Le site francophone dédié au roman féminin

On se reverra à Noël - Chapitre 11

Les Romantiques - 13/12/2015

Chapitre onze

Mon beau sapin, roi des forêts.

 

En arrivant à White Stone les enfants poussèrent des cris de joie, le sapin était arrivé. Tous se précipitèrent au salon, où les bûcherons étaient occupés à le faire tenir. Il semblait immense. Sa pointe touchait le plafond.

- Nathan, tu es le plus grand, tu vas devoir garnir les branches du haut, lui dit malicieusement Bernice.

- Quelle corvée, lui répondit son frère d’un air de martyr.

Tout le monde se mit à rire, parce que c’était un plaisir de décorer l’arbre. On apporta de la cuisine les petits gâteaux qu’on allait accrocher aux branches. La comtesse ouvrit les boîtes que les domestiques avaient descendues du grenier. Des boules de verre, joliment décorées, étaient couchées sur du coton. On les admira avec des exclamations de plaisir.

- D’où tenez-vous ces belles décorations ? demanda le baron.

- Ma tante Adeline, lui répondit la comtesse, habite en Moselle. Là-bas, il y a une soufflerie de verre à Meisenthal. Ils sont connus pour faire les plus belles du monde et, quand elle est venue nous rendre visite il y a quelques années, elle m’a fait le plaisir de m’offrir ces boules-là. Par la suite, Nathan en a commandé quelques-unes chaque année. Seulement elles sont très fragiles. Il faut faire attention, un rien peut les briser.

Il y avait aussi des sucres d’orge, et des étoiles dorées avec des versets de la bible au dos.

- Savez-vous d’où vient la tradition des boules ? demanda Evrard, qui avait toujours envie d’apprendre de nouvelles choses aux enfants.

- Voyez-vous, continua-t-il, au départ on mettait des pommes bien rouges mais, un hiver, la récolte avait été maigre et il n’y avait plus de pommes, ou pas assez. Alors un verrier eut l’idée de souffler des boules. Remarquez, sur les premiers sapins de Noël on mettait aussi des roses en papier, symbole de la vierge, et des noix qu’on peignait.

Et d’anecdote en anecdote, on décora l’arbre.

Nathan se retira dans son bureau. Le baron vint le rejoindre presque immédiatement, car décorer un sapin n’était pas sa tasse de thé.

- Alors, mon cher ami, pouvez-vous me dire ce qu'il se passe ? En vous voyant arriver avec cette superbe ecchymose, vos vêtements quelque peu froissés, je me suis posé des questions. Et ne venez pas me dire que vous avez glissé, je n’en crois rien.

Le jeune homme leur versa à chacun un verre de porto, puis il s’assit dans un fauteuil face au baron.

- C’est vrai. Je ne voulais rien dire devant les femmes, pour ne pas les inquiéter, mais je venais de faire ralentir les chevaux pour prendre un virage lorsque Bertram a jailli du sous-bois, m’a agrippé et fait tomber du traîneau. Ne me demandez pas comment il a fait, cette attaque était une complète surprise. J’étais sous le choc. À ce moment-là, il a tiré un couteau et failli m’avoir. Je n’ai pas réagi assez vite. Heureusement que votre chien m’avait suivi, il s’est jeté sur mon agresseur, qui s'est enfui. J’ai dû marcher pendant un bout de temps avant de retrouver l’équipage.

- Ah, palsambleu ! En fin de compte, il est sorti une bonne chose du fait que mon fils soit aussi têtu et qu’il ait amené cette bête malgré notre interdiction. Toutefois c’est très grave ce que vous me dites là ! C’est la preuve que ce Bertram vous observe.

Nathan regarda son verre, qu’il tournait dans sa main, puis répondit :

- Oui, j’y ai pensé aussi. Il est urgent de prendre des mesures. Seulement, si la neige est un handicap pour Bertram, c’est en même temps un avantage pour lui.

Accompagné d'Evrard, le marquis ne tarda pas à les rejoindre. Ensemble ils essayèrent de trouver une solution au problème qui se posait à eux.

Lorsque l’arbre fut entièrement décoré, les dames se rendirent compte que les messieurs avaient disparu.

- Certainement qu’ils sont allés boire un verre et fumer ces horribles cigares, dit la comtesse en riant.

- Je n’ai jamais compris pourquoi les hommes avaient besoin de s’enfermer ensemble, pour s’enfumer les uns les autres.

- Il paraît qu’il y a des femmes aussi qui fument, remarqua Eugenia, tiens, George Sand par exemple.

- Quelle horreur ! se récria Bernice, a-t-on idée de copier les mauvaises habitudes de la gent masculine !

Les femmes se remirent à rire.

- D’ailleurs ils ont d’autres manies. Lire le journal à table, par exemple, et souvent au moment où on voudrait leur parler, renchérit Eugenia.

- Et cette manie de toujours laisser la salle de bain en désordre, dit sa sœur.

- Mes enfants, dit la comtesse, il est sûr qu'il est parfois dur de vivre avec un homme, mais il est plus dur encore de vivre sans lui.

Le silence s’installa dans le salon. Les femmes se mirent à ranger les cartons, alors que le fantôme de l’ancien comte flottait dans la pièce.

Elvira s’était rendu compte qu’Agatha avait, elle aussi, disparu. Elle se mit à la chercher et la retrouva à genoux devant la porte du bureau, un œil sur la serrure. Elle mit ses mains sur ses hanches et secoua la tête. Incorrigible Agatha !

- Tu ne trouves pas que c’est très indiscret, ces façons ?

La jeune fille bondit en l’air. L’arrivée d’Elvira l’avait surprise.

- Tu me feras avoir une crise cardiaque.

- Allons, tu es beaucoup trop jeune pour succomber à un tel mal. Mais si tu continues à fouiner, peut-être que tu finiras par mourir jeune ! Pourquoi es-tu en train d’espionner ?

Agatha fit mine d’essuyer sa jupe, ce qui mit les nerfs d’Elvira à rude épreuve.

- Pas ici, un de ces gentlemen pourrait sortir d’un instant à l’autre.

Elle prit le bras de son amie, l’entraîna vers le petit salon jaune où les dames se retiraient après le repas et se laissa tomber sur le canapé.

- Quand Nathan est revenu nous chercher à l’orphelinat, il nous a dit que sa mise quelque peu négligée était due à une chute. Mais j'ai compris qu’il ne nous disait pas la vérité, et toi aussi tu l’as senti, n’est-ce pas ?

Elvira haussa les épaules :

- C’est vrai, je sentais qu’il était préoccupé.

- Eh bien moi j’ai su toute de suite qu’il nous racontait des sornettes. Mais tu connais les hommes, toujours à se dire qu’ils ne doivent surtout pas nous inquiéter. Pfff... quels idiots !

- Et c’est pour ça que tu as écouté leur conversation ?

- Une femme doit être au courant de ce qu'il se passe dans sa maison, même si les hommes de ladite maison font silence. Il fallait bien que je sache à quoi m’en tenir.

- Dis plutôt que tu es une affreuse curieuse, répondit Elvire en souriant.

- Peut-être. Toujours est-il que j’ai réussi à découvrir de quoi il retourne.

- Alors !!! demanda impatiemment son amie, comme Agatha faisait durer le suspense.

- Qui est curieuse maintenant ? Bon, je ne vais pas te faire attendre plus longtemps.

Elle se pencha vers son amie et lui dit :

- Nathan a été attaqué par l’affreux Bertram !

Elvira mit ses mains sur ses joues et s’exclama :

- Mon Dieu !

- Moins fort, la réprimanda Agatha.

- Mais il aurait pu lui arriver des choses terribles !

- Il parait que c’est Gulliver qui l’a sauvé.

- Gulliver ?

- Oui, il a sauté sur l’agresseur qui est parti sans demander son reste.

- Ah ! Mon Dieu, qu’allons-nous faire avec ce dangereux individu qui rôde aux alentours, reprit Elvira.

- A part le faire reprendre par la police, rien.

- J’espère que tu ne veux pas t’en charger, c’est un criminel, et il est beaucoup plus fort que toi.

- Tranquillise-toi, je ne vais pas sortir par ce temps et battre la campagne à la recherche d’un fou furieux. Non, je vais réfléchir, comme Sherlock Holmes.

- Hein ! Qui est Sherlock Holmes ?

- C’est le détective de l’histoire «A study in scarlet».

- Voyons Agatha, la vie n’est pas un roman ! Tu ne peux pas faire des enquêtes comme un détective sorti tout droit de l'imagination d’un romancier.

- Je t’assure que ce Holmes est fantastique. Il sait résoudre toutes les énigmes, surtout par la réflexion.

Elvira secoua la tête. Vraiment, les adolescentes étaient impossibles, mais Agatha était encore pire que les autres !

La comtesse les appela et les jeunes filles retournèrent au salon pour aider à ranger.

- Où étiez-vous passées ? demanda la comtesse.

- Oh ! répondit Elvira, Agatha a fait une crise d’adolescence.

Elle se mit à rire et son amie fit la moue.

Eglantine


Commentaires

krapokouk (le 13/12/2015)
beaucoup d'humour dans ce chapitre. Agatha vole la vedette!

Sacroliyu (le 13/12/2015) (le 13/12/2015)
Comme je l'ai lu, dernièrement, en avant première ! lol. Je peux te dire que l''humour ne manque pas. Et qu'Agatha en une "sacrée" ! Lol. Je l'ai bien aimé, celle-là (lol) et je vais aller lire son histoire d'amour qu'Églantine a écrite l'année suivante.

suzy972 (le 25/12/2015)
oui je confirme

anjouly (le 07/01/2016)
Merci pour l'info Sacroliyu, je trouve de fait le personnage d'Agatha très intéressant et j'aimerais beaucoup connaitre son histoire

Prénom ou pseudo * :
(Gardez toujours le même pseudo. Les lectrices qui partagent vos goûts pourront ainsi suivre vos commentaires.)
Email :
(Votre email ne sera pas affiché sur le site. Il nous permettra simplement de vous envoyer un petit mot de remerciement.)
Commentaire :
Signature :
 

* : champ obligatoire

Les commentaires sont temporairement désactivés

Les Romantiques sur Twitter  Les Romantiques sur Facebook  Rechercher un livre

 

 

 

 

© Copyright 2012 Les Romantiques
Webdesign Priscilla Saule