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Dorothy Winifred Brown - Scandaleuse

Les Romantiques - 15/01/2020

Mrs Battier, Mrs Brulatour, Alias « Dorothy Gibson » (1889-1946)

Année du scandale : 1915.
Epoque : Présidence de Woodrow Wilson aux Etats-Unis.
Objet du scandale : A la suite d’un accident de voiture qui provoquera la mort d’un piéton à New York, l’épouse du propriétaire du véhicule, Mme Jules Brulatour, découvre que son mari a une maîtresse, la célèbre actrice de films muets Dorothy Gibson, que cette dernière était au volant de la voiture, et qu’elle est entretenue en secret par son mari depuis plusieurs années.

 

Dorothy Winifred Brown est née le 17 mai 1889 à Hoboken, dans le New Jersey (Etats Unis). Neuf mois plus tard son père, John Brown (qui était métallurgiste), meurt à l’âge de vingt-cinq ans. Sa mère, Pauline Boeson, se remariera trois ans plus tard avec John Leonard Gibson. Celuici travaille dans la publicité. Le couple va s’installer en 1910 à Manhattan. Pauline donnera naissance au cours de son deuxième mariage à deux autres enfants, mais ils mourront en bas âge.

Dorothy Winifred Brown est d’une rare beauté : elle a des cheveux auburn, des yeux bleus et un teint de porcelaine. Très tôt, sa mère l’encourage à monter sur scène : Dorothy Gibson (elle a pris le nom de son beaupère) devient débutante à Broadway dès l’âge de seize ans ; elle apparait dans des pièces de théâtre ou des Vaudeville avec de petits rôles. En plus de son physique, elle possède une jolie voix qu’elle utilise dans plusieurs comédies musicales au sein d’une chorale.

A New York, elle est longtemps à l’affiche de la pièce « Dairymaids » en 1907, elle a alors dix-huit ans. Sa beauté lui permet aussi de poser en tant que modèle, et elle devient l’un des préférés de Harrison Fisher, le célèbre peintre. On lui attribue bientôt le surnom de « Fisher girl ». Son visage apparait sur des cartes postales et des produits de beauté. Elle fait la première page des magazines « Cosmopolitan » et « Ladies Home Journal ».

Le 10 février 1910, à l’âge de vingt-et-un ans, elle épouse à New York George Henry Battier Junior, un pharmacien qui vient de Memphis. Mais ce premier mariage (sans enfants) finira par un divorce en 1913. D’ailleurs au bout de quelques mois de vie commune, Dorothy Gibson est déjà séparée de son mari et retourne vivre avec sa mère et son beau-père.

Elle continue à poser pour Harrison Fisher, et bientôt sa beauté est remarquée par le monde du cinéma : elle signe ses premiers contrats pour des films muets dès 1911 avec une filiale de la société française Eclair, qui détient des studios de cinéma à Fort Lee, dans le New Jersey. A l’occasion d’une réception organisée par les studios Eclair, elle rencontre celui qui va être l’amour de sa vie : Jules Brulatour. Il est directeur de la Eastman Kodak et co-directeur du studio de cinéma Universal Pictures. Il est aussi conseiller des studios Eclair. C’est un homme richissime, mais déjà marié à Clara Isabelle Blouin et père de trois enfants.

Bien que Jules Brulatour ait vingt ans de plus que Dorothy, il tombe amoureux d’elle et ils entament une liaison discrète dès l’année 1911. Liaison qui va durer six ans, et n’est pas connue du grand public, ni de son épouse. Son amant la couvre de cadeaux luxueux et l’emmène en week-end dans sa vaste propriété aux environs de New York. Soucieux d’orienter la carrière de Dorothy, il entreprend de la diriger dans des films qu’il finance.

Dorothy Gibson devient bientôt une star, après ses rôles dans « Miss Masquerader » et « Love finds a way ». Ses films sont ce que l’on appelle des « one reelers », c’est-à-dire de petits films (muets) qui occupent une bobine d’une dizaine de minutes. Les critiques saluent son naturel à l’écran dans ces deux comédies, mais elle est aussi une excellente actrice dramatique dans le rôle de Molly Pitcher dans « Hands across the sea ».

Cependant, épuisée par le rythme effréné de l’année 1911, elle demande un congé de quelques mois pour passer des vacances en Europe avec sa mère. Cette dernière souhaite se rendre en Italie, puis en France. Dorothy discute du budget de ces vacances, qui sont largement financées par Jules Brulatour. En gage de son amour il lui offre une bague sertie de diamants, ce qui doit faire office de fiançailles en attendant qu’il entame le divorce avec son épouse. Folle de joie, et rassurée quant à son avenir sentimental, Dorothy embarque avec sa mère sur un navire qui les emmène en Europe.

Les deux femmes passent le début de l’année 1912 à Paris, puis se rendent en train en Italie, plus précisément à Florence où se trouve une petite communauté américaine très active. Début février 1912, Dorothy et Pauline se retrouvent à Paris où elles dévalisent les boutiques. C’est là qu’un télégramme des studios Eclair informe Dorothy qu’il lui faut retourner en urgence aux Etats-Unis, car les producteurs souhaitent mettre en chantier deux films où elle apparaitra en vedette. Raccourcissant ses vacances, et impatiente de retrouver son amant, elle réserve ses billets de retour sur le premier paquebot en partance pour les Etats Unis : il s’agit de la traversée inaugurale d’un navire appartenant à la compagnie White Star, et son nom est « Titanic ».

Dorothy et sa mère prennent le train pour Cherbourg à la gare Saint Lazare, pour embarquer sur le Titanic qui arrive de Southampton. Elles paient la traversée en première classe, qui leur coûte 59 £, une somme conséquente à l’époque. Elles montent à bord le mercredi 10 avril 1912 ; le même jour, à 20h10, le Titanic quitte Cherbourg et la France pour l’escale de Cobh en Irlande. Le 11 avril, après avoir embarqué des voyageurs irlandais (principalement des passagers de troisième classe qui émigrent en Amérique), il quitte l’Irlande vers 13h30 en direction de New York.

Le paquebot transporte 2 223 passagers, avec les membres de l’équipage le chiffre monte à 3 503 personnes : le Titanic est supposé insubmersible car il est équipé de seize compartiments étanches. Il est dirigé par le commandant Smith et doit arriver à New York le mercredi suivant. La traversée inaugurale est des plus plaisantes car l’intérieur du navire est d’un luxe inouï pour l’époque. Les cabines de première classe sont situées au coeur du navire, où les vibrations des moteurs se font le moins sentir.

Leurs occupants peuvent bénéficier d’un gymnase, de bains turcs, d’une piscine, d’un court de squash et d’un salon de coiffure ; il y a aussi plusieurs restaurants : un restaurant à la carte, ainsi qu’un café véranda et un café parisien. Les messieurs de première classe (des millionnaires comme Astor, Guggenheim ou lord Gordon) peuvent se relaxer dans le fumoir, et sur un pont promenade couvert leur permettant de faire le tour du navire à l’abri des intempéries.

Il existe également deux suites qu’on a baptisées les « suites des millionnaires » : l’une est occupée par Joseph Bruce Ismay, l’autre par une milliardaire de Philadelphie, Charlotte Drake Cardeza. Les cabines de première classe sont décorées en style Régence, Louis XIV ou Louis XVI. Curieusement, peu sont équipées de toilettes : ces dernières sont installées en groupe sur chaque pont.

Outre les premières classes, il y a aussi les deuxièmes et troisièmes classes : chaque monde reste dans sa zone (où on trouve les salles de restaurant de chacun et les espaces de couchage) et ne peut communiquer avec les autres.

Le voyage se déroule à merveille jusqu’au dimanche soir, 14 avril. De nombreux navires en circulation sur la même route que le Titanic ont relayé l’information que des ilots d’iceberg se trouvent dans les parages. Malgré cela, la vitesse du navire n’est pas diminuée et la trajectoire n’est pas non plus déviée un peu plus au sud afin d’éviter les blocs de glace. La rumeur prétend que le paquebot était lancé à pleine vitesse pour que le record de la traversée soit battu lorsqu’il arriverait à New York.

La nuit du drame, Dorothy Gibson et sa mère jouent au bridge dans l’un des salons de première classe du Titanic : elles ont pour partenaires William Sloper (un jeune banquier du Connecticut), William Stead (un rédacteur en chef) et Frederic Seward (un avocat). A la fin de leur partie (à 23h40) les deux femmes ont prévu de déambuler sur le pont : Dorothy demande à William Sloper de l’accompagner, il suggère qu’elle descende à sa cabine pour s’habiller plus chaudement et qu’ils se retrouvent sur le palier du pont A. Il part enfiler un pull shetland sous son costume, puis son pardessus d’hiver, avant de remonter attendre Dorothy.

Lorsque Dorothy parvient à la cabine, sa mère renonce à la suivre pour sa promenade. Au moment de repartir, elle sent le navire bouger et entend un énorme bruit de tôles froissées. Peu de temps après un membre d’équipage cogne à leur porte et enjoint les deux femmes de se rendre sur le pont avec leurs gilets de sauvetage. Elles obéissent immédiatement, et arrivent sur le pont A où Dorothy retrouve William Sloper. C’est à cet instant qu’elle remarque que l’avant du navire s’incline légèrement vers la droite.

Les canots de sauvetage du Titanic viennent d’être déployés : le premier (le numéro 7) est mis à niveau avec le pont A et le premier officier Murdoch et le cinquième officier Lowe demandent aux dames (qui sont toutes des voyageuses de première classe) de s’avancer et d’y prendre place.

La petite foule qui s’est rassemblée sur le pont (hommes et femmes) refuse de s’exécuter. Il fait un froid glacial à l’extérieur, et le navire ne semble pas en danger de couler. Quelques personnes s’avancent vers les canots, dont Dorothy, sa mère et leurs deux compagnons de bridge, Frederic Seward et William Sloper. Pour convaincre les passagers l’officier Murdoch précise qu’il n’y a aucun danger à monter dans le canot, car la mer est calme, il s’agit seulement de s’éloigner du navire le temps de voir ce qui ne va pas, et tous les passagers du canot seront ensuite à même de remonter à bord, une fois
les dégâts évalués. Peu de personnes sont convaincues d’abandonner la chaleur et la sécurité du Titanic pour se retrouver sur une minuscule embarcation en pleine mer.

Dorothy Gibson est persuadée que le navire va couler, et William Sloper l’aide à prendre place dans le canot alors que Frederic Seward installe sa mère à côté d’elle. Dorothy agrippe la main de William Sloper, et insiste pour que le jeune homme vienne aussi : après avoir reçu l’autorisation de l’officier Murdoch, William Sloper et Frederic Seward montent dans le canot. Pendant une dizaine de minutes, Dorothy contemple le visage des passagers restés sur le pont et peu enclins à grimper dans le canot. Elle est rejointe par Gilbert Tucker, Margaret Hays (qui tient son chien dans ses bras, un loulou de Poméranie) ainsi qu’Helen Bishop, jeune mariée, et son époux.

L’officier Murdoch demande si d’autres dames veulent monter à bord du canot : aucune ne se présente et trois hommes peuvent y prendre place. Il n’y a que trente personnes dans le canot (sur les soixante-cinq passagers qu’il peut contenir). A 00h40 l’officier Murdoch, après une ultime demande au mégaphone pour inciter les gens à grimper dedans, ordonne qu’on mette le canot n°7 à la mer. Il descend les vingt-quatre mètres qui séparent le pont de la ligne de flottaison, et aussitôt les trois membres d’équipage rament pour s’éloigner du bateau jusqu’à une distance de 200 miles.

Pour la petite histoire, le Titanic possédait seulement vingt canots et le navire pouvait embarquer un maximum de 3 511 personnes. Le règlement maritime de l’époque imposait seulement seize canots par paquebot (pouvant donc sauver un maximum de 962 personnes). La White Star, propriétaire du Titanic, avait rajouté quatre radeaux aux parois rétractables, ce qui faisait monter le chiffre à 1 178 personnes. Malgré cela, on était encore loin de sauver la totalité des passagers embarquées à bord du Titanic (soit 3 503 personnes) : cette inconscience s’expliquait par le fait qu’à l’époque on pensait
fermement que même en cas d’avarie, le Titanic serait secouru à temps (il pouvait se maintenir à flot puisque insubmersible) et évacué.

Le deuxième canot mis à flot est le n°5. A cette instant, la première fusée de détresse est tirée du Titanic. Le bruit inquiète beaucoup les passagers qui Heureusement, une note optimiste demeure : l’orchestre continue à jouer dans le salon des premières classes. Le troisième canot à entamer sa descente est le n°3 à 00h55 avec trente-deux personnes à bord. A 01h00 du matin aucun des canots bâbord (à gauche du bateau) n’a été décroché.

Les passagers du canot n°7 (celui de Dorothy) sont aux premières loges pour voir ce qui se passe sur le Titanic. Deux heures se sont écoulées depuis sa mise à l’eau, et bientôt chacun peut être témoin de la rapidité des évènements. Le navire n’a cessé de s’incliner, l’eau s’engouffrant par les compartiments déchirés par l’iceberg. Elle commence à envahir les ponts et les gens à bord à paniquer. Les passagers de troisième classe sont autorisés à grimper sur le pont des embarcations (l’accès était jusqu’alors interdit par des grilles). Un des passagers du canot de Dorothy dira que la mer était à cet instant parfaitement calme et que soudain toutes les lumières du Titanic se sont éteintes.

Quelques instants plus tard, les passagers des chaloupes mises à l’eau voient, horrifiés, la silhouette du navire se dresser perpendiculairement dans les airs puis, dans un brusque mouvement, un rugissement se fait entendre, celui de dix mille tonnes de charbon s’écoulant contre les flancs du navire, et le bruit effrayant du renversement de tout ce qu’il y a à l’intérieur jusqu’à ce qu’un grand cri s’élève. Le navire se brise en deux et les chaudières explosent.

Dorothy Gibson, glacée de froid et agrippée à la main de sa mère, précisera plus tard qu’il lui fut impossible, par la suite, de chasser de sa mémoire ce cri terrible provenant des milliers de personnes jetées dans la mer glacée, accompagné du cri des personnes dans les chaloupes qui voyaient mourir leurs êtres chers. Sur les 3 503 personnes qui se trouvaient à bord du Titanic, seulement 711 seront sauvées : dont 499 passagers (parmi eux 203 de première classe) et 212 hommes d’équipage.

Ceux qui sont tombés à l’eau meurent d’hypothermie dans les minutes qui suivent, il y a des scènes où les passagers des canots supplient les membres d’équipage de revenir sur le lieu du naufrage afin de sauver ceux qui peuvent l’être. Certaines embarcations attendent une demi-heure avant de revenir, afin d’éviter qu’un trop grand nombre de personnes ne grimpent à bord et ne les fassent chavirer. Seuls deux des dix-huit canots de sauvetage se portent au secours des naufragés.

C’est ainsi que des mères, des filles et des épouses doivent endurer d’entendre les cris de détresse des passagers qui se noient et appellent à l’aide. Ceux qui ont tenté de nager sans gilet ont sans doute été les premiers à mourir. Ceux qui se sont mis à nager fébrilement pour atteindre un canot ont, eux, accéléré les effets de l’hypothermie et sont morts de froid. Sans compter les femmes qui étaient en robes de chambre et vêtements de nuit, et aussi les enfants…

Dorothy Gibson, du canot n°7, assiste à cette inhumanité. Les membres d’équipage présents dans les canots sont conscients qu’ils n’ont avec eux aucune ration d’eau ni de nourriture, et beaucoup doutent de pouvoir être secourus à temps dans cette nuit froide alors qu’ils sont entourés de blocs de glace. L’unique espoir est qu’un navire qui circulait non loin du Titanic ait pu entendre son signal de détresse, et heureusement pour eux le Carpathia fait route en forçant ses moteurs vers le lieu du naufrage.

La nuit de la catastrophe, le Carpathia se trouve à 58 miles du Titanic, et a quitté New York le 11 avril en direction de Gibraltar. Il a 743 passagers à bord (pour une capacité maximum d’accueil de 2 000 personnes). C’est l’opérateur radio, Harold Cottam, qui, sur le point de se coucher, entend l’appel au secours du Titanic. Aussitôt prévenu, le commandant Arthur Rostron fait route à toute vitesse vers la position indiquée. Il mettra plusieurs heures à atteindre le lieu du naufrage, notamment en raison des nombreuses glaces présentes sur l’océan.

C’est au matin que la silhouette du Carpathia apparait et qu’il peut récupérer les survivants des canots du Titanic. A 04h10, le premier canot (le n°2) touche la coque du Carpathia. Celui de Dorothy arrive peu après. Elle et sa mère sont hissées sur le navire et on attribue une chambre à la jeune femme frigorifiée, qui dort 20 heures d’affilée. A 08h00 du matin, tous les canots du Titanic ont été secourus. Les passagers du Carpathia prêtent leurs chambres aux malheureux survivants, et le navire fait route vers New York où la nouvelle du naufrage vient de faire l’effet d’une bombe.

Une foule de reporters, de familles angoissées, d’amis, se masse sur les quais de la White Star. Le Carpathia y dépose les canots du Titanic, puis poursuit plus loin son arrivée sur les quais de la Cunard. Dorothy et sa mère sont prises en main dès leur arrivée à New York, le 18 avril. Son beau-père vient les chercher et les emmène dans un hôtel de New York. Le même jour, la jeune femme entre en contact avec Jules Brulatour, fou d’angoisse depuis la nouvelle du naufrage du Titanic. Ils se retrouvent discrètement dans une chambre d’hôtel. L’immense publicité faite par le drame du Titanic amène les studios à persuader Dorothy de jouer (une semaine après !) son propre rôle dans un film intitulé « Saved from the Titanic » : la jeune femme a revêtu les
vêtements qu’elle portait la nuit du drame, une chemise de nuit blanche en soie, et par dessus un cardigan et un manteau de polo. Ce film muet (d’une dizaine de minutes) est un des succès de l’année 1912. Il est projeté le 16 mai, un mois à peine après le naufrage du Titanic. Malheureusement un feu dans les studios Eclair en détruira les copies.

En mai 1912, certainement suite au traumatisme du naufrage du Titanic et désireuse de consacrer plus de temps à son amant, Dorothy Gibson annonce la fin de sa carrière d’actrice.

Elle engage un procès contre la White Star afin d’être dédommagée pour ses bagages, qui ont coulé avec le Titanic, pour une somme de 2 382.75 $. Sa mère fait de même pour 1 485.75 $. Puis, afin d’être libre de construire un avenir avec Jules, elle divorce en 1913 de son premier mari. Dorothy Gibson a tourné vingt-deux films pour les studios Eclair et elle est l’une des stars les mieux payées du cinéma muet, après Mary Pickford. Elle se lance alors dans une carrière de chanteuse, et participe à la revue de « Madame Sans-Gêne » en 1915 à New York.

Cette année-là, la femme de Jules Brulatour le poursuit pour adultère après avoir découvert de façon fortuite sa liaison avec Dorothy. Cette dernière a emprunté la voiture de sport de Jules, et percuté un piéton en plein centre de New York : le lien entre la conductrice et le propriétaire du véhicule fait rapidement le tour de toute la presse, et c’est ainsi que Mme Brulatour apprend que depuis des années son mari entretient Dorothy Gibson comme maîtresse. Le divorce est prononcé deux ans plus tard, en 1917, et Jules Brulatour peut épouser Dorothy le 6 juillet 1917.

Mais sa première épouse continue à le poursuivre de sa haine : elle conteste la légalité de l’union avec Dorothy, car Jules a obtenu son divorce dans l’état du Kentucky au lieu de celui de New York, lieu de son domicile. Les tracasseries bouleversent son projet de carrière en politique, et Dorothy et lui se disputent de plus en plus, au point qu’ils tombent d’accord pour se séparer et divorcer en 1919. La jeune femme a droit à une confortable pension mensuelle.

De 1919 à 1927, Dorothy et sa mère font de fréquents voyages entre les Etats-Unis et la France, passant du temps en Suisse, en Grande-Bretagne, en Italie et à Gibraltar. Pauline préfère s’installer à Florence, alors que Dorothy passe plus de temps à Paris. Son beau-père meurt à New York en septembre 1932 : curieusement, ni sa femme ni sa belle-fille ne font le déplacement pour assister à ses funérailles. Dorothy a assez d’argent pour organiser des fêtes et des cocktails à Paris, où elle côtoie des amis comme Colette, H G Wells et James Joyce.

Elle décrit sa vie à un journaliste en 1934 : « Je ne me suis jamais souciée de ma carrière au cinéma, et je suis contente de ne plus travailler dans ce secteur, c’était un métier difficile, j’ai eu ma part de problèmes et de peines comme vous le savez mais depuis que je suis en France, je me suis remise de tout ça et je me sens heureuse. Qui ne le serait pas dans ce pays magnifique ? Je m’amuse tous les jours mais j’ai peur que cela ne dure pas. J’ai eu ma vie de rêve et je suis sure qu’un jour un nuage sombre viendra obscurcir tout cela à jamais ».

Quant à Jules Brulatour, il refait sa vie et épouse une autre actrice : Hope Hampton (une reine de beauté du Texas) en 1923. Il la lancera aussi en tant qu’actrice de films muets, jusqu’à ce qu’elle décide (comme Dorothy) de poursuivre une carrière de chanteuse.

Lorsque la Seconde Guerre Mondiale éclate, Dorothy est en visite à Florence chez sa mère. Il lui est impossible de revenir à Paris. Contrairement à certains de ses compatriotes qui souhaitent rentrer aux Etats-Unis, elle hésite en raison de l’état de santé de sa mère. Lorsqu’elle se décide il est trop tard, l’Allemagne et l’Italie ont déclaré la guerre aux Etats-Unis. Elles sont retenues toutes les deux à Florence.

Au printemps 1944 elle sont toujours en Italie quand la police vient arrêter Dorothy pour la conduire dans un centre d’internement allemand. Elle tente de s’échapper, mais est emmenée dans le camp nazi de Fossoli. Par la suite, elle est transportée à la prison de San Vittore à Milan, le 16 avril 1944. Elle décrira cette prison comme « un lieu de mort permanent ». Elle y serait morte si un agent double (qui souhaitait intégrer le service secret des alliés en Suisse) ne l’avait soustraite à ce camp en la faisant passer pour une espionne nazie.

Elle arrive effectivement en Suisse, où elle est remise entre les mains du consul général américain, James G Bell, qui la juge trop niaise pour être une véritable espionne : « Elle n’était pas assez finaude pour être une espionne » dira-t-il. A l’été 1945, elle peut retourner à Paris. Elle devient la maîtresse d’Emilio Antonio Ramos, attaché de presse de l’ambassade d’Espagne. Ils se sont rencontrés avant la guerre, en 1939, à Paris. Cependant Dorothy souffre d’hypertension, et son état physique s’est détérioré après l’expérience traumatisante d’avoir survécu à un camp d’internement allemand. Elle meurt d’une crise cardiaque dans son appartement du Ritz le 17 février 1946, à l’âge de cinquante-sept ans. C’est la femme de ménage qui découvre son corps. Quelques mois plus tard son deuxième mari, Jules Brulatour, devait lui aussi mourir, le 26 octobre 1946, âgé de soixanteseize ans.

Dorothy a fait un testament où elle partage sa fortune entre son amant espagnol et sa mère (qui, pour une personne à la santé fragile, devait lui survivre jusqu’au 20 mars 1961). Ironie du sort, elle sera aussi retrouvée morte dans une chambre d’hôtel (l’hôtel Belmont) à Paris, à l’âge de quatre-vingt-quatorze ans. Les deux femmes sont enterrées au cimetière de Saint Germain en Laye dans les Yvelines.

 

Lafouine77

Sources :
« Titanic, des vies dorées » de Hugh Brewster
« Finding Dorothy » de Randy Brian


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