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Madame Péan - Scandaleuse

lafouine77 - 21/03/2015

La «Pompadour» du Québec

(1722-1792)

  • Année du scandale : 1747
  • Epoque : règne de Louis XV
  • Objet du scandale : pendant douze ans, celle qu'on surnomma la «Pompadour» du Québec amassa une fortune considérable et régna sur Québec grâce à sa liaison avec Bigot, l'intendant du roi, avec la complicité de son époux.

Angélique Renaud d’Avène des Méloizes est née à Québec, au Canada, en décembre 1722, neuf mois après le mariage de ses parents. Elle est l'aînée d'une famille de dix enfants. François-Marie Renaud d'Avènes, son grand-père paternel, a quitté le Nivernois et s'est installé en Nouvelle France en 1685. C'est de sa femme Françoise-Thérèse Dupont de Neuville qu'il héritera la seigneurie de Neuville, à proximité de Montréal. Celle-ci demeurera le domaine des Renaud d'Avène des Méloizes jusqu'en 1760, et Angélique y passera une partie de son enfance avec ses jeunes frères et sœurs.

Nicolas-Marie Renaud d'Avène des Méloizes, son père, est officier de Marine et seigneur de Neuville. De plus il investit dans la fabrication de tuiles de toiture, entreprise qui échouera et laissera la famille endettée à sa mort, en 1743, alors qu'Angélique a vingt-et-un ans.

Sa mère, Angélique Chartier des Lotbinière, n'a que quarante ans, des dettes et plusieurs enfants en bas âge. Elle était déjà veuve d'un premier mariage avec Jean François Martin de Lino de Chalmette (mort en 1721), à qui elle avait donné deux enfants. Ce qui fait qu'en 1743 elle a huit enfants à charge (deux de son premier mariage et six survivants du second). Elle fait, dans les années qui suivent, de nombreuses démarches auprès de l'intendant du Québec afin d'obtenir des pensions, et ce jusqu'en 1750.

Le mariage d'Angélique, la fille aînée, est donc l'une de ses priorités. La jeune fille a fréquenté le pensionnat des Ursulines jusqu'à l'âge de dix-sept ans, et possède déjà un charme et une beauté qui ne demandent qu'à s'affirmer. Les Mémoires du Canada la décrivent ainsi : «C'était une personne très remarquable par sa beauté, ses agréments et son esprit».

Le 3 janvier 1746 Angélique épouse (à l'âge de vingt-quatre ans) Michel Jean Hugues Péan, aide-major à Québec. C’est le fils aîné de Jacques Hugues Péan, sieur de Livaudière. Il est né au Canada, à Saint Ours, le 18 mai 1723. Il est entré dans les troupes du détachement de la marine et a été nommé enseigne en second en 1738. En 1742 il est enseigne à pied, puis aide major sous les ordres de son père en 1745. Quatre ans après son mariage, il deviendra capitaine.

La vie du couple Péan est bouleversée par l'arrivée de l'intendant Bigot en 1748. Le mari d'Angélique (qui avait plus l'esprit de commerce que l'esprit militaire) devient l’homme de confiance de celui-ci qui, âgé de quarante-cinq ans, tombe amoureux d'Angélique qui en a vingt-six. Elle est jeune, pleine d'esprit et possède un caractère doux et affable. La passion qu'elle inspire à son amant lui permet d’obtenir des avantages considérables, dont elle fait bénéficier en priorité son mari et sa famille.

Peu à peu, le mari complaisant obtient 150 000 livres de l'intendant Bigot : il réquisitionne du blé pour le service du roi, et le revend à un prix plus élevé, ce qui lui permet de réaliser un bénéfice confortable. Le couple Péan obtient de l'intendant une autre source de revenus : le détail de l'équipement des troupes et des milices de Nouvelle France. Angélique et son époux se mettent à mener la grande vie et sont invités régulièrement aux fêtes données par le Gouverneur de la Nouvelle France, M. de Vaudreuil.

Grâce aux profits qu'ils ont amassés, ils acquièrent une demeure de la Haute Ville de Québec vers 1747 (à l'angle des rues Saint Louis et du Corps de Garde) où Angélique reçoit avec faste la haute société, comme le relate un témoin : «Après la maison de l’intendant, la meilleure de la ville est celle de Mr Péan [...] C’est chez lui que s’assemblent tous les gens du bel air ; on y vit à la mode de Paris.» L’hôtesse est jeune, sémillante, pleine d’esprit, d’un caractère assez doux et obligeant ; sa conversation est enjouée et amusante. Médiatrice et protectrice de ses parents et amis, elle est fort habile, ajoutent les chroniques du temps, et l’on ne manque point de faire la cour aux Péan. Elle devient la «Pompadour» de l’intendant. Les somptueux banquets et le jeu sont alors à l’honneur dans l’entourage de celui-ci, Mme Péan joue avec le haut magistrat et des fortunes changent de main.

Le salon de Mme Péan est fréquenté par Louis Joseph de Montcalm, marquis de Montcalm de Saint Véran, général français et commandant des troupes de la Nouvelle France, qui consignera dans ses mémoires que la société québécoise était plus raffinée que celle de Paris, et que le salon de Mme Péan n'avait rien à envier à celui de certaines dames de Versailles.

En 1751 Angélique donne naissance à son unique enfant, une fille qu'elle baptisera Angélique Renée Françoise.

Le Gouverneur de la Nouvelle France, Pierre François de Rigaud, marquis de Vaudreuil, n’est pas non plus insensible aux charmes du couple Péan. Il jouera gros chez Mme Péan et perdra en une soirée des sommes considérables. Charmé par son hôtesse, il choisit le mari d'Angélique pour aller en France, le 13 août 1758, afin d'apporter au roi la nouvelle de la victoire de Carillon.

Dans ses malles, Péan transporte une lettre de M. de Vaudreuil adressée au ministre de la Guerre, le maréchal de Belle Isle, vantant ses mérites : «M. Péan, aide major de Québec, aura l'honneur de vous remettre cette lettre : il est très en état d'entrer avec vous, monseigneur, dans tous les détails que vous jugerez à propos de lui demander relativement à cette colonie, qu'il connaît au mieux ; c'est l'officier en qui j'ai le plus de confiance, j'ai l'honneur de vous demander vos bontés en sa faveur».

Une fois en France, M. Péan en profite pour aller aux eaux de Barèges (après avoir accompli sa mission à Versailles) afin de soulager une douleur qu'il a au bras. Mais à Québec la bonne fortune d'Angélique et de son mari provoque des remous et les jaloux se hâtent de dénoncer à Versailles l'enrichissement trop rapide du couple.

On les soupçonne d'avoir amassé en huit ans plus de deux millions de livres, et ce au détriment des finances de la colonie de la Nouvelle France. Les rumeurs malveillantes, et le fait que Québec soit menacée de guerre par les Anglais, convainquent Angélique et son époux d'assurer leurs arrières en achetant un domaine en France. Ce sera la seigneurie d'Onzain, près de Blois, dans le Loir et Cher, que M. Péan achète à un conseiller du Parlement, Ambroise Julien Clément de Feillet, dès son premier passage en France en 1758.

Au Canada, la guerre avec les anglais est déclarée et la Nouvelle France est bientôt attaquée de toutes parts. Les troupes françaises, sans soutien du roi qui ne leur délèguera aucun secours, doivent se résoudre à la défaite dans les Plaines d'Abraham, tout près de la ville de Québec. En septembre 1760, celle-ci se rend aux Anglais après un bombardement particulièrement féroce, qui met la ville à feu et à sang.

La bataille des «Plaines d'Abraham» à Québec, le 13 septembre 1759.

C'est alors la fuite pour tous les gens fortunés de Québec : Angélique, son époux et sa fille quittent la Nouvelle France à bord du «Fanny», en compagnie de Bigot, avec l'espoir de se retirer sur leurs terres blésoises. Or les détracteurs du couple Péan à Versailles se déchaînent à leur égard. La gestion financière catastrophique du Canada et la perte de Québec font que le roi réclame des coupables : Péan sera le bouc émissaire.

Le 13 novembre 1761 il est incarcéré à la Bastille, ainsi que l'intendant Bigot, l'amant d'Angélique. Pendant ses trois ans d'empri-sonnement, celle-ci s'activera auprès du lieutenant général de la police, M. de Sartines, afin de pouvoir visiter son époux. De mars à juin 1764, elle lui rendra visite 58 fois. Quant à François Bigot, après son procès, qui a lieu le 10 décembre 1763, il préfère quitter la France pour la Suisse. Il s'installe à Neufchatel où il mourra en 1778.

Le 25 juin 1764 a lieu le procès de M. Péan : il est déclaré coupable de malversations «attendu les gains illégitimes par lui faits dans les différentes sociétés dans lesquelles il était intéressé, il est condamné à restituer à Sa Majesté la somme de 600 000 livres et à garder prison au château de la Bastille jusqu'à ladite restitution».

Le couple paie sur le champ la somme demandée et Angélique peut ramener son époux dans leur château d'Onzain. Là elle s'efforcera de venir en aide aux familles canadiennes démunies, venues se réfugier en Touraine après la reddition de la Nouvelle France aux Anglais. Elle soutiendra Mme de Saint Ours, veuve d'un officier tué lors de la bataille des Plaines d'Abraham.

Le couple retrouve son goût pour les réceptions et se lie avec son plus proche voisin, Jean Nicolas Durfort comte de Cheverny. Ils s'empressent d'acheter en 1766 à M. Druillon un hôtel particulier à Blois, rue de Beauvais, près de l'église Saint Honoré. En 1781 ils doivent se séparer du château d'Onzain et le vendent à Eugène Joseph Stanislas Foullon d'Ecotier, fils de l'intendant de Guadeloupe (le château n'existe plus aujourd'hui, il sera démoli en 1826 et les matériaux vendus).

Dix-huit ans après son procès, Michel Péan rend l'âme le 21 août 1782 à Cangy, en Indre et Loire. Angélique lui survit jusqu'en 1792, elle meurt à Blois, dans son hôtel particulier du 1 rue du Palais, âgée de soixante-dix ans. Leur fille unique, Angélique Renée Françoise, mariée en France au marquis de Marconnay en 1769, était morte sans postérité en mars 1779 à Paris. Il n'y eut donc pas de descendance pour celle qui fut la «Pompadour» du Québec.

Sources :
– Les canadiens en France et aux colonies de Claude Bonnault de Méry
– Dictionnaire biographie du Canada
– «La famille Renaud d'Avène des Méloizes»

 


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