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On se reverra à Noël - Chapitre 12

Rinou - 14/12/2015

Chapitre douze

Il ne faut pas laisser perdre
Les bonnes coutumes.

 

Le lac était gelé. Eugenia décida d’aller faire du patin à glace avec ses enfants. Elle se souvenait encore du plaisir qu’elle avait éprouvé, petite fille, à glisser ainsi sur cette dure surface, alors que le vent lui rougissait les joues. Elvira, Agatha, Louise et Jeffrey furent de la partie. On s’emmitoufla chaudement pour aller au bout du domaine, devant le lac glacé.

- N’est-ce pas trop dangereux ? fit remarquer la baronne.

- Non, la glace est assez solide, répondit Eugénie.

- Je ne parle pas de la glace, mais de l’homme qui s’est évadé de prison.

- Le lac est juste derrière le château. Je ne pense pas qu’il s’attaquera à nous. Les enfants font tellement de bruit qu’on dirait que nous sommes une armée.

Les patins sur les épaules, ils se dirigèrent vers le lac gelé. Eugenia n’avait emmené que son fils aîné, Charles, car George était encore un peu jeune pour s’aventurer sur la glace.

Les hommes vinrent les rejoindre, du moins Nathan, Evrard et Rupert, le mari de Bernice.

D’office, le comte prit la main d’Elvira et ils virevoltèrent dans une chorégraphie qu’ils inventaient à chaque pas. Doucement, ils s’éloignèrent un peu des autres. Nathan enlaça Elvira et, tout en lui mordillant l’oreille, lui chuchota :

- J’ai envie de te manger toute crue. Je me demande quel goût tu aurais.

- Nathan, voyons ! répondit-elle en riant.

Il descendit sa bouche le long de son cou.

- Je dirais que ta peau a le goût de la vanille. Tes lèvres si rouges, celui des fraises. Mmm, un vrai régal.

- Le goût des fraises, s’amusa-t-elle, quelle imagination !

- Ton nez et tes oreilles, le goût du pain d’épice. Il lui embrassait le visage par petits baisers.

- Tes joues, je ne saurais dire. Laisse-moi réfléchir ?

Elvira riait à présent de tout cœur.

- Ah bon ! Il faut que tu réfléchisses sur la saveur de mes joues ?

- Oui, c’est un bouquet spécial. Elles donnent l’envie de croquer dedans comme des pommes de Noël bien rouges, ou alors de les lécher comme une crème glacée. Peut-être aussi le goût des bonbons qui fondent dans la bouche. Je ne sais. Ou alors c’est aux trois qu’elles me font penser.

- Rien que ça ! dit Elvira en continuant à rire.

Elle le poussa par surprise et partit en glissant très vite sur la glace, tout en criant :

- Si tu veux me manger, il faut que tu m’attrapes.

Malheureusement pour lui, elle rejoignit les autres. Il ne pouvait pas, décemment, continuer son badinage en présence de ses sœurs et beaux-frères. Elvira lui souriait. Elle savait ce qu’il ressentait et se moquait gentiment de lui.

- Tu ne perds rien pour attendre petite diablesse, lui lança-t-il.

Agatha s’approcha de son amie et lui demanda d’un air dégagé :

- De quoi est-il question ?

- Oh ! répondit Elvira, ton frère me faisait la liste de ses préférences culinaires.

Agatha secoua la tête. Qu’est-ce qui pouvait être si drôle dans le fait de parler de nourriture ? Décidément, les amoureux avaient des comportements vraiment bizarres.

Lorsque le jour commença à s’assombrir, on décida de rentrer. D’ailleurs c’était l’heure du thé, et tout le monde avait une faim de loup. On passa par la cuisine afin de donner un petit coup de manivelle aux Plum Puddings, et pour y ramener Gulliver qui s’en était donné à cœur joie et s'empressa de retrouver sa couverture. Nathan lui donna un os à moelle, qu’il pourrait ronger tranquillement.

- C’est pour te remercier de m’avoir sauvé la vie, lui dit-il doucement.

Dans le salon, le sapin avait commencé à diffuser une odeur caractéristique d’épineux. Le thé venait d’être servi, avec plein de bonnes choses : des muffins aux bleuets, du cake au gingembre confit, des brioches aux fruits confits et des petits gâteaux à la cannelle. Toutes ces odeurs se mélangeaient et donnaient vraiment une atmosphère spéciale, qu’on ne trouvait qu’à cette époque.

La comtesse versa le thé et le servit à l’assemblée, puis se tourna vers son fils et lui dit :

- Quand vas-tu recevoir la commande d’oranges pour la fête des métayers ?

- Avec cette neige, on ne peut savoir quand elles arriveront. En tout cas elles devraient normalement être à Chichester, venues par bateau dans le yacht bassin.

- C’est que ça presse, la fête est dans quatre jours.

- De quelle fête s’agit-il ? demanda la baronne.

La comtesse ajouta un sucre dans son thé et tourna la petite cuillère.

- Chaque année, les paysans viennent au château le 24 décembre pour payer leur loyer. Après cela on fait un grand banquet. Parmi les fermiers, il y a des musiciens. Ils ramènent leurs instruments et on danse. C’est plutôt convivial, rien à voir avec les bals de la bonne société. Ensuite nous distribuons de petits présents aux enfants : une orange, des pains d’épices. Ce genre de chose.

- Pourquoi des oranges ? demanda Elvira.

- C’est un fruit que les gens mangent très rarement par ici. Il vient de loin, il est donc en général au-dessus des moyens des gens modestes. De plus dans le Sussex les fruits ne manquent pas, et on privilégie les récoltes qui poussent ici. Mais les enfants adorent les nouvelles choses. Parfois aussi, pour les plus pauvres, j’ajoute un petit jouet parce que je sais que leurs parents ne pourront pas leur en offrir pour Noël.

- Ah ! Je vois, répondit la baronne, chez nous c’est à la St-Michel que les métayers viennent payer leur loyer. Nous organisons aussi une fête. Comme c’est en septembre, on la fait dehors, dans le parc. Sauf, bien sûr, s’il pleut. Nous faisons un grand pique-nique et c’est vrai que c’est très amusant. Beaucoup plus que les réceptions à Londres.

Le marquis renchérit :

- Chez nous c’est plutôt à la fin de la moisson qu’on organise la fête des fermiers, sous la forme d'une grande foire. Ce sont les fêtes que je préfère. Beaucoup plus spontanées qu’avec nos pairs.

Ils continuèrent à discuter de la date, chacun voulant défendre la sienne. La fête de la moisson avait l’avantage d’être en été, celle de la St Michel, qui avait lieu fin septembre, avait l’avantage de clore les récoltes, et Noël alors ?

- Eh bien, dit Agatha, c’est pour pouvoir vous inviter !

On éclata de rire.

Jeffrey s’amusait à mettre des pommes de pin dans la cheminée qui, en éclatant, faisaient du bruit et des étincelles et dégageaient un bon parfum.

- Est-ce que je pourrais en chercher d’autres ? demanda-t-il à sa mère.

- Non, il fait trop nuit et c’est dangereux. Dehors, tu risques de glisser. De plus c’est loin et tu pourrais te perdre.

- C’est juste au bout du parc, le grand sapin tapisse le sol. Et je pourrais emmener Gulliver, il fera attention à moi.

- Demain Jeffrey, mais je ne veux pas que tu y ailles tout seul. De toute façon tu n’y verrais rien, il fait déjà trop sombre.

Jeffrey n’insista pas, mais fit la grimace. Il lui tardait d’être grand, afin de faire toutes les choses dont il avait envie et qu’on lui interdisait.

Lorsqu’elle se retrouva seule, Elvira put enfin faire le point sur les évènements de la journée. Elle se jeta sur le lit, les bras en croix, et regarda le ciel de lit.

D’abord Nathan qui se fait attaquer. Mon Dieu, quelle peur elle avait eue ! Si jamais il devait lui arriver quelque chose, elle n’était pas sûre d’y survivre. Surtout maintenant qu'il semblait attiré par elle. Elle n’osait toujours pas trop y croire, car après deux ans d’amour sans espoir, les derniers développements lui semblaient trop beaux. Qu’est-ce qui avait changé dans le regard que le jeune homme posait sur elle ? Avait-il enfin découvert que, derrière Pâquerette, il y avait Elvira, que derrière la jeune fille gauche, une femme l’attendait ? Elle rougit un peu en se souvenant de ce qu’il lui avait dit. Pas seulement sur la glace, mais aussi dans la voiture. Cette façon de lui ôter son gant. Rien que d’y penser elle frissonna, mais ce n’était pas de froid, c’était un sentiment qu’elle ne connaissait pas et qui la submergeait. «Allons, se dit-elle, il faut se lever, à quoi bon se poser des questions.»

Nathan aussi s'en posait, tout en nouant sa cravate devant son miroir. Il ne se reconnaissait plus. Pendant des mois il avait été persuadé d’être amoureux de Pamela et, à présent, sa gentille amie d’enfance l’attirait comme aucune autre ne l’avait fait. Elle était naturelle, ne minaudait pas, n’essayait même pas ses charmes sur lui. Mais il l’attirait, de cela il était sûr. Rien que de penser aux baisers qu’ils avaient échangés, son corps se crispait. Il fit la moue. Mais pourquoi l’avait-elle embrassé sous le pommier ? Car c’est là que tout avait vraiment commencé. A un moment, il voyait une petite fille espiègle lui lançant des boules de neige et, le suivant, une séductrice qui enflammait ses sens.

Eglantine


Commentaires

suzy972 (le 26/12/2015)
toujours aussi bon

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