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Love Business par Angel Arekin

Les Romantiques - 31/05/2017

Extrait :


En descendant les trente étages de la tour Bella, je me surprends à regarder mon reflet dans le miroir de l’ascenseur.
Mes cheveux couleur fauve bien coupés en un carré plongeant n’ont pas une mèche rebelle. Mon maquillage dans les tons de brun est impeccable et met en valeur mes yeux légèrement en amande ainsi que la couleur noisette de mes iris. J’ai opté pour un rouge à lèvres pourpre qui redessine ma bouche avec ostentation. Le côté clinquant mis à part, j’ai toujours choisi cette couleur parce qu’elle attirait les regards. Or, dans mon travail, sortir des sentiers battus et être celle que l’on repère ont toujours été utiles. Il ne faut jamais sous-estimer le regard que portent les hommes sur les femmes, ni se voiler la face, ni être hypocrite. Le monde tourne autour de la beauté, du sexy, de l’apparence et de l’élégance. Je ne me considère pas particulièrement comme une femme magnifique, mais je m’efforce d’entrer dans les critères qui déterminent une femme belle d’une autre. J’obtiens davantage de choses. Une femme, dans mon monde, a besoin de trimer trois fois plus qu’un homme pour atteindre les sommets. Être intelligente ne suffit pas. J’éclipserai les carriéristes aux dents longues. Être belle me permet de dissimuler mon intelligence pour leur passer devant sur la ligne d’arrivée. C’est tout un art de surfer sur les rouleaux et d’éviter de s’écraser dans la mer. Jusqu’à présent, ma stratégie a payé, même si je ne me suis pas attirée que des amis dans le milieu. Je parviens à tracer ma route, en sacrifiant cependant d’autres pans de ma vie. Je n’ai pas le temps de sortir, pas le temps de boire des cafés avec les copines. De manière générale, je n’ai pas le temps de les voir, hormis Merryn au bureau. Lorsque je rentre le soir, il est déjà si tard que la plupart, mères de famille, sont déjà couchées. Je n’ai pas de petits amis, parce que je travaille beaucoup et que je gagne trop d’argent. J’ai quelques amants de passage, encore que, ces derniers mois, ils sont plutôt rares. Je n’ai même plus le temps de me consacrer à prendre du plaisir. Quelquefois, lors de mes moments d’angoisse nocturne, je me demande si tout cela en vaut bien la peine. Autrefois, je pensais que mon travail déterminerait toute ma vie. Je ne me voyais pas exercer un métier qui m’ennuierait ou que je détesterais. Maintenant que mes ambitions sont comblées, je me rends compte de toutes les choses que je perds en chemin.

Les portes de l’ascenseur s’ouvrent et je me dirige d’un pas pressé vers le guichet de l’accueil, mes talons claquant sur le sol de marbre. L’une des trois hôtesses présentes derrière le comptoir, vêtue d’un tailleur aussi chic et cher que ceux que je porte d’ordinaire, m’accueille d’un sourire faux.
– Quelqu’un doit m’attendre. Madame Béni Mordret, m’annoncé-je d’une voix vive.
– En effet, Monsieur est arrivé. Il se trouve dans le salon.
Ses yeux s’illuminent en me désignant discrètement un homme confortablement installé dans l’un des fauteuils club de l’entrée. Une cheville sur le genou, vêtu d’un costume trois-pièces bleu nuit élégant, il observe la rue au travers des verres teintés du building.
– Merci.

Je m’éloigne promptement et m’approche de l’individu en question. Des cheveux bruns coupés courts, coiffés d’une manière volontairement négligée, mais avec allure, encadrent une peau bronzée et une mâchoire carrée. En se sentant observé, l’homme tourne la tête et lève les yeux dans ma direction. Deux prunelles d’un beau bleu azuré se posent sur moi et me détaillent de la tête aux pieds sans la moindre discrétion. Un sourire étire ses lèvres tandis qu’il se redresse, les deux mains à plat sur les accoudoirs. En m’approchant, je constate qu’il mesure deux bonnes têtes de plus que moi, qu’il est aussi grand que fin et élancé. Son costume tombe à la perfection. Il porte une grande marque de tailleur qui confectionne des smokings sur mesure.
– Mademoiselle Mordret ? me demande-t-il d’une voix rauque et grave, comme s’il avait bu beaucoup de whisky depuis l’âge de ses cinq ans et fumer clope sur clope jusqu’à désintégrer ses cordes vocales.

J’acquiesce et lui tends la main. Il la fixe en affichant un sourire immaculé, avant de la saisir. Sa poignée de main est franche et puissante. Mon père m’a toujours appris à lire à travers la poigne des gens, à me méfier de celles qui sont flasques ou fuyantes.
– Je m’appelle Finn, m’annonce-t-il.
En me voyant grimacer, il ajoute en souriant :
– Et je vois à quel point vous adorez mon prénom.
– Parce qu’il sonne faux.
– Il est faux.
– C’est ce que je dis. Vous auriez pu trouver mieux.
– Pourquoi ?
– Pour que ça ne ressemble pas à du toc.
– Les relations que nous entretenons sont du toc. Un nom en toc me semble de circonstance.


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