Les Romantiques -
« Rien ne se perd, rien ne se crée, tout se transforme ».
Qui n’a jamais entendu cette célèbre phrase, attribuée à Antoine Lavoisier ?
Empruntée au philosophe grec Anaxagore, cette maxime n’est pourtant pas la seule chose que l’Histoire aura prêtée, à tort, au grand chimiste français. Son épouse a en effet grandement contribué à la renommée de Lavoisier. Et pourtant, qui aujourd’hui connait le nom de cette scientifique, dessinatrice et traductrice entièrement dévouée à son mari ?
Antoine Lavoisier
Antoine Laurent de Lavoisier est né à Paris le 26 août 1743. Il hérite d’une grande somme d’argent à la mort de sa mère, alors qu’il n’a que cinq ans.
En 1754, à l’âge de onze ans, il intègre le collège des Quatre-Nations à Paris où il apprend la chimie, la botanique, l’astronomie, les mathématiques, mais aussi la philosophie. Il se tourne ensuite vers des études de droit, tout en étant attiré par les sciences naturelles. En 1766, il est lauréat du concours de l’Académie des sciences pour un essai sur l’éclairage public des salles de spectacle et reçoit au nom du roi une médaille d’or.
A vingt-six ans, passionné de politique, il devient fermier général. Il s’agit de « la jouissance d’une partie des revenus du roi de France, consentie par ce dernier, sous certaines conditions, à un adjudicataire dont les cautions forment la Compagnie des fermiers généraux ». En clair, les fermiers généraux sont chargés de collecter et gérer les impôts pour le compte du roi. Certains abusent de cette charge pour s’enrichir personnellement, ce qui rend l’institution très impopulaire.
Antoine Lavoisier est un esprit brillant et curieux, ses découvertes scientifiques sont révolutionnaires, à tel point qu’on le considère comme le père de la chimie moderne. Entre 1772 et 1779 il travaille sur le phénomène de combustion, et le rôle qui y est joué par l’oxygène. Il démontre au passage la composition de l’air. En 1783, il montre que l’eau est composée d’un gaz qu’il baptise hydrogène. Il s’intéresse également à de nombreux autres domaines, tels que l’agrochimie, la fabrication de la poudre, la physiologie ou l’économie.
Le 28 novembre 1793, Lavoisier est emprisonné avec 27 autres fermiers généraux (dont son beau-père, Jacques Paulze). On lui reproche entre autre d’avoir spéculé contre l’intérêt des citoyens. En effet, quelques années auparavant il a participé à la réforme du système de perception des impôts. En pleine Terreur, il ne peut rien contre les accusations portées à son égard : il est condamné à mort le 5 mai 1794. Il fait néanmoins appel pour pouvoir terminer des expériences scientifiques.
La légende raconte que le président du tribunal révolutionnaire aurait répondu : « La République n’a pas besoin de savants, ni de chimistes ; le cours de la justice ne peut être suspendu ».
C’est le 08 mai 1794 (ou le 19 floréal an II) qu’il est guillotiné, à seulement 50 ans. Son corps est jeté à la fosse commune.
Le mathématicien Louis de Lagrange lui rend hommage en déclarant : « Il ne leur a fallu qu’un moment pour faire tomber cette tête et cent années, peut-être, ne suffiront pas pour en reproduire une semblable ».
Les écrits de Lavoisier sont conservés aux Archives Nationales.
Marie-Anne Paulze
Marie-Anne Pierrette Paulze est née en 1758. Fille de Jacques Paulze, un fermier général, elle est aussi la petite-nièce de l’abbé Joseph Marie Terray qui fut le dernier contrôleur général des finances de Louis XV.
Orpheline de mère à l’âge de trois ans, Marie-Anne est séparée de ses trois frères et envoyée très tôt au couvent. Bien éduquée, la jeune fille va s’intéresser principalement aux sciences, mais aussi au dessin. L’abbé Terray s’est mis en tête de la marier à un homme que ni elle ni son père n’apprécient : il est âgé de cinquante ans, alors que Marie-Anne n’en a que treize, et on le décrit comme une sorte de brute mal dégrossie. Pour la sauver des griffes de ce prétendant indésirable, Jacques Paulze doit rapidement lui trouver un autre époux.
Le 4 décembre 1771, un contrat unit par les liens du mariage Marie-Anne, âgée de treize ans, à Antoine Lavoisier, vingt-huit ans. Voici comment les nouveaux époux sont décrits pour cette occasion : « Lavoisier était grand ; il avait les cheveux châtains et les yeux gris, la bouche petite, un aimable sourire, un regard d’une grande douceur. Melle Paulze était de taille moyenne ; elle avait les yeux bleus très vifs, les cheveux bruns, qui, dans ses portraits, sont recouverts, selon la mode du temps, d’une perruque blonde fort disgracieuse. »
Les jeunes mariés s’installent rue Neuve-des-Bons-Enfants jusqu’en 1775. Comprenant l’importance du travail de son mari, et ses fortes capacités intellectuelles, Marie-Anne décide d’approfondir ses propres connaissances dans de nombreux domaines. Elle apprend alors le latin (grâce à son frère Belthazar), ainsi que l’anglais et l’italien, et devient la traductrice officielle de son mari ; il peut grâce à elle avoir accès à de nombreux textes, dont les mémoires de chimie d’autres scientifiques européens.
A son sujet, Arthur Young (agriculteur et agronome britannique) écrit : « Mme Lavoisier, une personne pleine d’animation, de sens et de savoir, nous avait préparé un déjeuner anglais au thé et au café ; mais la meilleure partie de son repas, c’était, sans contredit, sa conversation, soit sur « Essai sur le Phlogistique » de Kirwan, qu’elle est en train de traduire, soit sur d’autres sujets qu’une femme de sens travaillant dans le laboratoire de son mari sait si bien rendre intéressants ».
Se passionnant également pour la chimie, elle dessine et grave les planches du « Traité élémentaire de chimie » de son mari. Le grand David lui-même lui a servi de mentor pour la peinture. Madame Lavoisier semble savoir tout faire : traductrice, dessinatrice, artiste-peintre, elle assiste également son mari dans ses expériences scientifiques, prenant note des résultats obtenus. Elle fait tout son possible pour que le talent de son mari soit reconnu et apprécié de ses contemporains, en contactant par exemple d’autres scientifiques pour diffuser les thèses de Lavoisier. Le tandem formé par Antoine et Marie-Anne semble indestructible, même si cette dernière se permet quelques infidélités de temps à autre. N’ayant pas d’enfant, ils se consacrent entièrement à leur travail. En 1788, pour immortaliser leur couple, Marie-Anne commande à son ami David un grand portrait. Celui-ci est depuis considéré comme un chef-d’oeuvre de la peinture néoclassique et peut être admiré à New York au Metropolitan Museum of Art.
Le 08 mai 1794, Marie- Anne perd à la fois son père et son mari, tous deux guillotinés, ainsi que beaucoup d’amis. Ruinée, sans famille, elle vit en recluse dans son hôtel particulier. Tous les biens matériels de son mari sont saisis. Elle est incarcérée en 1794, mais parvient à sortir rapidement de prison. Il lui faudra cependant attendre deux ans avant de pouvoir récupérer ses biens.
Par respect pour Antoine, Marie-Anne est prête à tout pour rassembler ses derniers écrits. Elle fait publier « Mémoires de chimie » (en deux tomes) avec l’aide de scientifiques et amis de son défunt mari.
Elle se remarie en 1804 avec Benjamin Thomson, comte de Rumford. Physicien américain, il est connu, entre autres, pour sa théorie sur le rayonnement calorifique. Le couple divorce cinq ans plus tard.
Marie-Anne reste seule jusqu’à sa mort en 1836. Elle est inhumée à Paris au cimetière du Père-Lachaise.
Giselwillies
Sources :
https://fr.wikipedia.org/wiki/Marie-Anne_Pierrette_Paulze
http://www.biusante.parisdescartes.fr/ishm/vesalius/VESx2000x06x02x105x113.pdf
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