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Françoise de Montmorency Fosseux - Scandaleuse

Ruby - 28/04/2020

Dame de Broc (1566-1641)

Année du scandale : 1581.
Epoque : Règne du roi Henri III.
Objet du scandale : Agée de seulement quinze ans, elle donne naissance à une fille dont le père est le roi de Navarre (futur Henri IV), cet enfant prouvera à Henri qu’il n’est pas stérile. Elle sera chassée de la cour par la reine-mère Catherine de Médicis.

Françoise de Montmorency Fosseux est née vers 1566 du mariage de Pierre de Montmorency Fosseux, marquis de Thury (1535-1578) et de son épouse Jacqueline d’Avaugour, dame de Courtalain (1535-1599). Le couple aura douze enfants, et Françoise est l’avant-dernière des filles.

Son père a été Grand Panetier du roi Henri II, et le fils de ce dernier, Henri III, a érigé la terre de Fosseux en baronnie en 1577. Françoise n’est pas née dans une famille très fortunée, mais qui tient son rang à la cour de France. Elle perd son père à l’âge de douze ans.

Lorsqu’elle a treize ans (en 1579), sa mère la confie à la reine Catherine de Médicis qui la laisse aux bons soins de la reine Marguerite de Valois, sa propre fille (plus connue sous le nom de Margot) qui a épousé en 1572 Henri de Bourbon (futur Henri IV), roi de Navarre.

Marguerite de Valois (qui est donc reine de Navarre) s’attache très vite à la jeune fille, d’autant que celle-ci sait jouer du luth et possède une très belle voix. De plus elle a un physique agréable : de beaux yeux noirs et une abondante chevelure brune.

Au moment où elle devient fille d’honneur de la reine Margot, Françoise de Montmorency Fosseux ne sait pas encore que cette dernière a enfin obtenu l’autorisation de son frère, Henri III, pour partir rejoindre en Navarre son époux. En effet ce dernier, craignant pour sa vie, a quitté Paris depuis 1576 pour se réfugier à Pau, sa ville natale. Il s’est de nouveau converti à la Réforme : il avait en effet abjuré son protestantisme au lendemain de la Saint Barthélémy pour sauver sa vie, mais s’était montré un catholique très tiède. A la première opportunité, il a fui Paris où il était plus ou moins sous surveillance et est reparti vers le Sud-Ouest.

Depuis il réclame son épouse depuis son domaine de Navarre. Cette dernière, qui ne lui a pas donné d’héritier, se prépare donc à faire le voyage jusqu’à Pau en compagnie de sa mère, Catherine de Medicis, et du chancelier Guy du Faur de Pibrac. C’est en voyage officiel que la reine Margot part de Paris en emmenant ses filles d’honneur, dont fait partie la toute jeune Françoise de Montmorency.

Le voyage est l’occasion de fêtes somptueuses dans les villes traversées. La rencontre entre les deux époux a lieu à Nérac, capitale de l’Albret. La reine Margot convainc son mari d’y résider car elle pourra y pratiquer le culte catholique, contrairement à la ville de Pau, capitale du royaume, où il est interdit. Le roi Henri accepte de bonne grâce de résider à Nérac et, rassurée sur l’entente cordiale des deux époux, la reine-mère Catherine de Médicis reprend en sens inverse le chemin de Paris.

A Nérac la reine Margot, qui a vingt-six ans, instaure très vite une cour raffinée où les beaux esprits se réunissent. Agrippa d’Aubigné, compagnon du roi Henri de Navarre, dira qu’elle avait installé une véritable académie littéraire : en effet Montaigne fréquentait les lieux, de même que le poète Saluste du Bartas.

Bientôt la cour résonne de murmures galants entre les gentilhommes du roi de Navarre et les dames de la suite de la reine Margot. Agrippa souligne que « l’aise y amena les vices comme la chaleur les serpents ». Très vite, la reine ne se montre pas insensible au charme d’un compagnon de son mari, Henri de la Tour d’Auvergne vicomte de Turenne, quant au roi il est lui-même en mode galanterie auprès des dames d’honneur de la maison de sa femme.

Les époux se croisent à Nérac, mais ne passent pas beaucoup de temps ensemble. Pour maintenir le contact avec Henri, la reine Margot se sert de deux de ses filles d’honneur : la jeune Marguerite de Rebours (âgée de vingt-deux ans) et Françoise de Montmorency Fosseux (âgée de treize ans) qui jouent les agents de liaison. Elles sont porteuses de petits messages où Margot entretient Henri des nouvelles de Paris, et notamment des ragots de la cour de son frère Henri III.

Henri de Navarre, qui a le même âge que Margot, tombe rapidement amoureux de Mademoiselle de Rebours qui devient sa maîtresse. Plusieurs dames de la cour de la reine entretiennent des liaisons avec les austères capitaines huguenots de la suite du roi. Le futur Sully (qui a à peine vingt ans) se félicite d’appartenir à cette cour de Nérac : « la cour y fut un temps douce et plaisante, car on n’y parlait que d’amour et des plaisirs et passe-temps qui en dépendent ».

La jeune Françoise de Montmorency Fosseux grandit au milieu de cette cour où les mots d’amour fleurissent. On l’appelle bientôt « la petite Fosseuse » car elle garde un air de fraîcheur et de naïveté parmi l’entourage de la reine Margot. Elle se rend rapidement compte que le roi de Navarre a fait de Mademoiselle de Rebours sa maîtresse.

Cette dernière ne s’en cache pas et tout le monde comprend qu’Henri est amoureux d’une des filles d’honneur de Margot lors d’un déplacement à Pau, en 1580. Mademoiselle de Rebours s’attire la colère de la reine, non pas parce que cette dernière est jalouse, mais parce que le roi insiste pour que la cour reste plus longtemps à Pau, que la reine Margot n’aime pas.

D’autant qu’elle est elle-même tombée amoureuse d’un officier de son frère cadet, François d’Anjou, un dénommé Champvallon qui par malchance est resté à Nérac. Il faut donc que la cour reparte rapidement là où se trouve l’objet de la flamme de Margot, qui s’est vite lassée de Turenne, plus propre à manier le mousquet que les mots d’amour. Et c’est là que la reine va influencer la jeune Fosseuse : elle n’a pas été sans remarquer les regards que le roi de Navarre coule à la toute jeune Françoise lorsque celle-ci joue du luth lors des soirées à Pau. Margot va inciter la jeune fille à demander au roi de retourner à Nérac, car elle n’aime pas non plus la ville de Pau et se languit de retrouver le joli château de Nérac, sa cour enchanteresse, et son cadre délicat.

Touché, Henri consent à écouter la jeune fille, qui continue d’ailleurs à être un agent de liaison entre lui et son épouse, et délaissant un temps Mademoiselle de Rebours, redevenu galant, il se rapproche de la jolie Françoise.

C’est ainsi qu’à l’automne 1580 toute la cour de Navarre revient à Nérac. Si Margot retrouve avec délice son amant, Jacques de Harlay seigneur de Champvallon, la jeune Fosseuse se voit l’objet d’une séduction en règle de la part d’Henri. Il commence à se l’attacher en lui faisant porter des douceurs : les comptes du roi retiennent qu’il lui offre « une livre trois quarts de massepains et quatre onces de sirop, 2 écus et 3 livres ». Françoise est encore une enfant, et elle adore les sucreries. Peu à peu le charme opère et bientôt la jeune fille ne lui résiste plus. Après Mademoiselle de Rebours, la cour de Navarre observe avec un brin de stupeur le roi qui tombe amoureux d’une jeunette de quatorze printemps.

Les pamphlets de l’époque en font des gorges chaudes :
Il y a bien de la besogne
A regarder ce petit roi
Comme il a mis en désarroi
Toutes les filles de sa femme

Au début de l’année 1581 la jeune Fosseuse déclara au roi qu’elle est enceinte, mais refuse que sa faute soit annoncée en public. Elle est cependant en plein désarroi. Henri, conscient du scandale que cela pourrait provoquer, annonce un beau jour à la reine Margot qu’il va suivre à Aigues Chaudes une cure que son médecin lui a prescrite pour soigner ses maux d’estomac, et qu’il souhaite y emmener Fosseuse. La reine Margot, toute à ses amours avec Champvallon, ne voit aucune objection à ce que son mari s’éloigne d’elle, et ne fait aucun commentaire concernant la jeune fille. Elle en est toujours aux anciennes amours du roi avec Mademoiselle de Rebours.

C’est ainsi qu’Henri de Navarre se rend avec sa jeune maîtresse dans la vallée d’Ossan, du 7 au 25 juin 1581, dans le secret espoir que les eaux permettront à celle-ci de mettre fin à sa grossesse. Evidemment il n’en est rien, et au bout de quelques semaines il revient à Nérac avec la jeune Fosseuse, enceinte maintenant de six mois.

Il sait que Margot n’est pas amoureuse de lui, et il est persuadé que sa femme se montrera indulgente vis-àvis de sa fille d’honneur. Fosseuse, quant à elle, en est beaucoup moins persuadée. D’autant qu’il s’agit du premier enfant (certes illégitime) du roi Henri, qui n’en a jamais eu de la reine. Il n’en est pas peu fier, et est maintenant persuadé que la stérilité de son mariage ne vient pas de lui, mais de Marguerite. Et celle-ci risque d’en prendre ombrage.

La jeune Fosseuse nie l’évidence face à la reine, alors même que de son côté le roi de Navarre met sa femme au courant de la grossesse de sa fille d’honneur. Margot, afin d’éviter le scandale, propose à Françoise de Montmorency de la conduire jusqu’à la fin de sa grossesse dans une maison du Mas d’Agenais, mais la jeune fille refuse. Elle ne souhaite pas s’éloigner de la cour, et surtout du roi. Ce dernier se laisse attendrir et la Fosseuse reste à Nérac, par contre la reine ne veut plus voir la jeune fille dans son entourage. Henri l’apprend et fait une scène terrible à sa femme : les deux époux se brouillent.

Lorsque les douleurs de l’enfantement commencent le roi, désemparé, s’en vient trouver la reine Margot et lui tient ce discours (rapporté par un anonyme) : « Ma mie je vous ai cité une chose qu’il faut que je vous avoue, je vous prie de m’excuser et de ne vous souvenir que ce que je vous ai dit pour ce sujet. Mais obligez-moi à cette heure de vous lever et d’aller secourir Fosseuse qui est fort malade. Je m’assure que vous ne voudrez pas, la sachant en cet état, vous savez combien je l’aime ! »
Ce à quoi la Reine répond tranquillement :
« J’y vais et je ferai comme si c’était ma fille. Quant à vous, allez à la chasse et amenez tout le monde, afin qu’il n’en soit point oui parler. »
Et dans ses mémoires, la reine Margot conclut :
« Je la fis très bien secourir. »

L’accouchement est long et douloureux, et la jeune Fosseuse met au monde une fille morte née. Le roi de Navarre est inconsolable mais reste auprès de sa jeune maîtresse. A la fin de l’année 1581, elle est de nouveau son amante.

La reine Margot prévoit en ce début d’année 1582 de retourner avec sa cour à Paris, car le beau Champvallon est reparti auprès du duc d’Anjou, dont il est officier d’ordonnance. La séparation est insupportable pour elle, de plus elle est persuadée qu’en ramenant la jeune Fosseuse à Paris la distance séparera son époux de cette demoiselle d’honneur dont il a de plus en plus de mal à se détacher. Elle pressent que la passion de son mari pour cette jeune fille en a fait une rivale qui pourrait s’avérer redoutable.

C’est ainsi qu’en février 1582 toute la maison de la reine de Navarre (filles d’honneur comprises) prend le long chemin jusqu’à Paris. Dans ses mémoires la reine Margot indique que ce voyage : « était une diversion pour l’amour de Fosseuse, que le Roi, ne la voyant plus, s’embarquera avec quelqu’un d’autre qui ne serait pas si ennemie. J’ai eu assez de peine à le faire consentir à ce voyage pour qu’il s’éloigne de Fosseuse ».

En effet elle craint l’influence de la jeune fille auprès du roi, qui sait maintenant qu’il peut être père. Ce dernier accompagne son épouse jusqu’à Montreuil et, le 1er avril 1582, embrasse sa femme et sa maîtresse. La jeune Fosseuse est loin de se douter que ce voyage et son arrivée au Louvre marqueront la fin de son idylle avec Henri de Navarre.

Car au Louvre c’est Catherine de Médicis qui règne en maîtresse, et elle est au courant des amours de son gendre avec la jeune Fosseuse. Convoquée devant la reinemère, la jeune fille (âgée de seize ans) est vertement tancée pour sa conduite scandaleuse et renvoyée sur le champ de la cour. Elle a le temps d’écrire une lettre au roi de Navarre pour lui expliquer sa situation, puis quitte Paris pour se rendre sur les terres de son père à Fosseuse (dans l’Oise).

Lorsqu’il reçoit la lettre de sa maîtresse, le roi de Navarre est furieux vis-à-vis de sa femme et la rend responsable de la situation que vit la jeune Fosseuse. A partir de ce moment il reprend sa liberté, au grand dam de Catherine de Médicis qui aurait souhaité que son gendre revienne à Paris auprès de sa femme et lui donne enfin cet héritier qui fait défaut à la couronne. En effet le roi Henri III est lui aussi incapable de produire un héritier avec sa femme Louise de Vaudémont, et la reine-mère, malgré ses intrigues, ne parvient pas à réconcilier Henri de Navarre et son épouse la reine Margot, qui poursuit son idylle avec Champvallon.

En 1583 Henri III chasse Margot de Paris, exaspéré par les manigances de sa soeur avec leur jeune frère, le duc d’Alençon. Le roi de Navarre refuse d’accueillir sa femme. Ce n’est qu’au bout de huit mois qu’il accepte froidement la reine Margot, qui se rend compte que son mari est sous l’influence d’une nouvelle maîtresse, Corisande d’Andoins, comtesse de Guiche, autrement plus redoutable par ses intrigues que la jeune Fosseuse. Le fossé se creusant entre les deux époux, Margot quitte Henri en 1585 pour s’installer d’abord à Agen, puis au château de Carlat, pour terminer sa fuite à Usson où elle entame un exil Auvergnat de plus de vingt ans. Mais qu’est-il advenu de Françoise de Montmorency Fosseux ?

De 1582 à 1595 on n’entendra plus parler d’elle : il semble qu’elle ait été confinée au château de Fosseuse, et soit restée auprès de sa mère Jacqueline d’Avaugour. Dans le courant de l’été 1595 elle rencontre un jeune homme, François de Broc seigneur de Saint Mars, qui tombe amoureux d’elle. Il détient des terres près d’Amboise, et est de petite lignée par rapport à celle des Montmorency, mais sa famille est très influente dans le Val de Loire.

Il est de quatre ans plus jeune que Françoise, et au courant de son passé scandaleux. Mais peu lui importe, il aime la jeune femme et cette dernière semble aussi avoir retrouvé l’amour auprès de ce jeune homme empressé. Leurs parents respectifs donnent leur accord pour que le mariage ait lieu. Le jeune couple convole le 11 mars 1596 à Amboise (Françoise a trente ans, François en a vingt-six) et les époux passent leur lune de miel à Fosseuse, sur les terres de la mariée.

Françoise est encore très belle : grande, mince, brune avec de superbes yeux noirs, et elle est très amoureuse de son époux. Devenue dame de Broc, elle ne souhaite pas retourner à la cour, il semble qu’elle se soit dégoûtée de ce lieu empli d’ambitions et de chicaneries, dont elle a été jadis la première victime.

C’est au château de Courtalain (dans l’Eure et Loire) que voit le jour sa nombreuse descendance : un an après son mariage, elle donne naissance à Jacques (en 1597), puis suivront Michel (en 1598), Catherine (en 1599), Pierre (en 1601), Antoinette (en 1602), Charles (en 1603), Anne (en 1604) et enfin François (en 1606). Lors de la naissance de son dernier enfant, Françoise a quarante ans.

Elle semble avoir totalement oublié son ancien amant, Henri roi de Navarre devenu roi de France sous le nom d’Henri IV en 1589, à la mort de son beau-frère Henri III. Le roi de Navarre s’est séparé de la reine Margot pour cause de stérilité afin d’épouser une riche florentine, Marie de Médicis, à qui il fait des enfants méthodiquement de 1601 à 1609. Incorrigible séducteur, il continue à entretenir des maîtresses, d’abord Gabrielle d’Estrées (avant l’arrivée de Marie de Médicis en France), puis Henriette de Balzac d’Entragues, marquise de Verneuil.

En 1603, Henri IV récompense le mari de Françoise de Montmorency Fosseux en le nommant gentilhomme de la chambre du roi. Puis en 1605 François de Broc reçoit le très envié titre de chevalier de l’ordre de Saint Michel. De 1606 à 1629, le seigneur de Broc et son épouse résident dans son château de la Lisardière à Broc, dans le Maine et Loire, puis en 1630 ils emménagent à Echemiré.

C’est là que Françoise va tomber malade pendant l’hiver 1641, et meurt à l’âge de soixante-quinze ans. Elle demande que son coeur repose à Echemiré, mais que son corps soit transporté dans l’église paroissiale de Broc. Son époux la suivra dans la tombe cinq ans plus tard, et demandera à reposer à Broc auprès de Françoise. Les fils de Françoise de Montmorency Fosseux auront une belle carrière militaire sous Louis XIII. L’un d’entre eux, Pierre de Broc, sera évêque d’Auxerre et aumônier de Louis XIII.

Il ne nous reste de la belle Fosseuse qu’un superbe portrait de François Clouet : celui-ci a dessiné les traits de Françoise alors adolescente, ignorant encore qu’elle allait être l’une des premières dans la longue lignée des maîtresses passagères du roi Henri IV, autrement dit le Vert Galant.

 

Lafouine77

SOURCES :
« Les dames galantes » de Brantome.
« Histoires d’amour de l’histoire de France » de Guy Breton.

 


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