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Ce n'est pas moi c'est lui

Fabiola - 29/07/2020

L’offre de romance est devenue pléthorique. Chaque lectrice a sa stratégie pour dénicher sa prochaine lecture : un auteur chouchou, un éditeur favori, une collection fiable, une recommandation... Cela dit, il arrive que, malgré ces indicateurs prometteurs, cette romance qui a tout pour lui plaire ne la tente pas tant que ça.

Pendant longtemps je pensais être la seule atteinte par ce comportement, et au détour d’une conversation j’ai découvert qu’il s’agit en fait d’un « problème de lectrice » largement répandu. C’est ce constat qui nous a donné l’envie de faire le dossier que vous êtes en train de lire.

Pour le composer, une fois de plus, nous avons fait appel à vous par le biais d’un court questionnaire qui nous a permis de recueillir vos avis sur la question. Merci aux trente-trois personnes qui ont pris le temps de nous répondre, leurs retours constitueront l’essentiel de ce dossier en deux parties :
• dans la première nous tenterons de cerner ce phénomène de « rejet de lecture » avec des chiffres et des indicateurs qui peuvent ou non l’influencer ;
• dans la seconde nous dresserons la liste des raisons qui entraînent un « rejet de lecture », illustrée par des exemples, et nous donnerons la parole aux lectrices afin d’interroger et de nuancer ces raisons.

 

1. CERNER


Notre questionnaire était destiné aux amateurs/amatrices de romance qui avaient déjà eu l’impression suivante : « Un roman est fait pour vous, pourtant il ne vous branche pas. Ça vous arrive aussi ? ». 33 personnes nous ont répondu : 26 pour nous dire « oui », et 7 pour nous dire « non ».

Aux 26 personnes qui ont passé ce filtre nous avons demandé des précisions sur les indicateurs susceptibles de les faire changer d’avis quand elles font l’expérience d’un titre qu’elles rejettent. Voici la question que nous leur avons posée et les retours : « Soyons plus précis, ça vous est déjà arrivé qu’un roman ne vous branche pas  (vraiment, vraiment pas) alors qu’a priori, il est fait pour vous pour mille et une raisons : »

Nous constatons que le « rejet de lecture » est catégorique, même quand le titre a :
• un succès phénoménal (international, national ou dans votre communauté) avec 22 oui contre 4 non.
• de vives recommandations (presses, forums, influenceurs...) avec 22 oui contre 4 non.
• un résumé qui plaît aux lectrices avec 21 oui contre 5 non.
• été écrit par un des auteurs préférés des lectrices avec 20 oui contre 6 non.

Par ailleurs, le « rejet de lecture » est à peine plus nuancé quand le titre a :
• des thèmes qui résonnent auprès de la lectrice avec 18 oui contre 8 non.
• été publié dans une maison d’édition adorée par la lectrice avec 17 oui contre 9 non.
• été recommandé personnellement aux lectrices (par un proche/une connaissance — IRL ou non — qui connaît ses goûts) avec 16 oui contre 10 non.

Nous ne sommes pas surprises que « le succès » et « les recommandations impersonnelles » n’orientent pas le choix des lectrices. Toutefois, c’est étonnant qu’un résumé attrayant, des thématiques qui font écho et un auteur favori n’orientent pas le choix. Tout porte à croire qu’une fois ce « feeling » ressenti au sujet d’un livre, il est difficile de le déloger ! D’ailleurs, intéressons-nous aux raisons qui influencent un « rejet de lecture » et aux exemples que nous ont donnés les lectrices.

 

2. INFLUENCER & NUANCER

Dans notre questionnaire, nous avons invité les participants à nous présenter des exemples de titres qui ont entraîné chez eux ce phénomène de « rejet de lecture » malgré leurs atouts. Nous leur avons également demandé les raisons qu’ils associent à ce rejet.

REMISE EN QUESTION : Qualité/Véracité/Personnages/Thèmes/Schéma narratif

Parmi les raisons invoquées, celle qui regroupe le plus de titres cités concerne la construction de l’histoire avec une remise en question de la qualité et de la véracité du texte, du schéma narratif (notamment de la fin), des personnages et des thèmes abordés.

Paroles de lectrices :

Le chardon et le tartan Diana Gabaldon
Presses de la Cité | 15/03/2003
Le cercle de pierre, Vol. 1.
(Cité 2 fois)

« Le principe des sauts dans le temps ne m’inspire pas dans un livre qui se veut historique »

Les ailes de la nuit
Lisa Kleypas
J’ai lu | 05/01/2011
Les Hathaway, Vol. 1.

« Lisa Kleypas que j’adorais jusque-là. Je n’ai pas voulu lire la série avec Cam et les “gitans”. Alors que ce peuple est rejeté, là il est érotisé et fictionnalisé. Ce coup-ci je ne tolère pas. »

« A cause des fins » :

-Ashes falling for the sky, Nine Gorman, Albin Michel-Jeunesse 21/11/2018

-Mille baisers pour un garçon, Tillie Cole, Hachette romans 26/10/2016

-Forbidden, Suzuma Tabitha, Milady 12/07/2017

SANS EXEMPLES :
• « La romance francophone parce que c’est quasiment uniquement contemporain et/ou première personne »
• « Le young adult ou new adult »
• « Tout ce qui est M/M ou Dark »
• « Le thème des campus américains alors que l’auteur n’y a jamais mis les pieds. »
• « Le roman n’est pas très bien noté sur Booknode (je regarde toujours la note et les critiques sur Booknode avant d’acheter un livre) »

 

Dans la mesure où les romans n’ont pas été lus, rappelez-vous le sujet c’est : « Il est fait pour moi, mais non merci, sans façon », cela signifie que les lectrices ayant répondu au questionnaire font des recherches sur le contenu avant leur lecture ? Sans aucun doute !
La lectrice de romance est une grande enquêtrice qui ne recule devant rien pour en savoir plus sur ses livres avant de les commencer. Elle peut aller jusqu’à lire les dernières lignes. Oui, oui ! C’est sans doute une conséquence de l’offre pléthorique de titres que nous avons évoquée dans l’introduction, et de la fluctuation des « codes » dans le schéma de la romance.

 

PROMETTEURS & pas terminés/détestés
Ensuite, la rubrique qui rassemble le plus d’exemples concerne les « titres/séries commencés » parce qu’ils semblaient prometteurs, et finalement ont été détestés ou pas terminés. Je dois reconnaître que cette rubrique s’éloigne un peu du sujet initial, qui s’intéresse à ces livres dotés de nombreux atouts qui finalement n’intéresse pas. Ici, c’est comme le revers de la médaille : le livre vous avait séduit et il n’a pas été à la hauteur. Les raisons invoquées rejoignent majoritairement la rubrique « problème d’histoire » avec un manque d’intérêt pour l’intrigue et des personnages antipathiques.

Paroles de lectrices :

Mending Noel
Charlie Cochet
Auto-édition | 18/11/2019
North Pole City Tale series, Vol. 1

« Je suis une grande fan de Charlie Cochet et là pas moyen de rentrer dans l’histoire. J’ai tenu jusqu’au tome 2 me disant que ça irait mieux avec les héros suivants, mais rien à faire, impossible de m’intéresser. »

Au risque du plaisir
Julie Anne Long
J’ai lu | 27/01/2016
Pennyroyal green, Vol. 1.

« Je suis très rarement déçue par un A&P et là je n’ai pas pu dépasser le chapitre 3 : ça se traîne, je n’ai pas aimé les héros. Généralement, je laisse jusqu’à la page 50 pour voir si je continue le livre ou pas... je n’ai pas tenu jusque-là :(. »

La vallée de la tendresse
Megan Chance
J’ai lu | 08/02/2001

« L’héroïne trompe (ou y pense très très très fortement) son mari, on nous bassine avec ça pendant tout le livre, leur relation est déprimante à mes yeux, et à la fin elle reste avec. J’ai vraiment détesté ce livre. »

Hard justice
Pamela Clare
13/12/2019 | Auto-édition

« Héroïne trop bête, héros trop “gentil” style prévisible, intrigue prévisible »

Le milliardaire et moi
Ruth Cardello
Milady | 21/06/2013
Les héritiers, Vol. 1.

« Je n’arrive pas à me projeter dans les personnages, que je trouve trop peu travaillés, le décor et l’action sont trop tape-à-l’oeil à mon goût... »

Ma gourmandise préférée
Stefy Québec
Something Else Editions | 01/05/2017

« Je n’ai pas du tout accroché »

Love to hate you
Emily Jurius
Éditions addictives | 03/10/2019

« Le personnage féminin ne me plaisait pas, trop sûr d’elle. Ma soeur n’a pas arrêté de me le conseiller. »

 

 

Après les problèmes d’histoire, il y a des problèmes d’auteur. En effet, parmi les raisons invoquées pour justifier un « rejet de lecture », les auteurs arrivent en deuxième position. Ceux dont la « recette narrative » trop de fois utilisée commence à lasser ; ceux dont le style d’écriture déplaît ; ceux dont la rencontre a été décevante.

 

PROBLÈMES D’AUTEURS Schéma narratif répétitif/insatisfaction

Paroles de lectrices :

La crêperie des petits miracles
Emily Blaine
Harlequin | 03/06/2020

« J’ai été déçue par le dernier livre de l’auteur. Je trouve que c’est toujours le même schéma et je m’en lasse. »

Ce que j’aime chez vous
Julia Quinn
J’ai lu ? 06/06/2019

« Les derniers Julia Quinn parce que les précédents que j’ai lus m’ont laissée insatisfaite »

SANS EXEMPLES :
• « L’auteur m’a refroidie lors de notre rencontre »
• « Style trop vulgaire »
• « McCarthy (NDLR : Erin) un bouquin lu trop de sexe sans histoire »
• « Je suis aussi méfiante des auteurs français issus de wattpad, trop souvent les avis étaient élogieux pour finalement détester le style d’écriture. »
• « Rosemary Rogers »
• « Marc Levy »
• « Les livres de Jay Crownover dont la plume me laisse indifférente (trois abandons sur ses livres) »

 

→ Problème d’histoire, problème d’auteur... Difficile d’interroger objectivement ces deux points, dans la mesure où tous les goûts sont dans la nature et les expériences des uns ne doivent jamais être les généralités des autres.

Cela dit, tant qu’à ne pas être objectif, autant être complètement subjectif. Ainsi, pour étayer cette rubrique, j’ai demandé à des lectrices de m’en dire plus sur leurs expériences individuelles et je me suis permis également de donner mon avis :

→ Construction de l’histoire :
La fin ! Parmi les problèmes cités autour de la construction des histoires, celui qui est certainement le plus emblématique et répandu chez les lectrices de
romance, c’est celui de la fin ! Le nombre de lectrices qui lisent les dernières lignes avant d’acheter un livre vous surprendrait (si vous n’en faites pas partie). Ainsi, nous avons demandé à une lectrice de nous en dire plus :

Paroles de Fabiola : « Quand je dis aux gens que je commence toujours un livre par la fin, beaucoup sont choqués. Mais dès qu’il s’agit de personnes qui savent ce qu’est la romance, elles ne comprennent pas et me disent qu’il y a toujours une fin heureuse, alors à quoi ça sert ?
Ce qu’il y a, c’est que pour moi il y a fin et fin, et c’est tout ce qui fait la différence.
Si je considérais que toutes les romances sont semblables, à quoi cela servirait-il de sélectionner et de donner des notes ? Tout comme certaines histoires vont me parler, certaines fins vont me faire acheter le livre ou pas. Je vais d’ores et déjà bannir les fins en cliffhanger, même si la suite est prévue par l’auteure. Je n’achèterai pas un livre dont la fin me déplait, mais c’est un jugement totalement subjectif. A titre d’exemples : les héros séparés à l’avant-dernier chapitre et qui se retrouvent plus d’un mois plus tard, je passe. Les héros séparés à l’avant-dernier chapitre pour des raisons que j’estime ridicules, je passe également. Les dernières pages qui ne me semblent pas démontrer une fin heureuse comme je les aime, je passe également. Avec l’arrivée du numérique, c’est plus problématique et, à ce moment-là, ce qui va me faire reculer ce sera le résumé et l’auteur. Parfois, un seul mot dans le résumé va me faire abandonner un achat. Et quand je ne suis pas certaine, je vais lire les avis sur Goodreads ou les sites marchands en sélectionnant les avis négatifs pour confirmer ou non mon envie de lecture de ce livre.
Car malgré ce qu’on dit, parfois un avis négatif peut m’inciter à acheter le livre, en fonction de la raison pour laquelle la lectrice n’a pas aimé le livre. »

Les personnages : Les lectrices ayant abordé la question des personnages ont unanimement parlé des défauts des héroïnes.

Je partage leur avis et mesure la force d’une romance à son héroïne. Je m’attache toujours à analyser la façon dont l’auteur la met en scène et l’exploite. J’observe attentivement ses actions, ses réactions, ses pensées... Je suis convaincue que nous sommes plus exigeantes, plus pointilleuses, plus tatillonnes avec elles, et qu’elles sont jugées plus durement que leur acolyte masculin. C’est facile de succomber à un personnage masculin un tant soit peu intelligent, drôle et sexy... il peut même être un peu connard sur les bords, on lui pardonnera tout s’il finit par faire amende honorable. D’ailleurs, certains auteurs nous donnent l’impression que les héroïnes ne sont là que pour faire briller le héros, lui donner le beau rôle, le mettre sur un piédestal (Colleen Hoover est la reine de ce procédé).
Cela dit, bon sang qu’elles sont nombreuses les héroïnes qui exagèrent, qui interprètent tout, qui sautent vers des conclusions hâtives. Pire, celles qui sont versatiles et malléables. En anglais on les appelle les TSTL (Too Stupid To Live). Ainsi, il faut reconnaître que nous sommes nombreuses à élimer de nos listes d’envies les livres qui mettent à l’honneur ce type d’héroïne. Quand elles sont passées sous notre radar, nous le regrettons amèrement, celles qui en sont capables ne vont pas au bout de leur lecture. Ce qui est certain, c’est qu’en cas de saga, elles ne s’imaginent pas une seconde lire la suite !

Schéma narratif redondant : Alors que pour certains la recette devient une vraie marque de fabrique recherchée, chez d’autres cela fait l’effet d’un plat réchauffé aux micro-ondes. Beaucoup affirment arrêter de lire des auteurs qui ne se renouvellent pas suffisamment, mais nous avons choisi de vous présenter deux contre-exemples, où justement c’est l’effet qui est recherché :

Pour ma part, c’est l’effet « Kristan Higgins ». Dans le Parthénon de mes auteurs de romance favoris, elle est sans conteste la souveraine ! Elle et moi sommes dans un grand chelem de lectures appréciées et plus encore. C’est mon auteur doudou, ses histoires ont une malice toute particulière et ses personnages ont toujours une profondeur faite de qualité et de défauts crédibles et authentiques. Et pourtant la recette de l’auteur est toujours la même : des amours improbables, contrariées ou impossibles ; des personnages drôles, un peu fous et attendrissants ; des familles envahissantes ; des  animaux de compagnies qui sont souvent des réfugiés ; et le tout dans une petite bourgade pleine de charme aux USA. La magie opère chaque fois et il me tarde de lire les suivants.

Avec un genre : la romance highlanders

Paroles de Gwenlan (créatrice du blog : La malle aux livres) : « Je suis une fan de romance historique avec des hommes en kilt et c’est vrai que nous retrouvons très souvent les mêmes schémas narratifs. En même temps, pour être honnête, c’est en grande partie pour cela que je les aime. Le schéma narratif  contribue au fait qu’on aime ou qu’on n’aime pas une histoire, mais elle seule ne définit pas un roman. Enfin, c’est mon avis de lectrice. Dans les romances avec des highlanders, j’aime le fait que les héroïnes soient fortes, les héros protecteurs et que l’action et le danger soient présents durant une grande partie du roman. On peut dire que c’est répétitif, mais cela dépend de comment l’auteur(e) met les choses en place et de comment il(elle) les nuance. On pourrait donner un même point de départ à deux auteurs et avoir deux histoires totalement différentes à la fin. Pour moi, c’est vraiment le talent de l’auteure qui fera qu’avec un même schéma narratif, nous aurons l’impression d’avoir deux histoires totalement différentes qui nous séduiront. Pour cela, l’auteur(e) doit accorder une attention toute particulière au contexte (historique par exemple dans mon cas), mais aussi au charisme de ses personnages, à leurs caractères, et évidemment l’imagination et la plume de l’auteure y  sont pour beaucoup aussi. Je pense que c’est un exercicequi est loin d’être simple, mais il y a des auteurs très talentueux qui y arrivent. D’ailleurs, c’est pour ça que je suis toujours amoureuse de la romance historique avec de charmants Écossais qui portent très bien le tartan.
Il faut savoir réinventer ce qu’on peut réinventer sans sortir des codes de la Romance. De plus, retrouver le même schéma narratif comme les kidnappings, les mariages arrangés, les guerres entre clans — pour parler de la romance historique — c’est quelque chose de rassurant. On sait que ce sont des éléments qui amènent de l’action et du danger dans une romance. En fait, c’est un peu mon romantic suspense historique. On sait qu’on va retrouver les éléments qu’on aime. C’est comme en pâtisserie, personnellement j’adore le chocolat et j’adore en mettre dans tout (ou presque) ce que je cuisine, et ce n’est pas pour ça que je pâtisse toujours la même chose. Il y a plein de recettes avec du chocolat. Je ne sais pas si ma comparaison est “claire”, mais je l’espère. En tout cas, faites-moi confiance, si vous n’avez pas encore lu des romances avec des highlanders, vous devez le faire et vous risquez d’adorer. »

Rencontres d’auteurs :

« Dissocier l’auteur de son oeuvre » est une problématique d’actualité que j’ai pour ma part beaucoup de mal à appliquer, ainsi, malgré les vives recommandations, les auteurs dont le comportement me paraît problématique disparaissent complètement de mon radar. Tant mieux,  ça laisse de la place à d’autres. Pour aller plus loin, certaines interventions d’auteurs sur les réseaux sociaux ou dans les interviews données me font exactement le même effet qu’une rencontre décevante. Par ailleurs, comme d’autres j’ai fait l’expérience de rencontres qui m’ont fait l’effet de douches froides. Notamment il y a quelques années au Salon du livre de Paris, où j’ai rencontré une auteure à l’occasion d’une séance de dédicaces. Sa manière expéditive de traiter les signatures m’a vaccinée contre ses publications depuis.

 

 

Les raisons invoquées jusqu’ici pour justifier les « rejets de lecture » des lectrices peuvent être liées au « fond ». Intéressons-nous désormais à celles qu’on peut associer à la « forme ». La première est l’omniprésence de certains titres dans le paysage éditorial.

 

TROP, C’EST TROP


Paroles de lectrices :

Avant toi
Jojo Moyes
Milady ? 22/03/2013
(Cité 3 fois)

« Je crois que j’en ai trop souvent entendu parler et puis j’ai vu l’adaptation cinématographique avant de tenter la lecture.»

Dear you, Vol. 1
Emily Blaine
Harlequin | 01/10/2014

« Sans l’avoir lu, j’ai l’impression de connaître l’histoire »

Cinquante nuances de Grey
E. L. James
JC Lattès ? 17/10/2012
Fifty shades, Vol. 1.
(Cité 6 fois)

« Le tapage autour de l’histoire me saoulait. »
« Roman commercial écrit pour les gens qui ne sont pas de grandes lectrices ou fan de romance, il y a des Aventures et Passions beaucoup mieux… »

After, Vol. 1
Anna Todd
Hugo Roman | 02/01/2015
(Cité 2 fois)

« On en a tellement entendu parler que je n’ai pas envie de me lancer dedans »

SANS EXEMPLES :
• « Entendre beaucoup parler d’un roman c’est parfois à double tranchant, comme on dit ça passe ou ça casse. »
• « Et pareil aussi quand on voit trop un livre partout, ça ne donne plus envie. »

 

→ 1. Cette présence peut s’expliquer par le succès commercial d’un titre, c’est le cas par exemple de « Cinquante nuances de Grey » d’E.L. James/« After » d’Anna Todd qui ont bénéficié d’un bouche-à-oreille retentissant à leur sortie par les lectrices, et des campagnes promotionnelles vastes et coûteuses par leurs éditeurs.

→ 2. L’omniprésence peut également s’expliquer par les méthodes de promotion d’éditeurs et d’agences de communication, qui tentent de reproduire ce
« bouche-à-oreille » naturel, grâce à une diffusion de masse d’un livre auprès de leurs partenaires : blogueurs, boostragrammeurs, booktubeurs et influenceurs. Depuis quelques années, l’affluence de ces chroniqueurs a entraîné chez les éditeurs des changements organisationnels. Désormais, certains disposent de panels de blogueurs recrutés après un appel à candidatures, et engagés pour la promotion de leur offre éditoriale de l’année.

Chaque éditeur à son fonctionnement. Deux tendances se dégagent, celle où le chroniqueur dispose du programme éditorial et fait le choix de ses prochaines lectures ; et celle où le « partenaire privilégié » reçoit tous les romans publiés dans l’année. En échange est attendu un avis de lecture dans un délai imparti (plus ou moins rapproché de la date de sortie) et éventuellement la diffusion de celui-ci sur certaines plateformes de vente, notamment Amazon.

Les trois premiers mois de la vie d’un livre sont déterminants pour son succès. En effet, la concurrence est rude sur les tables des librairies. Les trois mois correspondent, en moyenne, au délai de garde des ouvrages par les libraires prévus dans les conditions générales de vente avec les distributeurs. Pendant cette période, les libraires s’engagent à présenter les titres dans leur point de vente, avant de les retourner au distributeur conformément à leur « droit de retour ». Ainsi, ce n’est pas sans raison que les délais de publication d’avis de lecture sont proches de la date de publication des romans. Cela garantit à l’éditeur des vitrines au moment de la sortie.

L’avantage est sans conteste la visibilité donnée au roman. L’inconvénient, au-delà de l’effet « overdose », c’est le côté éphémère de cette démarche. En effet, les délais impartis par les éditeurs entraînent la multiplication de chroniques au même moment, et cela suscite très certainement de la curiosité chez les lecteurs. Toutefois le soufflé retombe rapidement et le roman disparaît au profit d’une nouvelle publication, qui elle-même sera chassée par une autre.

→ 3. Les auteurs et les blogueurs se sont réapproprié cette démarche de promotion massive, en y ajoutant de la coordination, un calendrier de promotion raisonné et surtout un contenu diversifié, qualitatif et plus riche. Il s’agit des « Blog Tour. » Cette méthode de promotion se distingue de la démarche des éditeurs par ce qu’elle fédère autour d’un livre et d’un auteur un groupe de blogueurs sélectionné avec soin par l’organisatrice, selon le titre mis en avant. Ce phénomène largement répandu dans les pays anglo-saxons a été importé en France par Aurélie (créatrice du blog The Lovely Teacher Addictions) :

« Depuis la création de mon blog, il y a bientôt six ans, j’ai eu la chance de travailler avec des sociétés de Relations Publiques qui sont spécialisées dans les blog tours à l’américaine. Ce concept m’a plu dès le début, car il permet aux auteurs indépendants tout comme aux auteurs publiés dans des maisons d’édition de promouvoir plus largement la sortie de leur livre. J’ai donc tenté de reprendre le concept à mon échelle et à la mesure des auteurs français. Cette démarche permet à certains auteurs, qui parfois voient leur sortie noyée dans la masse, d’avoir un peu plus de visibilité. En annonçant la veille le lancement d’un blog tour, nous donnons un coup de projecteur sur cette sortie et nous pouvons également donner envie à ceux qui suivent nos blogs de découvrir une plume, une histoire, un univers et un roman.

Un blog tour, qu’est-ce que c’est ? C’est la mise en place d’actions conjointes pour aider un auteur à promouvoir son livre au moment de sa sortie. Il peut
s’agir d’une cover reveal où on partage la couverture du roman le jour choisi sur nos blogs et RS. Il peut s’agir d’un extract reveal où on partage sur notre blog et/ ou nos RS un extrait (soit choisi par nous-mêmes, soit fourni par l’auteur). Il peut s’agir d’une citation, d’une interview et évidemment d’une chronique. Afin d’unir nos forces de manière organisée, je demande aux blogueuses les jours où elles ne publient pas sur leurs blogs afin que je puisse leur proposer un planning pour le blog tour. Enfin, nous annonçons le blog tour à venir ainsi que les blogs participants.

Le blog tour est riche et varié, car il va au-delà de la simple chronique. Nous pouvons en effet par le biais de citations ou d’extraits donner un aperçu de la thématique ou des personnages. Il est aussi possible d’interviewer l’auteur afin qu’il nous parle de son roman, de sa démarche d’écrivain, pour qu’on découvre la personne derrière le nom de plume par le biais de questions-réponses classiques, de portraits chinois, d’interviews décalées des personnages par exemple. Parfois aussi les blogueurs ont la primeur du cover reveal et révèlent la couverture ou le résumé d’un roman à venir. Toutes ces étapes et tout ce planning ont pour objectif de parler d’une sortie en particulier.

L’organisation d’un blog tour se fait en général avec les blogueuses qui sont soit partenaires de la maison d’édition (pour faciliter l’accès au service presse numérique) soit par le biais du réseau de blogueuses déjà organisé autour d’un auteur. Contrairement aux USA, où certains auteurs ont leur ARC Review Team (à savoir que les blogueuses partenaires de ces auteurs reçoivent parfois très en amont le roman en échange d’un avis honnête et constructif) en France, j’ai choisi de travailler avec des blogueuses que je connais et avec qui j’échange régulièrement. Cette relation de confiance s’installe donc sur la longueur et cela permet aux auteurs français de pouvoir compter sur une équipe de blogueuses qui ont à coeur d’aider les auteurs à se faire connaître. Parfois les ME ne peuvent pas mettre en lumière tous les titres qui sortent à la même période, et les blog tours sont donc une alternative intéressante à ne pas négliger. »

 

L’omniprésence de certains titres dans le paysage  éditorial est une force dans la mesure où elle leur donne de la visibilité. Toutefois, il s’agit aussi d’une
des raisons avancées par les lectrices pour justifier leur « rejet de lecture ». Ainsi, il est important que les acteurs de la promotion d’un livre trouvent un équilibre entre « susciter l’intérêt » et « rebuter les lecteurs ».

La seconde raison avancée se rapporte aux choix éditoriaux. Quand certains évitent d’office des éditeurs, d’autres sont chagrinés par les choix qui sont faits.

 

CHOIX ÉDITORIAL


Paroles de lectrices :

Midnight sun
Stephenie Meyer
Hachette romans | Sortie prévue le
05/08/2020
Twilight, Vol. 5.

« Trop de temps est passé et moi aussi je suis passé à autre chose, depuis il y a eu d’autres lectures et j’aurais peur de ne plus aimer autant »

SANS EXEMPLES :
• « Les livres de chez Addictives : trop de torses, trop de résumés identiques ! »
• « La couverture parfois trop de types bodybuildés c’est lassant ! Aimer la romance ce n’est pas forcément vouloir des tablettes de chocolat !! »
• « Le titre est prometteur, mais le résumé bof... »
• « La plupart des titres publiés chez Hugo Roman »

→ 1. Tout d’abord le calendrier éditorial, notamment quand il s’agit de publication d’une suite tant attendue qui arrive trop tard comme un cheveu sur la soupe. Par curiosité, j’ai demandé à certaines des Romantiques si elles en avaient déjà fait l’expérience, et voici leurs retours :

Fabiola : « Gena Showalter et sa série “Les seigneurs de l’ombre”. Jennifer Ashley et “Les MacKenzie”. Sherrilyn Kenyon et son monde paranormal, “Le cercle des immortels”. Sylvia Day et sa série “Crossfire” (enfin pas moi, mais des Romantiques et des lectrices), en plus je crois que le livre était nul lol »


Gwenaelle : « À force d’attendre la VF, j’en ai eu marre... J’ai donc lu en VO. En A&P j’ai longtemps attendu des livres de Madeline Hunter et Gaelen Foley, à force de les attendre j’ai lâché ces auteurs. »

 


Melann : « Ça me fait ça avec beaucoup de séries YA fantastique que je lis. Si le tome suivant n’est pas dispo dans l’heure, j’oublie et je n’y reviens jamais. Et souvent dans les séries d’Armentrout, j’abandonne en cours de route faute de VF dispo après ma dernière lecture, et après ça ne m’intéresse plus (surtout que je ne me rappelle plus de rien). Samantha Young aussi, avec sa série “Dublin Street”. Sinon je ne l’ai pas lue, mais ça a dû le faire pour certains avec les “Kate Daniels” d’Ilona Andrews. La suite en VF est sortie trois ou quatre ans plus tard. Kresley Cole aussi, plus envie de lire la suite alors que j’ai lu jusqu’au tome 14 je crois. »


Rinou : « Maya Banks et sa série suspense, KGI, elle s’est mise à faire en héros des personnages rencontrés trois pages dans un autre livre. »

 

→ 2. Ensuite, il y a les résumés interchangeables selon les lectrices.
Pour illustrer cela, nous avons choisi une intrigue, afin de répertorier tous les titres avec des scénarios proches : « Ils n’étaient pas destinés à se revoir, et finalement c’est son nouveau patron ». Et les exemples n’ont pas fini d’arriver :

Bossman de Vi Keeland
Hugo Roman - 12/10/2017

[…] Ils n’étaient pas destinés à se revoir, mais c’était sans compter sur un petit coup de pouce du destin... et de Reese, elle-même ! Et comme le hasard fait décidément bien les choses, Reese, à la recherche d’un emploi dans le marketing, découvre que Chase dirige une compagnie où elle aurait tout à fait sa place... à condition d’éviter toute relation amoureuse avec lui, même s’il lui plaît beaucoup.

Initiation with my boss
de Megan Harold
Editions addictives - 09/01/2020

Kirsten s’installe à New York, portée par son envie de profiter de la vie. Elle passe une nuit torride avec Joshua, son nouveau voisin avant de découvrir qu’il s’agit de son patron. Il se révèle froid, cassant et dominateur, mais il est déterminé à la posséder. La jeune femme tente de lui résister.

Scandale de L.J. Shen
Hugo Roman - 25/06/2020

Jude, qui a besoin d’argent pour financer les soins de son père malade, vole le portefeuille de Célian Laurent, un homme avec qui elle vient de passer la nuit. Pensant avoir rencontré un riche touriste français, elle s’imagine ne jamais le revoir à New York. Lorsqu’elle se présente sur son nouveau lieu de travail, un groupe de presse, elle découvre que Célian est son patron.

Bonus + Retrouvailles quelques années plus tard :

Toi + Moi de Emma Green
Editions addictives - 10/04/2014

[…] Mais le destin en a décidé autrement. Douze ans plus tard, quand Alma Lancaster décroche un poste chez King Productions, elle est déterminée à laisser le passé derrière elle. Pourtant, lorsqu’elle rencontre son PDG pour la première fois, le sublime Vadim King, elle reconnaît immédiatement Vadim Arcadi, le seul homme qu’elle a vraiment aimé...

Over the bars, Tome 1 de Lindsey T.
BMR - 10/05/2019

Coursière à vélo dans les rues de New York, Nell multiplie les missions afin d’économiser et de parvenir à obtenir la libération de son frère Luke, emprisonné depuis huit ans. Mais son passé douloureux ressurgit brutalement lorsqu’elle retrouve Macsen Sander James, troisième du nom, son ancien meilleur ami, qui est désormais son patron.

Eleanor & Grey Brittainy C. Cherry
Hugo Roman - 12/03/2020

[…] Lorsque 10 ans plus tard, Eleonor accepte ce boulot de nounou dans les beaux quartiers, comment aurait-elle pu imaginer qu’elle devrait s’occuper des enfants de Greyson, son amour de jeunesse ?

 

Mais encore : « Les mensonges du passé » d’Anne Mather, « Les petits secrets d’Emma » de Sophie Kinsella, « Le retour de Damiano » de Lynne Graham, « Un homme d’affaires trop séduisant » de Lynne Graham, « Sexy brothers, tome 3 : Piers » de Maya Banks, « La vengeance à tout prix » de Diana Hamilton, « Un homme très secret » d’Elizabeth Harbison, « No tears for you » de L.J. Shen... Et cette liste ne s’arrête jamais !

En romance, la plupart des intrigues sont largement éculées (certaines plus que d’autres). Les auteurs se doivent d’apporter de nouvelles choses dans leur traitement de l’intrigue, d’innover, d’être audacieux et d’éviter la surenchère des lieux communs avec des thèmes que nous avons l’habitude de croiser. Le rôle de l’éditeur quant à lui est de nous donner l’impression avec les résumés sur les quatrièmes de couverture, d’avoir entre les mains des histoires complètement inédites !

 

→ 3. Et enfin, il y a les choix esthétiques de la couverture, et notamment la surreprésentation de torses (musclés) qui est vivement critiquée. Au-delà de ce dossier, il s’agit d’une critique récurrente. Vu l’étendue de l’offre de romance avec ce type de couverture, je m’interroge : les éditeurs ont dû faire une étude marketing à un moment pour valider ce choix, il doit bien y avoir une cible ?!

La diplomatie nous empêche de poser des questions aux auteurs et aux éditeurs. Alors à vous la parole, dites-nous tout ! Sincèrement, quel est votre avis sur les couvertures sur lesquelles il y a des hommes au torse musclé ? Je dis peut-être une bêtise, mais ces hommes n’ont jamais de petit bidon, n’est-ce pas ?

Les exemples cités sont nombreux et d’une grande diversité. Sur l’ensemble des titres présentés, seuls quatre ont été cités plusieurs fois, et ce n’est pas sans raison qu’ils se retrouvent majoritairement dans la catégorie « Trop, c’est trop ».

Les 26 participants ont donné au moins un exemple, 17 en ont donné 2, 9 en ont donné 3, et 4 en ont donné plus de 3. Pour compléter leur réponse, nous leur avons demandé de « mesurer » ce rejet selon une échelle avec 4 indicateurs :
1. INSTINCTIF : Rejet viscéral (jamais de la vie)
2. CONSCIENT : Rejet catégorique (Jamais)
3. RAISONNÉ : Rejet indécis (Oui, mais non, enfin oui... NON !)
4. PERPLEXE : Rejet temporaire (pas maintenant, mais demain pourquoi pas)

Voici la mesure qu’ils ont appliquée à leur rejet :
Exemple 1 (par 26 personnes)
• INSTINCTIF : 5 soit 19,2 %
• CONSCIENT : 9 soit 34,6 %
• RAISONNÉ : 7 soit 26,9 %
• PERPLEXE : 5 soit 19,2 %

Exemple 2 (par 17 personnes)
• INSTINCTIF : 4 soit 23,5 %
• CONSCIENT : 8 soit 47,1 %
• RAISONNÉ : 4 soit 23,5 %
• PERPLEXE : 1 soit 5,9 %

Exemple 3 (par 9 personnes)
• INSTINCTIF : 4 soit 44,4 %
• CONSCIENT : 3 soit 33,3 %
• RAISONNÉ : 2 soit 22,2 %

Le rejet est majoritairement viscéral et catégorique dans les trois séries d’exemples proposés par les lectrices. Un constat définitif s’impose : il est difficile de revenir sur un rejet de lecture.

Cette partie du dossier nous a permis d’illustrer par des exemples concrets ce phénomène de « rejet de lecture », de l’argumenter de manière constructive avec la mise en avant des raisons qui peuvent provoquer ce rejet, et qui sont propres à chaque lectrice.

Par ailleurs, cela nous a permis également de dresser une liste des raisons qui peuvent influencer un « rejet de lecture » et cela nous a amené à interroger ces raisons grâce aux différents témoignages de lectrices qui nous ont apporté leurs points de vue.

Pour conclure notre petite enquête, nous avons demandé aux lectrices si les raisons invoquées sont un motif de rejet pour tous les livres qui en font l’objet, ou s’il s’agit d’un rejet ponctuel et propre à un seul livre. Le résultat, très serré, nous a beaucoup surprises :
• REJET général : Jamais, jamais : 12 personnes sur 26 (46,2 %)
• REJET ponctuel : Réflexion en cours (et lecture potentielle) : 14 personnes sur 26 (53,8 %)

La petite majorité nous permet d’en conclure que le phénomène de « rejet de lecture » n’est jamais un « boycott » opaque. Il s’agit d’un choix rationnel et réfléchi qui puise ses raisons dans nos expériences de lecture et notre capital émotif.

 

Bib


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