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Kimpa Vita - Héroïne historique

17/01/2022

C’est dans le nord de l’actuel Angola, près de Mbanza-Kongo, l’ancienne capitale du royaume du Kongo (aussi nommée São Salvador), que naquit Kimpa Vita autour de 1684, dans une famille aisée car son père était l’un des leaders locaux. A cette époque le royaume était fortement christianisé, et la petite fille reçut lors de son baptême le prénom chrétien de Dona Beatriz. En conflit avec ses voisins, le royaume du Kongo était également en proie à des luttes entre factions rivales et victime de l’esclavagisme, et le père de Kimpa Vita partait régulièrement à la guerre.

 

Dès l’âge de huit ans elle commença à avoir des visions, et fut reconnue comme nganga marinda, ce qui signifie « intermédiaire entre les hommes et le monde des esprits ». Elle fut initiée par les kimpasi, chargés de délivrer les gens des esprits qui les possédaient par le biais de cérémonies d’exorcisme. Néanmoins en grandissant, probablement influencée par une vieille prophétesse noire nommée Appolonia Mafuta qui disait que la Vierge Marie lui avait parlé, Kimpa Vita se détourna des kimpasi pour se rapprocher du catholicisme.

 

En 1704, en proie à une forte fièvre, elle eut la vision de Saint Antoine de Padoue, prêtre portugais canonisé au 13e siècle. Le saint lui ordonna de créer un catholicisme kongo, de retrouver le roi Pedro IV et de le ramener à Mbanza Kongo pour réunifier le royaume. Kimpa Vita raconta que Saint Antoine était ensuite entré en elle, et qu’elle parlait pour lui. Déjà méfiante envers les missionnaires, qu’elle surnommait les « sorciers » et qui pour certains tiraient profit de la traite des Noirs, Kimpa Vita se proclama « envoyée de Dieu » et fonda le mouvement antonianiste.

 

Mélange entre le catholicisme et les croyances du Kongo, l’Antonianisme reconnaissait l’autorité du Pape mais pas celle des missionnaires européens corrompus. Il rejetait la croix, symbole de la mort du Christ. La prière Salve Antoniana, basée sur le Salve Regina enseigné par les missionnaires, nous est parvenue via les écrits d’un missionnaire capucin, le frère Bernardo da Gallo. Elle commence en disant que le baptême, la confession et la prière ne servent à rien, car Dieu ne retient que l’intention et pas l’acte en lui-même. La prière se poursuit en proclamant la gloire de Saint Antoine le miséricordieux, protecteur du royaume de Kongo, détenteur des clés du ciel et deuxième dieu.

 

Kimpa Vita prêchait également « Jésus-Christ n’est pas Blanc, mais Noir. Les pères de l’Église sont africains et le Kongo est la Terre Sainte. » En effet la jeune femme, qui prétendait mourir tous les vendredis et passer les weekends à conférer avec Dieu lui-même avant de ressusciter le dimanche, affirmait que Jésus était né à Mbanza-Kongo et pas à Nazareth, et que sa mère Marie était une esclave en fuite. Enfin, elle disait que les hommes blancs avaient pour origine une pierre tendre savonneuse, tandis que les hommes noirs venaient d’un figuier.

 

Décrite comme une jeune femme d’allure élancée, avec une prestance de sainte et de très grands yeux, Kimpa Vita et ses envoyés parcouraient les villages, prêchant les principes de son mouvement, encourageant le peuple à se tourner vers les traditions, et tentant de convaincre les chefs des diverses régions de s’unir sous un même roi. Pour remplacer les croix et protéger contre les maladies et la malchance ils distribuaient des pendentifs en laiton, en ivoire ou en bois représentant Saint Antoine, que les kongos appelaient Toni Malau.

 

Kimpa Vita fut reçue par le roi Pedro IV et le frère Bernardo da Gallo, missionnaire conseiller du roi, et put leur exposer sa mission. Mais leur entrevue ne fut pas un succès, bien au contraire. Le père Bernardo insista auprès du roi pour la faire arrêter pour hérésie, mais la jeune femme avait eu un mauvais pressentiment et déjà quitté la ville. Elle rencontra ensuite le roi Joao II, autre prétendant au trône, qui se montra lui aussi hostile.

 

Installée avec ses fidèles dans les ruines d’une ancienne cathédrale dans la ville abandonnée de Mbanza-Kongo, divers miracles lui furent attribués, contribuant à l’accroissement de sa réputation et du nombre de ses adeptes. L’épouse de Pedro IV et de nombreux nobles, dont Pedro Constantinho da Silva, l’un des généraux du roi, furent séduits par l’Antonianisme, allant jusqu’à quitter la cour pour rejoindre Kimpa Vita. Son influence croissante inquiétait les colons portugais et les missionnaires capucins, qui finirent par en référer à l’Inquisition. Même le roi Pedro IV se méfiait d’elle, en partie à cause de la présence à ses côtés de Pedro Constantinho da Silva qu’il soupçonnait de convoiter le trône, et il préféra s’allier avec les européens.

 

Kimpa Vita et ses compagnons d’arme furent arrêtés, et ses détracteurs profitèrent du fait qu’elle vienne de mettre au monde un bébé pour salir sa réputation, elle qui prônait la chasteté et disait être habitée par Saint Antoine. A l’instigation du frère Bernardo da Gallo, qui craignait que l’évêque d’Angola se contente de la réprimander avant de la relâcher, la jeune femme fut jugée comme hérétique et ennemie du roi par un tribunal civil. Elle fut envoyée au bucher le 4 juillet 1706 avec son « ange gardien » Joao Barro, probablement le père de son enfant. Ce destin funeste lui valut le surnom de « Jeanne d’Arc du Kongo ». Seul le bébé survécut, grâce à l’intervention de leur dernier confesseur qui plaida auprès du roi.

 

Après sa mort, certains de ses adeptes continuèrent à faire vivre le mouvement. Vingt mille fidèles marchèrent sur la capitale Mbanza Kongo en 1708, mais furent vaincus. Les survivants furent vendus en esclavage et déportés vers le Brésil et ce qui est à présent le sud des USA. Néanmoins les préceptes antonianistes survécurent, et des courants messianiques congolais et angolais, créés au 20e siècle et encore présents à notre époque, font toujours référence à la prophétesse Kimpa Vita.

 

Quelques livres racontent son histoire, le plus souvent basés sur les écrits des européens présents sur place. En 2016, le réalisateur congolais Ne Kunda Nlaba tourna le documentaire Kimpa Vita : La mère de la révolution Africaine, qui fut présenté et primé dans de nombreux pays.

 

Rinou

 

Sources

https://www.jeuneafrique.com/444727/societe/kimpa-vita-lespoir-kongo/

https://fr.wikipedia.org/wiki/Kimpa_Vita

https://headstuff.org/culture/history/terrible-people-from-history/beatriz-kimpa-vita-african-prophet/

https://www.metmuseum.org/toah/hd/pwmn_4/hd_pwmn_4.htm

https://www.executedtoday.com/tag/bernardo-da-gallo/


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