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Les retrouvailles

Rinou - 15/05/2019

Certaines aiment parler de seconde chance (surtout les anglophones), moi je préfère le terme de retrouvailles. Pour moi, une « seconde chance » englobe trop d’histoires potentielles (notamment dans le cas des héros matures, cf dossier du mois précédent) tandis que le terme de « retrouvailles » est très clair : deux héros qui se retrouvent après plusieurs mois ou années de séparation.

Dans ce cadre, l’histoire débute au moment des retrouvailles des héros, et non pendant la séparation. Il faut donc bien distinguer ici une histoire classique au cours de laquelle les héros vont être séparés pendant quelques temps avant les retrouvailles finales, et une romance dont l’intrigue principale va mettre en scène des retrouvailles, avec parfois quelques flashbacks, mais très souvent des évocations du passé.

C’est l’une de mes trames préférées, mais je trouve qu’il est difficile de trouver une belle histoire de retrouvailles. Très souvent, l’auteur va s’embourber dans les récriminations et les rancunes, ou alors ça va être trop rapide et on ne va pas forcément croire à leur fin heureuse.

Ecrire une histoire de retrouvailles, c’est tout d’abord penser à la raison de la séparation, et c’est un élément primordial pour pouvoir mettre en place les personnages et la manière dont ils vont surmonter leur passé.

 

Plusieurs trames sont possibles :

Séparation suite à une infidélité ou parce que le héros épouse quelqu’un d’autre
Oui cela arrive même dans une romance, et rares sont les auteurs qui parviennent à créer une belle histoire à partir de ce contexte car, soyons honnêtes,
il est très difficile de surmonter cela, même dans la réalité. Personnellement, comme je n’aime pas les histoires d’infidélité, je les évite. Par contre l’une de mes histoires préférées est celle de Scarlett Cole dans Nikan rebuilt (bientôt traduit en français, j’espère).

 

Séparation à cause d’un secret
Cela peut être d’ordre personnel (quelque chose de grave qui est arrivé et que le héros ou l’héroïne ne veulent absolument pas que leur âme soeur découvre) ou physique (cacher une tare, une maladie ou des cicatrices) comme dans le livre Again the magic (Les blessures du passé, J’ai lu A&P 2012) de Lisa Kleypas.

 

Séparation pour cause d’opportunité professionnelle
Le héros ou l’héroïne pensent quitter leur ville pour toujours afin de faire carrière, et pour éviter que leur âme soeur ne les attende indéfiniment, ils préfèrent mettre fin à la relation, même si ça leur brise le coeur. Dans A little dare (Le secret de Shelly, Harlequin Passions 2017) de Brenda Jackson, notre héros s’en va pour faire carrière au FBI, laissant derrière lui sans le savoir une héroïne enceinte.

 

Séparation suite à une amnésie
L’amnésie survient après un accident où le héros ou l’héroïne pensent que leur âme soeur est décédée. Les retrouvailles se passent au moment où le héros ou l’héroïne découvrent qu’il n’en est rien. Kathleen Woodiwiss avait traité cette intrigue avec Come love a stranger (L’inconnue du Mississipi, J’ai lu A&P 2014). Notre héroïne amnésique est sous la coupe d’un autre homme et notre héros n’a de cesse de lui faire retrouver la mémoire.

 

Séparation suite à une grosse dispute ou un malentendu
Trames classiques car cela permet d’exploiter l’évolution des héros pendant la séparation et les lectrices peuvent apercevoir le résultat au moment des retrouvailles. En termes de malentendu, l’intrigue typique est celle où le héros ou l’héroïne pensent que leur âme soeur les a trompés ou ne voulait pas d’eux. Dans ce cas ils mettent fin à la relation, et très souvent sans donner d’explications.

 

Séparation parce que les héros sont trop jeunes et parfois pas assez matures
Les héros se connaissent et s’aiment quand ils sont jeunes, mais leurs rêves se révèlent à l’opposé l’un de l’autre et aucun n’est prêt à changer. La fin de la relation est souvent très douloureuse et les rancunes tenaces au moment des retrouvailles.

 

Séparation suite à la découverte des motivations
Cela se passe principalement lorsque le héros ou l’héroïne cachent leurs intentions et que la découverte de la vérité a entraîné une longue séparation.

 

Séparation à cause de la famille
Le cas le plus courant est la trame que personnellement je déteste le plus, c’est lorsque l’héroïne ou le héros autorisent la famille à les séparer de leur âme soeur. Pour  moi c’est synonyme de faiblesse : manquede détermination de la part de l’héroïne, mou du genou pour un héros. Par contre le cas où je « pardonne » aux héros, c’est lorsqu’ils n’étaient pas conscients d’être manipulés et que des preuves flagrantes montraient une supposée trahison.

 

Séparation pour protéger l’autre
Ici la famille peut aussi être à l’origine de la séparation, surtout quand elle menace le héros ou l’héroïne de s’en prendre à son âme soeur si elle/il ne le/la quitte pas. De même, c’est une trame utilisée en romantic suspense quand le héros ou l’héroïne veulent protéger leur âme soeur des méchants ou de leurs supérieurs.

 

Pourquoi cette trame plait-elle tant aux auteures ?

Tessa Shapcott, auteur et éditrice : « Avez-vous remarqué combien de contenus de littérature et de films sont basés sur des histoires de deuxième chance en amour ? Ce n’est pas surprenant, étant donné que l’amour est l’une des émotions les plus profondes que nous ressentions en tant qu’humains, et notre société a longtemps attaché beaucoup de valeur à la monogamie et à la longévité dans les relations amoureuses. Pourtant, malgré tout, les ruptures et les divorces sont une réalité pour beaucoup. Alors il n’est pas étonnant que nous rêvions d’avoir l’occasion de faire un autre essai en vue d’atteindre ce but si fondamental pour nous, et appréciions les fictions qui réutilisent le concept de l’amour durable à travers un doux fantasme, des personnages intéressants et une intrigue divertissante.
C’est ce qui attire les lecteurs de romance. Mais les histoires de seconde chance sont aussi super pour les écrivains, parce qu’elles apportent tellement de matière riche en émotion avec laquelle jouer. Quelquefois il est difficile de faire démarrer une relation amoureuse sur le papier quand les personnages ne se sont jamais rencontrés avant – et même là, on a besoin d’un genre de lien entre eux qui aide à faire prendre la mayonnaise. »

Kristin Holt, auteur : « Beaucoup de types différents de romance me font soupirer de satisfaction, mais l’une de mes intrigues préférées est la seconde chance en amour. Après tout, voyez comme le conflit est déjà inhérent juste en choisissant des histoires de seconde chance : l’un peut avoir envie de réessayer, peut être prêt à admettre qu’il ou elle aime toujours l’autre… mais pour un million de raisons (bagage émotionnel, peut-être lié à la rupture) l’autre ne l’est pas. Personne n’aime ce genre de rejet. »
Ses deux romances, This Noelle et Pleasance’s first love, mettent en scène des retrouvailles : la première un couple marié et la seconde des héros qui se retrouvent parce que la première fois, ça n’avait pas marché entre eux. « Ecrire ces deux histoires m’a non seulement donné la chance de plonger dans les coeurs et les esprits de couples qui se battent pour faire durer leur amour, mais m’a donné la précieuse opportunité d’explorer ce que je ressentirais si j’étais à leur place. »

Briana MacWilliam, psychothérapeute de la créativité et auteur d’un guide : « Pourquoi aimons-nous les romances de la seconde chance ? Parce que c’est carrément américain de soutenir le perdant. Dans une romance de la seconde chance, toute l’histoire tumultueuse entre le héros et l’héroïne sert seulement à intensifier le parcours émotionnel, parce que ça élève l’obstacle que le héros doit franchir. »

Alice Orr, auteur : « Tout le monde aime les histoires de seconde chance. Pourquoi ? Parce que tout le monde a vécu au moins une histoire de ce genre. Tout le monde  a cherché sur Google au moins une personne de sonpassé au souvenir fort, ce qui signifie que tout le monde peut avoir envie de lire une histoire de seconde chance en amour […] J’aime les situations de seconde chance en amour, non seulement pour leur potentiel marketing, mais aussi pour leur potentiel d’intrigue scénaristique. Elles me permettent de sauter directement dans le coeur de l’histoire sans beaucoup de « rencontres mignonnes » au début, quand je suis censée attirer le lecteur et retenir son attention […] De plus, j’aime les histoires de seconde chance en amour parce que je crois que la vie est une histoire de chance, seconde ou troisième, quel que soit le nombre dont on a besoin pour réussir. »

 

Dans l’ensemble, les raisons qui expliquent leur amour de ce type de trame correspondent à ce que moi j’attends de ces histoires. Celles que je préfère : celles où le héros doit ramper avant de parvenir à reconquérir l’héroïne. Cela explique probablement pourquoi j’avais écrit une telle histoire, la première que j’ai publiée, intitulée Passion et conséquences, romance historique se situant au 19ème siècle. Le héros passe une nuit avec l’héroïne puis l’abandonne. Ils se retrouvent un an plus tard. L’avis des lectrices se rejoignait sur un point : elles ont cru en l’évolution du héros et en sa rédemption. Ce n’était pas une romance typique de retrouvailles, car on assiste à la rencontre des héros avant leur longue séparation, mais le fait que la reconquête de l’héroïne se passe sur les trois quarts du livre pourrait la faire rentrer quand même dans cette catégorie.

 

Ecrire une histoire de retrouvailles est donc un exercice difficile car, en refermant le livre, les lectrices doivent obligatoirement croire à une fin heureuse. G.G. Andrew, une auteure, donne sur son blog des conseils très utiles quand on veut écrire des histoires de retrouvailles.

Montrez-nous ce qu’il s’est passé
Il y a des exceptions bien sûr, mais la plupart des romances de la seconde chance avec lesquelles j’ai vraiment accroché ont montré des bribes de la relation antérieure entre deux personnes – plutôt que juste nous dire qu’ils étaient ensemble. Les flashbacks, même brefs, nous donnent une vraie idée de la façon dont les deux personnes étaient liées et connectées, et de comment tout s’est écroulé – ce qui nous indique ce qui est en jeu dans une histoire, que le meilleur est possible, mais que ça peut aussi vraiment mal tourner.

Assurez-vous que l’attirance – et la connexion – sont toujours là
Quand les deux personnes se retrouvent, il faut montrer au lecteur que l’attirance est toujours présente. Peut-être qu’il est jaloux du nouveau petit-ami de son ex, alors il réagit comme un crétin. Peut-être, comme dans Take care (NDLR : film de 2014 avec Leslie Bibb et Thomas Sadoski), son ex était-il bien plus proche de sa mère que de sa nouvelle fiancée. Peut-être que deux anciens amants se poussent à vivre leurs rêves d’une façon que les autres ne font pas. Vous pourriez avoir besoin de forcer la proximité – les enfermer ensemble dans un freezer, ou les faire collaborer à contrecoeur comme coprésidents d’un évènement – pour que le lecteur voie, et que les personnages commencent à réaliser, que l’étincelle est toujours là.

Montrez-nous qu’ils ont changé et grandi
Pour que cette seconde chance fonctionne, ils ne peuvent pas être les mêmes qu’avant. Ils doivent être plus sages, mieux savoir ce qu’ils veulent, apprécier ce qu’ils pourraient avoir avec l’autre personne. Et avant tout…

Ils doivent être honnêtes
L’honnêteté est très importante dans cette intrigue. Si deux personnes avaient une relation amoureuse et veulent faire un deuxième essai, il faut mettre les choses au clair. Ils doivent pouvoir parler de ce qu’il s’est passé, admettre les erreurs, et avancer.

De même, ils doivent rebâtir la confiance et l’intimité
D’après moi, il y a de nombreux points communs entre une romance de la seconde chance et l’intrigue d’amis-à-amants. Parfois l’amitié est venue avant la liaison, parfois c’est après… Mais peu importe, la confiance et l’intimité entre deux personnes doivent être établies.

Les personnages doivent vraiment s’investir
Ça a cassé avant, et ils ont réparé, mais on a besoin de savoir que cette fois c’est pour toujours. L’un des personnages, ou les deux, doivent montrer un engagement qu’ils ne pouvaient pas prendre avant – une bague, un déménagement à l’autre bout du pays. Je pense que c’est la raison pour laquelle beaucoup de romances de la seconde chance ont lieu entre deux personnes qui sont passées à autre chose avec d’autres, comme c’était le cas dans Take care et It’s already tomorrow in Hong Kong (NDLR : film de 2015 avec Jamie Chung et Bryan Greenberg). Ça ajoute une touche de romance interdite à l’intrigue, certes, mais je crois que ça permet aussi aux personnages de montrer qu’ils veulent vraiment l’autre à nouveau, qu’ils ne retombent pas juste dans d’anciens schémas. Ils vont devoir quitter leur « assez bon » nouvel amant pour vivre cette chance d’un lien extraordinaire avec la personne de leur passé.

Si vous aimez les histoires de retrouvailles, rendez-vous sur le forum pour donner des titres que vous conseillez.

 

Fabiola

 

Sources :
https://ggandrew.com/2016/07/26/romance-trope-tuesday-writing-second-chance-romance/

http://romanceuniversity.org/2017/03/13/second-chance-at-love-get-it-right-the-first-time-by-tessa-shapcott/

https://yellowbrickscommunity.wordpress.com/2015/12/16/second-chance-romance-four-must-haves-in-a-loveable-underdog/

https://www.aliceorrbooks.com/second-chance-love-first-class-storytelling/

 


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