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On se reverra à Noël - Chapitre 7

lafouine77 - 09/12/2015

19 décembre 1888

Chapitre sept

La gaieté, la santé
Changent l'hiver en été

 

Lorsque les habitants se réveillèrent ce matin-là, ils découvrirent une couche blanche sur le paysage. Les enfants étaient fous de joie, et leur gouvernante eut le plus grand mal à les empêcher de sortir en chemise de nuit.

Au petit déjeuner, on décida que c’était le jour idéal pour chercher du gui et du houx.

- N’est-ce pas dangereux ? demanda Eugenia, préoccupée pour sa progéniture, après tout il y a un criminel dans les parages.

Le comte regarda sa sœur avec un sourire en coin.

- Nous n’allons pas faire une grande expédition, nous allons juste dans le verger derrière le parc, chercher du gui sur les pommiers. Quant au houx, nous n’avons même pas besoin d’aller plus loin que le mur d’enceinte. D’ailleurs, accompagne-nous et tu te rendras compte que tes galopins ne risquent rien.

- Non, je te fais confiance. Les mains glacées et les pieds mouillés, très peu pour moi.

On décida donc que les dames resteraient au château, à part Elvira et Agatha. Le baron, très frileux, déclina lui aussi l’invitation et le marquis, préoccupé par sa femme, voulait rester avec elle. Elvira venait de mettre des vêtements chauds, un manteau épais et un bonnet lorsqu'Agatha rentra dans sa chambre, équipée de pied en cap.

- A ce que je vois, dit Elvira, tu as l’intention de faire une expédition au pôle Nord ?

- Ne ris pas, il fait un froid de canard. D’ailleurs tu devrais profiter de l’occasion pour commencer tes manœuvres d’approche en vue de séduire mon frère, tu ne trouves pas ?

- Ah oui ! Et que proposes-tu ?

- Embrasse-le par surprise.

Elvira rougit un peu, puis secoua la tête et sortit de la chambre, suivie par son amie.

- Vraiment ce ne serait pas convenable, et qu’est-ce qu’il penserait de moi.

- Eh bien si tu attends qu’il vienne à toi, on n'est pas sortis de l’auberge.

Quelques instants plus tard tout le monde était dehors. On avait descendu les luges du grenier, et les enfants les tiraient avec ravissement. Gulliver sautait de joie autour de son maître et l’on s’engagea vers le verger.

Nathan et Evrard grimpèrent dans les arbres afin de couper le gui, tandis que les enfants et les jeunes filles ramassaient les branches qu'ils leur lançaient pour les attacher et les mettre sur les traîneaux. Lorsque ce fut fait, une vraie bataille de boules de neige éclata. On ne sut pas qui avait commencé, mais on soupçonna fortement Agatha d’avoir lancé le premier projectile sur son frère. Il s’ensuivit une bataille féroce, avec beaucoup de rires. Puis on décida d’aller attaquer la haie de houx.

- Allez devant, dit le comte, je vais chercher mon sécateur, qui est tombé quand une certaine personne de ma connaissance m’a lancé une boule dans le cou.

Il regarda sa sœur d’un air faussement sévère. Elle lui tira la langue.

- Tu ne perds rien pour attendre.

Elle rit et, tandis que son frère s’éloignait, chuchota à l’oreille d’Elvira :

- C’est le moment ou jamais. Il est seul, vas-y et bonne chance.

Puis elle partit en courant vers les autres. Elvira prit une profonde inspiration et s’avança résolument vers l’endroit où se tenait Nathan. Il se baissa pour ramasser son outil, tombé au pied de l’arbre. Dès qu’il se releva, Elvira mit ses bras autour de son cou et l’embrassa sur la bouche. Ahuri, il regarda la jeune fille qui rougissait un peu.

- Nous somme sous le gui, dit-elle en montrant les branches qui bougeaient doucement sous une brise fraîche. Tu sais bien, ça porte bonheur.

Peu à peu, Nathan la regarda avec un sourire malicieux.

- Tu crois que ce baiser de rien du tout suffira ?

Elvira serra les lèvres. Elle allait tourner les talons lorsqu'il la tira par la manche, l’amena dans ses bras et prit ses lèvres dans un baiser fougueux.

- Voilà ce que j’appelle un baiser, dit-il en la relâchant.

Elle avait le souffle court mais, l’air de rien, elle le regarda et répondit :

- Tu dois le savoir, je parie que tu connais plus de choses à ce sujet que moi.

Puis elle partit. Nathan ne la suivit pas tout de suite, car même s’il n’en laissait rien paraître ce baiser l’avait secoué. Heureusement que nous portons des vêtements épais, songea-t-il, car les effets qu’avait eu cet enlacement sur sa personne, non seulement elle les aurait sentis, mais ils auraient été visibles.

«Il faudrait que je me cherche une femme, voilà que Pâquerette éveille en moi des sentiments fort troublants» pensa-t-il avant de rejoindre le reste de la troupe rassemblé devant les haies de houx. Lorsqu’il arriva ils étaient en train d'entonner un chant de Noël pour se donner du cœur à l’ouvrage, et aussi rester dans l’ambiance.

On the first day of Christmas
My true love gave to me
A partridge in a pear tree.

Il y eu quelques fausses notes, mais l’entrain de la chanson était tel qu’ils se sentaient heureux et en harmonie avec cette belle journée d’hiver. Et c’est sur la dernière strophe qu’ils arrivèrent au château.

Seven swan’s a-swimming...
Eight maid’s a-milking...
Nine drummers drumming...
Ten pipers piping...
Eleven ladies dancing...
Twelve lord’s a-leaping...

Dans la cuisine on s’affairait aussi. Il y avait l’odeur caractéristique des fêtes. La cannelle, les oranges et les pommes, qu’on coupait pour en faire des tartes, ainsi que des petits gâteaux au gingembre. Les enfants eurent le droit de tourner la manivelle de la grande lessiveuse, qui contenait les ingrédients des plum pudding qu’on mangerait le 25 décembre pour le thé. Les autres membres de la famille n’avaient pas perdu de temps non plus, les femmes avaient commencé à décorer le salon de toutes sortes de parures de Noël. Au-dessus de la cheminée on avait déjà accroché un bas pour chaque enfant.

- N’est-ce pas un peu trop tôt ? avait dit le baron. Mais les dames s’étaient récriées qu’il n’était jamais trop tôt.

- Il ne manque plus que le sapin, dit Bernice.

- Les bûcherons m’ont promis de le livrer demain.

- Je trouve que c’est une très belle tradition que celle du sapin, remarqua Eugénia, il est heureux que le prince Albert nous l’ait amenée de son pays.

- Sais-tu ma chère belle-sœur, dit Evrard d’un ton docte, que cette tradition est née au moment de la Réforme, assez loin de la région du prince, dans une ville d’Alsace du nom de Sélestat. Seulement comme on y mettait des aliments tels que des osties ou des pains d’épice, on les accrochait au plafond pour que les souris ne puissent pas venir grignoter la nuit. On mettait aussi des pommes rouges. Les gens prirent l’habitude d’en faire un chaque année et y ajoutèrent des noix et des petits gâteaux. Au fil des ans, on mit des images de saints et des bougies.

- On sent le professeur en t’écoutant, se moqua gentiment sa femme.

Nathan, quant à lui, se dirigea vers son bureau. Il avait besoin d’être seul un moment. Il triait son courrier lorsqu’on frappa à la porte. Soames entra avec un petit plateau d’argent où était posée une lettre.

- Ceci est arrivé pour vous pendant votre absence, milord.

Nathan prit connaissance de la missive et se laissa tomber sur un fauteuil. Encore de mauvaises nouvelles. Le révérend s’excusait de ne pas s’être déplacé lui-même pour lui apprendre que certains éléments de la crèche avaient disparu. Il faut dire qu’une des arrières grands-mères de Nathan était d’origine française. Elle venait de Provence, où était née cette charmante coutume des santons. Elle avait rapporté une crèche de son pays et, malgré le scepticisme du pasteur de l’époque, la faisait monter dans l’église du village pour Noël. Cette crèche ayant beaucoup de valeur, on la gardait au château toute l’année. Mais début décembre, le comte l’amenait au pasteur afin qu’il puisse la dépoussiérer, et repeindre parfois aussi les personnages qui perdaient un peu de couleur.

Il se versa un verre de whisky et se dit qu’il irait voir le Révérend plus tard dans l’après-midi. Puis il posa sa tête contre le dossier du siège et repensa à ce baiser sous le gui. Ne disait-on pas que les jeunes gens qui s’embrassent ainsi sous cette plante se marient dans l’année ?

Eglantine


Commentaires

krapokouk (le 09/12/2015)
un peu de précipitations ne nuit pas... je suppute l'effet boule de neige pour la suite ;-)

suzy972 (le 23/12/2015)
superbe comme d'habitude

anjouly (le 07/01/2016)
je suis tout à fait dans l'histoire très envie de connaitre la suite :)

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