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Marie Lerouge - Mois de la Romance 2017

Les Romantiques - 16/08/2017

Jeanne, la romantique

Si on demandait à Jeanne combien de romances elle a lu dans sa vie, elle répondrait en rosissant : «Des centaines, mille ! Peut-être plus ? Je ne les ai pas comptées, et ça n’est pas près de s’arrêter.»
Jeune fille déjà, elle dévorait les romans d’amour à la chaîne, avec une prédilection pour ceux de la collection Harlequin. S’identifier à une héroïne jeune et belle qui se retrouve dans les bras puis dans le lit d’un bel homme musclé, riche et parfois titré, c’était ça le pouvoir de la romance pour elle. Et puis, grâce à Anne Golon et sa Marquise des anges, elle est tombée amoureuse de Joffrey de Peyrac et de Robert Hossein par la même occasion. Dans la foulée, elle s’est mise à lire des romances historiques, mais aussi celles d’auteurs des siècles précédents – ah cette chère Jane Austen ! Non seulement, elle changeait de peau, mais elle remontait les couloirs du temps. Le pouvoir magique de la romance, je vous dis ! Du jour au lendemain, elle pouvait se croire aimée d’un médecin américain, d’un sultan des Mille et une nuits, d’un lord anglais… Le rêve !
Et puis, elle a rencontré son Robert, un homme de chair pas spécialement beau, ni musclé, ni riche. D’accord, la réalité n’a pas rejoint la fiction, mais grâce à la romance, Jeanne a pu continuer à rêver, tout en surveillant ses enfants du coin de l’œil au parc. S’évader du quotidien, elle en avait besoin aussi, même si elle n’était pas à plaindre, loin de là. «Un roman = un bol d’air», prétendait-elle en riant.
Les enfants ont grandi, leur mère a mûri et les romances ont changé. Elles se sont teintées d’érotisme dans toutes ses nuances. Ce qui n’était que suggéré est devenu plus explicite. Jeanne n’a pas honte de reconnaître que ce type de littérature a alimenté de nouveaux fantasmes et qu’elle a osé de nouveaux gestes, de nouveaux mots, au lit avec un Robert surpris mais enchanté. Le pouvoir de la romance, sur la vie sexuelle des couples !
Aujourd’hui, Jeanne est grand-mère et bientôt arrière grand-mère. Les codes de la romance ont continué d’évoluer depuis le temps. Avec ses petits-enfants qui lisent de la Dark Romance, de la Fantasy, du New Adult… – des termes qu’ils lui ont expliqués – elle aime bien discuter de l’influence des livres sur la vie. Au moins, s’amusent-ils beaucoup ensemble. Jeanne se félicite tous les jours du pouvoir de la romance sur le rapprochement des générations. Elle trouve formidable que la romance contemporaine accompagne aussi bien l’évolution de la société – quand elle ne la suscite pas – et n’hésite plus à aborder des thèmes tabous à son époque comme le divorce, la famille recomposée, l’homosexualité, l’adultère, les addictions et même la violence conjugale. Jeanne sourit en pensant que si elle n’a jamais trompé son cher mari, elle ne s’est pas gênée pour vivre des aventures par procuration grâce aux héroïnes de ses romances préférées. Si on la pousse dans ses retranchements, elle avouera même son attirance pour les bad boys qui, comme le comte de Toulouse, cachent un cœur sensible sous une apparence rugueuse.
Hélas, son Robert d’époux a tiré sa révérence trop tôt. Heureusement que les romans Feel Good – encore un terme que ses jeunes lui ont appris – aident à combler les moments de solitude, et lui donnent la pêche en cas de coup de blues. Grâce à eux, elle peut encore s’imaginer dans les bras d’un homme. Elle a beau être octogénaire Jeanne, elle a toujours besoin d’affection… Et justement, il y a cet homme qui vient chaque jour au parc – elle a beaucoup voyagé virtuellement, mais jamais déménagé – et s’assied avec un livre en face d’elle. Il doit avoir son âge ou juste un peu moins. Grand, élégant, crinière blanche très classe. Dès qu’il s’absorbe dans son livre – ce serait amusant qu’il soit fan de romances, lui aussi – elle l’observe par petits coups d’œil furtifs et quand elle baisse les yeux, elle sent son regard peser sur elle. Soudain, la très coquette Jeanne – autre enseignement de la romance : on peut militer pour l’égalité des sexes, on n’en reste pas moins femme et féminine jusqu’au bout de ses escarpins – espère que demain, le séduisant inconnu osera s’asseoir près d’elle, à moins qu’elle initie la première approche au prétexte de sa lecture par exemple. Elle y croit Jeanne au happy end dans les histoires d’amour. Elle y croit tellement qu’elle quitte son banc pour le rejoindre et qu’en la voyant s’avancer vers lui de son pas décidé, il se lève et sourit de toutes ses dents très blanches. Le cœur de Jeanne bât la chamade. Elle a vingt ans. Elle est amoureuse. Lire des romances, ça peut aussi vous changer la vie !

 

Marie Lerouge recommande

- Agnès Ledig, s’il faut encore la présenter, s’est fait connaître par «Juste avant le bonheur» en 2013, suivi de titres à succès. Mais je l’ai découverte avec «Marie d’en haut» en 2012, une jolie romance dans le cadre d’une belle nature.

- Laure Manel est de ces auteurs qui doivent leur succès à l’autoédition. Elle s’est fait remarquer grâce à «La délicatesse du homard», romance empreinte d’une grande sensibilité qui m’avait attirée par son titre et son cadre que j’aime tant et qui m’inspire beaucoup : la Bretagne.

- «Quand le destin s’emmêle» d'Anna Janson est le roman feel good par excellence. Angelika, coiffeuse sur l’île de Gotland au large de la Suède, joue les marieuses sans trop se préoccuper de sa vie amoureuse, jusqu’à ce que le destin s’en mêle pour le meilleur.

 

Les questions

1- Parlez-nous d’un moment où vous avez pris conscience du Pouvoir de la Romance.

Un des moments très forts dans ma conception de la relation amoureuse et du pouvoir de l’amour a été cinématographique. Je le dois à l’adaptation de la Marquise des anges dont l’auteur, Anne Golon (qui a eu beaucoup d’influence sur nombre de romancières), vient de nous quitter. Son héros, interprété par Robert Hossein, a été – comme pour la Jeanne de mon essai, mais la comparaison s’arrête là ? – un de mes premiers coups de foudre. Grâce aux images fortes des films et ensuite des livres de la saga, j’ai compris que l’impact de l’attirance sexuelle dépassait l’aspect physique pour tenir d’une sorte d’alchimie difficile à analyser et qu’attraction et répulsion allaient parfois de pair. J’ai compris qu’une femme pouvait être attirée par le pouvoir, l’ambition, le combat, le côté sulfureux d’un homme et qu’elle pouvait aller très loin pour un tel homme. Le comte de Peyrac est-il le modèle du bad boy qui fait fantasmer les femmes d’aujourd’hui et qu’on retrouve dans beaucoup de romances contemporaines ou historiques ? Pourquoi pas ? En tout cas, il a certainement influencé mon regard sur les hommes. Alors oui, comme Jeanne, je prétends que la romance, en jouant sur l’imagination et le fantasme a le pouvoir d’influencer inconsciemment ou pas les choix de vie.

2- Parlez-nous d’un objet qui évoque des souvenirs puissants pour vous.

Je n’évoquerai pas un objet, mais des parfums dont l’effet sur la mémoire est très soudain et puissant : ceux du lilas et des roses qui font remonter des souvenirs d’enfance ; ceux du jasmin et de l’eucalyptus qui m’évoquent une ville où j’ai vécu des moments très marquants.

3- Parlez-nous d’un mot qui a beaucoup de pouvoir à vos yeux.

Pour moi, c’est le mot Tolérance dans le sens de comprendre et d’accepter que les autres puissent agir ou penser de manière différente que soi. C’est une qualité qui s’acquiert avec le temps, qui est essentielle en amour et dans l’ensemble des relations humaines. Sans tolérance pas de paix.

4- Parlez-nous d’un livre puissant que vous avez lu cette année (ou d’un livre que vous n’avez jamais pu oublier).

- « Le chardonneret » de Donna Tartt m’a laissé une impression puissante, parce que l’intrigue, haletante, mêle avec brio tout ce que j’aime dans un roman : du rythme, des sentiments, de l’érudition, de l’émotion, de la nostalgie, du mystère…

- Si l’on s’en tient à la romance, je garde un souvenir puissant de Jane Eyre de Charlotte Brontë qui ajoute l’angoisse à la dimension romantique et relève selon moi du même principe que les Angélique (ou La belle et la bête) : comment l’héroïne se laisse peu à peu séduire par un héros a priori antipathique en découvrant ses qualités cachées.

5- Parlez-nous d’une personne qui a eu une puissante influence sur votre vie.

Mon grand-père maternel, écologiste avant l’heure, passait beaucoup de temps à s’occuper de son jardin et je passais beaucoup de temps avec lui. Il m’a appris à regarder et à respecter la nature dans toutes ses formes. Je lui dois mon penchant pour la rêverie et l’importance que j’accorde aux descriptions dans mes romans.

 

Marie Lerouge

Après des études d’économie, une carrière de journaliste, une vie itinérante d’épouse d’expat et de mère de trois enfants devenus adultes, j’ai pris le temps depuis 2010 de me consacrer à ma passion de l’écriture. Sous le pseudo de Marie Lerouge, j’ai publié trois titres dans la collection HQN chez Harlequin, un roman chez Il était un bouquin. Mon prochain roman Happy solo paraîtra le 7 septembre dans la Collection Coton, la collection Feel Good de Nisha Editions, en attendant le suivant chez Il était un bouquin.


Commentaires

Marie-Laure (le 16/08/2017)
Très intéressant Marie ton analyse sur le pouvoir de la romance au travers du regard de Jeanne... Une rentrée littéraire bien chargée pour toi. Je te souhaite tout le succès que tu mérites :-)

Aurore Aylin (le 16/08/2017)
Le pouvoir de la romance est infini, n'en déplaise à ceux qui la tournent en dérision. Et les lectrices de romance ne sont pas pour autant de pauvres choses en mal d'amour ou qui rêvent au prince charmant, la Jeanne de ton texte le prouve : on peut être parfaitement ancré dans la réalité et la vivre pleinement, tout en s'accordant une parenthèse de rêve avec nos livres chéris.

Aurore Aylin (le 16/08/2017)
Il me semble que Harlequin France a été créé à la fin des années 70 : si Jeanne est octogénaire, elle ne peut pas avoir lu des romans Harlequin dans sa jeunesse ;-) Ai-je trouvé l'anachronisme, Marie ?

marie lerouge (le 16/08/2017)
Merci Marie-Laure. J'attends de lire ta contribution demain. Mais celles que j'ai lues et commentées jusqu'alors se rejoignent toutes à leur manière. C'est très intéressant.

Marie-Laure (le 16/08/2017)
Oui, tout à fait Marie :-) Comme j'étais absente je prends le temps de lire la contribution de chacune maintenant et je trouve en effet très intéressant la manière de traiter ce sujet, différemment mais avec beaucoup de points communs. La mienne sera sur le site vendredi :-)

Marie Lerouge (le 16/08/2017)
Aurore, tu as parfaitement résumé mon texte en quelques lignes. J'espère que des initiatives comme Le Mois de la Romance et tant d'autres, sans parler de nos livres contribuent à réhabiliter ce genre injustement décrié particulièrement en France.

Julie Derussy (le 16/08/2017)
Bonne idée de passer par un personnage pour évoquer la romance :-) Le texte est joli et intéressant.

marie lerouge (le 16/08/2017)
Merci Julie :-) Sur ce thème qui n'était pas facile, je trouve, j'ai commencé par noter une liste d'idées et l'histoire de Jeanne s'est imposée toute seule. Mystère de l'inspiration.

Laurence O. (le 16/08/2017)
Très jolie description de la romance dans tous ses états. Je pense que la plupart des femmes pourra s'identifier à Jeanne. Et, très intéressant de lire le portrait de l'auteure !

marie lerouge (le 16/08/2017)
Merci Laurence :-) Avec Jeanne j'ai voulu surtout montrer que l'amour n'a pas d'âge. Qu'on peut tomber amoureux à toutes les périodes de la vie. Je m'aperçois d'ailleurs que je place souvent des couples d'âge mur dans mes romances ;-)

Laurence O. (le 16/08/2017)
De rien. Vous avez tout à fait raison : l'amour n'a pas d'âge. :-)

Dona (le 16/08/2017)
J'attendais le moment propice pour lire "Jeanne la Romantique". Ce moment est une halte, une possible échappée, une disponibilité totale. C'est ainsi que j'aborde les romans que je choisis, ceux qui me sont offerts, ceux que je découvre par hasard. Les histoires que je lis prolongent mes journées et alimentent mes réflexions. Ils sont prétextes à échanges. Quel beau texte Marie. Comme Jeanne a bien profité des talents des écrivains hommes et femmes pour être heureuse, équilibrée et présente au temps qui passe. Ton texte est magnifique et bien écrit. Merci.

Marie Lerouge (le 17/08/2017)
Merci Dona. Je suis touchée.

sheila (le 17/08/2017)
Bravo Caroline, ton approche originale et lyrique est très efficace. Et ton analyse intelligente pousse à la découverte de ce genre de littérature, loin du désabusé du chick lit !

marie lerouge (le 17/08/2017)
Merci Sheila. Je suis rouge de confusion. Merci pour ta participation au brain storming initial ;-)

Fabiola (le 17/08/2017)
Super ton essai, qui "grandit avec le temps". Bravo et merci :-)

marie lerouge (le 17/08/2017)
Fabiola: Je ne sais pas comment je dois prendre ce "grandit avec le temps" ? ;-) Oui j'ai fait long mais je n'ai pas dépassé la limite. Autrement, oui je crois que l'amour et implicitement la romance, n'est pas atteint par la date de péremption et peut vous tomber dessus à tout âge et grandir quand il arrive tôt. Sinon, tu remarqueras que cette année, j'ai fait attention à respecter la sacro-sainte convention du happy end pour qualifier une romance ;-) Pour finir: merci pour l'invitation à participer à ce Mois de la Romance cette année encore :-)

Anne (le 19/08/2017)
Bravo Caroline , moi aussi , mon coeur s'est mis à battre pour le comte de Peyrac et aussi pour Edward Rochester , l'archétype du héros byronien (désabusé, malheureux, sulfureux ) et j'y ajouterai Rhett Butler dans "Autant en emporte le vent" que je mettrais dans cette catégorie. C'est le pouvoir de la romance de nous emmener dans l' univers fabuleux des passions, des aventures et du merveilleux !

marie lerouge (le 19/08/2017)
Je suis bien d'accord avec toi Anne, à condition d'inclure les histoires d'amour (qui ne sont pas toutes des romances) dans le lot de ces romans qui alimentent nos rêves et parfois nos fantasmes.

Fabiola (le 20/08/2017)
LOL Marie "grandit avec le temps", dans le sens évolue avec la mode et le temps. Après je ne suis pas fan de tout ce qui sort, mais on ne peut pas dire que la romance ne sait pas s'adapter :-) Et oui, bien sûr que j'ai remarqué l'effort fourni cette année, que je salue particulièrement. Donc, merci

Emilie collins (le 22/08/2017)
Elle est attachante, Jeanne, et comme je suis une incurable romantique, je te remercie pour la fin de son histoire pleine de douceur et de poésie. C'est toujours beau de voir une auteure qui fourmille de projets, ça fait ressentir sa passion :)

marie lerouge (le 22/08/2017)
Merci Emilie, je suis touchée. A travers cette histoire, j'ai eu aussi envie de dire que la romance se lit à tous les âges, que l'amour se vit à tous les âges et que les héros de romances pourraient ne pas seulement être des Young adults comme c'est la mode en ce moment, ni des trentenaires en pleine réussite (ou en pleine crise), mais aussi des personnes d'âge mûr pourquoi pas ?

Fabiola (le 23/08/2017)
Il existe déjà des romances où les héros sont plus âgées, il n'y a juste pas de termes précis pour ça et quelque part tant mieux. Le problème c'est que ce n'est pas à la portée de toutes, pour une seule raison: rappelez-vous que beaucoup de lectrices aiment s'identifier aux héroïnes. Si elles ont 30 ans, elles ne risquent pas de s'identifier à quelqu'un de plus âgé et donc ne liront jamais une telle histoire. Personnellement, j'éviterais de lire des histoires avec des personnes d'âge mur, tout simplement parce que c'est triste si 1/l'héroïne est veuve et 2/si l'héroïne est seule parce qu'elle n'a pas trouvé quelqu'un avant, parce que conséquence de son âge l'histoire a une durée trop limitée dans le temps pour des raisons évidentes. Je préfère quelque chose de plus positif.

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