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Liza Mouna - Interview

17/01/2022

1 – Pourriez-vous vous présenter à nos lectrices ?

Après cinq années en fac de droit, je me suis logiquement orientée vers des activités juridiques. J’exerce toujours une activité salariée à temps partiel dans le privé, en tant que juriste en droit de la sécurité sociale. J’ai effectué différentes formations complémentaires sur le tard, comme la médiation professionnelle. J’ai choisi de consacrer une journée par semaine uniquement à ma passion de l’écriture. Ce fut une décision sans regret, qui contribue à mon équilibre pour l’instant.

Je suis en même temps camerounaise et française, j’ai quarante-neuf ans et depuis mon adolescence j’aime coucher sur le papier ma vision de la société dans laquelle j’évolue avec d’autres. A ce jour, j’ai quasiment passé autant d’années dans l’un des pays que dans l’autre. Je suis sculptée de ces deux bois, de ces deux vécus. Cela se ressent dans mes récits. Contrairement à d’autres pays, le lectorat français n’est pas encore imprégné de récits romantiques pouvant également aborder des thématiques liées à la diversité des cultures qui composent notre société, qui s’étend bien au-delà de l’Hexagone.

Je me suis toujours intéressée à la littérature d’où qu’elle vienne, à partir du moment où elle me faisait ressentir quelque chose « dedans », lorsqu’elle vient secouer mon confort intérieur. J’aime l’idée selon laquelle, s’il m’a été possible de m’identifier à des personnages très éloignés de mon environnement quotidien, de ma culture francophone et des codes qui m’ont été transmis dès l’enfance, alors d’autres le peuvent également. La romance m’est apparue comme étant le canal idéal pour le faire dans un premier temps. Je me devais alors d’en casser quelques codes traditionnels. Je souhaitais écrire des histoires pouvant être lues par tout le monde, sans viser un genre particulier.

 

2 – A quel moment avez-vous eu envie d’écrire dans le but d’être publiée ? Y a-t-il des auteur.e.s qui vous ont inspirée ? Si oui, le.s.quel.le.s ?

Le déclic n’est pas immédiatement venu de moi. L’envie d’écrire n’avait pas de but précis. Il fallait que ça sorte, que je raconte et partage mes contes pour adultes avec mes proches. C’était confortable et rassurant. C’est cet entourage qui a été à l’origine du passage de l’intime au public. Entendre que c’était la première fois que l’on pouvait découvrir des personnages non-blancs dans une histoire romantique m’a interpellée.

Mes inspirations sont nombreuses. Selma Lagerlöf, dès l’enfance, a nourri mon amour du dépaysement et mon imagination avec le Merveilleux voyage de Nils Holgersson (des noms de lieux, de personnages, venus de très loin). Des écrivaines comme Maryse Condé et Chimamanda Ngozi Adichie ont suscité en moi l’envie d’écrire en incluant le continent africain. Je dois beaucoup à Toni Morrisson, qu’on ne présente plus, pour l’esthétique de ses écrits et les thèmes qu’elle a abordés tout au long de son œuvre. Hannah Arendt pour son audace et Anaïs Nin pour avoir osé l’érotisme dans ses écrits comme Venus erotica, lu très jeune et qui m’a fortement bousculée. Voilà pour ce qui est des femmes. Du côté des auteurs masculins, Daniel Pennac pour son humour et son côté pédagogique, Paolo Coehlo dont la plume a également accompagné l’éveil de ma conscience par petites touches et Marek Halter qui pour moi était un « écrivain féministe » avec sa Bible au féminin, ces portraits de femmes qui, bien que romancés, m’ont pendant un temps réconciliée avec les Ecritures. Je me dois de citer Tahar Ben Jelloun, qui a un don pour parler de celui venu d’ailleurs et des rencontres entre l’autre et nous.

 

3 – Pourriez-vous nous parler de votre premier roman, Abstinence ? Comment en avez-vous eu l’idée ?

Abstinence est né d’un constat en 2010 en écoutant un émission radio sur une forme de mal-être que quelques jeunes filles, interviewées pour l’occasion, vivaient en ce qui concernait les rapports intimes avec les garçons. Elles étaient de milieux sociaux différents, de cultures différentes, mais semblaient vivre cette espèce de pression de manière identique. Elles s’adonnaient à certaines pratiques à contrecœur, ou parce que tout le monde faisait comme ça. Que fallait-il accepter ou pas ? Quand aller plus loin ? Devait-on tout accepter par amour ? Le désir sexuel était-il lié au sentiment amoureux chez les femmes et tout le contraire chez les hommes ? Les choses n’étaient pas aussi tranchées. J’ai pensé qu’un roman pourrait servir de base de départ de discussions permettant de faire émerger des points de vue libres de toute pression. L’ayant d’abord fait lire à de jeunes collègues, on est vite passé de la gêne au lâcher-prise. J’ai compris qu’il y avait un besoin de parler sans être jugée. Une jeune et jolie femme de vingt-cinq ans qui n’a jamais eu de relation sexuelle par choix, c’est rarissime de nos jours. Si tel.le personnage adoptait des attitudes qui semblaient a priori peu communes pour sa génération, alors l’identification était possible.

 

4 – Qu’est-ce qui a été le plus difficile pour vous au moment de l’écriture du livre ?

J’écris des romans, ce sont donc des fictions et par conséquent je me réserve une certaine liberté lorsque je dépeins certaines situations. Toutefois j’y intègre quelques références historiques, géopolitiques et psychologiques. Le livre s’intitule Abstinence mais il aborde plusieurs aspects de la vie courante (le métissage, l’adoption interraciale, la liberté sexuelle des femmes dans la société dite moderne...) Il a donc fallu que je me documente, que je puisse me faire comprendre par des personnes que je ne connaissais pas et qui ne me connaissaient pas non plus. J’étais une inconnue dans le paysage de la romance française et du roman classique.

 

5 – Même question concernant votre deuxième livre, Résilience ?

Résilience est le roman de la prise de conscience que je suis attendue et lue par un certain nombre de personnes qui sont restées sur leur faim au terme de mon premier livre. Il y avait de l’appréhension quant à ce que je voulais partager de manière « légère » mais qui abordait des sujets profondément douloureux. Je voulais que le roman demeure le récit d’histoires d’amour, d’amitié, d’appartenance, de reconnaissance tout en évitant d’être plombant. Il fallait conserver une dose d’humour, un brin d’autodérision et de frivolité.

 

6 – Quels sont les thèmes que vous aimez plus particulièrement traiter dans vos romans ? Pourriez-vous nous dire pourquoi ?

Vous l’aurez compris, les émotions qui nous parcourent sont au cœur de mon inspiration. Mais également le mélange des genres, la diversité culturelle me tiennent à cœur. J’aime beaucoup l’histoire. Cette matière scolaire m’a confortée dans l’idée que raconter n’est pas chose aisée, mais lorsqu’on est passionnée par un sujet, raconter devient fluide et ça accroche. Les rapports humains, l’ouverture vers l’inconnu avec nos a priori, nos peurs, les carcans sociaux qui nous enchaînent, voilà autant de sources qui me mettent en mouvement. Je n’aime pas les cases à remplir pour nous définir, car je considère que cela nous limite. J’aime écrire sur la manière dont les gens accueillent la vie, sur leurs espoirs, leurs rêves, les raisons pour lesquelles parfois il peut être difficile d’être soi dans un environnement qui donne l’impression de ne pas être fait pour nous. Ecrire me permet de dire que c’est envisageable, peut-être pas dans des conditions identiques, mais des exemples factuels sont là pour témoigner que c’est possible. Il est nécessaire que rêver et espérer, qui ne sont pas de gros mots, puissent continuer à être conjugués au présent et au futur.

 

7 – Quand vous écrivez un manuscrit, quelle est l’étape la plus facile ? Et la plus difficile ?

Pour ma part, créer des histoires est plutôt facile. Il y a de la matière dans le quotidien, dans la presse, dans mes expériences ou celles des personnes qui m’entourent… La relecture est le passage le plus ardu selon moi. Il faut guetter la moindre faute de grammaire ou d’orthographe, faire attention aux incohérences, parfois supprimer des pans entiers de certains chapitres pour aérer le texte (ça fait mal au cœur !) mais il arrive que je conserve des idées pour un autre roman ou une nouvelle.

 

8 – Avez-vous des hobbies ? Lisez-vous beaucoup ? Si oui, quel.le.s est.sont votre/vos auteur.e.s préféré.e.s ?

Parmi mes hobbies, lire et écrire occupent des places de choix. Je suis très éclectique en matière de lecture. Ecouter de la musique est essentiel pour moi, d’ailleurs mes romans sont de véritables playlists. Le cinéma et les voyages font également partie de ma panoplie. La méditation et le yoga qui au départ étaient des hobbies sont devenus des habitudes du quotidien. J’aime aussi me retrouver dans la nature de temps en temps pour des promenades énergisantes. En plus des auteur.e.s inspirant.e.s cité.e.s plus haut, j’ai une affection particulière pour James Baldwin, Jim Fergus, Léonora Miano, Agnès Ledig et plusieurs auteur.e.s de romans policiers comme Franck Thilliez ou Mo Hayder pour ne citer que ces deux-là. J’aime également beaucoup la BD. Riad Sattouf et Quino sont mes préférés.

 

9 – Avez-vous des projets littéraires en cours ou qui vont bientôt voir le jour ? Si ce n’est pas indiscret, pourriez-vous nous en parler un petit peu ?

Actuellement, j’écris mon troisième opus. Le titre n’est pas encore arrêté mais ce sera quelque chose de féminin. Il y sera question des étapes de la vie et de comment elle se vit à ces moments, de la différence et de la manière dont elle est considérée par certains d’entre nous. J’aborderai aussi ces rendez-vous manqués qui laissent comme un goût d’inachevé dans les relations, mettant en exergue ces atermoiements qui caractérisent notre imperfection mais, dans le même temps, nous rendent si humains. Mon lectorat sera partagé, comme il l’a été après la lecture de Résilience, par le fait que certaines situations ne cadreront pas avec leur monde connu. Le tout mâtiné d’un peu de magie, celle-là même qui se trouve dans les petites attentions, ces fameux petits riens qui donnent une saveur particulière à la vie.

 

10 – En tant qu’auteure publiée, quels conseils donneriez-vous aux personnes qui souhaitent se lancer dans cette aventure ? Y a-t-il des pièges à éviter absolument ?

Ne pas partir défaitiste en se disant qu’on n’est pas connu et donc qu’on ne va pas intéresser un éditeur. Il faut y aller au feeling. Savoir que le monde de l’édition est comme n’importe quel secteur d’activité, en pleine mutation, qu’il y a du bon et du moins bon, parfois même du très mauvais. Il faut éviter de PAYER pour être publié.e. Il y a aujourd’hui de nombreuses alternatives, telles que le financement participatif.

 

Merci pour votre participation.

Merci à vous Les Romantiques pour l’intérêt que vous portez à mes contes pour grandes personnes.


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