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On se reverra à Noël - Chapitre 13

Fabiola - 15/12/2015

21 décembre 1888

Chapitre treize

L’enfer est pavé de bonnes intentions.

 

Lorsqu’Elvira sortit de sa chambre le lendemain matin, la première personne qu’elle vit était la gouvernante des enfants qui semblait légèrement paniquée.

- Que se passe-t-il ? lui demanda-t-elle.

- Jeffrey a disparu.

- Ne vous en faites pas, je crois que je sais où le trouver, je m’en charge.

Elle partit chercher son manteau. «Il va m’entendre ce garnement, se dit-elle, a-t-on idée de sortir de bon matin pour chercher des pommes de pin ?» Malgré tout, elle descendit à la cuisine pour être sure que ce petit chenapan n’était pas en train de s’empiffrer de gâteaux, tandis qu’on le cherchait. Il y avait beaucoup d'animation, on préparait le breakfast et des douceurs en prévision de la fête. Jeffrey n’était nulle part en vue. Comme Gulliver avait disparu lui aussi, la jeune fille se fit du souci. Ce galopin avait vraiment décidé de n’en faire qu’à sa tête ! Elle ouvrit la porte de derrière et, d'un air décidé, marcha à grands pas dans la neige qui crissait sous ses pieds. Elle se dirigeait vers le fond du parc, où se dressait majestueusement le grand sapin qui produisait les pommes de pin que guignait son frère.

- Jeffrey, cria-t-elle en arrondissant les mains devant sa bouche afin que sa voix porte plus loin.

«Ah vraiment, il allait l’entendre ce sacripant ! Disparaître comme ça au nez et à la barbe de tous, sans penser qu’on pourrait se faire du souci !»

- Jeff...

Elle tomba dans la neige. Quelque chose de dur s’était abattu dans son cou et elle sentit le sol se rapprocher. Un millier d’étoiles explosèrent dans sa tête et, avant même d’être étendue sur la surface blanche, elle perdit connaissance.

Nathan revint des écuries où un lad lui avait signalé qu’on avait ouvert une stalle. Au moment de sortir il avait rencontré Jeffrey et son chien, qui se dégourdissaient les jambes et l’avaient suivi. Une stalle avait bien été ouverte, mais elle était vide. Il se demanda si Bertram était responsable. Était-il assez fou pour se cacher sous le nez de son adversaire ?

C’est en entrant dans la salle à manger qu’il trouva des femmes affolées. La baronne vint vers Jeffrey et lui dit :

- Où étais-tu passé et où est Elvira ?

- Mais maman, j’étais juste dehors, j’ai tout le temps été avec Nathan.

- Qu’est-ce qu’il y a avec Elvira ? demanda le comte.

- Ce matin la gouvernante n’a pas trouvé ce vaurien et l’a dit à ma fille. Cette dernière s’est mise à sa recherche. La dernière fois qu’on l’a vue, elle sortait par la porte de la cuisine vers le parc. Certainement qu’elle croyait que Jeffrey était allé chercher des pommes de pin, il est tellement têtu parfois.

Nathan, accompagné de ses beaux-frères, se dirigea vers le grand sapin. On voyait les pas de la jeune fille et, tout au fond, d’autres traces qui sortaient de la haie de rhododendrons. Visiblement il y avait eu une empoignade. Plus loin ne restaient que les traces d’une seule personne qui repartait. Malheureusement, en suivant les pas dans la neige ils arrivèrent à la route, et là tout disparut. Il y avait beaucoup trop d’autres marques, des calèches étaient passées, le traîneau, des chevaux… Laquelle suivre ?

En revenant au château, les hommes étaient très inquiets. On les regarda rentrer avec espoir, et la baronne se mit à pleurer en voyant leur visage.

- Gulliver saurait la retrouver, dit tout à coup Jeffrey.

Personne n’écouta le jeune garçon, Soames venant d’entrer, essoufflé, dans la pièce. Ce qui n'était pas dans ses habitudes.

- Monsieur, quelqu’un a jeté une pierre par la porte de la cuisine et il y avait cette lettre.

Nathan déplia le mot quelque peu froissé.

«Si tu veux revoir ta lady en vie, rends-toi à l’embranchement près du vieux chêne celte dans l’heure qui suit. Viens seul.»

- C’est sûrement un piège, dit Rupert.

- Oui, répondit Nathan, mais que faire d’autre ? Nous n’avons pas le temps de réfléchir à la façon de le prendre à son propre traquenard.

Jeffrey secoua la manche du comte.

- Gulliver saura retrouver Elvira.

Nathan regarda le garçon. En d’autres temps il ne l’aurait pas pris au sérieux, mais il savait que le chien était intelligent. Et après tout il n’avait rien à perdre.

- D’accord, dit-il, on va prendre Gulliver mais toi tu restes ici, tu surveilleras les alentours depuis la fenêtre.

Jeffrey, un peu déçu, acquiesça.

Tout d’abord Gulliver ne comprit pas ce que les humains attendaient de lui. Il les regarda d’un air étonné. Le comte lui fit sentir la chemise de nuit qu’Elvira avait portée et dont l’étoffe était encore imprégnée de l’odeur de la jeune fille.

Il partit en courant, jappant de plaisir. Il connaissait bien cette odeur, il aimait la personne qui la portait. Nathan le suivit à cheval, il irait beaucoup plus vite ainsi. Malheureusement c’était une journée d’hiver où on avait l’impression que le soleil avait oublié de se lever.

On avait décidé d’envoyer un message au juge, pour qu’il envoie des hommes au rendez-vous tandis que le marquis irait à la place de son beau-frère. Il avait la même silhouette.

Lorsqu’Elvira revint à elle, elle avait froid. Elle était couchée à même le sol d’une grotte, ou d’une caverne, ligotée comme un saucisson et personne aux alentours. «Qu’est-ce qui m’est arrivé ?» se demanda-t-elle. Elle se souvenait vaguement avoir cherché son petit frère, mais après c’était le trou noir. En poussant un cri de douleur, elle réussit à s’asseoir. Elle avait mal partout, surtout à la nuque. Dans ses poignets le sang ne circulait plus bien, et elle commençait à ressentir des fourmillements désagréables. Ses mains et ses pieds étaient froids. Alors elle prit peur. Si personne ne la trouvait, elle allait mourir de froid, toute seule, abandonnée de tout le monde.

«Nathan ou es-tu ?» pensa-t-elle. Avait-on retrouvé Jeffrey ? On avait dû découvrir sa disparition et on devait s’inquiéter pour elle. Une pierre lui entra dans la chair. Elle était assise dessus et c’était encore plus douloureux. Peut-être devrait-elle essayer de se déplacer un peu. La pierre était pointue et, pendant une minute, elle caressa l’espoir de l’utiliser pour se libérer. Mais c’était peine perdue. Elle n’était pas contorsionniste.

Elle se força à bouger les doigts et les poignets. Elle essaya ne pas paniquer. Petit à petit, elle sentit un peu de jeu entre les cordes et ses poignets. Elle se mordit les lèvres, la douleur était très vive mais elle devait essayer, coûte que coûte, de se libérer. Elle avait l’impression d’avoir frotté ses poignets pendant des heures contre la corde qui les enserrait. Elle sentait son sang recommencer à couler. Forcément, la peau à cet endroit est très fine. Peut-être est-ce l’humidité qui fit que les liens se relâchèrent quelque peu, toujours est-il qu’elle réussit enfin à libérer ses mains. Elle en pleura de soulagement.

Elle sortit un mouchoir de sa poche pour essuyer ses yeux et pouvoir libérer ses pieds. C’était très difficile, ses doigt était gourds et les nœuds très compliqués à dénouer. Après un certain temps les entraves se relâchèrent enfin et elle put se lever. Elle faillit tomber, l’immobilité avait complètement engourdi ses membres. Pourtant il lui fallait bouger à tout prix, pour que le sang circule et que le froid qui s’insinuait sournoisement à l’intérieur de tous ses pores n’ait pas le temps de la gagner entièrement.

Elle se traîna hors de la caverne et se retrouva dans une forêt. Tout était silencieux. Pas un bruit. La blancheur ouatée de la neige transformait le panorama en un paysage féérique. Bien sûr, si elle était venue ici en promenade, sur un traîneau attelé de chevaux, les jambes sous une couverture, elle aurait admiré la vue. Mais à présent tout ce froid et cette blancheur lui faisaient peur. Allait-elle pouvoir survivre ? De plus des flocons avaient recommencé à virevolter, de-ci de-là. Pas à pas, elle quitta son abri. Elle tomba plusieurs fois dans la neige, qui lui arrivait presque aux genoux.

Mais elle ne voulait pas perdre espoir, de toute façon rester là et attendre était peut-être pire. Ses vêtements la ralentissaient, ses pas devenaient de plus en plus difficiles, ses pieds semblaient gelés. Elle pensa à ses parents, certainement morts d’inquiétude, à Agatha, qui probablement voulait faire partie des recherches, à son frère et sa sœur. Et surtout à Nathan. Mon Dieu, le reverrait-elle ? Son sourire, ses baisers et, oui, même sa façon de l’appeler Pâquerette ? «C’est juré, se dit-elle, si je m’en sors, il pourra m’appeler Pâquerette jusqu’à la fin de ma vie, pourvu que je puisse le revoir et me blottir dans ses bras.»

Doucement elle avançait, se tenant aux arbres, glissant cent fois et se relevant toujours. N’ayant sur les lèvres qu’une seule prière, une seule pensée : «Mon Dieu aide-moi, Mon Dieu fais qu’ils me retrouvent, que je puisse fêter Noël avec les miens.»

Eglantine


Commentaires

krapokouk (le 15/12/2015)
bon chapitre avec un méchant méchant!

suzy972 (le 26/12/2015)
oui le méchant est tres méchant mais bonne lecture bon passons a l'autre chapitre j'ai hate de savoir

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