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On se reverra à Noël - Chapitre 3

Les Romantiques - 05/12/2015

17 décembre 1888

Chapitre trois

Le meilleur qu'on puisse ramener de voyages,
C'est soi-même, sain et sauf

 

Toute la maison était sens dessus dessous. Elvira cherchait partout son écharpe, Louise était tout agitée par le voyage à venir, et Jeffrey était fâché parce que sa mère lui avait interdit d’emmener son chien. Leur père, le baron Dunaire, n’était pas tellement heureux de voyager par ce temps, lui qui aimait son petit confort.

Le temps était froid, déjà les premières chutes de neige avaient commencé quelques jours plus tôt mais, heureusement, il ne s’agissait que de quelques flocons.

On avait retenu un wagon de train, on allait partir de la gare d’Aylesbury, la capitale du Buckinghamshire, pour aller à Chichester, dans le Sussex. Il avait fallu affréter un train spécial, car la famille aurait dû passer par Londres pour prendre une correspondance, et le baron grognait contre toutes ces dépenses inutiles. Sa femme lui avait rétorqué qu’on pouvait bien voyager en diligence, comme du temps de son grand-père, cela lui coûterait moins cher. Son mari l’avait regardée d’un air épouvanté.

Le cocher avait préparé la voiture qui allait conduire la famille à Aylesbury. Les domestiques : la femme de chambre de la baronne, le valet du baron et la gouvernante des enfants, suivraient dans une autre voiture avec les bagages.

Enfin, tout était prêt. Après les dernières recommandations du maître de maison au régisseur, la voiture s’ébranla. Le temps était froid et sec, mais cela n’allait pas durer, on sentait que la neige n’allait pas tarder à tomber en plus grande quantité. Le temps pressait. «Pourvu qu’on arrive avant les grandes chutes» pensait Elvira, car elle avait lu quelque part que les trains étaient souvent bloqués par des congères en hiver.

- Heureusement qu’on va vers le sud, dit-elle, si le comte habitait dans le Yorkshire je ne suis pas sure qu’on pourrait y arriver sans traîneau.

- Ne parle pas de malheur, lui répondit le baron en frissonnant, je trouve déjà que ce n’est pas vraiment une saison pour voyager.

Sa femme secoua la tête en signe d’exaspération et lui dit :

- Voyons Hyppolite, nous avons tout le confort possible, et puis une fois que nous serons dans le train, nous aurons un beau paysage qui défilera.

- Oui, grommela son mari, s’il ne neige pas, que les voies ne sont pas obstruées. Vraiment, fallait-il y aller pour Noël, n’aurions-nous pas pu leur dire que nous préférions venir à Pâques ?

La baronne sourit en secouant la tête. Quel ours faisait son mari ! Il aurait été capable d’hiverner dans son manoir.

Elle tourna la tête vers ses enfants. Jeffrey semblait bien trop calme. De temps à autre il se baissait pour regarder sous son siège.

- Qu’est-ce que tu as Jeffrey ?

Le garçon leva les yeux vers sa mère et répondit :

- Je ne me sens pas tellement bien, je n’aime pas me faire balancer dans des voitures fermées. Et puis je trouve injuste d’avoir dû laisser Gulliver à la maison, c’est mon ami et il ne sera pas avec moi à Noël.

La baronne leva les yeux au ciel. Ah ! Ces hommes. Toujours à se plaindre de petites choses sans importance. Des petites natures.

- Est-ce qu’il y aura d’autres enfants ? demanda Louise.

Sa mère se tourna vers sa benjamine et lui sourit :

- Oui ma chérie, la sœur du comte, Bernice, celle qui est mariée au marquis de Compton, sera sûrement présente. Elle a deux garçons de cinq et trois ans.

Louise fit la moue :

- Des garçons, et en plus des bébés !

- Mais ma chérie, il y aura peut-être d’autres invités avec des petites filles.

Louise réfléchit et regarda le paysage qui défilait par la fenêtre. Avec la chance qu’elle avait, certainement qu’il n’y aurait pas l’ombre d’une fille de son âge.

La baronne se tourna vers sa fille aînée :

- Je suis sûre que tu seras contente de revoir Agatha. Il me semble que, malgré vos deux ans de différence, tu t’entendais très bien avec elle.

Elvira sourit à sa mère.

- C’est vrai, je me réjouis de la revoir. Elle est tellement gaie, on ne s’ennuie jamais avec elle. Et puis je ne sais pas comment elle fait, mais elle a toujours des idées pour commettre les pires bêtises. Comme la fois où elle a caché une grenouille dans le vase sur l’autel de l’église, et que pendant le culte on entendait distinctement des couacs, couacs, alors que le révérend, complètement pris au dépourvu pendant son sermon, essayait vainement de savoir d'où venaient ces bruits.

Les deux femmes et le baron se mirent à rire. Ce dernier fit quand même remarquer que ce n’était pas des manières, de se moquer d’un serviteur de Dieu. Mais l’atmosphère dans l’habitacle s’était réchauffée et, après un moment, ils entonnèrent des chants de Noël.

Arrivés à la gare en même temps que les domestiques et les bagages, ils mirent un moment à s’installer dans leur wagon. Il y eu des palabres et des énervements. La gouvernante n’avait pas pu venir, au moment de monter en voiture elle avait été prise d’une quinte de toux. Depuis plusieurs jours déjà elle était enrhumée mais, au dernier moment, elle avait décidé qu’un voyage en hiver n’était vraiment pas l’idéal pour guérir un refroidissement. De plus le valet du baron et la femme de chambre n’étaient vraiment pas partants pour partager une voiture avec une personne qui pourrait leur transmettre sa maladie. Et puis il avait fallu transférer les bagages dans le train. Cela avait pris du temps et des disputes avaient éclaté. Elvira regardait le ciel. Pourvu qu’il ne se mette pas à neiger ! Il y avait plusieurs compartiments. D’abord une sorte de salon, avec des fauteuils très confortables, le compartiment des maîtres, deux petits pour leurs domestiques et un pour les enfants. Car on allait voyager de nuit, de cette façon le temps passerait plus vite.

Enfin, le convoi s’ébranla. On fit des signes d’adieu aux deux cochers qui allaient ramener les voitures au manoir. La femme de chambre avait apporté une collation et on s’installa dans le salon pour manger, avant que chacun regagne sa couchette.

La nuit était tombée depuis un moment et la fatigue du voyage se faisait sentir.

C’est au milieu de la nuit qu’Elvira fut réveillée par un bruit bizarre. Elle avait l’impression d’avoir entendu la porte. Elle se leva et se rendit compte que son frère n’était plus sur sa couchette. Où pouvait-il bien se trouver ? Elle mit ses mules et sa robe de chambre, prit une bougie et sortit du compartiment pour suivre le couloir. Il n’était pas dans le salon. Le seul endroit où il n’y avait personne était le lieu où étaient entreposés les bagages. Elle le vit agenouillé devant une forme indistincte, en train de murmurer quelque chose.

- Jeffrey, qu’est-ce que cela veut dire ?

Le jeune garçon s’effraya, puis regarda sa sœur d’un air gêné, avant qu’elle ne s’aperçoive que la forme couchée sur une vieille couverture était... Gulliver.

- Comment ce chien est-il arrivé ici ? demanda-t-elle d’une voix sévère.

Jeffrey baissa les yeux. Il était dans ses petits souliers.

- Ben... Je lui ai donné un peu de laudanum pour le faire dormir, puis je l’ai enroulé dans une couverture et mis sous le siège. Pendant que tout le monde était occupé avec les bagages, j’ai réussi à le sortir et je l’ai caché dans ma chambre. Et durant le dîner, sous prétexte d’aller au petit coin, je l’ai installé ici.

- Tu te rends compte que c’est dangereux de donner un tel produit à un chien ? Tu n’as aucune idée de l’effet que ce médicament a sur un animal. Et d’abord, d’où le tiens-tu ?

- Tu sais que maman souffre parfois de migraines, alors sa femme de chambre lui donne quelques gouttes et elle dort. J’ai juste regardé où elle mettait la bouteille.

Elvira secoua la tête. Quelles sottises pouvaient naître dans la tête d’un jeune adolescent ! Elle s’agenouilla devant la bête, qui la regarda avec des yeux un peu perdus, et caressa son pelage blanc. Elle l’aimait aussi et, rien que de penser au traitement de son frère, elle frissonna.

- Il aurait pu mourir, et cela seulement à cause de ton égoïsme.

Jeffrey baissa la tête. Oui, il avait honte. Et il allait être bien puni lorsque ses parents sauraient.

- Je comprends que tu l’aimes beaucoup, mais ne penses-tu pas que les domestiques se seraient bien occupé de lui ? Et que vont-ils imaginer en ne le voyant plus ? Ils vont se demander comment te dire que ton chien a disparu. Cela va assombrir leurs fêtes.

- Je n’avais pas pensé à ça.

- Eh bien je trouve que tu ne réfléchis pas assez, et c’est un tort. Tu vas écrire une lettre au régisseur où tu t’excuseras et, avec de la chance, ils auront la missive avant Noël.

Eglantine


Commentaires

krapokouk (le 05/12/2015)
galerie de personnages secondaires, petite "morale" à la fin... allez la suite!

ln.lfz (le 05/12/2015)
J'ai hâte de voir la rencontre du couple :) Vivement la suite

suzy972 (le 05/12/2015)
je reste sur ma faim vivement la suite s'il vous plais

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