Le site francophone dédié au roman féminin

Les pseudonymes : enjeux, usages, fonctions. Partie 2

Rinou - 11/12/2019

Première partie ici http://www.lesromantiques.com/?a=1189/Les-pseudonymes-enjeux-usages-fonctions-Partie-1

 

Du côté des auteures


Secret défense vs secret de polichinelle, qui est dans la confidence ?


Il y a autant d’auteures que de façon de gérer la publication sous pseudonyme. Du secret très bien gardé au secret d’initié, jusqu’au secret complètement éventé nous avons fait le choix d’interroger six auteures, pour en savoir plus sur leurs motivations, leurs pratiques et surtout le rapport qu’elles entretiennent avec leurs pseudonymes.

Nous avons posé des questions à :
• Emma Green et Angéla Morelli considérant que le secret de leur pseudonyme est complètement éventé, autrement dit que le commun des mortels sait qu’elles utilisent un pseudo et surtout qui se cache derrière. La promotion de leur ouvrage se fait entièrement avec leur image. De plus, leur entourage a connaissance de leur activité et de leur publication.


• Ensuite, nous avons interrogé Mily Black et Angel.B considérant leur pseudonyme comme étant un secret d’initié : ceux et celles qui lisent les romans des deux auteurs les ont certainement déjà rencontrées et savent qu’elles utilisent un pseudo, toutefois la diffusion de leur image se fait avec parcimonie. De plus, les membres de leur entourage ne sont pas tous dans la confidence de leur activité.


• Et enfin, nous avons interrogé Axelle Auclair et Loraline Bradern, deux auteures qui protègent farouchement leur identité et dont le pseudo est un secret très bien gardé.

 

Pour quelles raisons avez-vous choisi de publier vos romans sous pseudo ?
Emma Green : Deux raisons très pragmatiques, pouvoir écrire à quatre mains sous un même nom et protéger nos vies privées (nous avions un autre métier avant, qui rendait nos noms publics).
Angéla Morelli : Publier sous pseudo était une évidence pour moi, je suis prof et je ne voulais pas que les élèves, qui nous cherchent toujours sur Internet, trouvent mes bouquins. Je ne voulais pas non plus susciter les questions des parents d’élèves.

Mily Black : Je publiais depuis déjà plusieurs années des fanfictions sur Internet, et pour que ma vie professionnelle ne se télescope pas avec ce passe-temps, j’avais choisi un pseudonyme. Quand mon premier contrat avec Harlequin est arrivé, j’ai tout naturellement décidé de le conserver.
Angel.B : Car mon prénom et mon nom n’étaient pas assez « auteur » (Christine Bigouchet n’étant pas très sexy ou glamour) pour une auteure de littérature sentimentale érotique :)

Axelle Auclair : Anonymat en raison de mes postes dans mon ancien métier (militaire).
Loraline Bradern : Pour des raisons professionnelles, car mon activité d’auteur de romance peut me créer des difficultés dans mon travail. Et comme j’écris de la romance historique, mais aussi militaire, cela peut également en créer à mon mari qui travaille parfois dans des milieux en lien avec la sécurité.

Quels sont les avantages et les possibilités qui s’offrent à vous avec l’utilisation d’un pseudo ?
Emma Green : À l’origine, cela nous permettait de pouvoir continuer à mener nos deux carrières (en tant que journalistes et en tant qu’auteures). Maintenant qu’on ne vit que de l’écriture, on garde ce pseudo comme un « porte-bonheur ».
Angéla Morelli : Comme m’a dit un jour une éditrice, « le pseudo te protège ». Si on choisit de bien le tenir et de ne pas se montrer sur les réseaux sociaux, on peut rester anonyme pendant très longtemps.

Mily Black : L’anonymat est l’unique avantage que je souhaitais, et que j’ai. Je ne compte pas en faire usage pour dénigrer ou encore hurler au scandale,
c’est juste qu’écrire est une passion qui attire de belles réactions, comme les rencontres avec d’autres passionnés de livres, mais aussi beaucoup de négatives. Par souci de tranquillité, je cloisonne bien mes deux vies professionnelles et je garde ainsi le sourire.
Angel.B : Les avantages et possibilités sont principalement le fait que je peux ainsi changer de genre littéraire si j’en ai envie. Angel.B est mon pseudo d’auteure de romance érotique.

Axelle Auclair : Ne pas y mêler ma vie privée.
Loraline Bradern : L’anonymat, et c’est primordial par rapport à mon travail. La possibilité de séparer mon activité d’auteur de romances de mon activité de consultante en édition jeunesse, scolaire et parascolaire. La possibilité de choisir un autre pseudo si je veux me lancer dans un autre type d’écrit que je ne veux pas associer à la romance, comme par exemple du thriller pur ou de la littérature ado.

Quels sont les inconvénients, les limites et les risques qui s’imposent à vous avec l’utilisation d’un pseudo ?
Emma Green : Notre cas est un peu particulier puisque notre pseudonyme nous appartient à toutes les deux. La seule limite serait celle-ci : Emma Green
n’existerait plus si l’une de nous arrêtait d’écrire. Et qu’on se rassure, ce n’est pas prévu !
Angéla Morelli : Pour moi aucun inconvénient puisque je suis quand même à visage découvert.

Mily Black : Je ne suis pas folle, il y en a très certainement, mais jusque-là je n’ai pas eu à m’y confronter.
Angel.B : Je n’en ai pas… si ce n’est celui que d’autres personnes ont elles aussi ce surnom. Ce qui en l’occurrence m’a fait rencontrer quelques quiproquos marrants. Tel un client d’une escort girl qui se fait appeler Angel b (très important j’ai un point entre Angel et le B). Ce monsieur m’a un jour demandé par MP quelles étaient mes prestations… lol

Axelle Auclair : Plus l’anonymat que l’utilisation d’un pseudo, pas de présence en salon ni de séances de dédicaces.
Loraline Bradern : Je dirais qu’il n’y en a pas. Du moins, je n’en vois pas en ce qui me concerne. Mon pseudo m’appartient, il ne m’a pas été imposé par une maison d’édition donc je l’ai choisi. Les inconvénients éventuels sont plus d’ordre administratif comme lorsque je reçois un colis à mon nom d’auteur et que j’ai du mal à le récupérer à la poste !

Toutes les méthodes sont bonnes pour choisir un pseudo, lesquelles avez-vous appliquées ?
Emma Green : Nous avons cherché une référence commune, un clin d’oeil à un personnage de fiction qui nous touchait autant l’une que l’autre et qui symbolisait ce qu’on avait envie de faire, d’écrire, de réinventer, les histoires d’amour impossible. Emma est le prénom de la fille de Ross et Rachel Greene, les amoureux maudits dans la série qui a bercé notre adolescence, Friends.
Angéla Morelli : Angéla est mon deuxième prénom. Comme il est italien (malgré l’accent que j’ai volontairement rajouté pour qu’on ne m’appelle pas « Andjela »), j’ai cherché un nom italien. Après brainstorming avec une copine, j’ai piqué son nom à Joe Morelli, le flic super sexy de Janet Evanovich.

Mily Black : La plus simple au monde (pour moi). J’ai pris le surnom d’une camarade de collège que je trouvais très doux à l’oreille : Mily. Pour le « nom de famille », j’ai choisi celui du personnage qui représentait le plus mes valeurs dans le fandom où j’étais : Sirius Black. Attention, mon personnage préféré reste Severus Snape, mais j’aime le message véhiculé par Sirius. Notre naissance ne détermine pas qui nous serons, nous pouvons nous affirmer et trouver le courage en nous de faire de grandes choses.
Angel.B : J’ai gardé celui lié à ma passion pour la culture asiatique. Le diminutif d’Angelesse Angie : Angel et le B est la première lettre de mon nom.

Axelle Auclair : Qui sonne gai, qui sonne bien, qui sonne français.
Loraline Bradern : Je suis allée jusqu’au bout dans l’écriture et l’édition pour tenir une promesse faite à ma mère quelques semaines avant qu’elle ne soit tuée avec mon père dans un accident. J’ai donc naturellement choisi un pseudo qui a un lien très fort avec elle. Mon prénom d’état civil est une vaste blague dans ma famille, car il ne correspond pas à ce que voulaient mes parents, une boulette ayant été faite par l’officier de l’état civil lors de la déclaration de ma naissance. Mes parents n’étaient pas d’accord sur mes prénoms, mais un statu quo avait été trouvé et le jour de ma naissance seul l’ordre des prénoms posait encore problème. Le problème a été résolu par l’officier de l’état civil qui a modifié ce qui devait être mon prénom principal en intercalant ce qui devait être mon troisième prénom au milieu. Il s’agit d’ailleurs d’un prénom que je déteste et qui finalement était assez peu utilisé par ma famille. À l’origine ma mère aurait voulu me donner comme prénom soit Roxanne soit Loraline, mais mon père était très réticent, car il les jugeait trop originaux/extravagants pour l’époque. J’ai donc choisi Loraline en hommage à ma maman, et Bradern est une anagramme d’un nom de notre arbre généalogique du côté de mon papa.

Dans votre entourage (familial, amical et professionnel) combien connaissent votre pseudo et ce que vous en faites ?
Emma Green : On ne le cache pas.
Angéla Morelli : Tout le monde est au courant, ma famille, mes amis, mes collègues.

Mily Black : Dans ma famille, quasiment tous. Il faut dire que depuis toute petite je ne vis que pour les livres, que ce soit la lecture ou l’écriture. Alors un jour où pour la énième fois on m’a demandé quand j’écrirais un livre, j’ai simplement répondu : c’est fait. Et le tamtam familial a fait le reste ;) Pour les amis, seuls les plus proches sont au courant. Pourquoi ? J’avoue que je ne sais pas. Par contre, aucun collègue de travail ne sait que j’écris à l’exception d’une. Lors d’une conversation, elle s’est étonnée que j’en sache autant sur le monde de l’édition. En plaisantant, elle m’a demandé si j’étais auteure et je ne l’ai pas détrompée, sans pour autant
approfondir le sujet.
Angel.B : Tout le monde.

Axelle Auclair : Une dizaine de personnes (famille et amis confondus), pas plus.
Loraline Bradern : Mes enfants, mon mari, les marraines de mes enfants qui sont des amies (et encore elles l’ont découvert parce que les enfants ont cafté) et deux ou trois copines auteurs seulement.

Dans quelle mesure protégez-vous votre véritable identité ?
Emma Green : Autant que possible. On sait que certaines de nos lectrices continuent à chercher nos vrais prénoms pour le « challenge », mais on a envie de garder ça pour nous, c’est une façon de protéger nos familles et nos vies privées.
Angéla Morelli : Pas très bien. :) Ma véritable identité est un secret de Polichinelle sur les réseaux sociaux vu que pas mal de gens me connaissaient via mon blog avant que j’écrive.

Mily Black : Au maximum ! Au point que je limite les photos de moi en circulation sur Internet. Des amis auteurs avec qui je suis en relation depuis des années ne connaissent pas mon vrai prénom, mais cela n’empêche en rien les conversations passionnées autour d’un verre ou d’un bon repas.
Angel.B : Je n’ai pas franchement réfléchi à protéger ma véritable identité même si je ne lie pas spécialement ma vie privée à celle d’auteure.

Axelle Auclair : Du public, mais ça ne m’empêche pas de rencontrer quelques amies auteures.
Loraline Bradern : Le plus possible. Notamment dans mon milieu professionnel où je n’ai jamais révélé que j’écrivais.

Est-ce que vous publiez sous d’autres pseudonymes ? Si oui, comment distinguez-vous, quelle publication pour quel nom d’auteur ?
Emma Green : Nous ne sommes qu’Emma Green (et à deux, c’est déjà un sacré dédoublement de personnalité).
Angéla Morelli : Oui. J’ai un pseudo érotique : Emma Foster. Un genre, un pseudo. :)

Mily Black : Pour le moment, non pas d’autres pseudonymes. J’ai néanmoins des projets dans mon ordinateur très éloignés de la romance, et pour lesquels je prendrais certainement un autre nom afin de bien les différencier. Quelqu’un qui lit de la romance n’appréciera peut-être pas un thriller ou de la fantasy, alors autant distinguer les publications en commençant simplement par un pseudonyme suivant le genre.
Angel.B : Non, je n’ai pas encore eu l’occasion de publier un autre genre que de la littérature sentimentale érotique.

Axelle Auclair : Non.
Loraline Bradern : Je ne publie pas vraiment, mais je travaille parfois en freelance pour des maisons d’édition en jeunesse et parascolaire (en tant qu’auteur, correctrice/relectrice ou consultante), mais là c’est sous ma véritable identité.

Quelles ont été les réactions de ceux qui ont eu connaissance de votre activité sous pseudo ?
Emma Green : On nous demande régulièrement si on est Américaines, si on a un rapport avec l’actrice Eva Green et si l’une de nous a un prénom qui commence par Em et l’autre par Ma… Et la réponse est « Non » pour toutes ces questions.
Angéla Morelli : De la curiosité.

Mily Black : Ils ont ri. Certains parce qu’ils attendaient cela depuis des années : ma famille. Les autres, parce que dans la vie de tous les jours je suis tout le contraire d’une femme romantique. Les romances de Noël me font fuir, les grandes déclarations m’embarrassent et je suis très (très) terre-à-terre, une vraie cartésienne.
Angel.B : Je n’ai pas eu de réactions vis-à-vis de mon pseudo et de mon activité, je ne cache pas le fait que j’écris de la romance érotique. Peut-être quelques boutades, mais toutes très gentilles.

Axelle Auclair : Enthousiastes.
Loraline Bradern : Vu que très peu de gens sont au courant, il n’y a pas eu réellement de réactions. Les enfants ont eu du mal à comprendre la nécessité pour moi de ne pas publier sous ma véritable identité. Mon mari par contre a été soulagé, car il était inquiet pour les éventuelles retombées professionnelles pour lui vu que l’un de mes thèmes de prédilection en écriture est en rapport avec son milieu professionnel. Pour les autres personnes, elles ont été étonnées, se sont montrées curieuses et au final c’est surtout moi qui ai beaucoup de mal à en parler, je n’assume pas du tout je crois LOL ! Je ne suis à l’aise à ce sujet qu’avec les deux ou trois amies auteurs qui connaissent mon identité. Sinon pour toutes les autres personnes je passe sous silence mon activité d’auteur. Mes enfants ont d’ailleurs pour consigne de rester secrets à ce sujet, mais j’avoue que je ne suis pas certaine qu’ils tiennent longtemps leur engagement à ce niveau-là… surtout mes deux plus jeunes !

Est-ce que vous publiez sous votre véritable identité ? Si oui, comment distinguez-vous, quelle publication pour quel nom d’auteur ?
Emma Green : Non, pas en tant qu’auteures.
Angéla Morelli : Non.

Mily Black : Non
Angel.B : Non, mais comme je suis la créatrice d’Angelesse Angie édition et que tout le monde sait que je m’autoédite, il est facile de me retrouver.

Axelle Auclair : Non, uniquement sous un pseudo.
Loraline Bradern : Oui, mais pas en tant qu’auteur de romance. J’ai déjà publié sous ma véritable identité, mais en édition jeunesse et scolaire. La distinction est facile pour moi : ce qui est romance (avec des scènes explicites en particulier) est automatiquement sous pseudo. Tout ce qui est en rapport avec mon métier de base est sous ma véritable identité.

L’utilisation d’un pseudonyme a-t-il compliqué le processus d’édition ?
Emma Green : Non, on se dit même que, dans notre cas, ça l’a facilité !
Angéla Morelli : Pas du tout. Ça ne change rien.

Mily Black : Aucunement. Dès ma première publication chez Harlequin, j’ai précisé ne pas vouloir que ma véritable identité apparaisse. J’ai tout de suite prévenu que mon pseudo m’avait également servi pour des fanfictions, et l’éditrice de l’époque l’a accepté sans souci.
Angel.B : Pas pour moi, non.

Axelle Auclair : Aucunement.
Loraline Bradern : Absolument pas. Je pense que ça ne fait aucune différence. La seule difficulté réside dans le fait que parfois les maisons d’édition envoient le courrier ou surtout les livres (exemplaires auteur notamment) avec le pseudo et là c’est parfois galère pour récupérer les colis, vu que mon nom sur la carte d’identité ne correspond pas au nom sur le colis !

Avec un pseudo, comment se passe la promotion de vos ouvrages ? Est-ce que vous limitez certaines actions auxquelles vous êtes invitées à participer ? (Présence en dédicace ? Présence sur les réseaux sociaux ? Visage dans la presse ? Interview ? Compagne de promotion d’éditeur ? Rendez-vous avec des lectrices ?)
Emma Green : Au contraire, avoir un pseudonyme nous permet de bien séparer nos univers. On se prête avec joie aux jeux des dédicaces, des interviews (coucou Les Romantiques), on a associé nos visages à ce pseudo et ça ne pose aucun problème, que ce soit dans la presse, en salons ou sur les réseaux sociaux. Nous sommes à 100 % Emma Green dans notre vie professionnelle, c’est devenu parfaitement naturel.
Il faut juste qu’on se souvienne de ne pas appeler l’autre par son vrai prénom à voix haute… Mais après sept ans, on est bien rodées.
Angéla Morelli : Je ne limite rien, ce pseudo est devenu mon nom !

Mily Black : J’aurais tendance à dire que la promotion se passe normalement. Je me rends aux différents événements organisés autour de mes livres et dédicaces avec plaisir. Je fais des photos avec les lectrices qui me le demandent (et j’ai souvent des têtes affreuses), mais je veille à ne pas en mettre de moi-même sur les réseaux sociaux, voilà la seule limite que j’aie.
Angel.B : Non cela ne change rien, Angel.B c’est moi, je suis présente sur les réseaux sociaux, je n’ai pas honte de mettre des photos de mon visage, que ce soit pour des interviews ou autres.

Axelle Auclair : Oui, comme dit plus haut, c’est le point négatif de l’anonymat.
Loraline Bradern : Pour ce qui est de la promotion basique, cela ne change rien. En revanche je limite certaines actions. Notamment je ne fais pas de dédicaces trop proches de chez moi ou de mon lieu de travail. Pas de photo dans la presse, ou interview. J’ai notamment refusé l’année dernière une interview télévisée avec Librinova lors du Salon du livre de Paris à cause de ça. Je demande aussi aux lectrices qui veulent prendre des photos lors des salons de ne pas m’afficher sur les réseaux. Au début je n’avais pas cette exigence de vouloir garder l’anonymat de mon visage, je pensais qu’il était totalement improbable que je sois reconnue par quelqu’un de mon entourage. La suite m’a donné tort, car j’ai eu une mésaventure avec une « fan » un peu trop enthousiaste qui faisait partie de mon entourage et qui a découvert mon identité et m’a porté préjudice de manière involontaire. J’ai dû ensuite prendre des mesures pour éviter que cela ne se reproduise.

Est-ce que vous envisagez de révéler votre véritable identité ? D’associer votre nom à vos publications sous pseudos ? Si vous en avez, d’associer vos pseudos parallèles ?
Emma Green : Non, on est très attachées à notre identité d’auteure… On l’aime tellement qu’on a fait d’Emma Green l’héroïne d’un de nos romans (BLISS : le faux journal d’une vraie romantique). On s’est bien amusées à mettre en scène une auteure de romances à la recherche de l’amour… et à jouer avec les frontières entre fiction et réalité.
Angéla Morelli : Non. Ce pseudo va rester mon nom d’autrice.

Mily Black : Je ne compte pas révéler ma véritable identité avant des années, et encore… Par contre, si je venais à publier sous d’autres pseudonymes, je ferais bien évidemment le lien pour que les lecteurs qui souhaitent me suivre dans un autre style puissent le faire en toute liberté.
Angel.B : Non, pas spécialement. J’associe juste le nom de ma maison d’édition à celui de mon pseudo d’auteur puisque, pour l’un comme pour l’autre, c’est juste moi qui suis derrière ;)

Axelle Auclair : Non, je n’en vois pas l’utilité.
Loraline Bradern : Éventuellement, le jour où je ne serai plus en activité, mais mon pseudo est un peu comme une seconde peau pour moi donc il ne me gêne pas. C’est plus la nécessité de ne pas apparaitre en photo qui est gênante en ce qui me concerne. Le jour où je démissionnerai ou partirai en retraite, ça ne sera plus un problème.

Si vous aviez la possibilité de revenir en arrière, feriez-vous à nouveau le choix de la publication sous pseudo ? Autrement dit, avezvous des regrets ? Concernant l’utilisation du pseudo en luimême ? Le choix du pseudo ? La manière dont vous l’utilisez ?
Emma Green : On ferait sans doute à peu près tout pareil, à quelques détails près. (Peut-être en cherchant un pseudonyme français pour éviter la confusion, peut-être en mélangeant nos deux prénoms pour marquer davantage la spécificité de notre duo…) Mais Emma Green nous porte chance depuis sept ans, comment pourrait-on regretter une seconde ? ♥ ♥
Angéla Morelli : Aucun ! J’ai fait le bon choix (aucun élève ne m’a trouvée :)) !

Mily Black : Par définition, je suis une adepte du « sans regret ni remords », une philosophie de vie qui me pousse à répondre que je ne changerais rien parce qu’il m’a conduite là où j’en suis aujourd’hui et que j’ai conscience de la chance que j’ai. J’ai eu des reproches il y a quelques années sur le choix d’un pseudo à connotation américaine. Le comble quand on sait que le personnage dont est tiré mon pseudo est anglais, mais bref, passons… À ces personnes, j’ai simplement répondu que mon alter ego (Mily) était née avec Harry Potter et qu’il était hors de question que je renie ses origines. Quant à l’utiliser différemment, j’avoue que la question ne s’est jamais posée.
Angel.B : Oui je ne changerais rien, j’aime mon nom d’auteur et je ne regrette pas de l’avoir choisi.

Axelle Auclair : Aucun regret, je ferais de la même manière.
Loraline Bradern : Oui je ne changerais rien à ce niveau. Je ne regrette absolument pas l’utilisation de mon pseudo ni son choix.

 

Les croisements des points de vue de ces six auteures nous ont permis de confronter avec bienveillance leurs pratiques et leurs positionnements et ainsi de cerner tout l’intérêt de l’utilisation d’un pseudonyme pour un auteur. Ces retours nous ont également donné l’occasion de faire le lien entre le pseudonyme et la volonté d’anonymat.

En effet, alors que le pseudonyme est une « zone d’écriture » pour certains auteurs, pour d’autres il s’agit d’une véritable barrière qui leur permet de maintenir leur identité dans l’ombre.

Désormais, il est temps de s’intéresser au point de vue des éditeurs pour en savoir plus sur l’envers du décor. Autrement dit, sur le processus éditorial d’un auteur qui fait le choix d’utiliser un pseudonyme.

 

Du côté des éditeurs :

Pour cette partie-là, il nous a semblé pertinent de nous intéresser à la fois aux éditeurs des auteures dont l’identité est un secret très bien gardé, mais aussi à ceux dont le secret est éventé.

Notre démarche nous a donc menés à interroger les éditeurs des auteures précédemment interviewées et nous avons eu le plaisir d’avoir les retours d’Antonine Appriou, éditrice aux éditions BMR, Laury-Anne Frut, responsable éditoriale aux Éditions Leduc. s/Charleston/Diva romance et Carole Jamin, chargée de communication aux Éditions Addictives.

Les questions que nous leur avons posées rejoignent celles des auteurs, avec quelques nuances toutefois.

Quels sont les avantages et les possibilités qui s’offrent avec un auteur qui utilise un pseudo ?
Antonine Appriou, éditrice — éditions BMR : Le pseudonyme permet l’anonymat pour l’auteur, mais peut aussi donner un aspect « glamour » à son identité d’auteur, par exemple en choisissant un patronyme anglosaxon.

Laury-Anne Frut, Responsable éditoriale — Éditions Leduc. s/Charleston/Diva romance : Souvent les auteurs déjà connus peuvent prendre un pseudonyme quand ils ont envie de sortir de leur zone de confort, et que les lecteurs n’aient pas d’a priori sur leur nouveau roman. Je pense notamment à JK Rowling, qui n’a pas voulu être cataloguée comme « la maman de Harry Potter » en écrivant un roman policier. Si on est sur un ouvrage polémique, ça permet à l’auteur une relative sécurité. Par exemple un auteur qui va écrire un livre sur les 101 manières de tromper son conjoint ne va pas forcément vouloir mettre son véritable nom en couverture ;-) Ça leur permet aussi de s’inventer une identité, un personnage, et de jouer avec. Ça peut être un outil de communication comme un autre, je pense ici à Myra Eljundir dans la collection R de Robert Laffont, ou encore à Emma Mars, qui ont joué avec leur pseudonyme jusqu’à la révélation.
Ça permet enfin de s’adapter à certains genres : la romance est habituellement beaucoup plus souvent écrite par des femmes dans l’inconscient collectif, mais je suis sûre qu’il y a des hommes qui en écrivent sous pseudonyme.

Carole Jamin, Chargée de communication — Éditions Addictives : Le pseudo offre un avantage de confidentialité à l’auteur. Ainsi, si sa vie personnelle ou professionnelle ne lui permet pas de publier un écrit sous son vrai nom, il a la possibilité de le faire sous un nom d’emprunt. On a plusieurs auteurs enseignants, fonctionnaires ou avocats qui ont choisi de publier sous un pseudo pour cloisonner leurs activités.

Quels sont les inconvénients, les limites et les risques qui s’imposent avec un auteur qui utilise un pseudo ?
Antonine Appriou : Nous pouvons nous trouver face à des obstacles avec des auteurs qui utilisent plusieurs pseudonymes. Outre les confusions possibles qu’entraîne la gestion de plusieurs identités, il est plus difficile pour l’éditeur de créer une communauté autour d’un auteur dont l’oeuvre est partagée sous divers pseudonymes.

Laury-Anne Frut : Il y a deux points de vue, l’auteur qui souhaite que son anonymat reste total, et celui qui, comme Mily Black, accepte d’être à visage découvert. Il y a surtout de véritables inconvénients dans la première catégorie, et cela rejoint un peu votre question suivante : l’auteur et l’éditeur ne peuvent pas faire de promotion complète, pas de presse télé possible, les interviews et presse papier sont traitées au cas par cas, pas de salons ni de signatures… On se ferme tout un pan de la promotion (et en même temps ce « secret » peut entraîner une véritable curiosité). Dans le second cas, ça ne change pas grand-chose puisque l’auteur porte son pseudo de manière visible.

Le pseudonyme complique-t-il le processus d’édition ? Le marketing et la promotion d’une publication ?
Antonine Appriou : Le choix d’un pseudonyme ne change rien au travail éditorial sur un texte, à condition que le pseudonyme ne soit pas changé en cours de parcours. Pour le marketing et la promotion d’un roman, sur le principe, le processus reste le même, mais il peut être freiné par la volonté des auteurs de rester anonyme, et donc de ne pas dévoiler leur visage.

Laury-Anne Frut : J’y ai un peu répondu dans la question précédente. Concernant le processus d’édition, cela ne change pas grand-chose puisque l’éditeur est en contact direct avec l’auteur, et que le contrat d’édition ne peut se faire qu’au nom « réel » de l’auteur. L’éditeur est dans la confidence, et la seule difficulté réelle va être de faire en sorte que les informations contractuelles ne soient pas diffusées par erreur : les contrats sont intégrés dans un outil informatique qui va être lié à un serveur permettant de faire les fiches des livres que vous retrouvez chez les différents libraires en ligne. Il faut donc dès le contrat spécifier le pseudonyme, afin que ce ne soit pas le véritable nom de l’auteur qui passe sur Internet.

Est-ce que la campagne de promotion est la même pour un auteur qui utilise un pseudo que pour un auteur qui publie sous sa véritable identité ?
Antonine Appriou : Non, on va accompagner l’auteur de la même façon quel que soit son « persona ». Par contre si l’auteur utilise un pseudo par souci de confidentialité, il est possible qu’on mette moins l’accent sur les rencontres et les actions qui pourraient l’exposer et révéler sa vraie identité.

Laury-Anne Frut : Encore une fois cela dépend de la manière dont l’auteur traite son pseudonyme. Si nous pouvons dévoiler que l’auteur X est en fait l’auteur Y dès le début de la promotion, cela ne change rien. Si en revanche la confidentialité est requise, alors non, la campagne ne sera pas la même. Mais nous avons maintenant des outils pour faciliter la promotion : un entretien avec un journaliste peut être fait par téléphone ou mail, etc.

Carole Jamin : Il n’y a pas tellement de limite avec l’utilisation d’un pseudo, en soi. Là où cela peut poser problème pour les salons ou dédicaces, c’est lorsque l’auteur ne peut pas ou ne souhaite pas se montrer, en plus de cacher son vrai nom. Mais on a plein d’autres outils en main pour faire la promotion d’un roman si l’auteur ne dédicace pas : ce n’est jamais un frein à la publication d’un livre, pour nous.

Un pseudonyme peut-il générer de la frustration chez l’éditeur ?
Antonine Appriou : Pour ma part, cela ne m’est jamais arrivé.

Laury-Anne Frut : Bien sûr, quand on est très fier d’être l’éditeur d’un auteur dont on ne peut pas dévoiler l’identité, ça peut être très frustrant.

Est-ce que vous avez votre mot à dire sur le « degré de protectionnisme » d’un auteur sur son identité ?
Antonine Appriou : En publiant un livre, un auteur arrive forcément, à grande ou petite échelle, sur la place publique. L’éditeur peut aider un auteur à protéger son identité en ne diffusant pas de photographies de lui, en utilisant un pseudonyme et une fausse biographie, mais une protection absolue est impossible si l’auteur souhaite aller à la rencontre des lecteurs, en salon, festival et dédicace par exemple. À l’ère du numérique et des réseaux sociaux, le lien entre l’auteur et le lecteur s’est renforcé, limitant le « degré de protectionnisme » possible de l’identité d’un auteur.

Laury-Anne Frut : Oui, puisque la décision de prendre ou non un pseudonyme intervient au moment du contrat. Si l’éditeur n’est pas d’accord avec l’auteur, il peut décider de ne finalement pas publier ce projet.

Est-ce que vous avez déjà suggéré à un auteur d’utiliser un pseudo ? À l’inverse, à un auteur de publier sous sa véritable identité ?
Antonine Appriou : Non. Je laisse toujours le choix aux auteurs de prendre un pseudo ou non ; libre à eux ensuite de publier sous leur véritable nom ou sous un alias. Cependant, il peut nous arriver de proposer aux auteurs de choisir un autre pseudo si leur première proposition ressemble trop au nom de plume d’un autre auteur.

Laury-Anne Frut : J’en ai discuté avec certains de mes auteurs, qui pouvaient être déjà connus avec un pseudo, ou inversement être embêtés s’ils publiaient sous leur véritable identité.

Carole Jamin : Les pseudos ne nous posent pas de souci. Parfois la confidentialité ne nous arrange pas (par exemple pour la participation à des salons ou dédicaces), mais on respecte le choix de l’auteur. D’une manière générale, on a tendance à conseiller aux auteurs de prendre un pseudo, soit pour cloisonner plusieurs vies professionnelles, soit parce qu’ils sont publiés également chez un ou d’autres éditeurs, et on souhaite se différencier.
Au début, on orientait les auteurs vers des pseudos à consonance anglophone. Mais aujourd’hui la romance a pris sa place en France, et on accepte facilement les pseudos français. Ce que l’on accepte moins, ce sont les pseudos plus compliqués à lire et à prononcer, ou bien avec des initiales. Dès la publication numérique, on pense au circuit librairie : les libraires sont habitués aux noms d’auteurs classiques, composés d’un prénom et d’un nom. Dans un souci de crédibilité du livre et du pseudo, on choisit avec l’auteur en question un nouveau prénom et un nouveau nom.

 

Cet éclairage complémentaire quant à l’utilisation de ce procédé nous permet de conclure que le pseudonyme ouvre le champ des possibles.

Il permet la publication d’un ouvrage dans un contexte qui autrement l’aurait peut-être interdit. Ce procédé donne la possibilité de « cloisonner » les différentes facettes d’un auteur, de lui garantir une confidentialité s’il le souhaite, et lui octroie une liberté d’écriture sur un nouveau terrain de jeu. C’est donc une réponse qui peut être proposée par un éditeur, qui ne bouleverse pas le procédé éditorial mais pousse à quelques aménagements selon le degré de confidentialité que souhaite maintenir l’auteur, notamment autour du plan de communication qui sera mené pour la promotion des ouvrages.

Pour un auteur, publier en utilisant un pseudonyme n’est jamais un choix fait à la légère. Il relève d’une intention, répond à une diversité de besoins, entraîne une complexité d’usage et peut avoir des enjeux éditoriaux. Ce choix fait partie intégrante du processus de création de l’auteur.

Bib
SOURCES :
https://www.service-public.fr/particuliers/vosdroits/F355

https://sfa-cgt.fr/droit-et-pseudonyme

Code de la propriété intellectuelle :
• article L113-6 « Droits d’auteur sur une oeuvre pseudonyme ou anonyme »
• articles L 123-1 à L 123-12 « Durée de la protection (article L 123-3) »
• articles L711-1 à L711-4 « Protection du pseudonyme en tant que marque »
https://www.lexpress.fr/culture/livre/pourquoi-les-ecrivains-changent-ils-de-nom_799092.html

https://www.actualitte.com/article/monde-edition/les-auteurs-francais-en-une-infographie/65803

https://www.coollibri.com/blog/nom-de-plume-pourquoi-faire/

https://www.barnesandnoble.com/blog/romance-authors-write-multiple-pseudonyms/

https://www.sapiens.org/language/choosing-a-penname-romance-writers/

 


Commentaires

Cet article n'a aucun commentaire, ajoutez le vôtre !

Prénom ou pseudo * :
(Gardez toujours le même pseudo. Les lectrices qui partagent vos goûts pourront ainsi suivre vos commentaires.)
Email :
(Votre email ne sera pas affiché sur le site. Il nous permettra simplement de vous envoyer un petit mot de remerciement.)
Commentaire :
Signature :
 

* : champ obligatoire

Les commentaires sont temporairement désactivés

Les Romantiques sur Twitter  Les Romantiques sur Facebook  Rechercher un livre

 

 

 

 

© Copyright 2012 Les Romantiques
Webdesign Priscilla Saule