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Vanessa Terral - Mois de la Romance 2017

Les Romantiques - 14/08/2017

Le Pouvoir de la Romance

«Pouvoir» n’est pas vraiment un mot que le tout-venant associe à la Romance. Ou alors, il est question du «pouvoir de l’Amour», prononcé avec un petit quelque chose de dédaigneux et de condescendant. Comme si la puissance du sentiment amoureux était une fable pour les crédules. Comme si une Romance ne pouvait avoir du pouvoir que sur les faibles d’esprit.

La Romance peut contribuer à changer une vie. Je me souviens d’avoir lu un témoignage en ce sens l’année dernière, ici même, lors du Mois de la Romance. Cela m’avait surprise et touchée. Je crois qu’alors, je considérais encore un peu la Romance comme «seulement» une récréation agréable, avec de bons sentiments – dans le sens chaleureux et tendre de l’expression –, qui redonnait du peps et un sourire sur les lèvres. Je m’étais dit : «C’est peut-être un peu excessif. Comment une histoire forcément déconnectée de la réalité, puisqu’on sait que tout se finira bien et que les personnages sont essentiellement bienveillants, peut impacter une vie à ce point ?» Eh bien, ces derniers mois se sont chargés de me le faire comprendre.

Le Pouvoir de la Romance, ce n’est pas seulement de nous faire sentir bien – ce « feel good » dont on s’enivre en tournant les pages. Il ne se résume pas non plus à cette danse des émotions qu’une Romance dépeint – même si c’est un aspect qui m’est cher et que je trouve important ; qu’il faut, en tant qu’auteur/trice, bien réfléchir et formuler, afin que cela nous (là, je parle en tant que fan !) donne des pistes quant à l’identification de nos propres sentiments. Bien sûr, ces deux expressions de la magie intrinsèque au genre participent à sa puissance et en sont tout à la fois des constituants essentiels et ses raisons d’être.

Mais la Romance fait autre chose. Elle donne des valeurs et de l’espoir. Et c’est ce que disait cet écrivain, l’année dernière : ces histoires d’amour – mais aussi, ne l’oublions pas, des récits qui parlent des réactions et d’actions vis-à-vis de celui-ci – nous donnent des repères. Qu’est-on prêt-e-s à accepter ou pas ? À sacrifier, et pourquoi ? Qu’est-ce qu’on attend d’une relation ? Comment et jusqu’à quel point s’y investir, comprendre et accepter les coups de tête de l’autre (comme les siens, d’ailleurs) et faire des compromis ? Pour peu qu’on prenne le temps de réfléchir à ce panel d’histoires de couples sans cesse différents, pour peu que l’auteur/trice ait eu à cœur d’y insuffler de la vraisemblance, on est amené à se projeter et à comparer. À revoir ses acquis. À réactualiser ses aspirations, comme si les récits nous prouvaient que le meilleur est possible. En tout cas, ils nous invitent à le chercher, à désirer ce qu’il y a de mieux pour nous-même, car nous le valons et que le monde est vaste. Car la vie est faite de possibilités. Et c’est cela, finalement, cet autre Pouvoir de la Romance qui m’a été insufflé et que je puise encore, dans les livres, mais aussi dans des histoires d’amour de «vraies» personnes autour de moi : l’espoir. Bon, d’accord, il y a des jours sans. Des jours où je referme le livre, l’âme tellement à vif que le bonheur la râpe. Mais n’est-ce pas aussi, quelque part, une preuve de cette force qu’il renferme ? Est-ce qu’un «simple divertissement» aurait la faculté de nous chambouler ?

Et il y a ces autres journées. Celles où je garde confiance dans une amélioration parce que je me dis : «Hey ! Il y a du feel good et des fins heureuses ! Patiente, veille sur toi, deviens celle que tu aimes être et le reste suivra.» Et c’est ça, somme toute, ce que ces histoires nous enseignent. Telles de bonnes fées au-dessus de nos têtes, elles nous invitent à faire scintiller notre nature profonde et merveilleuse, à rayonner d’être nous – car, au bout du compte, c’est la seule chose que nous maîtrisons et qui importe vraiment.

Et, franchement, même si le reste ne «suit pas»… Au moins, nous aurons avancé en direction de ce que nous aspirons à devenir, vers les parts les plus badass de nous-mêmes ! Et nous pourrons en être fières.

 

Vanessa Terral recommande

Je vais commencer par ce qui a été pour moi la révélation 2016 : Lisa Kleypas ! Je l’ai découverte grâce au Mois de la Romance de l’année dernière et aux conseils d’Eléonore Fernaye et de Stéphane Soutoul. Son style m’a conquise, sa justesse et l’humanité qu’elle donne à ses personnages. Mais le gros point fort, ce qui m’a soufflée, est le début de son roman "Mon nom est Liberty". Durant plusieurs chapitres, il est question de l’enfance de l’héroïne, de son adolescence, de comment elle parvient à s’en sortir en tenant la vie à bras-le-corps et en élevant sa petite sœur. Débuter une Romance comme un roman féminin, et attendre autant pour réellement amorcer les codes que les lectrices et lecteurs attendent est une gageure que l’auteur a menée avec panache et beaucoup d’émotions.

Ma seconde recommandation part dans une direction totalement différente : l’auteur-illustrateur MarcG, fan de BD et de manga et qui a créé le webcomic The Gardener. Il le publie gratuitement à raison d’une page par semaine (hors périodes de pause). L’histoire se passe de nos jours et met en scène un jeune homme de bonne famille, Ambroise Archibald, qui se remet d’une chute de cheval dans la demeure familiale. Il y rencontre le jardinier, Léo, plus… brut de décoffrage que ce dont il a l’habitude (un bad boy, un à qui on ne la fait pas !). Le dessin est agréable et expressif, les personnages touchants et la relation que tissent ces deux-là est juste extrêmement frustrante, d’autant qu’on les voit avancer au compte-goutte ! Mais chaque lundi matin, je me jette sur Facebook pour découvrir la suite de leur imbroglio romantico-émotionnel !
Site Web : http://thegardener-comic.com
Facebook : www.facebook.com/thegardenercomic

 

Les questions

1°) Parlez-nous d’un moment où vous avez pris conscience du Pouvoir de la Romance.

Il est difficile pour moi d’en parler clairement, car cela touche des événements encore frais et d’ordre très personnel. Disons que cette dernière année écoulée, les Romances que j’ai lues m’ont aidée à mieux me situer dans la relation de couple, de comprendre ce que j’y recherche et m’ont donné la force de vouloir ce qui serait le mieux pour moi. Ce n’est pas le plus facile, ça ne va pas forcément dans le sens commun et ça peut dévaster les acquis d’une vie, mais quelque part, on sait qu’on a pris les bonnes décisions. Je me souviendrai toujours de ce moment où j’ai levé les yeux de ma liseuse et où je me suis dit : «Ce que je vis, c’est mon enterrement, ce n’est plus une belle relation.» Les mois qui ont suivi – et que je vis en ce moment – ont bouleversé mon existence.

2°) Parlez-nous d’un objet qui évoque des souvenirs puissants à vos yeux.

Après avoir bien cherché – des peluches, des bijoux, etc. – je me suis aperçu qu’en réalité, l’objet le plus évident était aussi beaucoup plus gros : c’est le canapé de chez mes grands-parents. Sur ce canapé, on regardait les dessins animés avec les cousins, alors qu’on était enfants. On a (un peu) sauté dessus (parce qu’on n’avait pas le droit), on s’y est avachi pour jouer. On se retrouve encore, à certains Noëls, avec les oncles et les tantes – et il y a une belle brochette familiale sur les coussins. Je m’y suis effondrée de sommeil certaines nuits d’été, vers quatre heures du matin, alors que je squattais pour profiter de Paris et que la saveur nocturne était si intense qu’on ne pouvait pas l’ignorer. Et, bien sûr, ce sont les soirées passées entre mes grands-parents, à regarder des séries (merci à eux de m’avoir fait découvrir Les enquêtes de Murdoch !), à discuter et à manger un chocolat pour marquer le milieu de l’épisode. Ce canapé porte sur ses coussins élimés mes décennies de souvenirs, et parmi mes liens et mes émotions les plus précieux.

3°) Parlez-nous d’un mot qui a beaucoup de pouvoir à vos yeux.

«Équilibre»
L’équilibre est le pivot entre le mouvement et l’immobilité ; entre l’harmonie et la dissonance ; entre l’ordonné et le sauvage. C’est un point magique où les contraires peuvent danser ensemble, s’apprivoiser et s’entendre, se comprendre… Parce qu’on ne peut pas être tout le temps «Bien» ou «Mal» – et quand on va mal, on ne peut pas facilement se tirer jusqu’au bien –, il est important de se rappeler de l’équilibre, et d’y tendre. Le chemin est moins long. L’équilibre est à la fois pour moi un idéal de vie et ma focale d’espérance. Il permet d’être tout ce que l’on veut, sans pour autant se perdre ou sombrer.

4°) Parlez-nous d’un livre que vous n’avez jamais pu oublier.

Comme il est question, pour ce Mois de la Romance 2017, de Pouvoir, je souhaiterais vous citer un livre qui exprime la force que chaque femme a en elle. Au-delà de ça, la méthode utilisée peut être appliquée par tout le monde, indifféremment de son genre, et permet de chercher dans des contes qui nous parlent les enseignements qu’on y sent, de manière confuse, mais certaine. Il s’agit de "Femmes qui courent avec les loups", de Clarissa Pinkola Estés. L’auteur est à la fois conteuse traditionnelle et psychothérapeute jungienne. Elle a sélectionné différentes histoires et en a extirpé la substantifique moelle afin de mettre en lumière les étapes et les épreuves qu’une femme a à franchir pour atteindre son plein Pouvoir sur sa vie, en harmonie avec les différents aspects de sa psyché. C’est très enrichissant, et j’ai eu l’occasion d’appliquer la méthode sur un conte qui m’a beaucoup soutenue lors d’une période assez sombre de ma vie.

5°) Parlez-nous d’une personne qui a eu une puissante influence sur votre vie.

Bon, cela fait deux jours que j’y réfléchis sans trouver, alors plutôt que d’inventer quelque chose, je vais être honnête : je ne vois personne – ni quelqu’un que j’ai rencontré «pour de vrai» ou de mon entourage, ni une célébrité, auteur ou autre – qui a eu une telle influence sur ma vie. Il y a eu des personnes qui m’ont encouragée, qui m’ont soutenue. Il y a des personnes sans l’aide de qui je ne serais pas là où j’en suis aujourd’hui : parce qu’elles ont cru en moi, ou parce qu’elles ont été là quand j’en avais besoin et qu’elles m’ont écoutée et aidée à prendre une décision. Parce qu’elles ont été à mes côtés. Il y a ces personnes, alors que j’étais enfant, qui ont contribué à mon chemin vers la lecture – puis vers l’écriture – et vers le conte, à mon intérêt pour les mythologies, si important dans mon existence. Il y a des personnes qui résonnent comme des petites étoiles tout au long de mon parcours.
Personne, de ce que je me souviens, n’a réellement infléchi ma vie – pas assez pour que je puisse parler d’une «puissante influence». Il y a «juste» une myriade de gens qui, par leurs petites ou grandes actions, une seule fois ou plusieurs, parfois depuis ma naissance, me permettent d’avancer et m’offrent une chance de me réaliser et de partager cela à mon tour.
Merci à elles.

 

Vanessa Terral

Vanessa aime imaginer des héroïnes combatives et de beaux gars torturés – et puis musclés, tant qu’à y être. Spécialisée dans le fantastique, elle a décidé de fusionner deux de ses passions : les mythologies, marotte ancienne, et la Romance, dans laquelle elle a plongé il y a quatre ans. Un petit coup au shaker et voici née la Romance mythologique ! Mais bon, il y avait eu des indices avant cela ; des frasques de jeunesse, dans le genre fanfics… Ses Romances d’alors étaient surtout homosexuelles – entre hommes, certes, mais aussi entre femmes, sous-genre qu’elle trouve délaissé, et ça, c’est trop injuste. Elle a d’ailleurs entamé sa carrière de justicière avec la nouvelle "Le miroir au fond du puits" (à télécharger gratuitement sur toute bonne plateforme) et le roman "Cinq pas sous terre". Mais sa première incursion validée-tamponnée dans le genre qui nous intéresse est "Par ton regard", aux éditions Láska. Son dernier roman en date est "Le gardien de la source", une Romance historique aux accents gothiques qui se déroule dans la Provence où elle a grandi. Sa dernière incursion dans la sphère de la Romance est la nouvelle "Un cœur d’ange pour Noël", disponible en numérique – de l’urban fantasy avec Nantes comme toile de fond et qui suit les affrontements (voire plus si affinités) entre un ange déchu et un chasseur paranormal.

Site Web : http://vanessaterral.fr

 


Commentaires

marie lerouge (le 14/08/2017)
Le pouvoir de la Romance est tel qu'il peut bouleverser une vie. Ton témoignage perso en est la preuve et je le trouve très fort. "Donner des valeurs et de l'espoir" est un aspect qui me plaît aussi. Quant au livre "Femmes qui courent avec les loups", le titre, la couverture et le résumé donnent envie de s'y plonger.

Vanessa Terral (le 14/08/2017)
Merci pour ce mot, Marie! :-) Oui, sans aller dans la dérive démagogue, qu'une Romance, qui parle des relations humaines, puisse proposer à un moment un visage sain et respectueux de celles-ci me semble important (même si ça commence mal, hein! faut bien qu'il y ait de l'intrigue :-p ). "Femmes qui courent avec les loups" est un livre que je trouve important et qui, lui aussi, peut changer une vie, quand on prend le temps de le lire à son rythme et de l'intégrer. À titre perso, ça m'a pris près de deux ans – et pas seulement parce qu'il est épais! ^^

Marie-Laure (le 16/08/2017)
Très intéressant ton essai Vanessa... Et quel joli choix que le canapé comme objet :-) C'est tellement vrai ce que tu dis et si joliment formulé : "Ce canapé porte sur ses coussins élimés mes décennies de souvenirs, et parmi mes liens et mes émotions les plus précieux."

Fabiola (le 17/08/2017)
"Est-ce qu’un «simple divertissement» aurait la faculté de nous chambouler ?": je pense que c'est exactement ça. Une romance capable de chambouler est forcément plus qu'un divertissement. J'espère en tout cas, que tu as pu retrouver un "équilibre" (ton maître-mot)

Vanessa (le 19/08/2017)
Marie-Laure > Merci beaucoup, pour l'essai et pour le canapé! ^^ J'ai eu du mal à le trouver, mais quand j'ai enfin réussi à me débarrasser de mes présupposés, il a atterri comme une évidence. :-) (Et là, j'ai l'image de la maison qui écrase la méchante sorcière de l'Est – mais le canapé a été moins violent!)

Vanessa (le 19/08/2017)
Fabiola > Merci! :-) En fait, j'ai l'impression que tout mon essai pourrait se résumer à cette phrase, et n'est là que pour la conforter. Pour l'équilibre tel que je le définis ici, il ne m'a jamais réellement quitté. Ce n'est pas être bien, c'est ne jamais quitter la possibilité d'aller bien de vue – et quand on en a la force, d'agir de manière à s'en rapprocher. En tout cas, c'est gentil de t'en préoccuper, merci beaucoup! ^^

Fabiola (le 20/08/2017)
De rien Vanessa :-) Et je te dis à bientôt j'espère

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