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Louise Elisabeth d’Orléans - Scandaleuse

lafouine77 - 14/05/2017

Mademoiselle de Montpensier, Princesse des Asturies, Reine d’Espagne (1709-1742)
· Année du scandale : 1724.
· Epoque : Règne de Louis XV.
· Objet du scandale : La jeune reine d’Espagne, Louise Elisabeth d’Orléans, âgée de quinze ans, est enfermée à l’Alcazar par son époux, Luis 1er d’Espagne, pour indécence, car elle refuse de porter des vêtements dignes d’une reine et se promène en chemise de nuit et robe de chambre dans le palais de l’Escurial, au grand scandale des Espagnols qui surnomment cette enfant capricieuse la «reina loca» («la reine folle»).

Fille du Régent Philippe II d’Orléans (1676-1723) et de Françoise Marie de Bourbon (1677-1749), fille de Louis XIV et de Mme de Montespan, Louise Elisabeth d’Orléans nait à Versailles le 11 décembre 1709.

Elle est le sixième enfant et la cinquième fille du couple (sur huit enfants). Sa soeur aînée, Marie Louise Elisabeth d’Orléans, duchesse de Berry (et fille favorite du Régent) a eu droit à son article «Les scandaleuses de l’Histoire» dans le webzine de septembre 2012 (n°56).

Louise Élisabeth d'Orléans reçut une éducation peu soignée, du fait que personne ne s'intéressait à elle. Sans beauté, sans culture, égoïste et grossière jusqu’à l’indécence, elle était destinée à épouser un obscur prince allemand ou italien. Mais son destin fut tout différent, elle devint reine d’Espagne !

Elle passa ses premières années au couvent de Saint Paul de Beauvais jusqu’à l’âge de sept ans, puis revint au Palais Royal où son éducation fut négligée. La Palatine, sa grandmère paternelle, la décrira comme ayant «un teint blanc, un visage pas réellement beau, mais des yeux expressifs», elle insistera surtout sur le fait que Montpensier (titre de Louise Elisabeth) était insupportable dans toutes les situations : lorsqu’elle mangeait, lorsqu’elle parlait, et qu’elle était désagréable au plus haut point.

Depuis 1715, son père exerce la régence durant la minorité de Louis XV. La guerre oppose la France et l'Espagne. Mais en 1720, convaincu de la nécessité de faire la paix, Philippe V d'Espagne propose des mariages : sa fille Marie-Anne-Victoire, âgée de trois ans épouserait Louis XV, et son fils aîné Luis, prince des Asturies, épouserait une fille du Régent. Mais à cette date, toutes les filles aînées du duc d'Orléans sont mariées. Il ne reste que Mademoiselle de Montpensier.

On propose même de fiancer le jeune don Carlos (fils de Philippe V et de sa deuxième épouse, Elisabeth Farnèse) à la jeune soeur de Louise Elisabeth, la petite Philippine Elisabeth d’Orléans. Ainsi, Louise Elisabeth d’Orléans ne sera pas la seule française au sein de la famille royale d’Espagne.

En attendant que sa soeur la rejoigne (deux ans plus tard), Louise Elisabeth d’Orléans part pour Madrid en 1721, le coeur serré, pour épouser Luis prince des Asturies. Le mariage par procuration a eu lieu le 16 novembre 1721 au palais des Tuileries.

L'accueil de la famille royale d’Espagne est glacial, surtout de la part de l'ambitieuse reine Elisabeth Farnèse, seconde épouse du roi, qui voit d'un mauvais oeil la possibilité que son beau-fils, Luis, puisse donner des héritiers à la couronne au détriment de ses propres fils, issus du second mariage du roi. Le mariage est célébré le 20 janvier 1722 à Lerma, près de Burgos. Louise Elisabeth d’Orléans vient d'avoir douze ans, et son mari quatorze.

Ses premiers jours en Espagne, elle les passe au lit : on lui trouve des ganglions dans le cou et elle est saisie d’une forte fièvre. Ses beaux-parents la tiennent éloignée de son époux par crainte de la contagion. Déjà très certainement désorientée dans ce pays étranger où elle ne connait personne, l’adolescence aurait accentué son côté petite fille gâtée dès sa guérison. Elle refuse à de nombreuses reprises de rendre visite à sa belle-mère dans ses appartements. Elle refuse de paraitre au bal donné en son honneur lors de son mariage, car elle déteste la danse et a l’habitude de se coucher à neuf heures du soir. Malgré les cajoleries du duc de Saint Simon, dépêché auprès d’elle pour la faire changer d’avis, rien n’y fait.

Son caractère immature la fait bientôt détester à la cour espagnole. Elle refuse d’adresser la parole à ceux qui lui rendent visite et conserve un mutisme boudeur lorsqu’ils insistent. Elle prend l’habitude de se promener sans bas ni jupon, à la grande fureur de ses dames d’honneur, et bientôt la rumeur se répand dans le peuple que la princesse des Asturies déambule à moitié nue dans les palais de Madrid. Lors des diners officiels, elle boude et refuse de manger, se jetant ensuite sur la nourriture lorsqu’elle retrouve ses dames d’honneur espagnoles, qu’elle oblige à partager son repas sinon elle leur distribue des gifles retentissantes. Le prince des Asturies qui, dès le début, était tombé sous son charme, est lui aussi la cible de son immaturité. Elle refuse de lui parler lorsqu’il lui adresse la parole, et peu à peu ses beaux-parents, Philippe V et Elisabeth Farnèse, en viennent à se demander si elle n’est pas complètement folle.

Saint Simon, qui était présent au tout début de ce mariage à Madrid, relatera que l’union ne fut pas tout de suite consommée (elle ne le sera que le 18 août 1723 !), le prince des Asturies ayant une constitution fragile. Par contre il décrira avec un malin plaisir dans ses Mémoires son départ et sa dernière rencontre avec Louise Elisabeth d’Orléans, princesse des Asturies. Il lui demande si elle a un message pour son père le duc d’Orléans, voici sa réponse :

…Arrivé avec tout ce qui était avec moi, à l'audience de la princesse des Asturies, qui était sous un dais, debout, les dames d'un côté, les grands de l'autre, je fis mes trois révérences puis mon compliment. Je me tus ensuite, mais vainement, car elle ne me répondit pas un seul mot. Après quelques moments de silence, je voulus lui fournir de quoi répondre, et je lui demandai ses ordres pour le roi, pour l'infante et pour Madame, M. [le duc] et Mme la duchesse d'Orléans. Elle me regarda et me lâcha un rot à faire retentir la chambre. Ma surprise fut telle que je demeurai confondu. Un second partit aussi bruyant que le premier. J'en perdis contenance et tout moyen de m'empêcher de rire; et jetant les yeux à droite et à gauche, je les vis tous, leurs mains sur leur bouche, et leurs épaules qui allaient. Enfin un troisième, plus fort encore que les deux premiers, mit tous les assistants en désarroi et moi en fuite avec tout ce qui m'accompagnait, avec des éclats de rire d'autant plus grands qu'ils forcèrent les barrières que chacun avait tâché d'y mettre. Toute la gravité espagnole fut déconcertée, tout fut dérangé, nulle révérence, chacun pâmant de rire se sauva comme il put, sans que la princesse en perdît son sérieux, qui ne s'expliqua point avec moi d'autre façon. On s'arrêta dans la pièce suivante pour rire tout à son aise, et s'étonner après plus librement…

La vie de Louise Elisabeth d’Orléans à la cour de Madrid devient bientôt un enfer : on la surveille, on l'espionne, on la soupçonne de tous les maux. La princesse des Asturies se renferme sur elle-même. Elle "se revanche" en faisant mille espiègleries, se moque de ses dames de compagnie et, dit-on, les entraîne à des jeux contre-nature... Elle éructe, se promène en jupons et en robe de chambre, fait des caprices à répétition et exaspère bientôt son propre mari.

Le 15 janvier 1724, Philippe V abdique en faveur de son fils aîné, qui devient le roi Luis Ier (1707-1724). Louise Elisabeth d’Orléans devient donc reine d’Espagne à quatorze ans, mais le couple, immature, ne s'entend pas. Le prince des Asturies est en effet très superstitieux et morose : il était orphelin de mère depuis l’âge de six ans et son père l’avait beaucoup délaissé en raison de son propre état psychique dépressif. Le futur Luis 1er eut donc une jeunesse solitaire, que n’améliora pas sa belle-mère, la seconde épouse du roi Philippe V, uniquement occupée de ses propres enfants. Marié à Louise Elisabeth, égoïste et incapable de lui donner de l’affection, Luis finit par ne pas s’entendre avec sa jeune épouse.

En accord avec Philippe V, le prince des Asturies enferme son épouse quinze jours à l’Alcazar, pour la réprimander de ses promenades en tenue indécente. La leçon porte ses fruits et le couple se réconcilie pour quelques temps. Hélas, après sept mois de règne, Luis Ier meurt sans enfant, le 31 août 1724, de la variole, et Philippe V reprend sa couronne. Louise Elisabeth d’Orléans n’est plus reine d’Espagne, elle reçoit le titre de «reine seconde douairière» car la veuve de Charles II d’Espagne, la princesse Marie Anne Zu Neubourg, vit encore et on la nomme «reine première douairière».

Mais les événements en France vont précipiter le destin de Louise : son père est mort en 1723, et son cousin et rival, le duc de Bourbon, est aux commandes de l'état. Pour lui les alliances espagnoles n’ont plus lieu d’être : il renvoie la petite infante Marianne Victoire d’Espagne à Madrid en mai 1725, où Louise Elisabeth, veuve à quinze ans, est tenue sous étroite surveillance et dans le plus grand dénuement.

Finalement, Philippe V d’Espagne renvoie à son tour Louise Elisabeth d’Orléans en France en 1725, en même temps que sa jeune soeur Philippine Elisabeth, dont les fiançailles avec don Carlos sont annulées. Les deux soeurs trouvent refuge à Paris : Philippine Elisabeth d’Orléans part rejoindre leur mère, la duchesse d’Orléans, au Palais Royal, où elle mourra de la variole à l’âge de dix-neuf ans. Louise Elisabeth, quant à elle, gagne le couvent des Carmélites du Faubourg Saint Germain à Paris, où elle passera deux ans, jusqu’à ses dix-huit ans. Elle n’est pas reçue à la cour de Louis XV, et s’efforce de mener une vie discrète. En tant que veuve du roi d’Espagne elle aurait dû recevoir une pension annuelle de 600 000 livres, mais elle ne perçoit pas un denier.

Quittant le couvent, elle ira s’installer au château de Vincennes pendant plusieurs années, puis au Palais du Petit Luxembourg. Elle mène désormais une vie si calme que tout le monde oublie celle qui porte le titre de «reine douairière d’Espagne». Elle tombe dans la dévotion vers l’âge de vingt-cinq ans et fréquente les églises. Elle est devenue obèse avec les années et mange toute la journée. En 1730, poussée par la solitude et la misère, elle se réconcilie avec la cour de Madrid, mais n’obtient aucun subside. C’est à la pitié et à la générosité de Louis XV qu’elle doit de vivre au Petit Luxembourg, dans une grande pénurie. Elle meurt dans l’indifférence générale, à trentetrois ans, en 1742 au Petit Luxembourg, d’hydropisie, après avoir passé les dernières années de sa vie dans les pratiques d’une dévotion scrupuleuse.

Elle sera enterrée à l’église St Sulpice à Paris, où son demi-frère Louis Charles de Saint Albin officiait en tant qu’évêque, dans un caveau spécial situé près du «pilier de l’évangile». A la Révolution française, son caveau sera détruit et ses cendres dispersées.


Lafouine77

Sources :
- Mémoires de Saint Simon.
- Mémoires de la Palatine.
- Wikipedia.
- «Unruly daughters» de H.Woel Williams.
- Manuscrit du CEDRE (Espagne)


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