi un passionné de chasse et de chevaux. Son mariage mouvementé avec Frances Manners le conduit très vite à divorcer de cette épouse volage, en octobre 1777.

Etant la risée de ses pairs à Londres, il trouve refuge auprès de son ami le baron Delaval, et fait de fréquents séjours à Seaton Delaval Hall. Ayant sous les yeux une adolescente aussi vive et jolie que Sarah, il décide très vite de demander sa main, d’autant que sa dot n’est pas négligeable.

La jeune fille est consultée par son père et sa mère : elle connait George Carpenter depuis un peu plus de cinq ans maintenant, et il a tout pour lui plaire : il est bel homme, charmant, et n’a que treize ans de plus qu’elle. En outre il porte le titre de comte de Tyrconnell, ce qui peut séduire cette jeune fille de dix-sept ans. Elle n’hésite que très peu et donne son accord. Une licence spéciale est délivrée par l’archevêque de Canterbury, et le mariage a lieu à Londres le 3 juin 1780, dans la maison du baron Delaval à Grosvenor Square. Puis le jeune couple part en lune de miel à Randalls, près de Leatherhead, dans le Surrey.

Le 13 juillet 1780 ils sont de retour à Doddington, deuxième résidence du baron Delaval. Le comte de Tyrconnell semble très amoureux de sa jeune épouse et la couvre de diamants, que celle-ci ne manque pas de montrer lors de leurs déplacements à Seaton Delaval Hall et à Londres. La beauté de la jeune femme fait partout sensation et l’on s’émerveille lorsqu’elle part au galop, laissant voler au vent sa luxuriante chevelure blonde, qui flotte comme un étendard derrière elle.

Le 15 avril 1782 la jeune comtesse de Tyrconnell donne naissance à un fils, John George Carpenter. Son mari est fou de joie, d’autant qu’il n’a pas eu d’enfant de son premier mariage. En 1783 la mère de Sarah, Susannah Robinson, meurt à l’âge de cinquante-trois ans. Bien que dévastée par la disparition de son épouse, le “Gai Delaval” ne tarde pas à prendre comme maîtresse une jeune fille de seize ans.

Le 15 juillet 1784, Sarah donne naissance à sa fille, Susanna Hussey Carpenter. Après cela elle et son mari partent résider avec le baron Delaval à Seaton Delaval Hall, puis à Claremont dans le Surrey (une autre des résidences du baron Delaval), les chevaux et les chiens de lord Tyrconnell étant constamment maintenus à Seaton Hall. Cette cohabitation s’explique aussi par le gouffre financier qui sépare les Tyrconnell du baron Delaval, dont la fortune ne fait que croitre. De plus, Sarah a toujours été sa fille préférée.

En hiver ils résident chez eux à Hanover Square à Londres, et en été à Claremont. Par souci d’économie, les deux maisonnées sont regroupées en une seule. Mais les Tyrconnell ont aussi une vie sociale très riche : à Londres ils font partie du cercle des intimes de George, prince de Galles, fils aîné du roi George III et futur Régent. Lorsque ce dernier héberge son frère cadet, Frederick, duc d’York, qui revient de sept ans d’exil à Berlin où il a approfondi sa connaissance de la vie militaire, les Tyrconnell font partie du cercle restreint des intimes de ce dernier.

Ce n’est pas la première fois que les Delaval rencontrent la famille royale et partagent son intimité. La tante paternelle de Sarah, lady Anne Hussey Delaval (1737-1812) a été la maîtresse d’Edward Augustus, duc d’York (1739-1767) (petit-fils de George II), et la liaison a duré plusieurs années. Du côté du comte de Tyrconnell, la soeur aînée de ce dernier, Almeria Carpenter (1752-1809), est devenue la maîtresse de William Henry, duc de Gloucester (1743-1805), jeune frère du duc d’York. Lady Almeria a même donné naissance à une fille bâtarde, Louisa Maria, en 1782, dont le père est le duc de Gloucester (voir la vie de Maria Walpole, duchesse de Gloucester, épouse du duc de Gloucester dans le Webzine n°51).

En relation constante avec le duc d’York, Sarah finit par tomber amoureuse de lui en 1789, et elle devient sa maîtresse. Les jeunes gens ont le même âge : vingt-six ans. La mort de son fils unique, John George, âgé de sept ans, cette même année a peut-être précipité ce tournant dans la vie amoureuse de la jeune femme, car en neuf ans de mariage elle était demeurée fidèle à son époux. Rapidement la liaison du duc d’York et de la comtesse de Tyrconnell se répand hors de la cour.

Les pamphlets se déchainent : “le comte de Tyrconnell contribue largement et bien plus que tout autre aristocrate aux plaisirs de la famille régnante : sa  femme reçoit les hommages d’un fils de roi tandis que sa soeur reçoit les hommages d’un frère du roi”.

Le plus étrange est que le mari ne semble pas s’en offusquer. Pour être plus prêt de sa maîtresse, le duc d’York achète le domaine d’Oatlands, à quelques kilomètres de Claremont House, l’une des propriétés du père de Sarah. Le prince de sang royal n’a qu’à traverser le parc pour la retrouver. Un de leurs contemporains écrira que “le duc d’York est actuellement captif des longues tresses blondes de lady Sarah, et comme une sorcière elle l’a envoûté avec sa chevelure”.

Le prince semble très amoureux, mais cette liaison est sans espoir. La jeune femme est mariée et, même si elle divorçait, jamais le roi George III ne consentirait à ce qu’elle épouse son fils, qui est l’un de ses préférés. D’autant que le duc d’York est l’héritier présomptif de son frère, et au début de l’année 1791 le roi George III lui ordonne de se marier à une princesse allemande afin d’assurer sa descendance. Se rappelant qu’il a été mis en présence d’une des nièces de Frédéric le Grand, la blonde Fredericka von Hohenzollern, le duc d’York s’embarque pour Berlin à l’automne 1791. Il fait sa demande expresse auprès de Fredericka von Hohenzollern, qui consent à l’épouser, organise son mariage à Berlin le 23 novembre 1791, et ramène la duchesse d’York à fond de train à travers la France ravagée par les armées révolutionnaires.

A Lille, le duc et son épouse sont accostés par la foule, qui leur refuse l’accès à la route tant que les écussons royaux ne sont pas effacés des portières de leur calèche. Devant cette foule à l’ire changeante, le duc s’exécute et pousse un soupir de soulagement en foulant le sol anglais quinze jours plus tard. Il présente sa femme à ses parents, il y a d’ailleurs une deuxième cérémonie de mariage, puis se met à la recherche d’une demeure capable d’abriter son ménage.

Avant son départ pour l’Allemagne, le duc d’York a rompu sèchement avec lady Sarah dans le courant de l’été 1791. A son retour, leur liaison ne reprend pas : ce n’est pas que le prince soit fondamentalement tombé amoureux de son épouse, mais surtout que les subsides lui permettant de vivre comme un prince royal sont alloués au bon plaisir de son père, le roi George III, qui voit d’un très mauvais oeil les aventures extraconjugales de ses fils mariés.

Après cette rupture, Sarah s’est replongée dans la vie tourbillonnante de Londres et a décidé de tirer un trait sur l’ingrat duc d’York : le mari et le père de Sarah sont eux ulcérés, et trouvent l’attitude du prince inadmissible. Dans les cercles londoniens, les deux hommes sont très présents, ils sont devenus membres du parlement britannique : le baron Delaval pour Berwick, et le comte pour Scarborough.

La comtesse de Tyrconnel se console avec la chasse, mais aussi sa première passion : le théâtre. Les Delaval ont toujours été des acteurs enthousiastes et Seaton Delaval Hall possède un théâtre de toute beauté. Pour lui plaire, le comte de Tyrconnell tient lui aussi un rôle dans les pièces que joue la famille Delaval.

En décembre 1791 ils montent “The fair penitent”, dont lady Sarah joue le rôle principal. Son père invite comme à l’accoutumée tous les lords du voisinage. L’un d’entre eux habite le domaine de Gibside, à quelques kilomètres au sudouest de Newcastle upon Tyne : il s’agit de John Lyon Bowes, 10ème comte de Strathmore, âgé de vingt-deux ans.

Il en avait sept à la mort de son père, qu’on avait surnommé “le beau lord Strathmore”. Quant à sa mère, lady Mary Eleanor Bowes, sa vie tumultueuse fera certainement l’objet d’un futur article dans « Les Scandaleuses », elle avait été surnommée par ses contemporains “la comtesse malheureuse”.

Henry Swinburne, un écrivain itinérant qui aide les Delaval à monter des pièces de théâtre à Seaton Delaval Hall, est le premier à découvrir que le jeune lord Strathmore est devenu fou amoureux de lady Sarah. A tel point qu’il prolonge sa visite à Seaton Delaval Hall, et qu’il s’y installe pratiquement en tant qu’hôte permanent. Très vite lady Sarah, qui est de six ans son aînée, devient sa maîtresse. Bien évidemment, la liaison est rapidement connue de tous.

Au printemps 1792, les Delaval montent une nouvelle pièce qu’ils jouent à Seaton Delaval Hall, il s’agit d’Othello : Sarah y joue l’épouse infidèle, Desdemone, lord Tyrconnell le mari outragé, Othello, le mariage de ses parents invalide. John Bowes Lyon, titré lord Glamis, ira vivre en France, à Louveciennes, et deviendra un célèbre ami des arts, il a fondé le Bowes Museum.

En 1808 c’est le père de Sarah, le baron Delaval, qui meurt, laissant une jeune veuve, Susannah Elizabeth Knight, qu’il avait épousée en 1803 alors qu’elle avait quarante-et-un ans et lui soixante-quinze. Il est enterré à l’Abbaye de Westminster aux côtés de sa fille Sarah et de sa première épouse.

Enfin le duc d’York, ancien amant de Sarah, meurt en 1827, sans enfants de son mariage avec la princesse allemande qu’il abandonna très vite pour se consacrer à ses plaisirs : le jeu et les femmes. Il suivit en cela la destinée de la plupart des fils de George III.

 

Lafouine77


Sources : « The Royal dukes » de Roger Fulford


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