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Harriet Tubman - Héroïne historique

Fabiola - 15/05/2020

Araminta « Minty » Ross est née de parents esclaves, Harriet « Rit » Green et Benjamin « Ben » Ross. Sa date de naissance exacte n’est pas connue, les historiens estiment qu’elle a vu le jour entre 1819 et 1822.

La mère de Rit, Modesty, était arrivée d’Afrique dans un bateau négrier, probablement en provenance du Ghana ou de Côte d’Ivoire ; son père était un homme blanc dont l’identité est inconnue. Atthow Pattison, propriétaire de Modesty puis de Rit, stipula dans son testament que Rit et ses enfants devaient être affranchis lorsqu’ils arriveraient à l’âge de quarante-cinq ans. Ben quant à lui appartenait à Anthony Thompson, et il supervisait le travail du bois sur une plantation voisine dans le Maryland. Thompson épousa Mary, la fille de Pattison, veuve d’un certain Joseph Brodess, réunissant ainsi les deux maisonnées. A la mort de Mary son fils Edward, huit ans, hérita de ses biens.

Rit et Ben se marièrent vers 1808 et eurent neuf enfants ensemble : Linah, Mariah Ritty, Soph, Robert, Minty, Ben, Rachel, Henry et Moïse. Lorsqu’Edward Brodess se maria en 1824, il s’installa dans la plantation de son père, emmenant avec lui les esclaves dont il avait hérité, et séparant Rit et ses enfants de Ben. Les trois filles aînées furent vendues et ils ne les revirent jamais, mais Ben et Rit se retrouvèrent régulièrement, ce qui mena à la naissance des plus jeunes des enfants.

Vers cinq ans, Minty fut louée à une femme chez qui elle devait veiller sur un bébé pendant son sommeil. Elle était fouettée à chaque fois qu’il pleurait. Elle raconta plus tard avoir passé des nuits debout à le bercer, parfois sans succès. Malgré les couches de vêtements qu’elle portait pour essayer de se protéger, elle fut sévèrement blessée et garda des cicatrices de ces mauvais traitements quotidiens. Elle fut finalement renvoyée chez elle, faible et mal nourrie. Sa mère la soigna et la remit sur pied, et elle fut ensuite louée tour à tour à d’autres maisons.

A l’adolescence, alors qu’elle faisait des achats pour son propriétaire du moment, elle fut frappée à la tête par un poids de deux kilos envoyé par un contremaître en direction d’un esclave en fuite. Elle fut renvoyée chez elle inconsciente et la tête en sang, et à son réveil elle fut remise au travail sans avoir été soignée. Finalement l’homme qui la louait décida qu’elle ne valait rien car elle travaillait plus lentement depuis sa blessure, et la renvoya à Brodess qui essaya en vain de la vendre. Elle avait commencé à souffrir de convulsions, de migraines et d’absences. Elle se mit aussi à avoir des visions et des rêves, qu'elle interprétait comme des signes divins, ce qui la guida tout sa vie. En conséquence elle se tourna encore plus vers la foi chrétienne.

Vers 1842 Minty retrouva son père lorsqu’elle et ses frères furent loués à un propriétaire proche de l’endroit où vivait Ben. Elle travailla dur pour gagner plus d’argent que ce qui était dû à Brodess, le mettant de côté. C’est grâce à son père qu’elle découvrit les réseaux secrets de communication des hommes de couleur. En 1844 elle rencontra John Tubman, un afro-américain libre qu’elle épousa. Néanmoins à cette époque le mariage entre esclave et personne libre n’était pas juridiquement valable, et il restait soumis au statut de l’épouse : si elle était esclave, ses enfants l’étaient également. Minty et John n’eurent pas d’enfant.

En 1849 Edward Brodess avait des difficultés financières, et Minty apprit qu’il comptait la vendre, ainsi que ses frères. Selon sa première biographie publiée en 1869, elle se mit à prier pour qu’il change d’avis, puis devant le manque d’effets de ses prières elle demanda à Dieu qu’il tue cet homme et le retire de sa vie. Edward Brodess mourut une semaine plus tard et Minty en conçut du remords. Néanmoins elle savait que la vente pouvait toujours avoir lieu et décida d’essayer de s’échapper. Elle avait économisé de l’argent, et connaissait des gens impliqués dans le chemin de fer clandestin.

 

Le chemin de fer clandestin

C’était un réseau secret et complexe qui aidait les esclaves à fuir des Etats esclavagistes du sud (en gris sur la carte) vers les États libres du Nord (en bleu) ou même en Amérique du Nord britannique (Canada actuel), où une disposition de la loi de 1793 visant à restreindre l’esclavage stipulait que tout esclave qui atteint le Haut-Canada devenait libre dès son arrivée.

Un vocabulaire et des symboles ferroviaires étaient utilisés pour masquer les activités clandestines du réseau. Des « agents de billetterie », souvent des sympathisants dont le métier les faisait voyager, planifiaient les voyages et aidaient les personnes en quête de liberté à entrer en contact avec ceux qui pouvaient les aider en cours de route. Les fugitifs voyageaient par divers moyens - cheval, calèche, train ou bateau, mais le plus souvent à pied, de nuit et en se guidant grâce à l’étoile polaire.

Le chemin de fer clandestin resta en service jusqu’à l’interdiction de l’esclavage en 1865. Entre 30 000 à 40 000 fugitifs trouvèrent refuge au Canada.

 

Minty convainquit ses frères Harry et Ben de s’échapper avec elle, et ils s’enfuirent tous les trois le 17 septembre 1849. Elle était à ce moment-là louée à un médecin, propriétaire d’une plantation plus à l’est, et Eliza Brodess, la veuve d’Edward, n’apprit sa disparition qu’après trois semaines. Elle fit paraître début octobre un avis de recherche dans le journal, offrant une forte récompense pour leur retour. Finalement les frères changèrent d’avis et décidèrent de revenir à la plantation. Minty, qui avait contacté John Tubman pour lui proposer de fuir vers le nord avec elle mais essuyé un refus, continua sa route seule, déterminée à gagner sa liberté et revenir chercher sa famille. Elle voyagea essentiellement de nuit pour ne pas être vue par les chasseurs d’esclaves, et après environ 150 km effectués à pied et dans la peur, elle découvrit qu’elle avait franchi la fameuse ligne Mason-Dixon séparant les états esclavagistes des états du nord. Selon la même biographie, elle raconta plus tard « Quand j’ai découvert que j’avais franchi cette ligne, j’ai regardé mes mains pour voir si j’étais la même personne. Il y avait une telle splendeur partout, le soleil traversait les arbres comme de l’or, et j’avais l’impression d’être au Paradis » en ajoutant que le fait que sa famille soit toujours dans le Maryland avait tempéré sa joie d’être libre.

Minty décida de prendre le prénom de sa mère, Harriet, et le nom de famille de son époux, afin de se cacher derrière une nouvelle identité. Harriet Tubman était née. Elle s’installa à Philadelphie où elle trouva du travail comme femme de ménage, mais après quelque temps elle fut informée que sa nièce Kessiah et ses enfants allaient être vendus. Elle redescendit vers Baltimore où elle se cacha chez le mari de Kessiah, qui était un homme libre. Elle fut rejointe par sa nièce et les enfants qui avaient fui grâce à des afro-américains libres, et les guida jusqu’à Philadelphie. James, un des enfants de Kessiah, devint après la Guerre de Sécession enseignant pour les hommes libérés en Caroline du sud.

En 1850 le Congrès américain, sous la pression des Etats du sud, vota le Fugitive Slave Act, obligeant les officiels à arrêter toute personne suspectée d’être un esclave en fuite et condamnant ceux qui aidaient un fugitif à six mois d’emprisonnement et jusqu’à 1 000 dollars d’amende. Cette loi rendit l’action du chemin de fer clandestin plus difficile et obligea les anciens esclaves à fuir vers le Canada.

Harriet fit de nombreux allers-retours entre le Maryland et le nord, essentiellement pour sauver ses frères et sœurs ainsi que leurs familles. Sa réputation de libératrice se répandit, et elle devint amie avec des abolitionnistes qui la surnommaient Moïse ou Général Tubman, et récoltaient des fonds pour l’aider. Elle avait un réseau sûr de cachettes, variait les moyens de transport et utilisait divers déguisements. En une dizaine d’années dans le chemin de fer clandestin, Harriet estimait qu’elle avait fait treize expéditions et libéré environ soixante-dix esclaves, mais dans sa biographie de 1869 l’auteur montait ces chiffres à dix-neuf expéditions et trois cents personnes libérées. D’après les témoignages recueillis plus tard, elle fournit suffisamment d’instructions pour qu’une cinquantaine d’autres esclaves fuient vers la liberté. Son grand regret fut de ne pas réussir à sauver sa sœur Rachel, qui mourut quelques jours avant son arrivée. Pendant toute cette période elle prit aussi la parole à des meetings anti-esclavagisme.

Une de ses dernières expéditions fut destinée à sauver ses parents. Ben était affranchi depuis une dizaine d’années mais Eliza Brodess, comme son défunt époux de son vivant, avait refusé d’affranchir Rit alors qu’elle avait dépassé les quarante-cinq ans stipulés dans le testament de l’arrière-grand-père Pattison. Ben avait finalement acheté Rit en 1855. Mais en 1857 les autorités le soupçonnaient d’avoir caché des fugitifs, et Harriet se précipita pour les évacuer. Faire fuir des personnes prématurément vieillies par le labeur, et qui avaient du mal à marcher sur de longues distances, s’avéra un défi, mais Harriet réussit à les transporter dans une voiture jusqu’au Canada, où d’autres membres de la famille s’étaient installés. Cependant le climat était trop rude pour Rit, et sous une nouvelle identité Ben et elle redescendirent s’installer à Auburn, dans l’état de New-York, sur un terrain acheté par leur fille au sénateur William Seaward, membre du chemin de fer clandestin.

Lorsque la Guerre de Sécession débuta en 1861, Harriet Tubman se porta volontaire auprès des troupes du général Benjamin Butler stationnées à Fort Monroe en Virginie. Elle assistait les fugitifs qui affluaient, et travailla comme infirmière, cuisinière et blanchisseuse. En 1862 elle partit pour Port-Royal en Caroline du sud, afin de travailler à l’hôpital des personnes libérées. Ses connaissances en matière d’herbes médicinales y furent grandement utilisées.

En 1863 Abraham Lincoln signa la Proclamation d’émancipation qui déclarait que tout esclave résidant sur le territoire de la Confédération sudiste était libre. Les hommes pouvaient s’engager dans l’armée nordiste. Harriet prit part à un réseau d’éclaireurs espions, et en juin elle guida cent cinquante soldats afro-américains dans une série de raids contre des plantations situées le long de la rivière Combahee. Sa participation fut mise en lumière par un article dans un journal de Boston en juillet suivant.

A la fin de la guerre, Harriet s’installa avec ses parents, bientôt rejointe par ses frères et leurs familles. Ses parents devaient mourir en 1871 pour Ben et 1880 pour Rit. Harriet était connue pour toujours offrir son soutien à ceux qui en avaient besoin, et pendant de nombreuses années des esclaves libérés venaient trouver un refuge temporaire chez elle. En 1867 elle apprit que son mari John, qui s’était remarié quelques années auparavant, venait de mourir. Deux ans plus tard Nelson Davis, ancien esclave de Caroline du nord et soldat pendant la guerre, vint s’abriter chez elle. Ils se marièrent en mars de la même année, et même si Nelson souffrait de tuberculose, laissant Harriet en charge des besoins du foyer, leur mariage dura jusqu’au décès de celui-ci en 1888. Ils adoptèrent même une petite fille nommée Gertie.

Sa première biographie fut écrite par Sarah Bradford dans le but de lui fournir une aide financière, puisqu’elle ne recevait pas de pension du gouvernement. En effet Harriet avait fait une demande de compensation pour ses services pendant la guerre, mais la bureaucratie mit plus de trente ans avant de lui accorder une pension. La biographie contenait des lettres et témoignages d’abolitionnistes connus et d’officiels du gouvernement. Scenes in the life of Harriet Tubman fut publié en 1869, suivi en 1886 par Harriet, the Moses of her people. Après la mort de son mari, Harriet reçut une pension de veuve de vétéran, ainsi qu’une pension d’infirmière de guerre.

Certaines des amies d’Harriet de l’époque du chemin de fer clandestin étaient des leaders du mouvement pour le droit des femmes, lancé avant la guerre mais qui prit plus d’ampleur après la fin du conflit. Harriet croyait en l’égalité, quels que soient la couleur de peau ou le sexe, et elle se lança avec elles dans le mouvement, assistant à des réunions et faisant même des discours sur sa propre expérience. Bien sûr elle s’intéressait particulièrement aux droits des femmes afro-américaines, et fut ainsi invitée à parler lors de la première réunion de l’Association Nationale des Femmes de Couleur en 1896.

La même année elle acheta une parcelle de terrain près de sa maison, grâce à de l’argent collecté par l’Eglise Africaine Méthodiste Episcopale Zion et avec l’appui d’une banque locale. Elle voulait créer une maison pour les personnes âgées de couleur, qui étaient trop vieilles pour trouver du travail et n’avaient accès qu’à peu de services sociaux. En 1903, incapable de payer les impôts de la propriété, elle en fit don à l’Eglise Africaine Méthodiste Episcopale Zion à condition qu’elle reste un foyer pour les personnes âgées. La maison Harriet Tubman fut inaugurée en 1908, et Harriet y vécu de 1911 à son décès d’une pneumonie en 1913.

De nombreux musées, monuments et plaques commémoratives lui rendent hommage, de nombreuses écoles, rues, ou associations portent son nom. La série télé A woman called Moses, diffusée en 1978, et le film Harriet, sorti en 2019, retracent en partie sa vie.

Harriet Tubman a été ajoutée au National Women's Hall of Fame en 1973.

 

Rinou

 

Sources

http://www.harriet-tubman.org/

http://www.harriettubmanbiography.com

https://www.thecanadianencyclopedia.ca/fr/article/chemin-de-fer-clandestin

 


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