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Charlotte Aglaé d’Orléans - Scandaleuse

13/11/2021

Duchesse de Modène (1700-1761)

Année du scandale : 1720.
Epoque : Régence de Philippe d’Orléans.
Objet du scandale : Petite-fille de Louis XIV, Charlotte Aglaé d’Orléans tombe follement amoureuse de Louis François Armand de Vignerot du Plessis, duc de Richelieu, irrésistible séducteur qui entretient d’autres liaisons. Pour couper court au scandale son père, le Régent Philippe d’Orléans, la marie au duc de Modène.

Charlotte Aglaé d’Orléans naît le 22 octobre 1700 au Palais Royal, résidence des Orléans à Paris. Elle est la quatrième fille de Philippe II d’Orléans, futur Régent de France, et de son épouse Françoise Marie de Bourbon, Mademoiselle de Blois (1677-1749), fille naturelle légitimée de Louis XIV et de Mme de
Montespan. Charlotte Aglaé d’Orleans est donc la petite-fille du roi Louis XIV. A sa naissance elle reçoit le nom de Mademoiselle de Valois. Son second prénom, Aglaé, lui est donné en l’honneur de la plus jeune des déesses grecques représentant les Charités.

Encore enfants, elle et sa soeur Louise Adélaïde sont confiées à l’abbaye de Chelles, où plus tard Louise Adélaïde prononcera ses voeux de religieuse. St Simon la décrit ainsi à treize ans : « Mademoiselle de Valois était parfaitement belle, mais plus grasse que ses soeurs… » A l’âge de quatorze ans on la retire de Chelles pour confier son éducation au couvent du Val de Grâce. Cette année-là, ses parents cherchent pour elle un parti convenable. Sa soeur aînée, Marie Louise Elisabeth d’Orléans, qui a épousé le duc de Berry, suggère que l’on marie sa soeur à Louis Armand de Bourbon, prince de Conti, mais le roi Louis XIV refuse cette union. Le prince de Conti épousera plus tard Louise Elisabeth de Bourbon Condé.

En 1715 Charlotte Aglaé est retirée du couvent et retourne au Palais Royal près de sa famille. Son père est en effet devenu Régent, et les projets matrimoniaux s’accélèrent. Lorsqu’elle a seize ans, sa mère croit avoir déniché le gendre idéal : Louis Auguste de Bourbon prince de Dombes, fils du duc du Maine. Mais Charlotte Aglaé refuse ce mariage. Mécontente, sa mère l’envoie vivre au château de Saint Cloud auprès de sa grand-mère paternelle, Madame Palatine, qui ne tarde pas à prendre en grippe cette petite-fille qu’elle n’appréciait que modérément, car elle l’estimait extrêmement mal élevée.

Elle la décrit ainsi : « Mademoiselle de Valois n’est pas jolie, cependant elle a des jours où elle n’est pas laide, car elle a quelque chose de beau, tels que les yeux, le teint et la peau ; elle a des dents blanches, un grand vilain nez, une dent saillante, et qui fait mauvais effet quand elle rit. Sa taille est ramassée, sa tête est enfoncée entre les épaules, et ce que selon elle a de pis, c’est la mauvaise grâce qu’elle met à tout ce qu’elle fait : elle marche comme une vieille de quatre-vingts ans. Si elle était de ces gens qui ne veulent pas plaire, je ne m’étonnerais pas de ce qu’elle néglige tant sa marche, mais elle aime bien qu’on la trouve jolie ; elle a du plaisir à se parer, cependant elle ne veut comprendre que la meilleure parure c’est la bonne mine et la bonne grâce, et que là où ces qualités manquent la parure ne sert à rien. Elle tient beaucoup de la famille de Mortemart et ressemble à la duchesse de Sforza, soeur de Mme de Montespan, comme si c’était sa fille ; la fausseté des Mortemart perce par ses yeux. Mme d’Orléans, sa mère, serait l’être le plus fainéant du monde, si elle n’avait pas pour fille Mademoiselle de Valois qui est encore pire qu’elle. C’est un objet de dégoût pour moi qu’une jeune personne avec autant de paresse. Elle se soucie peu de moi, bien plus, elle ne peut me souffrir ; de mon côté je me soucie peu d’une personne aussi mal élevée... »

Un autre prétendant se présente, son propre cousin Charles de Bourbon comte de Charolais, fils de Louis III prince de Condé et de Françoise Marie de Bourbon, la soeur de sa mère. Cette fois c’est le duc et la duchesse d’Orléans qui refusent l’alliance pour leur fille. Désenchantée, Charlotte Aglaé, à l’âge de dix-huit ans, va bientôt se lancer dans une liaison amoureuse avec l’un des plus grands séducteurs de son époque : Louis François Armand du Plessis, duc de Richelieu.

Or ce dernier entretient une liaison avec la propre cousine de Charlotte Aglaé, la très charmante Louise Anne de Bourbon Condé, Mademoiselle de Charolais, soeur du dernier prétendant évincé. Bien que Charlotte Aglaé ait réussi à dissimuler sa liaison aux yeux de tous, et surtout de son père, ses sentiments éclatent au grand jour lorsque le duc de Richelieu est jeté en prison après sa participation au complot de Cellamare. L’amoureuse désemparée rend alors plusieurs fois visite à son amant, et dans son désir d’épouser Richelieu trouve le courage d’aller voir son père et de
demander sa libération. Mais le Régent est fou de rage, il refuse que sa fille épouse cet homme et ne perd pas de temps pour la mettre au courant des autres conquêtes de Richelieu, et notamment du fait qu’il courtise Mademoiselle de Charolais. La haine que vont se porter les deux jeunes femmes durera toute la vie, même après la fin de leur liaison avec Richelieu.

En attendant, pressé de se débarrasser au plus tôt de cette fille délurée, le Régent accepte une demande en mariage du duc de Modène pour son fils aîné et héritier, Francesco d’Este, qui est tombé amoureux de Charlotte Aglaé à la vue de son portrait. Or celle-ci ne veut pas quitter la France, elle pleure, supplie, mais rien n’y fait.

Les princesses de France sont rarement heureuses en Italie, et chacun a encore en mémoire le mariage désastreux en 1661 de Marguerite Louise d’Orléans, fille de Gaston d’Orléans, avec Cosimo III de Médicis : la jeune femme est revenue quelques années plus tard vivre en disgrâce en France. Toujours vivante, celle que l’on nomme désormais la Grande Duchesse de Toscane se refuse même à rencontrer Mademoiselle de Valois, sachant qu’elle ne saurait lui offrir des paroles de réconfort.

A St Simon qui s’étonne du peu de prestige de cette alliance, le Régent rétorque qu’il faut « qu’il s’en défasse » : « Personne malheureusement n’ignorait
pourquoi le Régent se hâtait tant de se défaire de cette princesse et avec si peu de choix. Je ne pus m’empêcher pourtant de le lui reprocher. « Pourquoi ne mérite-t-elle pas mieux ? » Il me répondit : « Tout m’est bon, pourvu que je m’en défasse ». Il n’y eut rien qui n’y parut : on  lui donnait un des plus
petits princes d’Italiequant à la puissance et aux richesses, qui avait à attendre longtemps à être souverain, et dont le père était connu pour être d’un caractère et d’une humeur fort difficile, comme il leur montra bien tant qu’il vécut. »

Les préparatifs s’accélèrent : le mariage par procuration a lieu au palais des Tuileries le 11 février 1720, puis un banquet est tenu au Palais Royal où le jeune Louis XV présente ses cadeaux à Charlotte Aglaé d’Orléans, devenue princesse de Modène. Le cortège se met en route et Charlotte Aglaé passe par Antibes et Gênes, avant d’arriver à Reggio le 20 juin : elle rencontre pour la première fois son beau-père qui est veuf, sa femme étant morte dix ans auparavant, son mari, son beau-frère et ses belles-soeurs. La cérémonie du mariage a lieu le 21 juin 1720 à Modène, Charlotte Aglaé ayant reçu la superbe dot de 1.8 million de livres, dont une moitié donnée par le roi Louis XV. Le duché de Modène lui offre de son côté un superbe trousseau constitué de nombreux diamants.

La vie à Modène parait bien vite morne et triste à la jeune femme de vingt ans : son beau-père, avec qui elle s’entend plutôt bien, vit entouré de moines et de favoris qui ont donné à sa cour une allure de couvent. Tout le monde se lève tôt et va à la messe, le dîner est servi très tôt, et la principale occupation de la famille ducale l’après-midi est de se promener en carrosse dans les environs à une allure d’escargot. Le souper a lieu à huit heures, l’heure du coucher est fixée à dix heures. Et c’est ainsi tous les jours.

Pour se distraire, la jeune princesse de Modène tente de se constituer une petite cour dans ses appartements, réunissant ses jeunes bellessoeurs et notamment Henriette d’Este, future duchesse de Parme, avec qui elle s’entend particulièrement bien et qui a deux ans de moins qu’elle. Trois mois après son arrivée à Modène Charlotte Aglaé attrape la variole, tombe gravement malade, et on lui administre les derniers sacrements. Pendant sa maladie son mari est tenu à l’écart pour éviter la contagion. Alors qu’elle reçoit le père Colibeaux, son confesseur, Charlotte Aglaé lui demande de brûler une cassette contenant les lettres d’amour de Richelieu qu’elle a conservées.

Alors qu’elle se remet de justesse, on la critique car elle n’a toujours pas donné d’héritier au duché de Modène. Très abattue elle persuade son époux de l’emmener à Vérone, et de là rédige une lettre à son père, où elle lui demande de lui accorder son retour en France. Il refuse fermement. Sa mort en 1723 ne change rien, son frère Louis, devenu duc d’Orléans, s’oppose lui aussi à son retour. D’autant que cette année-là Charlotte Aglaé est enfin enceinte de son premier enfant, un fils, Alfonso, qui naît le 18 novembre 1723 pour mourir deux ans plus tard.

Autrefois accusée d’infertilité, Charlotte Aglaé se rattrape : de 1723 à 1727 elle donne à son mari quatre enfants en quatre ans ! Et comble de joie pour elle, son ancien amant le duc de Richelieu vient lui rendre visite incognito à Modène en 1727. Ils reprennent leur liaison mais sont imprudents, et le prince de Modène les découvre un jour. Furieux, François d’Este renvoie sa femme en France, en disgrâce. Folle de joie elle rentre pour quelques mois, mais l’accueil qu’elle reçoit est plus que glacial. Elle consent à revenir à Modène en 1728, et rejoint son époux à Gênes.

En 1733 la guerre de succession du trône de Pologne éclate, et Modène est envahie par les troupes étrangères malgré les efforts du duc, Rinaldo III, qui se prétend neutre. Il est contraint de se réfugier à Bologne, tandis que son fils et Charlotte Aglaé trouvent refuge à Lyon. Mais la jeune femme veut retourner à Paris, et après plusieurs courriers diplomatiques avec la cour de France le prince de Modène et son épouse sont autorisés à séjourner dans la capitale, à condition qu’ils y soient incognito.

Ils arrivent à Paris le 12 mars 1734, mais la réception au Palais Royal est glaciale : ni sa mère, ni son frère le duc d’Orléans, ne les accueillent à bras ouverts. Le prince de Modène se résout à louer l’hôtel de Luynes, rue du Colombier, où Charlotte Aglaé donnera naissance à son fils Benedetto le 30 septembre 1736, puis le couple trouve refuge à l’hôtel de Lyon, rue des Petits Champs. Le frère de Charlotte Aglaé consent à lui donner une somme de 25 000 écus pour ses frais pendant son séjour à Paris, mais refuse de les aider davantage.

En 1735 le prince Francesco doit retourner à Modène, laissant à Paris sa femme qui ne souhaite pas l’accompagner. Elle en profitera pour séjourner au couvent du Val de Grâce, où elle a passé son enfance. En mai 1736 son époux revient à Paris incognito, et ce statut imposé par la cour de France est la raison pour laquelle le couple ne sera jamais reçu à Versailles par le roi Louis XV.

En 1737 leur situation change : le beau-père de Charlotte Aglaé vient de mourir, son mari devient donc duc de Modène et prend le nom de Francesco III. La nouvelle duchesse de Modène arrive à retarder son départ pour l’Italie jusqu’en 1739, où elle est obligée de reprendre sa place auprès de son époux à Modène, qu’elle a quittée cinq ans plus tôt. Elle tente de se réconcilier avec la ville et ses habitants, et crée un théâtre de style français. Elle dote aussi la ville d’un corps de ballet qui lui apporte beaucoup de fierté. Quant à son mari, influencé par son séjour en France, il transforme le palais ducal et lui rajoute un large hall, exact réplique de celui du palais des Tuileries. Il se met aussi à collectionner et rechercher les plus beaux portraits exécutés en Italie.

En 1743 Charlotte Aglaé demande à retourner à Paris avec sa fille Maria Teresa, dans l’espoir de trouver un mari à cette dernière parmi plusieurs prétendants français. Elle séjourne rue de Grenelle dans le faubourg St Germain, et réussit à obtenir pour gendre l’homme le plus riche de France, Louis Jean Marie de Bourbon, duc de Penthièvre, l’un de ses cousins.

Les deux jeunes gens tombent amoureux et le mariage se fait l’année suivante : il durera dix ans, jusqu’à la mort de Maria Teresa de Modène en 1754.
Charlotte Aglaé essaiera alors de nouer une nouvelle union entre son gendre et l’une de ses filles, la jeune Mathilde, mais le duc de Penthièvre, fidèle à son épouse défunte, refusera de se remarier.

A partir de ce mariage, Charlotte Aglaé refuse de retourner à Modène. Quatre ans plus tard, elle conclut une nouvelle alliance avec un beau parti pour sa plus jeune fille, Maria Fortunata d’Este, qui épouse en février 1759 Louis François II de Bourbon, prince de Conti. Cette union est par contre un désastre, le nouvel époux refusant au bout de quelques mois de vivre avec Maria Fortunata pour lui préférer sa maîtresse, mère de ses deux bâtards.

Les événements contraignent cependant la duchesse de Modène à retourner en Italie en 1759. Là, elle découvre que son époux entretient une liaison avec une veuve de soixante ans, la marquise Simonetti. Indésirable dans son duché, elle quitte donc Modène pour effectuer un tour d’Europe et finit son voyage à Paris, où elle séjourne au Petit Luxembourg, qui fut aussi le lieu de résidence de sa défunte soeur, Marie Louise Elisabeth d’Orléans, duchesse de Berry, et celui où mourut dix-sept ans auparavant une autre exilée, sa soeur Louise Elisabeth d’Orléans, veuve douairière d’Espagne.

Charlotte Aglaé d’Orléans, duchesse de Modène, meurt au Petit Luxembourg le 19 janvier 1761 à l’âge de soixante-et-un ans. Son coeur est placé au couvent du Val de Grâce, mais dispersé à la Révolution. Son corps est enterré dans l’abbaye du Val de Grâce. Son époux, après sa mort, se remarie morganatiquement deux fois : avec Teresa Castelberco, puis Renata Teresa d’Harrach.

 

Fouine

Sources :
- Mémoires de Madame Palatine
- Mémoires du duc de St Simon
- « La cour du Régent » St Simon
- Wikipédia.

 


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