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Gail Russell - Scandaleuse

Ruby - 20/06/2020

(1924-1961)

Année du scandale : 1953.
Epoque : Présidence américaine de Dwight D. Eisenhower.
Objet du scandale : En octobre 1953 l’épouse de John Wayne demande le divorce, arguant qu’il a eu une liaison avec la toute jeune actrice Gail Russell, star naissante de la Paramount. Ils nieront, mais ce scandale accélèrera l’accoutumance à l’alcool de la jeune femme

 

Gail Russell est née à Chicago (Illinois) le 21 septembre 1924. Son père, George Harrison Russell, vend des voitures et sa mère, Gladys Barnet, est un temps tentée par une carrière dans le cinéma, mais renonce faute d’opportunité.

A l’âge de cinq ans, Gail montre un talent précoce pour le dessin. A sept ans elle commence à créer des bandes dessinées. A dix ans elle s’intéresse à la peinture à l’huile, encouragée par ses parents.

Les Russell profitent du week-end pour se lancer dans des concerts en famille : en effet, chacun sait jouer d’un instrument. Le père joue du violon (mais aussi du piano, de la clarinette et de la guitare), le frère de Gail (George, de cinq ans son aîné) de la guitare, et Gail de la batterie. Elle dira plus tard de son père qu’il lui disait lorsqu’elle était toute petite, qu’« elle était capable d’atteindre tous les objectifs qu’elle voulait, car elle était consciencieuse dans tout ce qu’elle faisait ». Elle ajoutait qu’à cette époque, étant enfant, elle ne l’avait pas cru car, à ses yeux, ces paroles paternelles étaient motivées par l’amour qu’il avait pour elle.

La jeune Gail est une adolescente sage, et après les cours elle reste chez elle pour dessiner ou peindre. Elle est d’une timidité maladive, à la maison comme à l’école : à l’âge de douze ans, elle peut se cacher sous le piano lorsque ses parents invitent des inconnus.

Elle dira plus tard que les séances de récitation à l’école étaient une torture, qui la rendaient souvent muette d’angoisse. La jeune fille est, par contre, fascinée par les comédies musicales d’Hollywood, et ne manque jamais une séance au cinéma du quartier lorsqu’un film avec son idole, Ginger Rogers, sort sur les écrans. Elle remplit des cahiers entiers de photos de l’actrice, accompagnées de coupures de presse.

Lorsque Gail a douze ans, la famille Russell quitte Chicago pour s’installer en Californie, à Santa Monica. Son père trouve un emploi dans l’aéronautique, chez Lockheed Aircraft, et son frère George part à l’armée.  Lors de son premier jour à la Van Nuys High School de Santa Monica, la jeune Gail répond présente en même temps qu’une autre élève lorsque le nom de « Russell » est prononcé pour l’appel à haute voix : cette autre élève est Jane Russell (la future star et pin-up d’Hollywood). Les deux jeunes filles deviennent très vites amies, même si Jane a trois ans de plus que Gail.

La beauté de Gail la distingue des autres filles, elle a une jolie chevelure brune et des yeux d’un bleu saphir, tant et si bien qu’elle était surnommée par les garçons de son école la « Hedy Lamarr de Santa Monica ». C’est par le bavardage fortuit de deux adolescents de l’école de Gail que Milton Lewis (à la tête de la recherche de nouveaux talents pour Hollywood) prend connaissance de l’existence de la jeune fille. Il laisse un message téléphonique à l’école de Gail (la Santa Monica Tech) demandant à la jeune fille de le rappeler en urgence dans le but de faire un bout d’essai pour le studio Paramount. Gail avouera qu’à l’époque, elle a cru à une plaisanterie de l’un de ses camarades de classe. Elle en parle tout de même à sa mère, qui croit illico au message et la traîne de force chez Paramount, même si elle est pleinement consciente de la timidité maladive de sa fille.

Milton Lewis confiera plus tard que, dès le premier regard, il a compris que la jeune fille possédait une sensibilité artistique développée, mais qu’il a douté qu’elle puisse résister à la vie agitée des jeunes actrices d’Hollywood : il a déjà perçu beaucoup de la fragilité de Gail dans le bout d’essai qu’elle tourne trois jours plus tard. C’est une scène du film « Love finds Andy Hardy », et ce sera un triomphe.

Le 17 juin 1942, à l’âge de dix-huit ans, Gail Russell signe un contrat de sept ans avec la Paramount pour un salaire de 50 $ la semaine. Le studio est avide de diriger rapidement cette jeune fille belle et talentueuse, et elle tourne son premier film en 1943 (« Henry Aldrich gets glamour ») : elle y joue le rôle d’une étudiante sexy qui vole le héros à sa petite-amie de province. Les films « Henry Aldrich » font partie d’une série qui sert de support pour mettre en avant les talents potentiels du studio (jeunes garçons et jeunes filles). La rivale de Paramount, la MGM (Metro Goldwin Mayer), a elle aussi sa série, les « Andy Hardy », dans le même genre et avec le même objectif. Gail Russell est tellement inexpérimentée et innocente qu’elle avouera dans une interview que sa toute première danse avec un garçon, elle l’a vécue dans ce film. C’est aussi à cette occasion qu’elle porte pour la première fois des chaussures à talons hauts. Elle avouera aussi avoir tourné ce film, crispée de peur sur sa chaise entre chaque scène.

A la sortie du film, les critiques cinématographiques sont enthousiastes quant à sa performance, et la production de la Paramount encourage bientôt la jeune fille à se montrer en compagnie de jeunes premiers. Elle prend aussi des cours de diction, pour que sa voix soit plus rauque et sexy.

En 1944, elle joue dans « Lady in the dark » et rencontre sur le tournage son idole de toujours, l’actrice Ginger Rogers. Couplé à sa timidité légendaire, le fait de se trouver avec son idole paralyse de peur la jeune actrice : il faut à l’équipe presque deux jours pour que Gail puisse sortir les deux lignes qu’elle doit prononcer, car dès que la caméra se tourne vers elle, elle se pétrifie.

Ginger Rogers a pitié de l’actrice débutante et la prend sous son aile : elle lui enseigne les pas pour danser le Charleston, et pour la divertir l’interroge sur ses goûts en matière de lecture, de musique, d’art, et Gail prend l’habitude de faire des dessins de Ginger, que cette dernière affiche sur son miroir dans sa loge. Consciente que la jeune fille a du potentiel, Ginger Rogers encourage le chef de la production de la Paramount à lui donner des rôles plus importants.

C’est ce qui va se passer dans le courant de l’année : Gail prend des cours accélérés d’accent britannique pour incarner l’héroïne de « The uninvited » (une histoire de fantômes qui hantent une maison). La publicité de la Paramount met une énorme pression sur la jeune actrice : « Gail Russell nous montre ses talents pour le drame ce qui lui assure une place au firmament des stars, elle possède en abondance la jeunesse, la beauté, le talent que la pellicule exige, et l’aura d’une actrice confirmée. » (Article du magazine « Variety »). Le résultat ne se fait pas attendre, Gail fait une dépression nerveuse à la fin du tournage. Elle est gérée par les médecins du studio et rien ne filtre dans la presse : on envoie Gail Russell se reposer en grand secret pendant trois semaines à Phoenix, en Arizona. Puis, au bout de ce laps de temps, la Paramount l’expédie à New York pour une série d’interviews, afin de promouvoir la sortie du film.

Le film suivant de Gail est une comédie, « Our hearts were young and gay », toujours en 1944. Il va la propulser jusqu’au statut de « Star », mais le problème c’est qu’elle est toujours pétrie de terreur avant chaque prise. Sur le conseil de quelqu’un (l’histoire n’a pas retenu son nom, mais on suppose qu’il s’agit d’un des acteurs du film), et pour calmer sa peur panique, elle prend un verre d’alcool sur le tournage de ce film, et peu à peu va acquérir cette terrible habitude pour combattre son trac. Elle n’a alors que vingt ans...

Le contrecoup immédiat est qu’elle ne sait plus ses textes, et le metteur en scène doit faire plusieurs prises avant de trouver la bonne. Le studio, vite conscient de la situation, interdit aux journalistes de se présenter sur le tournage du film, afin que le problème récurrent de Gail Russell ne soit pas rendu public.

En 1945, Gail a vingt-et-un ans, et elle rencontre celui qui sera le grand amour de sa vie, le très séduisant Guy Madison (âgé de vingt-trois ans) qui est lui aussi un jeune acteur. Il débute alors que Gail est déjà une star de la Paramount. Leur premier contact est assez froid, mais lorsqu’ils se rencontrent quelques semaines plus tard chez Henry Wilson, un homosexuel notoire et une connaissance commune, ils tombent amoureux l’un de l’autre.

Quelques semaines plus tard, en 1947, la jeune actrice est prêtée par la Paramount pour tourner chez United Artist, et tenir le rôle féminin principal face à John Wayne dans un western intitulé « The angel and the badman ». Puis elle joue dans un film d’espionnage avec Alan Ladd, « Calcutta », où elle a un rôle de garce séductrice. Gail retrouve John Wayne dans un film d’aventure, « Wake of the red witch », en 1948.

En février 1949, elle prend ses distances avec la Paramount et fait un voyage avec son amoureux, Guy Madison : ils partent en croisière à la Havane, à Cuba. Lorsqu’elle revient, la Paramount la prête à la Columbia pour un film où elle joue une princesse indienne « Song of India ».

Ce film va marquer le début d’une série de choix désastreux pour la jeune femme, qui voit sa côte dégringoler au box-office. Pour redorer le blason de la
jeune actrice, la Paramount s’empare de la publicité qui va entourer le mariage de Gail et Guy Madison : le 31 août 1949, le couple s’unit à Santa Barbara (après quatre ans de vie commune). Gail déclarera aux journalistes que « ce jour est le plus heureux de sa vie »… Curieusement, ni ses parents, ni son frère ne sont invités à la cérémonie. Le couple passe sa lune de miel dans le parc national de Yosemite, et Guy Madison apprend à sa femme à pêcher et à chasser. Elle se donne pour mission d’être une épouse parfaite. En ce qui concerne sa carrière, elle tente un bout d’essai pour devenir la co-star de Bing
Crosby et teint ses cheveux en roux, mais le studio préfèrera prendre l’actrice Rhonda Fleming, aux formes plus plantureuses.

1950 sonne la dernière année du contrat de Gail avec la Paramount : le studio lui fera tourner un film sur la mafia, « The lawless », elle y joue une journaliste mexicaine. Sur le plateau le metteur en scène, Joseph Losey, a pour ordre de ne pas la laisser s’isoler dans sa loge, et il racontera plus tard les difficultés qu’il a eues avec l’actrice : « Le studio m’avait ordonné de ne pas laisser Gail Russell toucher à une goutte d’alcool ; la première scène que je tournais avec elle était une scène avec un dialogue extrêmement long et qui devait se tourner de nuit : il y avait bien trois à quatre pages de dialogues à apprendre par coeur, or elle fut incapable de sortir une seule phrase. Au bout d’un moment, elle m’attrapa la main (ses mains étaient gelées) et elle était complètement rigide : elle me dit « écoutez, c’est la première fois qu’un metteur en scène me demande une scène aussi longue, je ne suis pas une actrice, je ne sais pas jouer, je ne suis pas capable de faire ce que vous me demandez ». A quoi Joseph Losey lui réplique qu’elle est une actrice, et elle répond : « Non, pas du tout, je ne me suis jamais fait d’illusion, je déteste ce métier, j’en ai peur, donnez-moi un verre et tout ira mieux pour moi, donnez-moi un verre bon sang ! ». Il lui donnera un verre de vodka et elle sera capable de tourner la scène.

Après ce film, Gail Russell refuse de jouer dans « Flaming feather » avec Sterling Hayden et la Paramount met fin à son contrat. Ses problèmes d’alcool sont maintenant connus de tous.

Le studio Universal lui trouve un rôle dans « Air cadet », mais il exige une coupe de cheveux courte qui déconcerte ses fans. De plus elle apparait sans éclat, et a perdu trop de poids. En fait son mari, Guy Madison, est retenu sur le tournage d’une mini-série « Wild Bill Hickock », et la jeune femme le voit de moins en moins. De plus le tournage a lieu sur une base aérienne dans l’Arizona, et le soir l’équipe est reconduite dans un motel loué par la production où Gail Russell, seule dans sa chambre, noie sa dépression et sa solitude dans l’alcool. Au petit matin, le chauffeur qui vient la récupérer pour la conduire sur le lieu du tournage la retrouve souvent ivre morte.

A la fin du tournage, et de retour en Californie, Gail retrouve son époux. Mais ce dernier a du mal à assimiler le nouvel état et les sautes d’humeur de la jeune femme, que l’alcoolisme rend morose et dépressive. Ils décident de se séparer d’un commun accord à l’été 1953, sans parler de divorce pour le moment.

En octobre 1953, la deuxième épouse de l’acteur John Wayne (Esperanza Baur) entame une procédure de divorce en accusant l’acteur d’adultère avec Gail Russell. La presse s’empare du scandale et les articles sur la supposée liaison de Gail sont le déclencheur de la première crise de la jeune femme : elle entre en traitement psychothérapeutique à Seattle pendant un mois.

De plus, autrefois protégée par le service publicité de la Paramount, elle doit maintenant affronter la presse qui fait des gorges chaudes de ses problèmes d’alcoolisme et de sa supposée liaison avec John Wayne (dont l’idéal féminin était les femmes brunes aux yeux bleus).

En novembre 1953, quelques jours après sa sortie de clinique, la police arrête Gail Russell pour conduite en état d’ivresse : c’est Guy qui vient payer sa caution pour la faire sortir du poste de police. Mais la jeune femme continue à boire, et il obtient le divorce en octobre 1954. Il déclare à la presse : « Notre divorce me fait mal au coeur, j’apprécie Gail, avec elle j’ai eu la chance de connaître une vraie relation, je pense que nous pouvons nous retrouver si
l’occasion nous en est donnée ». En fait, Guy Madison se remarie l’année suivante, et il aura deux fillettes avec sa nouvelle épouse, Sheilah Connolly.

C’est John Wayne qui vient au secours de Gail, il lui offre le rôle féminin dans « Seven men from now » en 1956, un film de la Warner. Puis Bing Crosby lui donne la vedette dans son film « The tattered dress » en 1957.

La même année, Gail forme une solide amitié avec la chanteuse Dorothy Shay : cette dernière l’accompagne pour faire son shopping, ou rencontrer d’autres acteurs, notamment Rock Hudson, lui aussi en baisse de notoriété. Malheureusement, pendant l’été 1957 elle a un nouvel accident d’automobile alors qu’elle est ivre : le juge ordonne trente jours d’emprisonnement. A sa sortie Gail, qui n’a toujours pas vaincu ses problèmes avec l’alcool, décide de se consacrer à sa peinture.

En 1960 c’est la télévision qui lui permet de tourner dans une série intitulée « Manhunt », qui est un succès, et Gail fait son possible pour retenir ses lignes de texte, et lever le pied sur les verres de vodka. Mais lorsque la série s’arrête, et que les propositions de rôles disparaissent, Gail Russell s’enferme dans son appartement de Brentwood (situé au 1436 South Bentley Avenue) et se remet à boire. Elle alterne les périodes d’abstinence, et les périodes où elle boit sans retenue : elle est même hospitalisée pour des problèmes au foie (hépatite).

Le 27 août 1961, on la retrouve morte dans son salon : elle est vêtue d’un bas de pyjama et d’une blouse fleurie. Le sol est parsemé de bouteilles de vodka vides. Un voisin l’avait aperçue quatre jours plus tôt, quand elle était venue tambouriner à sa porte pour lui réclamer un verre d’alcool.

D’autres voisins s’étaient inquiétés de son silence, quand ils s’étaient aperçu que l’électricité était restée allumée dans son appartement pendant trois jours. La police déclarera que l’actrice est probablement morte entre le 24 et le 26 août. La seule visite régulière qu’elle avait encore était celle de son parrain aux Alcooliques Anonymes.

Lors de sa dernière interview elle avait dit : « Tout est allé trop vite dans ma vie, j’ai toujours été quelqu’un de triste, j’étais triste au plus profond de moi-même. Je n’ai jamais eu confiance en moi, je n’ai jamais cru que j’avais du talent, je ne savais pas non plus comment m’amuser et profiter de la vie. J’avais peur, je ne sais pas de quoi j’avais peur, peur de la vie elle-même, je pense… »

Le médecin légiste déclarera que l’actrice est morte d’un arrêt cardiaque dû à une surdose d’alcool : il dira aussi que l’actrice (qui vivait seule) était dans un état de malnutrition. Elle est enterrée au Walhalla Memorial Park dans le nord d’Hollywood. Elle avait trente-six ans. Ses tableaux sont gardés par son frère George, qui les vendra au bénéfice des victimes féminines de l’alcoolisme.

Pour l’anecdote, un an plus tard une autre actrice célèbre d’Hollywood mourait dans des circonstances mystérieuses le 4 août 1962, toujours dans la ville de Brentwood, (mais au 12305 Fifth Helena Drive) : cette actrice était Marilyn Monroe. Elle avait le même âge que Gail Russell : trente-six ans.

 

Lafouine77

Sources :
« Fallen angels » de Kirk Crivello
Wikipédia


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