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On se reverra à Noël - Chapitre 21

Les Romantiques - 23/12/2015

24 décembre

Chapitre vingt et un

Qui a fait ce qu’il devait
A fait ce qu’il fallait.

 

L’après-midi était déjà bien avancé quand les premiers fermiers arrivèrent pour payer leur loyer. La salle de bal était décorée avec des branches de sapin, du lierre et du houx. Les tables étaient couvertes de nourriture et une estrade prête à accueillir les musiciens. Ils arrivèrent en famille, par groupe, juchés sur des chariots à foin tirés par des chevaux de traits. Les hommes enlevèrent leur chapeau ou leur casquette et allèrent vers le bureau du comte pendant que leurs épouses et leurs enfants se dirigeaient vers la salle de bal pour avoir une boisson qui les réchaufferait. Une fois par an, ces gens modestes avaient l’honneur de rentrer dans ces lieux. Ils étaient intimidés, mais les trois musiciens s’installaient déjà sur l’estrade. C’était toujours les mêmes : Joseph, l’épicier, avec sa vielle, Manuel, l’espagnol qui avait épousé la fille du maréchal ferrant, avec son violon, puis Colin, le plus jeune, qui avait un don pour la musique et savait faire sortir de sa flûte des sons incroyables. Le comte monta sur l’estrade pour faire son discours de l’année.

- Bienvenue à tout le monde. Cette année a été dure mais enrichissante pour tous. Nous avons fait du beau travail ensemble, et la récolte était à l’avenant. A présent que l’hiver est venu il est temps de se reposer. Espérons que l’an prochain nous amènera encore la prospérité. Mais je ne vais pas trop vous assommer, place à la fête.

Au début, les paysans ne faisaient qu’écouter la musique. Ils n’osaient pas trop se déplacer dans cette demeure. Petit à petit leurs pieds les démangèrent et, à mesure que le temps passait et que le vin chaud coulait, ils se laissèrent aller sur la piste. Au bout de deux ou trois heures, l’atmosphère n'était plus que rires et chansons. Dans la salle à côté, près du sapin, les dames commencèrent à distribuer les cadeaux aux enfants. Ce n’était pas grand-chose : des pains d’épices, des oranges et de petits jouets en bois. Les domestiques étaient, eux aussi, invités à faire la fête et ils ne s’amusaient pas moins que les paysans.

Au cours de la soirée Nathan eut l’occasion d’inviter Elvira pour une valse.

- Enfin, lui dit-il, je peux à nouveau te serrer dans mes bras. Je serai content quand tout sera fini et qu’on pourra se retrouver seuls.

Elle riait. Elle était heureuse et se sentait vibrer.

- Mon pauvre Nathan, tu n’as aucun sens de la fête ! Moi, au contraire, j’adore, et je vais savourer les réjouissances jusqu’au bout. Après tout Noël n’est qu’une fois par an.

- Ne regrettes-tu pas, lui susurra-t-il d’une voix veloutée, la vieille cabane du bûcheron où nous nous sommes réchauffés ?

Elle baissa la tête et rougit un peu. Puis un sourire naquit sur ses lèvres lorsqu’elle regarda à nouveau Nathan dans les yeux.

- Mais nous aurons tout l’hiver pour nous réchauffer, alors que les fêtes de fin d’année ne durent que quelques jours !

- Il me tarde d’être au premier de l’an pour pouvoir enfin t’épouser.

- Tu en as de la chance que nos parents se soient laissé prendre à ton charme, et qu’ils acceptent qu’on célèbre les noces aussi rapidement.

Il lui fit un clin d’œil :

- Ah ! Ça, j’ai pris ton père par les sentiments. Et je pense que nos mères sont heureuses, que cette union correspond à leurs vœux. J'ai comme l’impression qu’elles ont comploté ensemble afin de nous réunir, et qu’elles sont plutôt contentes de cette conclusion. Peut-être aussi qu’elles craignent qu'il se passe quelque chose qui nous empêcherait de nous marier et que cette hâte les tranquillise.

A nouveau Elvira se mit à rire. Elle était heureuse, plus heureuse qu’elle n’aurait pensé l’être.

Un nouveau venu, qui semblait inquiet, entra dans la salle. Il attendit au bord de la piste, serrant sa casquette dans ses mains. Lorsque le comte l’aperçut, surpris, il s’arrêta de danser.

- Billy ! dit-il en voyant le jeune homme.

Il prit la main d’Elvira et se dirigea vers le cordonnier.

- Bonjour Billy, qu’est-ce qui t’amène ? Veux-tu faire la fête avec nous ?

- Mes respects Milord, lui répondit Billy tout en continuant à triturer sa casquette, il faut que je vous parle.

Nathan le fit entrer dans son bureau et referma la porte. Mais Elvira et Agatha ne purent résister à la tentation de coller leur oreille contre le battant afin de savoir ce qui se passait dans la pièce.

Il fit asseoir Billy sur un fauteuil. Celui-ci se mit au bord, comme s’il avait peur de salir les coussins. Nathan lui demanda s’il voulait boire quelque chose. Le jeune homme refusa. Le comte se pencha sur son bureau et le regarda dans les yeux avant de lui demander :

- Alors, qu’est-ce que tu veux me dire ?

Billy déglutit péniblement et posa les yeux sur sa casquette, qu’il continuait à maltraiter.

- Au début, lorsque mon père a sombré dans l’alcoolisme, j’ai pensé que si je le soutenais cela s’arrangerait avec le temps. Mais ça ne s’est pas arrangé. Alors je n’ai plus pensé qu’à une chose : partir, commencer une autre vie à Londres. Mais il me fallait des sous. Lorsque j’allais à la taverne chercher mon père, Jack me parlait. Il avait lui aussi le projet de quitter la région. Il m’a soumis son idée : voler les santons les plus précieux de la crèche. Je n’étais pas d’accord au début, mais l’état de mon père s’aggravait de jour en jour. J’avais tellement envie de partir, de disparaître et d’oublier tout ça !

Le comte se pencha vers lui et demanda :

- Pourquoi Jack avait-il besoin de toi ?

- Parce qu’il fallait deux personnes pour que le vol réussisse. Lui a mis le feu, et moi j’étais tapi dehors, attendant le moment où les habitants du presbytère sortiraient pour aller dans le bureau du Révérend et prendre les santons. A l’origine je devais voler aussi l’enfant Jésus, car son auréole est en or, mais j’ai pas pu. Noël ne serait pas pareil sans l'enfant Jésus.

- Je vois, répondit Nathan, qu’avez-vous fait ensuite avec le butin ?

D'un coup de manche Billy essuya son front où perlait de la sueur avant de répondre :

- Jack avait prévu de prendre le train pour Londres. Seulement avec les chutes de neige ce ne fut plus possible. On attendait une accalmie et Jack les a cachés.

- Pourquoi es-tu venu me dire cela maintenant ?

- Parce que je n’en pouvais plus. Je me suis rendu compte que c’était mal. Je ne dormais plus la nuit et, lorsque mademoiselle Agatha est venue me voir, j’ai bien senti qu’elle savait tout. Alors j’ai pensé que si je venais de moi-même et qu’on retrouvait les santons...

- Oui, c’est très courageux de ta part et c’est vrai j’aurai plus d’indulgence envers toi. Après tout, faute avouée est à moitié pardonnée.

Vite, les deux curieuses derrière la porte s’éloignèrent avant que Nathan n’ouvre le battant.

Le comte fit atteler son carrosse et partit en ville avec Billy pour tirer au clair cette affaire, interroger Jack sur la cachette, et remettre les santons à leur place à l’église avant la messe de minuit.

La fête se terminait tous les ans vers onze heures, pour permettre à ceux qui le désiraient d’aller a l’église, le comte et sa famille s’y rendant également. Nathan avait fait savoir, avant de partir, qu’il resterait en ville et que la famille n’avait qu’à suivre dans un autre attelage. On se posa beaucoup de questions, et Agatha était toute contente d’avoir trouvé la solution. Elle se voyait déjà détective.

En vue de la messe, les habitants étaient rassemblés sur le parvis de l'église. Les cloches sonnaient à la volée et on se dépêcha d’entrer, le froid devenant de plus en plus intense.

Le comte finit par venir s’installer à la place qui lui était réservée. Les santons étaient là, le culte commença.

L’église était pleine et toutes les bougies allumées. Le pasteur parla longuement de l’amour, de la naissance, et de la lumière. Puis il annonça à l’assemblée réunie que le comte allait se marier le premier janvier prochain.

Agatha, quant à elle, rongea son frein. Elle était vraiment impatiente de savoir où avaient été cachés les santons. Et surtout il lui tardait d’entendre Nathan lui dire qu’elle avait eu raison en ce qui concernait Billy, mais également que son goût en matière de chapeaux n’était pas si déplorable, car tout le monde à l’église l’avait admiré.

Au retour le baron, qui avait pris place dans la voiture du comte, demanda :

- Alors, quelle cachette avait choisi ce Jack ?

- Je vois que ma pipelette de sœur a de nouveau écouté aux portes et vous a rapporté les derniers rebondissements de cette affaire. Figurez-vous que j’ai mis un peu plus longtemps que prévu à faire avouer Jack. Il est plus coriace que son complice. Ce qui est drôle, c’est qu’il avait caché les santons dans l’église, à l’intérieur d’un vase près de l’autel. Comme ce n’est plus l’époque des fleurs, on n’aurait rien découvert.

- Oui, c’est assez ingénieux.

- Enfin, reprit Nathan, tout a fini par s’arranger.

Eglantine


Commentaires

krapokouk (le 23/12/2015)
plus je lis cette histoire plus je veux lire celle d'Agatha. Bravo Eglantine!

suzy972 (le 26/12/2015)
snnniiifff ca sent la fin

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