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On se reverra à Noël - Chapitre 6

Ruby - 08/12/2015

Chapitre six

Trop tôt vient à la porte
Qui mauvaises nouvelles apporte

 

L’après midi passa assez rapidement. Chacun s’était retiré dans sa chambre pour se remettre du voyage. Elvira était couchée à plat ventre sur son lit avec un jeu de dames devant elle et, en face, assise à la façon des bouddhistes, Agatha réfléchissait à son prochain coup tout en mangeant des bonbons.

- Tu ne devrais pas manger autant de sucreries, ça fait grossir, lui fit remarquer Elvira.

- Et alors ? répondit Agatha la bouche pleine.

- Si l’on doit te rouler comme un tonneau pour arriver au bal des débutantes, tu auras l’air fin.

- Je ne suis pas sûre de vouloir aller au bal des débutantes.

De saisissement, Elvira se releva en faisant presque tomber les jetons.

- Qu’est-ce que tu racontes ? Tu n’as pas envie de trouver un mari ?

- Bof, personnellement je trouve les hommes un peu trop suffisants. Sous prétexte qu’ils ont plus de muscle que nous, ils pensent avoir plus de cervelle.

- Mais alors, comment vois-tu ton avenir ?

Agatha se frotta le menton et regarda vers le ciel de lit, comme si elle se concentrait profondément.

- J’aurais bien aimé être policier.

- Policier !!! Mais il n’y a pas de femmes dans la police ! Elvira se mit à rire. Tu me fais marcher, avoue.

Agatha poussa un soupir, regarda l’échiquier et fit sauter un de ses pions par-dessus trois de ceux de son amie.

- Non, je suis sérieuse, elle soupira, mais je sais bien que c’est impossible. Les hommes ont le pouvoir et ils n’ont pas envie de le partager avec nous. Ce n’est pas demain la veille qu’on prendra des femmes à Scotland Yard.

- Pourquoi as-tu envie d’un tel métier ?

- A cause de Jack l’éventreur bien sûr.

- Jack l’éventreur ? Mais qui est-ce ??

- Tu n’as pas entendu parler de lui ? Alors tu n’as pas lu les journaux. Ils ne parlent que de ça depuis qu’il a commencé à sévir. C’est un assassin. Il a tué sa première victime le 31 août dernier et sa dernière le 9 novembre. Il y en a eu cinq et il paraît que c’était un vrai massacre. Bien sûr la police n’a rien trouvé, et j’ai pensé que j’aurais bien aimé suivre les trace de ce criminel.

Elvira était proprement scandalisée. Elle regarda la jeune fille avec des yeux ronds.

- Tu ne peux pas être sérieuse. Impossible. Quel idée, traquer un assassin qui a tué cinq femmes.

- C’était des prostituées et cela s’est passé à White Chapel, à Londres.

- Non vraiment Agatha, essaie un autre métier. Je ne sais pas moi, infirmière.

- J’ai envie de faire quelque chose qui sorte de la norme, d'avoir des aventures palpitantes. Je n’ai pas du tout envie de m’enterrer à la campagne, d’élever des enfants et de chouchouter un mari qui fulminera sur le gouvernement le matin au petit déjeuner en lisant le Times.

Elvira sourit.

- Voyons Agatha, il ne faut pas voir la vie comme ça. Je crois que nos mères sont très heureuses, et je vais même aller plus loin : la mienne est celle qui porte la culotte. Mon père ne s’en rend pas compte, mais c’est elle qui dirige le domaine. Et puis si tu tombes amoureuse, hein ? Ne voudrais-tu pas te marier avec l’homme de ta vie ?

Elle se pencha sur le jeu et déplaça un pion. Agatha réfléchit.

- En tout cas, je trouverai bien quelque chose. Je crois que j’aimerais rejoindre une équipe d’archéologues qui part faire des fouilles en Égypte. Je provoquerai le sort des anciens pharaons et je découvrirai le tombeau d’un grand roi. Ou alors je vais écrire des romans policiers.

Elvira riait maintenant. Elle ne se moquait pas de son amie, mais elle n’arrivait pas à la prendre au sérieux.

- Tu crois que tu serais capable de faire éditer un manuscrit ?

- Ce serait facile, je ferais comme George Sand, je prendrais le nom d’un homme. Mais tu as raison, si j’ai des tas d’idées qui me tournent dans la tête, je n’arrive pas à les mettre sur papier.

Elle regarda le jeu, puis sauta par-dessus les trois derniers pions de sa confidente.

- Tu as perdu.

Elvira regarda le jeu, étonnée.

- C’est vrai. Je me demande parfois comment tu t'y prends pour faire plusieurs choses à la fois.

Agatha sourit d’un air mystérieux.

- Je m’entraîne.

La famille était rassemblée à l’heure du thé, lorsqu’un visiteur se présenta. Soames, le majordome, le fit entrer dans le salon où se déroulait le rituel quotidien.

- L’honorable juge Maxwell, présenta le domestique à la mine figée.

Le magistrat commença par saluer l’assemblée. Après les politesses d’usage et des remarques sur le temps, qui était à la neige, il accepta une tasse de thé avec un nuage de lait.

- Alors monsieur le juge, demanda le comte, qu’est-ce qui vous amène chez nous par ce temps ?

Le magistrat prit quelques gorgées de son breuvage, posa la tasse sur la soucoupe, prit un scone sur l’assiette devant lui et répondit :

- Je suis venu vous annoncer que Bertram Rivers s’était évadé.

La comtesse pâlit et le baron regarda le comte, attendant des explications. Ce dernier se tourna vers lui et dit :

- Bertram avait une taverne sur nos terres, mais père avait découvert que c’était un lieu où se rassemblaient les pires canailles de la région. Il y eut des vols dans les environs, et le garde-chasse a failli mourir lorsqu’il les a surpris. Il a été blessé de plusieurs coups de couteau. Père a fait faire une enquête discrète par un détective. Celui-ci a découvert que ce Bertram était le chef du gang. Il avait déjà d’autres méfaits à son actif.

Lorsque la maréchaussée est venue l’arrêter, il a juré de se venger. La baronne lui répondit :

- Mais votre père est mort, il n’y a donc aucune crainte à avoir.

Le juge prit la parole à la place du comte :

- Hélas, si c'était aussi simple. Mais chez ces gens-là, la vengeance est quelque chose de sérieux. J’ai bien peur qu’il ne veuille s’occuper du comte actuel, puisque l’ancien est décédé.

- Mais c’est affreux ! s’écria la baronne.

- J’ai toujours eu peur qu’une telle chose puisse arriver, dit à son tour la comtesse, car ce Bertram est très rusé. Mon Dieu, qu’allons nous faire ?

Elle se tourna vers son fils.

- Calme-toi, mère. Ici nous ne risquons rien. Nous avons assez de domestiques pour nous défendre, si par malheur il essayait quelque chose. En outre il fait froid, je n’ai pas l’impression qu’il pourrait vivre dehors sans qu’on le découvre. Il faudrait qu’il se procure de la nourriture, un abri où se chauffer et dormir.

- C’est vrai, dit le baron, par ce temps, il n’a pas la moindre chance. Et comme les chutes de neige ne vont pas tarder, si jamais on le repère quelque part et qu’il arrive à s’enfuir on pourra suivre ses traces.

Le magistrat hocha la tête et enfourna un muffin dans sa bouche. Elvira, de son côté, posa sa tasse car elle tremblait. Elle avait peur que ce malfaiteur ne réussisse à se venger de Nathan. Agatha, par contre, avait les yeux brillants, et quand son amie le remarqua elle s’effraya encore plus. «Pourvu qu’elle n’ait pas la mauvaise idée de pister ce Bertram, comme elle aurait voulu le faire avec Jack l’éventreur.»

- Pensez-vous, demanda le marquis, que ce soit ce Bertram qui ait mis le feu à cette grange ?

Nathan se tourna vers son beau-frère :

- Non, pourquoi l’aurait-il fait ? Cela n’a aucun sens.

Evrard Ridley fronça les sourcils avant de dire :

- En tout cas, les femmes ne devront sous aucun prétexte sortir dehors sans que quelqu’un les accompagne.

Eugénia le regarda d’un air espiègle et lui répondit :

- Je ne pense pas faire de grande randonnée, et certainement que les autres dames non plus.

On rit à cette boutade et l’atmosphère s’allégea quelque peu. Nathan ne montra aucune nervosité et continua à deviser avec sa famille et ses amis. Mais, en son for intérieur, il commençait à s’inquiéter sérieusement. Trop de choses se passaient ces derniers temps, et cela ne lui plaisait pas. Loin de là.

Eglantine


Commentaires

krapokouk (le 08/12/2015)
Agatha Christie est dans la place!

suzy972 (le 08/12/2015)
la suite s'il vous plait merci trop cool cette nouvelle

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