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On se reverra à Noël - Chapitre 2

Les Romantiques - 04/12/2015

Chapitre deux

Grande est l'éloquence qui agrée,
A celui qui a des regrets

 

Nathan avait réussi à se retrancher dans son bureau. Sa mère se faisait du souci pour lui et, parfois, le regardait d’un air plein de compassion, et il détestait ça.

Il se laissa tomber dans son fauteuil, près de la cheminée où l’on avait allumé une grande flambée. Que lui arrivait-il ? Depuis qu’il avait atteint l’âge adulte, aucune fille ne lui avait résisté. Il était trop sûr de lui et cela l’avait perdu. Pourtant au départ, lorsqu’il avait commencé à faire la cour à Pamela, il avait l’impression qu’il ne la laissait pas indifférente. Elle lui avait même permis de l’embrasser plusieurs fois. Alors qu’est-ce qui avait mal tourné ?

Nathan se leva pour se verser un verre de Cognac de contrebande, celui qu’il préférait, même s'il portait le nom de leur ancien ennemi : «Napoléon». L’alcool coulait dans sa gorge, lui donnait un petit coup de fouet, et les souvenirs revinrent.

C’était l’après-midi, il se dirigeait vers l’hôtel particulier des Port Maine. Il était excité, dans sa poche il y avait une bague de fiançailles. A présent qu’il y repensait, il trouvait que ce jour-là il était gonflé de suffisance, et que la suite lui avait donné une bonne leçon de modestie. Dès le moment où il vit Pamela, il sut qu’elle aussi était émoustillée. Il pensait que c’était parce qu’elle se doutait qu’aujourd’hui il allait la demander en mariage. Après les bavardages d’usage avec sa mère et ses tantes, qui tournaient essentiellement autour du temps et de divers ragots, il avait demandé la permission de se promener avec la jeune fille dans le parc, alors que sa mère les observait de la fenêtre.

Nathan fit la grimace. Mon Dieu, quel idiot il avait été lorsqu’il y repensait à présent !

Ils s’étaient assis sur un vieux banc de pierre, qu’il avait essuyé au préalable avec son mouchoir. Pamela parlait de tout et de rien. C’est au moment où ils étaient assis là, à l’ombre d’un saule, dans le soleil de l’été qui commençait, qu’il lui avait pris la main pour lui dire :

- Je voudrais...

- J’ai quelque chose à vous...

Tous les deux avaient parlé en même temps. Pamela avait pouffé un peu en mettant la main devant sa bouche.

- Honneur aux dames, lui avait-il dit en souriant.

- Eh bien, je voulais vous dire qu’à la fin de la Saison, j’irais en Australie. Nathan l’avait regardée comme si elle avait soudain eu deux têtes.

- Grand Dieu, qu’allez-vous faire dans cette lointaine colonie ?

- Peut-être que je vais m’y marier.

Elle rougit un peu et baissa la tête.

- Vous marier... répéta-t-il comme un perroquet.

Elle était un peu embarrassée quand elle lui répondit :

- Le second fils de lord Cunningham était parti là-bas pour faire fortune. Comme il n’allait pas hériter du titre ni des biens de son père, il avait décidé de tenter sa chance et m’a écrit qu’il avait réussi. Il me demande de venir le rejoindre. N’est-ce pas merveilleux ??

- Oui... oui, c’est merveilleux, lui avait-il dit d’un ton qui laissait entendre exactement le contraire. Mais elle n’avait pas semblé s’en rendre compte, et continua à lui vanter les charmes de son soupirant. Et puis elle s’arrêta brusquement, fronça les sourcils et demanda :

- Mais à propos, que vouliez-vous me dire ?

- Euh... C’est à dire, j’avais eu l’intention de vous inviter à White Stone, ma propriété du Sussex. L’été est tellement beau là-bas. Mais puisque euh... vous allez en Australie...

- Je vous remercie vraiment, mais je viendrai vous voir avec mon mari, lorsque nous passerons en Angleterre, puisque à présent les voyages ne sont plus aussi longs. Il parait qu’il ne faut plus qu’un mois pour faire la traversée, c’est merveilleux non ?

- Oui, oui, bien sûr c’est merveilleux.

Elle s’était excusée auprès de lui et était partie, la tête pleine de projets, de ce qu’elle allait emmener pour ce long voyage. Et lui il était resté là, sonné comme un boxeur sur le ring, avec sa bague dans la poche. Il était hébété et avait mis un bon bout de temps à se rendre compte qu’il avait été coiffé au poteau par un homme qui n’avait pas de titre et vivait à des milliers de kilomètres.

A présent, dans son bureau, il se demandait si sa presque fiancée était déjà mariée. Il serra les poings et faillit se couper au verre qu’il tenait encore. Dans un mouvement de colère il leva le bras, mais son self contrôle l’empêcha de jeter le verre dans la cheminée. Il le posa sur le bord et se laissa tomber à nouveau dans son fauteuil.

Il se souvenait : le même soir il était parti dans les bas-fonds de Londres pour se saouler. La seule chose qu’il avait récoltée, c’était une gueule de bois carabinée. Et puis il avait décidé de revenir dans son fief.

Il avait aidé à la moisson, aux récoltes des fruits. Il s’était dépensé sans compter, sous l’œil ahuri de son régisseur qui n’en revenait pas. Résultat : six mois plus tard il se trouvait toujours dans le même état d’esprit. Il n’avait pas vraiment le cœur brisé, mais son orgueil avait été sacrément blessé et sa confiance en son pouvoir de séduction ébranlée.

Il se leva à nouveau pour chercher un cigare. Sa mère avait bien essayé de lui parler, mais il n’était plus un petit garçon, que diable ! Et puis elle avait eu cette idée insensée d’inviter la famille Masterson pour Noël, ainsi que sa sœur Bernice, son mari et leurs deux fils, sa sœur Eugenia et son récent époux. Il y aurait beaucoup de monde, et surtout des enfants. Là, un sourire joua sur ses lèvres. Après tout, il adorait les enfants.

«Pâquerette», chuchota-t-il. Comme elle avait changé depuis qu’il l’avait vue pour la dernière fois ! Elle avait grandi trop vite, comme une asperge. Et maintenant elle avait déjà fait son entrée dans le monde. Que le temps passait vite. D’ailleurs, se demanda-t-il, était-elle fiancée ?

«Il faut que tu te reprennes mon vieux, se dit-il, la terre ne va pas s’arrêter parce qu’une ingénue a refusé l’ultime honneur de devenir ta femme.» Il jeta son cigare dans la cheminée, appela son valet et demanda qu’on selle son cheval. Il allait faire un tour pour s’éclaircir un peu les idées et après, il se le jura, il ne penserait plus à Pamela Port Maine.

Le vent de novembre lui donna un coup de fouet. Le paysage semblait comme endormi. Parmi les arbres, dont les feuilles étaient toutes tombées, il rencontra certains métayers qui revenaient de la récolte de branches de saules, qu’ils utiliseraient pour faire des paniers pendant la saison morte. En le voyant arriver ils ôtèrent leurs chapeaux pour le saluer, et Nathan pensa à ce que l’épisode Pamela avait eu de positif : il avait été forcé de se bouger un peu, et le résultat était que les gens qui vivaient sur ses terres le respectaient plus qu’avant. Il s’était tellement dépensé que, sans s’en rendre compte, les paysans avaient acquis envers lui un respect tout nouveau.

Le soir au dîner, lorsqu’il apparut, au grand plaisir de sa mère il n’avait plus l’air aussi abattu qu’avant. Il avait repris des couleurs et attaqua son dîner avec plaisir.

Sa sœur Agatha babillait gaiement, elle était tout excitée de revoir son amie Elvira :

- Qu’est-ce qu’on va s’amuser dit-elle, puis elle soupira, que le temps va me sembler long jusqu’à Noël.

- Tu n’auras pas à patienter jusque là. Nous les attendons pour le 18 et ils repartiront pour le nouvel an, répondit sa mère, amusée par la joie de sa fille.

- Ah ! Nous en aurons des choses à nous raconter. Après tout, elle a fait ses débuts au printemps, elle pourra me donner des conseils.

- Agatha, lui dit son frère, tu n’as que seize ans, tu as vraiment le temps de penser à tout ça.

Puis il se tourna vers sa mère et lui dit, l’air de rien :

- Au fait, n’a-t-elle pas trouvé un fiancé ?

- Qui ? demanda sa mère pince sans rire.

- Mais Pâquerette, bien sûr !

- Voyons Nathan, c’est une jeune fille ! Il serait temps que tu t’en souviennes, appelle-la par son prénom au moins. Et pour répondre à ta question, non elle ne s’est pas fiancée mais, qui sait, peut-être à la prochaine Saison ?

Nathan fronça les sourcils, un peu contrarié, et sa mère qui l’observait souriait doucement. Après tout, le plan qu’elle avait mis au point allait peut-être réussir. Nathan était sur la bonne voie. Car bien qu’il ne veuille pas se confier à elle, une mère sait toujours quand ses enfants sont malheureux et, elle en était persuadée, Elvira était la femme qu’il lui fallait. D’ailleurs, dans la correspondance qu’elle échangeait avec Joanna Masterson, elle avait appris que la jeune fille n’était pas insensible au charme de Nathan. Et les deux mères, préoccupées par l’état d’esprit de leur progéniture, avaient décidé que Noël était le meilleur moment pour mettre leur plan à exécution. L’atmosphère serait idéale et elle avait demandé à Nathan de leur envoyer une invitation officielle. Elle attendait, comme sa fille, avec impatience l’arrivée des Masterson. Pourvu, surtout, que Nathan commence à s’apercevoir qu’Elvira était exactement la femme qu’il lui fallait.

Eglantine


Commentaires

krapokouk (le 04/12/2015)
un plan. ah ah un coup monté par les mamans. Nathan n'a aucune chance. Pâquerette, asperge? Te serais-tu inspirée du calendrier révolutionnaire? lol

ln.lfz (le 04/12/2015)
J'ai hâte de voir la suite :)

suzy972 (le 04/12/2015)
A quand la suite s'il vous plait il me tarde la lire sniiiffff

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