Le site francophone dédié au roman féminin

Première mission par Mily Black

14/10/2016

– Bonjour Louise !
Un frisson… Pas besoin de demander qui venait d’entrer dans la pièce.
En effet, dès que Francis, mon chef direct, apparaissait quelque part, beaucoup se pâmaient tandis que les autres se figeaient. Moi, je frissonnais. Il faut dire que sa voix chaude et sensuelle était un appel à la luxure et toutes les femmes des environs semblaient s’accorder sur ce point.
– Bonjour, répondis-je en refermant le dossier que je lisais en l’attendant.
Il s’installa à son bureau, sortit une pochette du tiroir du haut et l’ouvrit, visiblement à la recherche d’une information.
– Prête pour le départ ? demanda-t-il en faisant glisser son doigt sur la feuille devant lui.
Non.
Je me tordis les lèvres pour contenir ma réponse. Pas question d’avouer à haute et intelligible voix que je tremblais de peur ! Nous allions seulement dans le sud de la France pour évaluer un hôtel. J’avais choisi des activités plaisantes, la météo promettait des températures douces et… et ma timidité serait maîtrisée. Peut-être.
Mais pourquoi avait-il fallu que je postule pour ce poste ? D’accord, j’adorais voyager, mais l’anonymat avait du bon. Surtout pour une personne aussi introvertie que moi. Non pas introvertie ! Léa, ma soeur jumelle, détestait quand je parlais de moi de cette façon. Elle qualifiait mes pensées de négatives et loin de la réalité. Et pourtant…
Qu’aurais-je donné pour avoir un millième de son assurance !
J’inspirai un grand coup et lui répondis :
– Je crois.
Peut-être aurais-je dû dire « oui, je suis prête » ? Cela aurait fait plus sûr de soi… Mais je ne l’étais pas. Et puis comment pourrais-je être détendue en sachant que cet après-midi nous partions pour notre première mission ? Enfin, ma première mission. Pour lui, ce ne serait qu’une de plus.
– Nerveuse ? Insista-t-il en relevant la tête vers moi.
Oui.
– Un peu…
Il m’adressa un sourire qui faillit avoir raison de moi.
– Il y a tant de choses à apprendre en un temps restreint et si peu de marge de manoeuvre, dis-je en tapotant le dossier devant moi.
– Si vous avez la moindre question, téléphonez-moi ! Surtout ne venez pas me parler en personne, pour ne pas compromettre nos identités !
Je hochai la tête, consciente d’avoir trop dévoilé de ma nervosité.
– Allons-y !
D’un geste souple, il se leva et attrapa son sac. Cela faisait plusieurs jours que je le fréquentais au travail et je pouvais dire sans avoir peur de me tromper qu’il était en très grande forme. Et qu’il savait se mettre en valeur. Si une femme avait la chance d’être insensible à sa voix, son physique la ferait craquer à coup sûr.
Mon exact opposé.
Instinctivement, ma main se posa sur mes cheveux, vérifiant au passage que mon chignon était toujours bien tiré. Coiffure stricte et vêtements passe-partout, je n’étais pas le genre de femmes sur qui les hommes se retournaient. Et finalement ce n’était pas plus mal puisque mon nouveau travail consistait justement à me fondre dans la masse des touristes.
– Vous venez ?
Son ton sec me ramena au moment présent et à notre départ en mission. Les joues rouges, j’attrapai la petite valise à roulettes que j’avais achetée pour l’occasion. Je le suivis dans le métro sans oser ouvrir la bouche, de crainte de me ridiculiser. Francis, de son côté, paraissait tellement à l’aise avec l’idée de jouer le client lambda dans cet hôtel que toutes mes craintes semblaient superficielles. En arrivant à la gare, je sortis nos réservations et me dirigeai
vers notre quai de départ.
– Voici notre voiture, dis-je en montrant la porte du train.
– Très bien.
Il me fit signe de monter avant de saisir ma valise. Galamment, il la rangea dans le porte-bagage juste au-dessus de nos places et s’installa sur le fauteuil du couloir pour pouvoir étendre ses jambes. Dans quelques heures je serais officiellement, et pour la première fois de ma vie, une cliente mystère.

En gare de Montpellier, je remis mon livre dans mon sac à main sans me presser. Francis et moi ne devions pas nous présenter ensemble pour embarquer dans la navette qui nous conduirait à l’hôtel. J’allais donc prendre mon temps pour qu’il me distance.
Mais pas trop…
Le laisser partir devant moi aurait l’énorme avantage de me permettre de trouver l’arrêt du bus. Ma nervosité ne s’étant point calmée, je craignais de me perdre dans cette ville que je ne connaissais pas, et de déplaire à Francis. Pas que je cherche à le séduire ! Non, mais j’étais encore en période d’essai. Je me devais donc d’être irréprochable à tout point de vue.
Je le suivis de loin et montai dans la navette sans le regarder. Nous étions des inconnus. J’étais seule. Pour la première fois de ma vie, je n’avais ni ma soeur ni une amie avec moi. Je m’assis près d’une fenêtre, tâchant de juguler la panique qui tentait de s’imposer.
Je pouvais le faire.
– Bonjour !
Je sursautai et me retournai vers l’allée où un monsieur attendait ma réponse. Il ôta sa casquette et remit du mieux possible ses cheveux blancs.
– Ça vous dérange d’être assise à côté d’un vieil homme ?
– Non, bien sûr que non ! Dis-je aussitôt.
– Une belle jeune fille comme vous devrait être accompagnée !
Avec de petits soupirs, il prit place à mon côté. D’autres personnes âgées passèrent et le saluèrent, riant qu’ils le reconnaissaient bien là…
– Ils sont tous jaloux parce que mon infirmière est bien plus belle que les leurs, m’expliqua-t-il. Ce n’est pas de ma faute si j’attire les femmes séduisantes !
Il me fit un clin d’oeil et mes joues rougirent. Me trouvait-il séduisante ? Était-ce une bonne chose ?
– Du moment que vous ne me demandez pas de vous faire une piqûre ! M’entendis-je répliquer.
Son rire s’éleva dans la navette qui se mettait justement en route.
– Je m’appelle Charles, mais ma bande de compagnons m’a surnommé Charlie.
– Louise.
– Oh !
Il baissa les yeux et ses doigts se crispèrent sur sa casquette.
– Il y a un problème ? Demandai-je en posant ma main sur la sienne.
– Ma femme s’appelait ainsi.
Le passé. Il n’avait pas utilisé le présent pour parler d’elle. De l’autre côté de l’allée, je vis une femme pincer les lèvres et secouer la tête doucement. Comment aurais-je pu prévoir que mon simple prénom plongerait mon voisin dans tant de tristesse ?
– Ma soeur jumelle s’appelle Léa, ajoutai-je spontanément.
Et si elle était là, elle saurait certainement quoi dire, quoi faire… Alors dans le doute, je lui racontai des souvenirs d’enfance, des bêtises dans lesquelles mon double démoniaque m’avait entrainée sans rencontrer beaucoup de résistance. Et, quand la navette se gara devant notre hôtel, un léger sourire flottait de nouveau sur ses lèvres.
– Merci, Louise.
– De rien.
Impulsivement, je lui embrassai la joue avant de me diriger vers la réception. Je dépassai un homme en costume qui héla quelqu’un derrière moi. Je me retournai alors que Charles le serrait dans ses bras.
– Tu vois cette jeune femme là-bas, dit ce dernier en me montrant du doigt. Fais tout ton possible pour qu’elle ait le meilleur séjour dans notre hôtel !
Quoi ? Comment ça, leur hôtel ? Mais je croyais qu’il était en vacances avec ses amis ! Je devais être traitée comme n’importe quel client, et non comme une invitée… J’allais pour chercher Francis du regard quand je me rappelai son conseil : ne pas griller notre couverture. J’étais célibataire, seule et totalement démunie face à ce qui m’arrivait.
– Ce sera fait, papa !
Les deux s’approchèrent de moi et, d’un mouvement naturel, Charles glissa mon bras sous le sien pour me forcer à les suivre jusqu’au comptoir, dépassant tout le monde.
– Puis-je voir votre réservation, Mademoiselle ?
– Bien sûr !
Je la sortis de mon sac à main et le retins pour avoir toute l’attention de mon interlocuteur :
– Je n’ai rien fait pour mériter un traitement de faveur…
– Si, Louise !
Le fils tiqua sur le prénom, mais continua cependant à taper sur son ordinateur.
– Vous avez tout fait pour me redonner le sourire, sans pour autant me connaître, poursuivit Charles. Et ça, ça n’a pas de prix !
– Comme nous sommes complets, je me suis juste assuré que vous aurez accès au sauna et au jacuzzi. Et si vous avez le moindre problème, n’hésitez pas ! Le personnel et moi-même sommes là pour que vous puissiez profiter de votre séjour.
Je hochai la tête, émue.
Ma première mission commençait très bien, signe que, finalement, j’avais bien fait d’écouter Léa et de tout quitter pour suivre mon rêve.


Commentaires

Cet article n'a aucun commentaire, ajoutez le vôtre !

Prénom ou pseudo * :
(Gardez toujours le même pseudo. Les lectrices qui partagent vos goûts pourront ainsi suivre vos commentaires.)
Email :
(Votre email ne sera pas affiché sur le site. Il nous permettra simplement de vous envoyer un petit mot de remerciement.)
Commentaire :
Signature :
 

* : champ obligatoire

Les commentaires sont temporairement désactivés

Les Romantiques sur Twitter  Les Romantiques sur Facebook  Rechercher un livre

 

 

 

 

© Copyright 2012 Les Romantiques
Webdesign Priscilla Saule