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Les Amazones du Dahomey - Héroïnes historiques

Rinou - 26/08/2021

Dans l’ancien royaume du Dahomey, le sud de l’actuel Bénin, vivait une armée de guerrières nommées Mino, ou Minon (= nos mères en langue fon), et surnommées par les colons européens les Amazones du Dahomey, en référence aux célèbres guerrières de la mythologie.

Selon certaines sources historiques, vers la fin du 17e siècle Aho Houegbadja, troisième roi du Dahomey, créa un groupe de chasseuses d’éléphants nommées Gbeto. Sa fille Tasi Hangbe, qui selon certains historiens était devenue reine en même temps que son frère jumeau Agaja, aurait décidé d’en faire sa garde rapprochée, et de l’intégrer aux armées officielles du royaume. Ce n’était pas la première fois dans l’Histoire qu’une troupe de femmes était formée, il y avait eu par exemple les gardes royales du roi Monkhut de Siam, mais les dahoméennes n’avaient pas un simple rôle cérémoniel. Le successeur de Tasi Hangbe et de son frère les mit en première ligne lors de l’annexion d’un royaume voisin, ce qui donna naissance à leur réputation de guerrières sans peur.

Au 19e siècle, le roi Ghézo augmenta significativement son armée, y compris les Minos, qui furent dotées d’uniformes bleus et de bonnets blancs brodés d’un caïman bleu qu’elles posaient sur leurs crânes rasés. Les guerrières furent d’abord recrutées parmi les esclaves ou les enfants d’esclaves dès l’âge de huit ans – les femmes esclaves coûtaient moins cher -, mais elles furent bientôt rejointes par des femmes libres qui s’engageaient volontairement, et les prisonnières des villages vaincus. Il est possible que des femmes aient aussi été enrôlées de force par des maris insatisfaits. On estime leur nombre à 6000 à leur apogée. Devenues les unités d’élite du roi, elles lui juraient fidélité jusqu’à la mort et faisaient voeu de chasteté : considérées comme les épouses du roi pendant toute la durée de leur service, elles n’avaient pas le droit de se marier, d’avoir des enfants ni des relations intimes avec un homme.

Une fois enrôlées, les futures guerrières subissaient un entrainement rigoureux pour développer leur force, leur habileté, mais aussi leur résistance à la douleur. Elles apprenaient à se battre, tirer, survivre dans la brousse, et ignorer toute pitié pour l’ennemi. Après leur formation, elles étaient envoyées soit chez les Aligossi chargées de la défense du roi, soit chez les Djadokpo, avantgarde de l’armée elle-même composée de fusilières, d’archères, de faucheuses et de chasseresses. Chaque corps avait des armes et des tenues différentes : par exemple les chasseresses, ou Gbeto, portaient sur la tête un bandeau de fer avec des cornes d’antilope et maniaient un long poignard incurvé ; les faucheuses, ou Nyekplohento, se servaient d’une espèce de faux pesant environ dix kilos qu’elles devaient manier à deux mains. Connues pour leur férocité sanguinaire, les Minos n’hésitaient pas à couper les têtes, ou d’autres organes, de leurs adversaires et à les brandir pour effrayer les survivants. Leur mot d’ordre : vaincre ou mourir.

Voici un extrait du chant qu’elles entonnaient lors des parades militaires :
« Nous sommes créées pour défendre
Le Dahomè, ce pot de miel
Objet de convoitise,
Le pays où fleurit tant de courage
Peut-il abandonner ses richesses aux étrangers ?
Nous vivantes, bien fou le peuple,
Qui essayerait de lui imposer sa loi »

En dehors des entrainements intensifs et en période de paix, les Minos jouissaient d’une vie beaucoup plus aisée que le reste de la population. Elles résidaient dans l’enceinte du palais, étaient respectées, pouvaient monter en grade et siéger au Grand Conseil. Selon les récits rapportés par l’historien Stanley B. Alpern « Lorsque les Amazones quittaient le palais, elles étaient toujours précédées de leurs esclaves portant une clochette. Ce son distinctif indiquait à tous les hommes se trouvant sur leur passage de s’écarter et de regarder ailleurs ». Un homme qui aurait tenté d’avoir un rapport sexuel avec une guerrière aurait été puni par la décapitation.

L’explorateur Richard Burton rencontra les Minos lors d’une mission pour le gouvernement britannique en 1863. Il fut l’un des premiers européens à les comparer aux Amazones de la mythologie, rapportant même « Il y avait dans la garde du roi du Dahomey des femmes qui n’auraient point déparé? nos plus belles compagnies de grenadiers. Quelques-unes avaient près de six pieds de haut et étaient larges en proportion. Tant était le développement musculaire de ces viragos qu’on ne reconnaissait leur sexe qu’a? leur poitrine, laquelle était d’une ampleur monstrueuse. »

Une quinzaine d’années plus tard, Jean Bayol, officier naval français en visite à Abomey, la capitale du royaume de Dahomey, rapporta avoir vu une jeune guerrière d’environ seize ans décapiter en trois coups d’épée le prisonnier qui lui servait d’adversaire, puis lécher le sang sur sa lame sous les acclamations de ses consoeurs.

A la fin du 19e siècle, les européens accélérèrent la colonisation de l’Afrique. Entre 1882 et 1890 les relations entre le Dahomey et la France se dégradèrent, le roi Behanzin voyant d’un mauvais oeil la place de plus en plus importante prise par les colons, jusqu’au moment où les Minos furent envoyées attaquer un village sous protectorat français dans le royaume voisin. La France riposta, et plusieurs batailles sanglantes plus tard le Dahomey dut reconnaître le protectorat français de Porto-Novo (actuelle capitale du Bénin) et céder le port de Cotonou.

Les tensions restaient vives, et le roi Behanzin voulait se constituer une troupe plus moderne et mieux armée. En 1892 les français décidèrent d’instaurer un blocus maritime pour empêcher la vente d’armes au Dahomey. Les troupes françaises, appuyées par la Légion étrangère, marchèrent vers la capitale, Abomey, affrontant l’armée dahoméenne et les Minos à vingt-trois reprises sur les sept semaines qui suivirent. La bataille la plus sanglante dura quatre heures, et des français racontèrent la charge des guerrières, dont certaines avaient rampé sous les lignes de tir pour pouvoir venir les affronter au corpsà- corps. Un légionnaire les qualifia de « guerrières qui se battaient avec une valeur extrême, toujours à l’avant des autres troupes », ajoutant « Elles étaient remarquablement courageuses, très bien entrainées au combat et très disciplinées. » Un marin français raconta quant à lui « Elles étaient remarquables pour leur courage et leur férocité. Elles se jetaient sur nos baïonnettes avec une bravoure prodigieuse. »

Si le courage, l’audace et la fougue des guerrières furent salués par leurs adversaires, leurs fusils et leurs machettes ne firent pas le poids face à des mitrailleuses, et l’armée dahoméenne fut décimée.

Les troupes françaises prirent Abomey et les amazones furent les dernières à rendre les armes. Une rumeur se répandit alors parmi l’armée française, disant que les guerrières survivantes se faisaient passer pour des villageoises, se laissaient séduire par les soldats et leur tranchaient la gorge avec leur propre baïonnette pendant la nuit. Le roi Behanzin, capturé, fut envoyé en exil en Martinique puis en Algérie. Son frère Agoli-Agbo devint le nouveau roi du Dahomey placé sous protectorat français, et décida de dissoudre l’armée des Minos. Les guerrières retournèrent à la vie civile, et selon un historien qui retraça les vies d’une vingtaine d’entre elles, eurent pour la plupart du mal à trouver leur place dans leurs communautés.

Environ cent cinquante dahoméens – hommes et femmes – furent paradés sur le Champs de Mars à Paris en 1893, lors d’une « Exposition d’ethnographie coloniale », accompagnés d’animaux empaillés, au son des tambours et des chants traditionnels. L’« exposition » fut ensuite déplacée au Crystal Palace de Londres, puis certains dahoméens furent emmenés à Chicago pour la Foire Mondiale au parc de Midway Plaisance.

Il est dit que de nombreuses jeunes filles ont continué au début du 20e siècle à être entrainées selon les traditions des Minos, sans jamais aller au combat. Entre 1934 et 1942, plusieurs voyageurs britanniques enregistrèrent leurs rencontres avec d’anciennes amazones âgées, qui racontèrent leurs souvenirs. Ils pensaient qu’elles étaient les dernières, mais en 1978 un historien béninois rencontra dans un village une très vieille femme du nom de Nawi, qui disait avoir combattu les français en 1892. Elle mourut l’année suivante, dernière survivante de ces formidables guerrières.

Pour aller plus loin :
• Les Amazones, une armée de femmes dans l’Afrique précoloniale, par Hélène d’Almeida-Topor (1984)
• Les Amazones de la Sparte noire, par Stanley B. Alpern (1998)
• Les Amazones du Dahomey, épisode 3 de la série documentaire Guerrières de l’Antiquité (Epic warrior women, 2018)

Clins d’oeil :
• l’une des héroïnes de la série Lovecraft Country (saison 1 épisode 7) est transportée dans un autre monde où elle devient une guerrière dahoméenne
• la garde royale du roi du Wakanda dans le film Black Panther est composée de guerrières d’élite, en hommage aux Amazones du Dahomey
• on retrouve aussi une unité de guerrières dans le jeu vidéo Age of Empire II : The African kingdoms

 

Rinou

 

Sources :
http://www.unesco.org/new/fileadmin/MULTIMEDIA/HQ/CI/CI/pdf/publications/dahome_en.pdf
https://dailygeekshow.com/amazones-dahomey-guerrieres-femmes-afrique/
https://fr.wikipedia.org/wiki/Amazones_du_Dahomey
https://www.smithsonianmag.com/history/dahomeys-women-warriors-88286072/


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