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Ruth Williams et Seretse Khama

Rinou - 28/02/2021

Fils de Sekgoma Khama II, chef du peuple Bamangwato, et petit-fils du roi tribal Khama III, Seretse Khama est né le 1er juillet 1921 à Serowe dans le protectorat britannique du Bechuanaland, près de l’Afrique du sud. Il devient roi des Bamangwato en 1925 à l’âge de quatre ans, et son oncle Tshekedi Khama, le demi-frère de son père, est nommé régent. Après avoir étudié en internat en Afrique du Sud, Seretse Khama se rend à Oxford puis à Londres, où il suit une formation d’avocat. C’est là qu’en 1947 il rencontre celle qui va devenir son épouse.

Fille d’un capitaine de l’armée britannique en Inde devenu négociant en thé, Ruth Williams est née le 9 décembre 1923 à Eltham dans le sud de Londres.
Pendant la Seconde Guerre mondiale elle s’engage comme conductrice d’ambulances dans les auxiliaires féminines de l’aviation (WAAF), et après le conflit elle est embauchée dans un cabinet d’assurance de la société Lloyd’s of London.

En juin 1947, Ruth accompagne sa soeur Muriel à une soirée dansante organisée par la Société missionnaire de Londres à Nutford House, résidence universitaire réservée aux étudiants coloniaux. Elle y rencontre Seretse, qu’on lui présente seulement comme un étudiant en droit. Ruth dira plus tard « J’ai vu un africain grand et souriant avec de belles dents, des épaules carrées et des manières parfaites. Je dois avouer que lors de cette première rencontre, il ressemblait à la demi-douzaine d’autres étudiants africains auxquels ma soeur m’avait présentée ce soir-là. » Seretse, quant à lui, est déjà sous le charme, et il profite du fait que Ruth vienne plusieurs fois à Nutford House avec Muriel pour faire plus ample connaissance. Il lui faudra néanmoins un mois avant de trouver le courage de l’inviter pour la première fois. Un an après ce premier rendez-vous, Seretse demande à Ruth si elle pense pouvoir l’aimer. « La lumière dans ses yeux bleu ciel et le sourire sur son visage me dirent tout ce que je voulais savoir, » racontera-til. C’est ce jour-là que Ruth accepte sa demande en mariage.

Mais à Londres dans les années 40, les relations interraciales sont vues d’un mauvais oeil, et Ruth en particulier en fait les frais. Dans l’esprit étriqué des
gens, une femme blanche qui s’affiche avec un homme noir ne peut être respectable. Ils ont des difficultés à trouver un logement car les propriétaires refusent de louer à un couple mixte. Le père de Ruth, qui s’est opposé à cette relation dès le début, se met en colère et la chasse de la maison familiale, disant qu’il ne veut plus jamais la voir. Son employeur lui impose de choisir entre une mutation à New-York et un renvoi, elle donne aussitôt sa démission.

Leur projet de mariage n’est pas mieux accueilli au Bechuanaland. L’oncle de Seretse, Tshekedi, tente de rappeler à son neveu que le mariage chez les Bamangwato est une alliance entre familles, et affirme que ses sentiments pour Ruth ne sont qu’une passade. Dans le même temps il essaie d’empêcher le mariage en faisant appel au Bureau colonial et à Sir Evelyn Baring, Haut-commissaire britannique pour l’Afrique australe. Alerté, Daniel Malan, nouveau premier ministre d’Afrique du sud qui vient de mettre en place l’apartheid et ses lois très dures sur la ségrégation raciale, menace de bloquer les exportations d’uranium et d’or vers le Royaume-Uni, sous-entendant la possibilité d’une invasion du Bechuanaland si le gouvernement britannique laisse ce mariage « écoeurant » avoir lieu. Sir Evelyn Baring demande à son frère, avocat à Londres, de prendre toutes les mesures possibles pour empêcher cette union.

Celui-ci alerte des membres du Bureau colonial, de la Société missionnaire de Londres, et du bureau du Commonwealth, et certains se réunissent pour agir. Sous les diverses pressions, le vicaire qui doit marier Ruth et Seretse à Londres annule la cérémonie une demi-heure avant le moment prévu, et l’évêque de Londres, auquel ils font appel, refuse même de les recevoir. Il leur fait dire par un assistant qu’il les mariera seulement s’ils obtiennent la permission du Bureau colonial (qui n’a normalement pas son mot à dire sur les unions religieuses). Privé de cérémonie religieuse, le couple peut néanmoins contracter un mariage civil quatre jours plus tard, le 29 septembre 1948, à la mairie de Kensington, en présence de Muriel et d’un ami de Seretse.

Seretse est rappelé dans son pays par son oncle qui n’accepte pas la légalité de son mariage, et doit faire face à plusieurs assemblées tribales. La première est plutôt hostile au mariage mais la deuxième, convoquée par Seretse un mois plus tard, est plus mitigée. La rumeur se répand que Tshekedi veut prendre la place de chef, et la troisième assemblée finit par entériner sans conditions la position de Seretse en tant que chef, au grand dam de son oncle. Ruth, qui a dû subir le harcèlement de la presse à Londres, peut enfin rejoindre son mari en 1949. Seretse confiera au magazine Ebony en 1951 que le fait que la presse ait tenté de rabaisser leur relation et de monter le public contre eux en les présentant comme un scandale choquant a été l’expérience la plus humiliante de sa vie.

Dès leur retour, Seretse expose ses idées pour améliorer la vie de son peuple, en particulier en matière d’éducation et de santé. Ruth, de son côté, veut se focaliser en particulier sur le sort des femmes. La différence de train de vie entre les Bamangwato et les blancs l’énerve au plus haut point, et elle ne le cache pas. En retour, la communauté européenne la reçoit froidement, même si elle se fait quelques amis.

Pendant ce temps, le gouvernement britannique travailliste fait mener une enquête pour savoir si Seretse est apte à garder son rôle de chef des Bamangwato, et le rapport conclut que si le couple a été accepté par les tribus, les relations sont tendues avec les pays voisins. En 1950, le couple est rappelé à Londres pour rencontrer le secrétaire d’état chargé des relations dans le Commonwealth, mais une assemblée des anciens soupçonne une tentative contre Ruth et refuse de la laisser quitter le pays sans l’assurance qu’elle pourra revenir. Le responsable local du Bureau colonial ne pouvant produire une attestation écrite, Seretse part à Londres seul, et il y apprend que le gouvernement britannique a décidé de le bannir du Bechuanaland pour
cinq ans. Il obtient avec difficulté le droit d’y retourner pour la naissance de leur premier enfant, puis est obligé de ramener sa famille en Angleterre. Ruth en profite pour se réconcilier avec son père. Lors du changement de gouvernement en 1951, les Conservateurs, désireux d’apaiser les tensions avec l’Afrique du sud, décident de prolonger le bannissement du couple.

Les Bamangwato envoient une délégation à Londres pour réclamer le retour de Seretse, sans succès. En réponse, quand le Haut-commissaire britannique leur ordonne de choisir un nouveau chef ils refusent d’obéir, et le Bureau colonial est forcé d’en nommer un. Les anciens des tribus envoient même un télégramme à la reine Elisabeth II, sans réponse. Pendant ce temps, des informations sur de mauvais traitements infligés à la population par les représentants locaux arrivent jusqu’à Londres, et un nouveau rapport est demandé, qui relance l’espoir des soutiens de Seretse. De son côté, la presse britannique s’est prise d’intérêt pour le couple et de nombreux articles s’émeuvent de sa situation. Finalement en 1956 le gouvernement britannique autorise Seretse à retourner au Bechuanaland à la condition qu’il renonce au trône tribal pour lui et ses descendants, ce qu’il accepte. Le couple s’installe dans une exploitation bovine avec leurs deux premiers enfants, Jacqueline, née en 1950, et Seretse Ian, né à Londres en 1953. La famille est accueillie avec ferveur par les membres de la tribu, et reçoit même le soutien d’associations diverses dans les pays voisins. Leurs jumeaux Anthony et Tshekedi naissent en 1958.

Dès son retour Seretse s’intéresse à la politique locale, et fin 1957 il participe, avec son oncle Tshekedi, avec qui il s’est réconcilié, à la création d’un nouveau conseil tribal. Alors que la famille est surveillée par les représentants officiels du Protectorat du Bechuanaland, Seretse devient également membre du Conseil consultatif africain. De son côté, Ruth s’implique dans la vie locale, suggérant au Conseil des femmes des améliorations pour les femmes et les enfants, organisant chez elle des cours sur l’hygiène, l’allaitement et les soins de base. Mais tout comme lors de son premier séjour au début de son mariage, la communauté européenne ne perd pas une occasion de la snober ou d’essayer de lui causer des problèmes. Ruth ne se laisse pas atteindre et continue de les ignorer.

En 1961, Seretse est fait officier de l’Empire britannique pour les services rendus en tant que secrétaire tribal. La même année, avec quelques membres du Conseil consultatif africain, il crée le Parti démocratique du Botswana, qui remporte les élections en 1965. L’année suivante, le Botswana obtient son indépendance et Seretse en devient le tout premier président. Il est également élevé au rang de chevalier commandeur de l’Empire britannique. Il sera réélu lors des trois élections présidentielles suivantes, et sous sa présidence le Bostwana connaitra une forte progression économique.

Seretse meurt le 13 juillet 1980 d’un cancer du pancréas, à l’âge de cinquante-neuf ans. Ruth, qui l’avait appuyé et conseillé pendant ses quatre mandats, reste au Bostwana. « Je suis totalement heureuse ici. Je voyage en Grande Bretagne et en Suisse dans le cadre de mon action pour la Croix rouge, mais je n’ai aucun désir de partir. J’ai vécu ici la plus grande partie de ma vie, et mes enfants sont ici. Lorsque je suis venue dans ce pays je suis devenue une motswana. » Celle qu’on appelle Mohumagadi Mma Kgosi – la mère du chef – devient présidente de la Croix rouge du Botswana, qu’elle a aidé à créer, et continue à s’impliquer dans des programmes de prévention en matière de santé. Elle meurt le 22 mai 2002 à l’âge de soixante-dix-huit ans.

Leur fils aîné Seretse Ian suit les traces de son père : il sera vice-président du Botswana de 1998 à 2008, puis président de 2008 à 2018. Un des jumeaux, Tshekedi, est membre du parlement.

 

Apparitions dans la culture :
- A marriage of inconvenience, 1990, téléfilm britannique tiré du livre du même nom de Michael Dutfield
- Barrière de couleur : le triomphe de Seretse Khama et de sa nation (Colour bar: the triumph of Seretse Khama and his nation), 2007, de Susan Williams
- A united kingdom, 2016, film adapté du livre précédent, avec David Oyelowo et Rosamund Pike

Rinou

Sources
https://www.telegraph.co.uk/films/a-united-kingdom/seretse-khama-ruth-williams-love-story/
https://www.scotsman.com/news/obituaries/lady-khama-2469265
https://www.theguardian.com/news/2002/may/29/guardianobituaries
https://web.archive.org/web/20060719114915/http://www.innertemple.org.uk/archive/khama.html
Wikipedia


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