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Pauline Bellisle - Scandaleuse

Les Romantiques - 14/08/2017

Mme Fourès, Mme de Ranchoux, Mme Bellard (1778-1869)

 
 
 
 
 
#Année du scandale : 1798.
#Epoque : Directoire.
#Objet du scandale : Pauline Fourès (déguisé en homme) suit son mari qui part en Egypte avec le corps expéditionnaire du général Bonaparte. Elle ne tarde pas à devenir la maîtresse de ce dernier obtenant le surnom de «Cléopâtre» de la part des hommes de troupe.
 
Fille de Henri Jacques Clément Bellisle, horloger à Pamiers, et de son épouse Marguerite Pauline Barandon, Pauline Bellisle naît à Pamiers, en Ariège, le 15 mars 1778. Blonde aux yeux bleus, elle devient rapidement une ravissante adolescente que ses parents mettent en apprentissage à Carcassonne, dans l'atelier de modiste de Mme Fourès.

Cette dernière a un jeune frère, Jean Noël Fourès qui est sous-lieutenant au 22ème chasseurs à cheval, et qui se remet
d'une vilaine blessure reçue lors d'une escarmouche dans les Pyrénées. Les deux jeunes gens se découvrent, s'aiment
et ne tardent pas à se marier, le 27 janvier 1798 à Carcassonne. Pauline a vingt ans, Jean Noël en a vingt-neuf.
 
Rappelé par son bataillon, Jean Noël Fourès part rejoindre son régiment à Toulon. Là, il apprend qu'il doit faire partie du corps expéditionnaire du général Bonaparte qui va se rendre en Egypte. Très amoureux l'un de l'autre les deux jeunes gens décident de ne pas se quitter et, lorsque les navires quittent le port de Toulon le 19 mai 1798, Pauline est présente sur la «Lucette», incognito, après avoir revêtu un uniforme de chasseur. Pendant cinquante-quatre jours, elle demeurera à bord sans être découverte.
 
De nombreuses femmes ont accompagné l'armée française : plus de trois cents, mais ce sont essentiellement des cantinières, des blanchisseuses, et des couturières ; parmi elles quelques maîtresses d'officiers ont pu se faufiler, ainsi qu'une poignée d'épouses.
 
A l'arrivée en Egypte, les officiers découvrent l'existence de Pauline, mais le courage de la jeune femme lors de la terrible traversée du désert de Damanhour où les troupes subissent la faim, la chaleur et la soif achève de renforcer l'estime qu'on lui porte. Outre qu'elle est belle, elle est aussi charmante, joyeuse, et l'amour qui l'unit à son mari force un peu l'admiration et la jalousie de tous.
 
Elle reçoit le baptême du feu à la bataille du Nil et arrive enfin au Caire le 30 juillet 1798. Là, Pauline quitte son uniforme masculin et revêt avec plaisir l'une des trois robes qu'elle a pu emmener avec elle. On lui a attribué une petite maison, où elle et son mari reçoivent des invitations à des fêtes organisées pour agrémenter les moments de détente des hommes du 22ème chasseurs et du 7ème hussards.
 
La belle Pauline, amoureuse de son mari repousse les avances d'un certain Lasalle, brigadier au 22ème chasseurs. La rareté des femmes françaises pousse les troupes à tenter de trouver des compagnes parmi les femmes locales. Mais elles sont bien souvent inaccessibles. Outre la barrière de la langue, les Egyptiennes sortent voilées et rarement non accompagnées.

Le général Bonaparte a pourtant réclamé des femmes françaises au Directoire, voire l'envoi des épouses afiné d'entretenir le moral de ses troupes, mais en vain. Il est vrai que le blocus naval anglais en Méditerranée n'arrange rien. Bonaparte recherche aussi une présence féminine près de lui, il vient en effet d'apprendre les infidélités de Joséphine à Paris, avec le jeune Hyppolite Charles, et cette trahison l'incite à ne plus être fidèle à son épouse. Il s'essaie aux jeunes femmes locales, mais leurs silhouettes «à la Rubens» aux formes opulentes le dégoûte, il n'est sensible qu'aux femmes souples et élancées.
 
De plus les égyptiennes, de par leur vêtement, ne montrent que leurs yeux, et les seules qui montrent leur corps sont des danseuses, méprisées par les
Français qui les jugent immorales. La vie pour les français au Caire est difficile : il n'y a pas de fours pour cuire le pain, pas de presse pour imprimer les journaux, et très peu de divertissements pour les troupes. Napoléon donne des ordres pour que des fours soient construits, et que les jardins du Caire soient embellis afin de permettre au petit nombre de femmes françaises qui ont suivi les troupes de s'y promener. Des jeux sont organisés dans ce jardin, et une troupe de musiciens vient s'y produire en concert. L'état major s'y rend avec plaisir, et le général lui-même se mêle à la foule des français expatriés.
 
C'est dans les jardins du Caire (rebaptisés jardins de Tivoli) qu'il rencontre Pauline Fourès pour la première fois : sa silhouette fine, ses cheveux blonds et sa physionomie rieuse l'attirent. Il est immédiatement séduit, échange quelques mots avec elle, et envoie en éclaireur ses aides de camp Junot et Duroc, pour lui faire la cour pour son propre compte. Elle résiste. Napoléon lui envoie des bijoux de prix et des cadeaux, mais elle résiste toujours. Il comprend qu'il va falloir éloigner le mari, qui est de plus d'un tempérament fort jaloux.
 
Berthier nomme alors Jean Noël Fourès au rang de lieutenant, le 18 octobre 1798, et ce dernier reçoit sa première mission à effet immédiat : il doit se rendre en France pour délivrer des missives aux membres du Directoire. Fourès tente d'emmener son épouse avec lui, mais Berthier lui intime l'ordre d'embarquer le lendemain prétextant l'urgence des dépêches. Le lieutenant Fourès embarque à bord du «Chasseur» le 28 décembre 1798.
 
Dès le lendemain, Napoléon organise une réception en invitant à dîner les femmes des officiers français dont Pauline Fourès. Pendant le dîner elle est assise à sa droite, et un verre de vin est renversé par inadvertance sur sa robe. Pour réparer les dégâts, Pauline est conduite par Bonaparte dans ses appartements privés. Le retour une heure et demie après ne passe pas inaperçu, surtout quand la jeune femme apparaît en tenue légèrement froissée. Personne ne doute alors qu'elle ait succombé à l'assaut du général Bonaparte, alors âgé de vingt-neuf ans.
 
Deux jours après cette réception, la jeune femme s'installe dans une villa du Square Esbekiya près des quartiers de Bonaparte. Elle devient sa compagne officielle et l'accompagne où qu'il aille, sur une jument docile dressée à son intention. Elle revêt alors un uniforme masculin, et porte un foulard tricolore en guise de bonnet. Elle participe aux banquets et veille à distraire les officiers, organise des pique-niques dans le désert, des excursions aux Pyramides, des récep tions et des parties nocturnes. Elle est l'hôtesse du général et joue son rôle avec vigueur et délectation. Elle passe les troupes en revue sur sa monture, et les soldats ne tardent pas à lui donner les surnom de «la Générale» ou «Cléopâtre».
 
Bonaparte et Pauline sont très amoureux et ne se quittent pas, de jour comme de nuit. Malheureusement le navire de Jean Noel Fourès est intercepté par les Anglais, qui sont au courant de la liaison de Bonaparte avec la dame Fourès, et réexpédient le navire (et le mari) à Alexandrie.
 
A peine débarqué, Fourès demande à Marmont la permission de retourner au Caire près de son épouse. Celui-ci, qui connaît l'infidélité de la jeune femme, ne se donne pas la peine de refuser. Au Caire, Fourès retrouve une maison vide et sa femme absente, et ses compagnons ne tardent pas, goguenards, à lui apprendre la conduite de Pauline.
 
Il se rend immédiatement à la nouvelle résidence de femme et explose de rage. Il exige qu'elle revienne avec lui, mais elle refuse et annonce qu'elle va demander le divorce. Fourès craque et bat Pauline, les cris de celle-ci attirent des officiers qui séparent le couple. Fourès part sous la pression, et quelques jours plus tard le divorce est accordé pour la protection de la jeune femme contre la brutalité de son époux».
 
Pauline reprend alors son nom de jeune fille, Bellisle, et sa liaison avec Napoleon se poursuit de plus belle. On la surnomme dorénavant «Bellilote». Le général Bonaparte lui confie que si elle lui donne un fils il divorcera de Joséphine. Mais malgré les efforts du couple, la jeune femme ne tombera jamais enceinte.
 
En avril 1799, Napoléon quitte le Caire pour se rendre en Syrie : il refuse que Pauline l'accompagne car le voyage est dangereux. Les deux amants communiquent pendant leur séparation par lettres passionnées. Lorsqu'il revient de Syrie en juin 1799 la liaison reprend de plus belle, mais il sait qu'il doit retourner en France bientôt, et n'a nulle intention d'emmener la jeune femme avec lui. Il sent que sa carrière politique peut évoluer, et une liaison officielle pourrait nuire à son ambition personnelle.
 
Le 17 août 1799, en apprenant que la marine anglaise a libéré la voie maritime vers la France, Napoléon décide de rentrer à Paris. Il rassemble ses officiers, qui vont l'accompagner dans son palais d’Elfi Bey, et dit au revoir à Pauline, qui semble penser que le général part simplement faire une tournée des navires dans la rade du Caire, et va revenir bientôt.
 
Lorsqu'il ne reparait pas au bout de plusieurs jours, Pauline comprend que Napoléon l'a laissée derrière lui, qu'il l'a abandonnée purement et simplement. Il ne lui écrit plus et ne répond pas à ses missives. Pour elle, il n'est pas question de retourner auprès de son ex-mari. Ses options sont très simples, il lui faut un nouveau protecteur et elle devient rapidement la maîtresse de Kleber, nouveau commandant en chef des troupes de Napoléon en Egypte. Ce dernier mettra tout en oeuvre pour lui permettre de regagner la France, bien qu'elle soit devenue sa maîtresse.
 
Pauline tente de rentrer à Paris à bord du navire «America», mais il est intercepté par les Anglais et elle doit retourner à Alexandrie. Elle devra attendre plusieurs mois avant d'embarquer enfin sur un navire plus sûr. Entretemps, le général Bonaparte est devenu Premier Consul. Désireux de se racheter une conduite exemplaire, il refuse de la voir mais lui envoie de l'argent et lui donne une maison dans Paris, à Belleville. Il s'est réconcilié avec Joséphine et ne veut pas reprendre une liaison qui le compromettrait dans sa nouvelle position. Pauline fréquente alors les théâtres parisiens et son exmari Jean Noël Fourès, rentré lui aussi en France, ne se gêne pas pour raconter à qui veut l'entendre la façon dont Bonaparte l'a écarté pour profiter des faveurs de sa femme.

La presse s'empare de cette histoire et Fouché, ministre de la police, intervient pour museler les journaux. Quant à Fourès, il est tenu sous surveillance puis en résidence forcée.
 
Quant à Pauline, on l'invite vivement à se remarier. C'est Duroc, l'aide de camp de Napoléon, qui lui présente un candidat à l'avenir prometteur : Pierre Henri de Ranchoux, d'une famille originaire du Puy en Velay (son grand-père y était chirurgien), un ex-officier d'infanterie à la retraite à l'ambition démesurée. Pauline l'épouse à Belleville le 11 octobre 1801. Elle n'a alors que vingt-trois ans.
 
En cadeau de noces, Bonaparte nomme Ranchoux consul à Santander, en Espagne. Pauline, peu désireuse de quitter la vie parisienne, ne le suit pas. Elle ne le suivra pas non plus en Suède, où Ranchoux terminera sa carrière comme consul de France à Gothembourg.
 
A Paris, elle ouvre un salon dans un appartement de la rue Napoléon, où elle dépense sans compter, s'empresse aux bals, fréquente les promenades à la mode, et reçoit de nombreux aristocrates russes, dont certains deviennent ses amants. Son mari, excédé de la distance qui les sépare, demandera le divorce, qui aura lieu en 1810, après neuf ans de mariage.
 
Pauline prend alors pour amant le commandant Paulin, aide de camp du général Bertrand, et mène souvent de front deux liaisons avec des hommes différents. Elle ne cesse cependant de tenter d'approcher Napoléon, qui est depuis devenu empereur, et qu'elle n'a pas revu depuis le Caire. Elle fréquente les bals masqués lorsqu'elle sait qu'il a une chance de s'y trouver et, au hasard d'une réception, parvient enfin à l'approcher. L'entrevue entre les deux examants est maladroite, Bonaparte ne se donne même pas la peine de la reconnaître. Cependant le lendemain (par mauvaise conscience ? Car il a quand même contribué à détruire son couple avec Fourès), il lui accordera un don de 60 000 francs sur la Caisse des Théâtres.
 
Pendant la campagne de Russie elle est exilée en province suite à sa fréquentation de certains aristocrates russes, et se réfugie à Blois. Elle fait à cette époque son autoportrait, elle a alors trente-quatre ans et écrit : «Elle est charmante, avec sa tête drôle et vivante, un peu ronde, un peu modiste, mais très fraîche et très éclatante sous les cheveux d'un blond cendré nattés et frisés à l'enfant». En société, elle plait autant aux femmes qu'aux hommes, car elle est intelligente et agréable, et elle s'essaie à l'écriture. Elle écrit un premier roman, «Lord Wentworth», en 1813, puis «Aloize de Mespres» en 1814, qui rencontrent un certain succès.
 
Elle fréquente les cercles littéraires de la baronne Girard, de la comtesse de Sucy et de la baronne Boyer. La chute de l'Empire et le début de la Restauration ne la perturbent pas, il y a longtemps que l'indifférence de Napoléon à son égard a provoqué en elle une haine farouche, puis une indifférence totale, vis-à-vis de celui qu'elle avait tant aimé.
 
En 1816, elle rencontre un ex-capitaine de la Garde de Napoléon, Jean Baptiste Bellard, plus jeune qu'elle de quelques années, dont elle tombe amoureuse et qu'elle épouse au printemps 1816. Ses finances n'ayant jamais été bonnes, elle est au bord de la ruine en avril de cette année-là. Elle décide de quitter la France avec son mari et de partir au Brésil, où elle s'installe à Rio de Janeiro. Elle a pris soin de vendre tout son mobilier auparavant, et décide de se lancer dans le commerce du bois exotique.
 
 
A Rio, elle achète du bois précieux qu'elle réexpédie aux ébénistes parisiens : ces derniers lui font des commandes régulières de bois de palissandre et d'acajou. Pauline et son mari deviennent riches et décident de revenir en France au bout de neuf ans d'expatriation.
 
Elle s'installe avec son mari rue de la ville l'Evêque à Paris, et laisse parler son comportement excentrique : des singes vivent en liberté dans son appartement elle se met à fumer à sa fenêtre et emmène même son chien sur les bancs de l'église.
 
Pour occuper ses journées, elle apprend à jouer de la harpe et se met à la peinture. Elle collectionne les tableaux de maîtres dans son appartement, mais aussi des copies, et devient l'amie du peintre animalier Rosa Bonheur.
 
Petit à petit son couple bat de l'aile, et elle se brouille avec son troisième mari vers 1838 : ils se séparent à cette époque. Elle se fait alors appel «comtesse de Ranchoux», du nom de son deuxième époux mort en 1826. Elle a soixante ans.
 
L'une de ses amies, la baronne de Wimpffen l'attire tous les étés à Blois. Elle y loue une maison et sort un troisième roman, «Une chatelaine au XIIème siècle», en 1834.
 
L'âge venu, elle rédige son testament et lègue tous ses tableaux à la ville de Blois (des copies de Raphael, de Boucher et d'authentiques tableaux comme ceux de Jean Meel). Elle n’aura malheureusement aucune descendance, n'ayant jamais eu d'enfant de ses trois mariages successifs.
 
Elle meurt à Paris le 18 mars 1869, à l'âge de quatre-vingt-onze ans, entourée d'oiseaux en liberté et d'un singe. Avant de disparaitre, elle avait pris la peine de brûler toutes les, lettres que le général Bonaparte lui avait écrites en Egypte.
 
Sa dépouille repose au cimetière du Père Lachaise à Paris.
 

Lafouine77
 
 
Sources :
- «Pauline Fourès» de Marcel Dupont.
- Wikipedia.
- «Napoléon et les femmes» de Frederic Masson.

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