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Marion Davies - Scandaleuse

20/11/2020

Année du scandale : 1924.
Epoque : Présidence US de Calvin Coolidge.
Objet du scandale : Le 19 novembre 1924, Thomas Ince, producteur de cinéma à Hollywood invité à bord du yacht du milliardaire et magnat de la presse William Randolph Hearst, est abattu par erreur par ce dernier, en lieu et place de l’acteur Charlie Chaplin que Hearst supposait être l’amant de sa jeune maîtresse, l’actrice d’Hollywood Marion Davies. Ce meurtre sera dissimulé, et on prétendra que la mort a été brutale mais naturelle. Ni Hearst, ni Marion Davies ne seront poursuivis par la justice.

 

 

Marion Davies (de son vrai nom Marion Cecilia Elizabeth Brooklyn Douras) est née à Brooklyn le 3 janvier 1897. Son père, Bernard Douras, est avocat à New York. Lui et sa femme, Rose Reilly, ont eu cinq enfants (un fils qui mourra jeune et quatre filles) ; Marion est la petite dernière. Son père finira sa carrière en tant que juge à New York, et il envoie ses quatre filles : Ethel, Rose, Reine et Marion, dans un couvent catholique de New York afin de leur offrir une excellente éducation.

 

 

Très vite, le caractère fantasque et joyeux de la petite dernière s’accorde mal avec les règles strictes de son éducation de jeune fille. Marion Douras aime chanter et danser, et elle souhaite à l’adolescence se lancer dans une carrière au music-hall, comme sa sœur aînée Reine. C’est d’ailleurs celle-ci qui l’encourage dans cette voie. Elle prend alors comme nom de scène « Marion Davies » au lieu de Douras, pour ne pas choquer ses parents.

 

 

A l’âge de dix-huit ans elle est embauchée en tant que « chorus girl » dans une revue musicale de Broadway. Pour joindre les deux bouts, car ses cachets sont plus que médiocres, elle accepte de poser comme modèle pour des illustrateurs comme Harrison Fisher. Mais Marion a un but bien précis : elle veut à tout prix être embauchée comme danseuse aux « Ziegfeld Follies », ce qui est le summum de l’ambition pour une jeune fille de New York plutôt jolie, qui sait jouer et chanter. Physiquement, elle se distingue par sa blondeur et ses jolis yeux bleus : le fait qu’elle soit un peu ronde entre bien dans les critères de beauté de l’époque. Elle a de plus un rire joyeux, et est de nature enjouée.

 

Les « Ziegfeld Follies » sont célèbres pour mettre en scène des filles à la plastique superbe, qui montent et descendent des escaliers au théâtre, revêtues de costumes magnifiques. Leur modèle est les célèbres « Folies Bergères ». Le spectacle parisien a inspiré Florenz Ziegfeld Junior lors d’un séjour en France, et il a décidé de monter à New York des revues incluant des « tableaux vivants » : il y a des sketchs et des chansons, et les plus jolies filles de New York tentent de faire partie de ce spectacle unique.

 

En 1916, Marion Davies réussit à y décrocher un contrat. De la danse au cinéma il n’y a qu’un pas, et elle obtient son premier rôle dans un film de 1917 intitulé « Runaway Romany » (film muet, le parlant ne faisant son apparition qu’en 1927). Le fait que son beau-frère George W Lederer, époux de sa sœur Reine Douras, produise le film l’aide alors beaucoup pour ses premiers pas à l’écran. Elle commence à faire parler d’elle dans des petits rôles comiques où elle excelle, et gagne bien sa vie.

 

 

En 1917, Marion rencontre celui qui va devenir l’homme de sa vie : William Randolph Hearst. Elle a vingt ans et est au sommet de sa beauté. Il en a cinquante-quatre, et c’est un homme marié et père de cinq fils, mais il est multimillionnaire (le père de Hearst est un millionnaire californien enrichi par la ruée vers l’or). En 1887 il a pris la tête du « San Francisco Examiner », un quotidien appartenant à son père, lequel l’a accepté en remboursement d’une dette de jeu. Il a ensuite créé et racheté des journaux dans toutes les régions des Etats-Unis. Il possède sa propre agence de presse, et s’intéresse bientôt à l’industrie du cinéma, notamment à Hollywood, qui n’en est encore qu’à ses débuts. Son épouse s’appelle Millicent Willson. Elle vit à New York, et lorsque Hearst décide de s’établir en Californie elle ne le suit pas, le soupçonnant déjà d’entretenir une autre femme, et reste sur la côte est avec leurs cinq fils.

 

Cette autre femme, c’est Marion Davies. A la différence des aventures qu’il avait eues auparavant, Hearst en est fou amoureux, et cet amour est réciproque. Il va durer toute leur vie. Il fonde la compagnie de films « Cosmopolitan Pictures » dans le but de booster la carrière de sa toute jeune maîtresse. Il utilise ses journaux pour la promouvoir. Il oblige par contrat la Paramount, la Goldwyn, puis la Metro Goldwyn Mayer à employer Marion Davies dans leurs films.

 

 

Le premier désaccord entre Marion Davies et Hearst porte sur les rôles comiques que la jeune femme veut conserver : elle excelle dans ces films où sa drôlerie pétille, et ceux qu’elle tourne avec United Artists correspondent à son talent inné. Mais Hearst veut qu’elle fasse des choses plus sérieuses, des rôles dramatiques, car il n’apprécie guère ceux où elle rit et s’amuse avec ses partenaires, qui sont aussi des amis. Et l’un des amis de Marion à l’époque n’est autre que l’acteur et producteur Charlie Chaplin.

 

 

Dans son idée de promouvoir la carrière de Marion, Hearst rachète aussi le « Cameo theatre » de San Francisco en 1929, le rebaptise « Marion Davies Theatre », et contemple de la fenêtre de son bureau les lettres au néon clignotantes qui font briller le nom de sa maîtresse dans la nuit. Grâce à la publicité dans ses journaux (les articles commencent souvent par « Marion Davies the greatest miracle the movies had ever seen » soit « Marion Davies le plus grand miracle que le cinéma ait jamais vu »), et à son argent, Marion tourne à un rythme effréné, trois films par an pendant dix ans. En 1922 elle excelle dans le rôle de Mary Tudor dans « When knighthood was in flower ». Le film sera numéro un au box-office et Marion Davies atteindra le statut de star à Hollywood dès 1924.

 

Pour abriter leurs amours, Hearst fait bâtir à partir de 1920 Hearst Castle, qu’il terminera seulement en 1947. Ce château est construit sur une propriété de 97 000 hectares qui appartenait à son père, un ranch fondé en 1865 à San Simeon.

 

 

Désireux d’avoir une résidence « un petit peu plus confortable en haut d’une colline », Hearst demande à une jeune architecte, Julia Morgan, de lui bâtir un château d’inspiration espagnole. Hearst Castle sort de terre et comptera cinquante-six chambres à coucher, soixante-et-une salles de bains, dix-neuf salons, cinquante-et-un hectares de jardins, une cuisine centrale, une bibliothèque, des piscines intérieures et extérieures, des courts de tennis, une salle de cinéma et, comble du luxe, un zoo ! Avec zèbres et singes en semi-liberté. Il y a aussi un golf, et un terrain d’aviation privé. Il existe de plus un ponton sur la plage, qui permet aux yachts des acteurs célèbres d’accoster incognito (Charlie Chaplin, Cary Grant, Gary Cooper, Joan Crawford, etc.), sans être vus des journalistes et des curieux.

 

 

L’intérieur de Hearst Castle est encore plus luxueux : des collections d’art venant d’Europe, et surtout d’Espagne, ornent les salles. Le palais central (construit en béton armé pour résister aux tremblements de terre) fait 6 300 m². La piscine principale peut contenir 1 000 000 de litres d’eau et mesure trente-deux mètres de long ; la piscine intérieure fait, elle, vingt-cinq mètres.

 

La maîtresse de maison de cette monstruosité est Marion Davies. Tout le monde (du cinéma) sait qu’elle est la maîtresse de Hearst, mais rien ne filtre dans la presse. A la moindre allusion qui entacherait la réputation de la jeune femme, Hearst traque le coupable de l’article, le licencie et ruine à jamais sa future recherche d’emploi. De plus, le rédacteur en chef du magazine qui a permis cette indiscrétion est vertement tancé, quand il n’est pas tout simplement viré.

 

En 1925 Hearst et son épouse se séparent à l’amiable, mais le divorce ne sera jamais prononcé, Mme Hearst ayant des exigences financières que son mari n’accepte pas. Le magnat reste en Californie auprès de sa maîtresse.

 

Malheureusement Millicent se présente d’elle-même de temps en temps à Hearst Castle, et Marion, comme toute maîtresse devant l’épouse légitime, doit alors libérer les lieux et s’installer ailleurs le temps du séjour de celle-ci. Conscient du désagrément que procurent les visites de sa « légitime », Hearst résout le problème en achetant à Marion Davies la « beach house », une énorme maison sur la plage de Santa Monica qui sera le domicile de la jeune femme. C’est là qu’elle attend le départ de Mme Hearst avant de regagner Hearst Castle.

 

 

Marion fait venir sa mère et ses sœurs en Californie (d’ailleurs Rose et Reine entameront toutes deux une carrière, d’actrice pour l’une, de chanteuse pour l’autre) et afin qu’elles conservent un point de chute sur la côte Est, Hearst achète une somptueuse maison de ville à New York, à l’angle de la 105ème rue. Il possède aussi un yacht, le « Oneida », acheté à un banquier de New York. Il s’en débarrasse en 1927, trois ans après le scandale qui se passe à bord et que nous allons évoquer.

 

 

En novembre 1924, Hearst lance une invitation pour un week-end de navigation sur son yacht, de San Pedro à Baja, qui doit débuter le 15 novembre. Les invités sont :

 

*George H Thomas (directeur financier chez Hearst),

 

*Thomas Ince (producteur surnommé le « père du western », qui a déjà produit plus de 800 films : à l’occasion de ce voyage, Hearst a prévu de fêter dignement son quarante-troisième anniversaire à bord),

 

*l’actrice Margaret Livingston (maîtresse de Thomas Ince, qui est un homme marié), *l’écrivaine britannique Elinor Glyn,

 

*un trio de jolies actrices (Aileen Pringle, Seena Owen, Julanna Johnston),

 

*Joseph Willicombe (le secrétaire en chef de Hearst),

 

*l’éditeur Franck Barham et son épouse,

 

*Ethel et Reine (les sœurs de Marion Davies), Pepi (sa nièce),

 

*et enfin le docteur Daniel Carson Goodman qui est aussi écrivain et producteur de films (directeur du « Cosmopolitan ») : mais il est également connu pour combattre les pannes sexuelles des hommes âgés avec une potion issue de glandes de chimpanzés (il faut se rappeler que Hearst a trente-quatre ans de plus que Marion !).

 

Le 14 novembre, tout ce petit monde embarque sur le yacht : dans l’après-midi, Charlie Chaplin est allé chercher en voiture Marion Davies sur le plateau du film « Zander the great » aux studios United Artists. Il prend aussi comme passagère Louella Parsons, future chroniqueuse des feuilles à scandale de Hollywood qui vient d’arriver de New York et dont c’est la première invitation officielle dans le monde très fermé du cinéma. Tous les trois arrivent en voiture à San Pedro et montent à bord.

 

 

Il manque un invité, et le plus important de cette croisière, il s’agit de Thomas Ince retenu pour la soirée à un festival et qui doit arriver le lendemain. C’est ainsi que le samedi matin il rejoint le yacht qui fait escale à San Diego, et outre le fait qu’il doit fêter son anniversaire à bord le soir même avec les invités, il profite de la journée pour discuter avec Hearst des détails d’un contrat par lequel il va lui prêter ses studios pour le tournage d’un film. Le yacht quitte le port en fin de matinée, embarquant en plus un groupe de jazz chargé d’agrémenter la soirée et des caisses de champagne.

 

 

Tout le monde s’accorde à dire que la journée se passe merveilleusement bien. L’équipage est aux petits soins pour le groupe d’invités de Hearst. Bien que ce dernier ne boive pas, il sait recevoir avec style et le champagne coule à flots. Les invités s’aperçoivent tout de même assez vite que l’ambiance semble un peu crispée à bord, notamment lorsque Hearst est en présence de Charlie Chaplin. Nul n’ignore qu’il est très jaloux de Marion, et il la soupçonne depuis quelques temps de le tromper avec l’acteur. Les ragots de l’époque disent de Chaplin qu’il est un séducteur dans l’âme, et il n’en est pas à son premier scandale amoureux. Le fait qu’il soit arrivé en voiture avec Marion (même avec une tierce personne comme Louella Parsons dans le véhicule) n’a pas arrangé l’humeur de Hearst.

 

 

Ces deux-là, à son goût, sont un peu trop familiers l’un envers l’autre, et lui qui est un as du tir au pistolet a pris un malin plaisir à démontrer sa dextérité à ses invités en abattant les mouettes en plein vol avec le revolver qu’il conserve à bord, lors de ses escapades sur le pont dans l’après-midi.

 

Il semble que le soir, lors du repas d’anniversaire de Thomas Ince où chacun mange et boit plus que de raison, Marion Davies et Charlie Chaplin s’éclipsent. La rumeur prétend que Hearst surprend le couple dans une pose très équivoque et que, fou de colère, il sort son revolver pour abattre son rival. Hélas la balle se loge par accident dans la tempe de Thomas Ince, qui se trouve à proximité. Ce dernier meurt sur le coup.

 

 

Le yacht fait immédiatement escale en urgence, et la version officielle des passagers et des membres de l’équipage est la suivante : Thomas Ince s’est plaint de douleurs à l’estomac et à la tête à la fin du repas d’anniversaire, tard le soir, et il est parti se coucher ; le docteur Goodman l’a trouvé dans le coma dans la nuit. Le malade a été mis dans un train en direction de Los Angeles en compagnie du docteur, et malgré les soins de celui-ci serait mort à l’arrivée en gare, victime « d’un arrêt cardiaque dû à une indigestion ».

 

 

L’épouse de Thomas Ince est prévenue en urgence à l’arrivée du train à Los Angeles, et quelques jours plus tard il est incinéré et inhumé le 21 novembre à Hollywood (soit six jours après sa mort) en présence de sa famille, de Marion Davies et de Charlie Chaplin. Il n’y a aucune autopsie.

 

 

Seulement cette mort subite suscite de nombreuses polémiques : c’est le secrétaire japonais de Charlie Chaplin, Toraichi Kono, qui rapporte le premier qu’il a vu le corps de Ince sur une civière, la tête ensanglantée. L’orchestre de jazz présent sur le yacht, et qui a joué « non-stop », a semble-t-il occulté le bruit du coup de feu, mais plusieurs personnes présentes à bord ont aperçu la tempe en sang de Thomas Ince, allongé sans vie sur le pont.

 

 

La puissance de Hearst (qui peut écraser une carrière naissante ou briser celle d’un employé) fait le reste : toute les personnes présentes sur le yacht se taisent, et se contentent de dire que Ince s’était plaint d’une indigestion au cours du repas. La cause officielle de sa mort reste une crise cardiaque due à une indigestion. Aucune enquête ne vient remettre en cause cette conclusion. Charlie Chaplin, dans son autobiographie, niera même avoir été à bord du bateau ce week-end end là ; Marion Davies fera de même dans la sienne.

 

 

Le procureur de San Diego, un certain Chester Kemply, classe l’affaire : « J'ai ouvert une enquête suite à de nombreuses rumeurs rapportées dans mon service au sujet de cette affaire, et les ai examinées jusqu'à ce jour dans le but de m'en débarrasser définitivement. Cette histoire de beuverie à bord d'un Yacht ne sera pas approfondie ; après avoir interrogé le médecin et l'infirmière qui se trouvaient auprès de Mr Ince, je suis convaincu que les causes de son décès sont naturelles. »

Le cinéaste D W Griffith résumera avec ironie : « Tout ce que vous avez à faire pour voir Hearst blêmir est de mentionner le nom de Ince. Tout est louche dans cette affaire, mais Hearst est intouchable. » La veuve de Thomas Ince reçoit une somme d’argent de Hearst ; elle vend sa maison et place le tout. Malheureusement la crise de 1929 engloutira cet argent et elle terminera son existence comme chauffeur de taxi.

 

 

La vie reprend pour Hearst et Marion sans que rien ne change : en 1925 il achète pour elle, en cadeau d’anniversaire et juste après l’avoir vu dans un magazine, un château au pays de Galles : St Donat’s Castle. L’arrivée du cinéma parlant en 1927 aurait pu sonner le glas de la carrière de la jeune actrice car elle a un léger bégaiement, mais sa voix passe avec brio l’épreuve des bandes son, et jusqu’en 1935 elle renoue avec les comédies où elle est la co-star de Clark Gable (« Polly of the circus » en 1932), ou Gary Cooper (« Operator 13 » en 1934).

 

 

Les réalisateurs tels que King Vidor voient Marion comme une actrice comique, et certains doivent lutter contre l’influence de Hearst qui insiste pour qu’elle obtienne des rôles dramatiques. Il veut que sa maîtresse soit reconnue comme une star indiscutable, à l’égale d’une Mary Pickford. Son ingérence s’avère bientôt négative pour la carrière de Marion : lorsqu’il apprend que la MGM, dont le directeur est Irving Thalberg, cherche une actrice pour le rôle féminin de « Marie Antoinette », il insiste lourdement pour que Thalberg l’embauche, mais celui-ci décide de choisir son épouse, l’actrice Norma Shearer.

 

 

En représailles, Hearst interdit aux magazines de presse qu’il possède de mentionner à l’avenir les films de la MGM. De plus il incite Marion Davies à entrer dans une autre compagnie, la Warner Brothers, et à quitter ses amis de la MGM. Mais chez Warner Marion se heurte encore à l’obstination de Hearst, qui ne veut pas de rôles comiques pour elle et la pousse à réclamer le rôle-titre du film « Tovarich » qui échoira finalement à Claudette Colbert, bien meilleure dans les essais de ce rôle dramatique.

 

 

En 1943, à quarante-six ans, la mort dans l’âme, Marion Davies annonce qu’elle prend sa retraite en tant qu’actrice. En vingt ans de carrière, elle a tourné dans quarante-cinq films dont aucun n’a retenu l’attention ni obtenu de prix. Elle peut cependant se réjouir du fait qu’en 1923 elle a été l’une des actrices les mieux payées de la production cinématographique avec deux de ses films « When knighthood was in flower » et « Little old New York ». Mais elle a maintenant atteint l’âge critique de la quarantaine et ne peut plus jouer les rôles d’ingénue rigolote à l’écran.

 

 

A son âge, seuls les rôles de mère sont encore envisageables. L’argent de Hearst ne peut lutter contre les années et la faire rajeunir. De plus, les réceptions qu’elle organise à Hearst Castle, les bals costumés, les excès, l’ont fait vieillir prématurément, avec des traits bouffis et une silhouette empâtée. Cette bonne vivante décide alors de se consacrer aux réceptions de San Simeon, et de devenir à plein temps la compagne de Hearst, accélérant ainsi les abus de boisson et de nourriture.

 

 

Malheureusement pour Marion Davies, la femme légitime de Hearst refusera toujours le divorce, et elle ne pourra jamais convoler avec son amant multimillionnaire. Elle restera toute sa vie sa maîtresse. En abandonnant le milieu cinématographique, Marion ne se doute pas qu’elle va tomber sous la coupe de Hearst, qui est d’une jalousie obsessionnelle. L’impossibilité de devenir son épouse et son inactivité la poussent de plus en plus vers l’alcoolisme.

 

 

De plus, à la fin des années 30 la fortune de Hearst diminue considérablement : la crise de 1929 lui fait perdre 126 millions de dollars. Pour éviter la banqueroute, Marion Davies doit vendre St Donat’s Castle, ses bijoux, et solder ses actions. Hearst vend à perte des journaux et stations de radio qui lui appartenaient. Il met aussi en vente les collections de Hearst Castle : des tableaux, des sculptures sont bradés à la moitié du prix auquel il les avait achetés.

 

Lorsque la Seconde Guerre Mondiale éclate, les folles réceptions de San Simeon s’arrêtent et Hearst et Marion partent vivre à Wyntoon dans le nord de la Californie. Dès 1945, San Simeon les voit revenir mais le couple est très diminué physiquement. Marion Davies est devenue alcoolique à quarante-huit ans, et Hearst, âgé de quatre-vingt-deux ans, a eu plusieurs alertes cardiaques. Ils quittent San Simeon pour se rapprocher de Los Angeles et de ses hôpitaux, plus à même de traiter ses ennuis de santé.

 

 

Hearst meurt le 14 août 1951 à l’âge de quatre-vingt-huit ans dans sa résidence de Beverly Hills : dans son testament, il pourvoit largement à l’avenir de Marion Davies en lui laissant 170 000 actions de la Hearst Corporation, ainsi qu’une forte somme d’argent. Mais elle ne peut assister aux obsèques, la famille et les enfants de Hearst lui interdisant de se présenter au cimetière.

 

 

En 1957 les héritiers de Hearst, incapables d’assurer la gestion financière du domaine, donnent San Simeon, donc Hearst Castle, à l’état de Californie, qui l’ouvre au public en tant que musée, attirant chaque année 750 000 visiteurs. Lady Gaga y tournera l’un de ses clips. En décembre 2003, un tremblement de terre dont l’épicentre est situé à trois kilomètres de Hearst castle permet de vérifier la solidité du monument : malgré une magnitude de 6,5 il tient le coup, et il y a très peu de dommages sur la structure.

 

 

Marion Davies surprend tout le monde en se mariant à l’âge de cinquante-quatre ans, onze semaines après la mort de Hearst, avec Horace Brown, à Las Vegas le 31 octobre 1951. Ce mariage est désastreux. Son époux la maltraite. Elle demande deux fois le divorce, mais change d’avis à chaque fois quand il revient vers elle en pleurant et promettant de s’amender. Elle explique son mariage en disant qu’elle ne sait pas vivre seule. En 1952 elle décide de se consacrer aux enfants malades, et lance la Marion Davies Foundation.

 

En 1956 elle a une première défaillance cardiaque. Dans l’année qui suit, les médecins lui diagnostiquent un cancer de l’estomac. Elle meurt dans sa maison de Hollywood le 22 septembre 1961 à l’âge de soixante-quatre ans. Elle sera enterrée au Hollywood Forever Cemetery dans un mausolée superbe, mais loin de la tombe de Hearst qui repose dans le caveau familial dans une autre ville de Californie. Sa fortune personnelle est estimée à vingt millions de dollars. Elle laisse une autobiographie, « The times we had », qui résume sa vie avec Hearst le milliardaire. Elle explique en quelques mots leur relation :

 

 

« Mon dieu, je donnerais tout ce que j’ai pour épouser ce vieil homme farfelu. Pas pour l’argent ou la sécurité, car il m’a déjà donné bien plus que ce dont j’aurai jamais besoin. Pas non plus parce qu’il est d’une compagnie charmante, la plupart du temps, quand il commence à parler, il m’ennuie à mourir, et certainement pas parce qu’il est formidable au lit ! Je pourrais trouver un million d’hommes bien plus doués tous les jours. En fait vous savez ce qu’il me donne ? Le sentiment que je vaux quelque chose à ses yeux. Je n’aime pas certaines choses que nous avons, ou que nous n’avons pas. Il a une femme qui ne lui accordera jamais le divorce. Elle sait que j’existe mais il est convenu que si elle décide de venir au ranch San Simeon pour une semaine ou un week-end end, je dois m’évaporer. Et en plus il ronfle et peut être de mauvaise humeur, et il a des fils plus âgés que moi. Mais il est gentil et bon avec moi, et je ne l’abandonnerai jamais ».

 

 

En 1993 la nièce de Marion Davies, Patricia Lake, meurt à l’âge de soixante-quatorze ans. Elle avoue sur son lit de mort à ses enfants qu’elle n’est pas la fille de Rose Douras, la sœur de Marion, et de son époux George van Cleeve, mais bel et bien la fille cachée de Marion Davies et William Randolph Hearst. Marion serait tombée enceinte à l’automne 1918 et Hearst, pour éviter le scandale, aurait expédié sa maîtresse en France, à Paris, pour accoucher. Elle aurait donné naissance à Patricia le 8 juin 1919 dans une clinique française. Elle aurait ensuite rapatrié l’enfant aux Etats-Unis et demandé à sa sœur Rose d’élever sa fille. Cette dernière aurait accepté, et ce n’est qu’à l’âge de onze ans que Patricia aurait appris de Marion qu’elle était sa mère légitime.

 

Hearst paie les frais de scolarité de la jeune fille. Elle les accompagne fréquemment Marion et lui dans leurs déplacements et a une chambre à demeure dans leurs différentes résidences. Elle est présentée comme la « nièce » de Marion à tous les visiteurs de San Simeon. Patricia se marie à un acteur, Arthur Lake, et la cérémonie a lieu à San Simeon en 1937, en présence de Hearst et de Marion Davies. Patricia Lake aura des rôles au théâtre, puis dans une station de radio. A la mort de Marion Davies, elle hérite de la moitié de ses biens. Elle a une ressemblance prononcée avec Hearst, mais ce n’est que sur son lit de mort qu’elle confesse la vérité sur ses parents biologiques.

 

 

Pour la petite histoire, la romance entre Hearst et Marion Davies a été racontée dans le film d’Orson Welles « Citizen Kane » ; Hearst Castle est dépeint sous le nom de « Xanadu ». Prévenu, Hearst use de tout son pouvoir dans les médias pour étouffer la sortie du film. Bien que distribué par la RKO, il a du mal à être diffusé dans les cinémas qui, sous la pression de Hearst, refusent de le mettre à l’affiche. Il est donc diffusé à petite échelle, impactant sérieusement la carrière d’Orson Welles d’un point de vue financier. On ne se moque pas impunément de William Randolph Hearst.

 

Treize ans après la mort de Marion Davies, c’est au tour de l’épouse légitime de Hearst, Millicent Willson, de mourir le 5 décembre 1974 à l’âge de quatre-vingt-douze ans, entourée des siens. Elle demande à être enterrée à New York, loin de son époux infidèle qui repose, lui, en Californie.

 

Lafouine77

 

Sources

Hollywood Babylon de Kenneth Anger.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Année du scandale : 1924.

Epoque : Présidence US de Calvin Coolidge.

Objet du scandale : Le 19 novembre 1924, Thomas Ince, producteur de cinéma à Hollywood invité à bord du yacht du milliardaire et magnat de la presse William Randolph Hearst, est abattu par erreur par ce dernier, en lieu et place de l’acteur Charlie Chaplin que Hearst supposait être l’amant de sa jeune maîtresse, l’actrice d’Hollywood Marion Davies. Ce meurtre sera dissimulé, et on prétendra que la mort a été brutale mais naturelle. Ni Hearst, ni Marion Davies ne seront poursuivis par la justice.


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