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Pauline Derussy - Mois de la Romance 2017

lafouine77 - 23/08/2017

Le pouvoir de la romance

A une époque, j'étais en école prépa. Autour de moi, parmi mes amis, parmi les autres élèves, je savais qu'il y avait des gens qui retenaient les montagnes de cours en une seule lecture, des gens qui travaillaient, certes, comme tout le petit monde que nous étions, compagnons de galère, mais eux travaillaient un peu moins que les autres, et ils réussissaient quand même. Je n'en faisais pas partie ! Je me réveillais le matin à 5h30, à 6h je révisais déjà mes cours. En rentrant le soir, je prenais une heure (chronométrée) pour manger, de 20h à 21h. Puis je m'y remettais, jusqu'à 22 ou 23 heures en fonction de ma forme. Jusqu'au lendemain, où tout recommençait !

Je savais que si je sortais de cette rigueur presque militaire, je ne tiendrais plus le coup, je m'effondrerais en petit tas sur le sol et je ne me relèverais plus pour travailler. C'était un univers de par-coeur, de routine, de camaraderie aussi, mais de repos trop maigre. Et puis il y avait les notes, omniprésentes, quasiment toujours en-dessous de 10, parce que nous donner plus, c'était apparemment nous encourager à la paresse. Quelle humiliation, ce 6 pour un devoir qu'on avait passé plusieurs dizaines d'heures à faire en groupe ! Quelle angoisse, ce concours blanc où on recevait des 7, des 8, et où tout ce qu'on lisait sur le papier, au lieu de cette note infamante tracée au stylo rouge, c'était une annotation imaginaire : "Tu vas rater ta vie !". Oui, parce qu'on croyait à cette époque que rater le concours, c'était tout rater du même coup. On est parfois naïf, à dix-huit ans.

Toujours est-il que, quand j'y repense, ce qui m'a gardée de la dépression pendant cette époque, ce qui m'a tenu la tête hors de l'eau pendant deux longues années, jusqu'à ce fichu concours que j'ai fini par décrocher, c'était les vingt pages. Les vingt pages de romance (issues de la saga Twilight, qui venait de paraître) qui occupaient mes trente minutes entre 5h30 et 6h. Le soir, je ne pouvais plus lire : je n'en avais plus la force après avoir ingurgité une montagne de connaissances. Mais ce moment que je prenais, que je choisissais de prendre en réglant le réveil plus tôt, alors que l'immeuble était silencieux et endormi, alors que mon chat, tigré, venait se lover contre mon cou dans l'oreiller, ce moment était ma salvation. C'était mon plaisir secret, le moment où la lecture cessait d'être la douloureuse épreuve qu'elle était devenue à force de lignes serrées qu'il fallait savoir pour le lendemain.

Je n'ai jamais lu un livre aussi doucement qu'à cette époque, j'ai toujours eu du mal à savourer. Je ne lis pas tant que je dévore les oeuvres. Vingt pages, trente minutes, c'est tout ce que je m'autorisais à prendre pour moi. Mais ces pages étaient pour moi un univers ! J'entendais presque le cliquetis d'un cadenas qu'on ouvre, quand elles autorisaient enfin mon esprit saturé de formules et de calculs savants à s'évader. Je devenais une autre que celle que mes amis de prépa côtoyaient. Je devenais moi, car la romance, cette romance si légère, si tendre, qu'on décrie si facilement, la romance m'avait rendue à moi-même.

 

Pauline Derussy recommande

En M/M, Lily Haime, pour ses romans que j'aurais aimé écrire, et qui touchent à des sujets proches de mon coeur. Un petit coup de coeur pour Mathias en particulier, dont j'ai adoré le héros (et sa famille surtout, je veux sa famille !). Mais ce n'est pas très original car tout le monde adore Lily ;).

Je citerais aussi le manga Yellow, de Makoto Tateno, un peu moins connu chez les francophones, et dont les quatre tomes valent pourtant largement le détour !

En M/F, Mercedes Lackey, qui écrit de l'héroïc fantasy, mais toujours avec de très belles histoires d'amour, très inclusives. Elle est la créatrice du "Lifebond", concept merveilleux que vous pourrez découvrir plus en détail dans presque toutes ses oeuvres. Dans les couples de ses livres, j'aurais bien entendu pu citer en M/M Vanyel et Tylendel (oh, 'Lendel, 'Lendel !) ou Vanyel et Stefen, mais pour faire dans le moins connu, je parlerai plutôt de la trilogie Arrows of the queen, avec Talia et Dirk, personnages "ordinaires" aux destins extraordinaires, qui m'ont énormément touchée.

Le premier tome des Ailes d'émeraude, d'Alexiane de Lys, présente aussi une très jolie histoire d'amour, craquante à souhait, et même si j'ai moins accroché au reste de la série, je la recommande tout de même, ne serait-ce que pour faire la connaissance de Gabriel.

 

Les questions

1- Parlez-nous d’un moment où vous avez pris conscience du Pouvoir de la Romance.

Hé bien, après cet essai je répondrais bien "en prépa" mais ce serait trop facile ! Disons qu'il n'y a pas vraiment eu de "révélation" un jour, en me levant. C'est quelque chose que je découvre depuis que je suis en âge de lire, et qui m'impressionne toujours plus. La romance est un style vite décrié par ceux qui ne s'y sont jamais intéressés. Et la lectrice (ou, pire, le lecteur !) de romance est facilement méprisée. Comme le lecteur de policier, de littérature young adult, d'héroïc fantasy, de BDs, de journaux... comme si la seule lecture "noble" concernait les grandes oeuvres classiques ! En dehors d'Hugo et Zola (que j'aime beaucoup, ne nous méprenons pas), n'est-il point de salut ? Mais ceux qui méprisent ainsi la romance font souvent la preuve de leur ignorance, car plus je m'intéresse à son pouvoir, plus je réalise sa force : la romance, avec plus de facilité que bien d'autres genres, ouvre la porte de mondes nouveaux, elle se fait souvent un bastion de la tolérance et de l'ouverture d'esprit, elle transcende les origines et rassemble des lecteurs et lectrices de tous lieux.

2- Parlez-nous d’un objet qui évoque des souvenirs puissants pour vous.

Il s'agit d'une statuette de chat, dans un dessin-animé qui présentait ce que je considère comme ma première romance - même si c'est une classification discutable en l'occurrence. C'est en tout cas la première histoire romantique pour laquelle je me sois prise véritablement de passion. Il s'agissait de la série animée Batman de 1992, et l'épisode mettait en scène the infamous Catwoman, qui avait dérobé cette fameuse statuette de chat. Batman, à moitié par souci d'intégrité et à moitié parce que le pauvre homme rêvait de détourner la belle Célina de sa passion du vol, qui les condamnait à être ennemis de nature, Batman, donc, avait cherché à l'empêcher de commettre cet acte délictueux. Dans des circonstances dont je ne me souviens plus, le musée où était gardé ce bel objet devenait la proie des flammes, et Catwoman, terrible dans les flammes, abandonnait la statuette là où elle ne tarderait pas à se consumer, avant de lancer, perchée sur une fenêtre, à Batman "C'est le chat, ou c'est moi". Prisonnier de son honnêteté farouche, Batman sauva le statuette... Et se retourna pour découvrir une fenêtre vide par où la femme de ses rêves avait disparu.

3- Parlez-nous d’un mot qui a beaucoup de pouvoir à vos yeux.

Je vais choisir le mot "responsabilité", même s'il ne semble pas forcément coller avec l'univers de la romance, à première vue. Je fais partie des auteurs qui considèrent qu'on a une responsabilité envers ses lecteurs. Tout simplement parce qu'il m'est arrivé de lire des oeuvres qui ont une une influence profonde sur ma façon de considérer le monde. Je ne peux donc pas ignorer la possibilité qu'un jour mes écrits touchent profondément quelqu'un, au point de l'amener à réfléchir sur sa propre vie ou celle de ses proches. C'est pour ça, et parce que je crois profondément au droit universel à l'amour, que j'aime écrire sur des personnages blessés, boiteux, handicapés par la vie, des personnages qui, entre autre, mettent des préservatifs et ne confondent pas faire l'amour avec commettre un viol.

4- Parlez-nous d’un livre puissant que vous avez lu cette année (ou d’un livre que vous n’avez jamais pu oublier).

"Danser les ombres", de Laurent Gaudé. Ce livre, dont l'action se déroule à Haïti, raconte les destins croisés de nombreux personnages, si colorés et humains qu'on pourrait les croiser au coin de la rue. Parmi eux, il y a Lucine, et Saul, et leur amour qu'on pressent avant de le lire, tout en mots, tout en douceur, comme si le monde se révélait à eux. Et puis la terre...

5- Parlez-nous d’une personne qui a eu une puissante influence sur votre vie.

Ce serait presque trop facile de parler de ma soeur aînée et pourtant siamoise, Julie Derussy, co-auteur et éditrice, sans laquelle je n’aurais jamais envisagé de publier !

J’évoque donc le souvenir de Line, une amie que je n'ai jamais rencontrée ailleurs que sur Internet. Il y a quelques années déjà, elle et moi partagions des histoires. Son personnage s'appelait Anton Rietjens, le mien Gabriel de Montombe... Ils s'aimaient passionnément, presque durement. C'est à ce jour ma plus belle expérience d'écriture à quatre mains, même si rien ne fut publié, on n'écrivait que l'une pour l'autre... Et puis la prépa (à nouveau !), et j'ai cessé d'aller sur les forums... J'ai perdu Line de vue, ma belle Elline à la plume si drôle, si touchante ! Elle me donnait envie d'écrire tous les jours pour un jour écrire comme elle. Je n'ai jamais connu le nom de Line, je ne connais que celui de son personnage. J'espère lui reparler un jour...

 

Le concours

Un exemplaire numérique de "Soundless".

La gagnante sera tirée au sort parmi les personnes ayant commenté cet article.

 

Pauline Derussy

Pour moi, écrire est une nécessité, ni plus, ni moins. Concernant mes personnages, je ne cesse de vouloir répondre à la question de Verlaine et de sa créature enchanteresse, dont la voix d'or vivant me susurre sans relâche "Dis-moi, quel fut leur plus beau jour ?". Mon premier roman, Soundless, a été publié cette année, pour être, je l'espère, suivi par bien d'autres.

 


Commentaires

Marie-Laure (le 23/08/2017)
un nouvel essai sur "le pouvoir de la romance" très intéressant... Et cette jolie bulle qui fut la tienne durant ces lourdes études... Merci Pauline de redonner une place aux auteurs d'aujourd'hui avec finesse et intelligence.

marie lerouge (le 23/08/2017)
Emouvant plaidoyer pour la romance. Merci Pauline. "Ouvrir la porte de nouveaux mondes", se faire "bastion de la tolérance" et "rassembler...", voilà des idées que je partage avec toi. Et quel beau mot puissant que celui de responsabilité !

Fabiola (le 24/08/2017)
J'aime beaucoup le mot que tu as choisi. Responsabilité. C'est un mot très important chez moi. L'auteur de romance a la responsabilité de proposer une romance à ses lectrices, ce qu'oublient souvent certains auteurs dans leur idée de vouloir faire de la romance autrement.

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