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On se reverra à Noël - Chapitre 5

Ruby - 07/12/2015

Chapitre cinq

Entre gens de même nature,
L'amitié s'entretient et dure

 

Le comte était préoccupé en rentrant. L’incendie de la ferme n’avait pas fait trop de dégâts, mais on ne savait pas ce qui l’avait provoqué. Et les invités devaient être là à présent, or il n’avait aucune envie de faire des civilités. Il était en sueur et épuisé. Il sentait la suie et aurait préféré dormir un peu. Puis il pensa à Pâquerette et un sourire lui vint aux lèvres. Après tout, revoir la jeune fille valait la peine de sacrifier aux politesses.

Arrivé à l’écurie, il eut la surprise de voir dans un coin, où était entreposé le foin, un jeune garçon penché sur un chien.

Jeffrey leva les yeux vers Nathan et lui dit :

- Bonjour monsieur le comte.

- Bonjour jeune homme, je suppose que tu es Jeffrey ?

- Oui milord.

- La dernière fois que je t’ai vu, tu étais haut comme trois pommes. D’ailleurs qu’est-ce qui se passe. Pourquoi es-tu ici ?

- J’ai emmené mon chien contre l’avis de mes parents, et ils ont décrété que, puisqu’il n’avait pas été invité, il n’entrerait pas dans la maison. Alors je l’installe ici. Il n’a pas encore repris ses esprits, je pense qu’il n’a pas tellement supporté le laudanum.

Nathan s’accroupit à côté du jeune garçon, qui lui expliqua l’énorme bêtise qu’il avait commise.

- Vous comprenez milord, Gulliver est mon meilleur ami, je l’ai eu pour mon neuvième anniversaire et, depuis, je ne l’ai jamais quitté. Il m’aurait manqué et je lui aurais manqué aussi.

Nathan sourit au jeune garçon. Il le comprenait très bien, n’était-il pas comme lui au même âge ?

- Eh bien, considère qu’à partir de cet instant Gulliver est officiellement invité chez moi. Tu auras le droit de l’emmener à l’intérieur, à condition bien sûr que tes parents soient d’accord.

Jeffrey était heureux, et il souriait de toutes ses dents en disant :

- Merci monsieur le comte, merci beaucoup.

Gulliver, qui sentait que son maître était joyeux, lui lécha les mains.

En arrivant dans le hall, Nathan se rendit compte qu’il y avait du monde au salon. Comme la porte était ouverte, sa mère le vit et sortit avec un grand sourire pour lui apprendre qu’outre les Masterson, sa sœur Bernice venait d’arriver avec sa petite famille.

Lorsque le comte entra dans le salon, Elvira eut un coup de cœur. Il était plus beau encore que dans ses souvenirs, avec sa culotte de cheval et sa redingote, couvert de suie et de boue, les cheveux emmêlés par le vent d’hiver. Il salua tout le monde, et l’embrassa même sur la joue en lui disant : «heureux de te revoir Pâquerette», puis se tournant vers les autres il ajouta :

- Chers amis, je vais me retirer pour me changer, je ne suis vraiment pas à mon avantage.

Elvira le regarda disparaître avec un petit soupir. Agatha lui fit un clin d’œil :

- Tu vois, il t’a embrassée. Je suis sûre que tu pourrais le séduire.

- Ne rêve pas, il m’a encore appelée Pâquerette.

- Que veux-tu, il t’a appelée tellement longtemps comme ça que c’est devenu une habitude. C’est à toi de faire en sorte qu’il ne voie plus en toi qu’Elvira.

Jeffrey arriva sur ces entrefaites et déclara devant l’assemblée que Gulliver était officiellement invité au château. Il demanda donc la permission de le faire entrer. La baronne secoua la tête, vraiment son fils n’en ratait pas une. Puis elle lui dit :

- Bon, tu peux le faire entrer dans la cuisine si le personnel veut bien de lui, mais gare à toi s’il monte.

Jeffrey promit tout ce qu’on voulait et, suivi de Charles, le fils aîné de Bernice, descendit trouver une place bien chaude à son ami.

On s'était mis à discuter des enfants et de leurs manies, lorsqu’on entendit une voiture s’arrêter devant le porche. Quelques instants plus tard apparut Eugenia, la deuxième sœur, suivie de son mari, Evrard Ridley. Nathan avait lui aussi entendu le bruit du carrosse sur les pavés de la cour. Il était heureux de revoir toute la famille, mais aurait préféré que ce soit dans d’autres conditions. Il était fourbu, il aurait volontiers pris un bain, hélas il n’avait pas le temps et se contenta de se débarbouiller quelque peu. Pourtant il revoyait le visage de son amie d’enfance. Il n’avait pas remarqué, ce printemps, combien elle avait embelli. C’était certainement dû au fait que ses pensées à cette époque-là tournaient beaucoup trop autour de Pamela. Voilà que son obsession revenait.

Il se dépêcha de nouer sa cravate et d’enfiler une veste avant de descendre rejoindre ses invités. A son apparition, le signal fut donné de passer à table. Ce n’est qu’en prenant place qu’il se rendit compte qu’il mourrait de faim.

Il jeta un coup d’œil vers Elvira, elle semblait en grande conversation avec Agatha. Il faudrait peut-être qu'il prenne cette dernière à part pour lui demander de ne pas embêter Pâquerette. Dans le même temps, il se rendit compte que ce petit surnom ne lui allait plus. Elle avait cessé d’être une fillette, et il s’aperçut que sa robe soulignait merveilleusement le galbe de ses seins. Son corps réagit à sa façon à cette découverte. «Que m’arrive-t-il ?». Vraiment, il devait se reprendre si la simple vue d’une jeune fille déclenchait pareille réaction.

- Ça va Nathan ? demanda la comtesse, qui s’était rendu compte que son fils devait être épuisé.

- Ça va mère, j’ai les muscles juste un peu raides.

- Après le repas, tu devrais prendre un bain. Cela te détendra. Et tu pourrais faire la sieste jusqu’à l’heure du thé.

- Mère, je ne suis plus un petit garçon, je ne vais pas dormir l’après midi, et j’ai besoin d’avoir une discussion avec le régisseur.

Le baron se tourna vers son hôte :

- Il paraît que vous avez eu un incendie sur votre domaine ?

- Oui, un incendie très mystérieux. Au milieu de la nuit, un de mes métayers a été réveillé par une vive lumière. En allant voir ce dont il s’agissait, il s’est rendu compte que sa grange était en train de brûler. Si cela était arrivé en automne, j’aurais pensé à un banal incendie déclenché par de la paille ou du foin humide qui, en macérant, produisent du gaz qui s’enflamme rapidement. Cela arrive de temps à autre. Mais ce n’est jamais arrivé en hiver. De plus il n’y avait pas de foin ni de paille, mais des tonneaux de cidre. Heureusement que le cidre ne brûle pas, sinon qui sait si on aurait pu maîtriser l’incendie aussi rapidement.

- Vous pensez donc que c’est d’origine criminelle ?

- Vraisemblablement. Seulement je ne m’explique pas pourquoi ? Nous avons perdu quelques tonneaux, et la charpente est fort endommagée, mais ça n’a pas de sens.

- Il faudra faire intervenir la police.

Nathan haussa les épaules.

- Je ne suis pas sûr que la police puisse m’aider. Non, je vais moi-même chercher le coupable.

- Oui, vous avez raison. Il vaut mieux s’occuper soi-même de ces choses pour être sûr qu’elles soit faites et bien faites.

De l’autre côté de la table, la baronne Joanna demanda à Eugénia :

- Alors, pour quand l’heureux évènement est-il attendu ?

Eugénia rougit un peu, puis regarda son mari :

- Pas avant le mois prochain.

- N’est-il pas un peu difficile de voyager par ce temps-ci, dans votre état ?

- Oh non, se récria Eugénia, de toute façon nous n’habitons qu’a vingt lieux d’ici, alors c’est supportable.

- Oui, mais les cahots de la route ne t’ont pas fait beaucoup de bien, lui dit son mari, il vaudrait peut-être mieux rester ici jusqu’à la naissance.

- Je ne suis pas malade, répondit-elle en riant, je me sens en pleine forme. Et je vais le prouver : dès qu’il neigera, je sortirai et je ferai, avec les enfants, le plus grand bonhomme de neige jamais construit sur les terres de White Stone.

- Alors là tu vas devoir te donner du mal, car le plus grand bonhomme de neige, c’est Nathan et moi qui l’avons construit, lui dit sa sœur Bernice.

Eugenia pouffa de rire.

- Voyons, jamais de la vie ce n’était un bonhomme de neige, juste une masse informe. Il n’avait pas de vrai visage, ni même un chapeau.

- C’est que nous n’avons pas pu le finir. Nathan avait prévu de lui mettre le chapeau claque de papa, mais lorsque maman nous a vus par la fenêtre, avec le plus beau couvre-chef de son mari, elle est sortie nous gronder. Nous avons été consignés dans notre chambre et, le lendemain, un vent violent avait transformé notre bonhomme en cette masse informe. Nous l’avons appelé Herbert et il a vécu jusqu'à la fin février.

Eglantine


Commentaires

suzy972 (le 07/12/2015)
toujours aussi bon vivement la suite

krapokouk (le 07/12/2015)
j'espère que les braises ne seront pas seulement celles de l'incendie criminel ;-)

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