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Louise Elisabeth de Bourbon Condé - Scandaleuse

Les Romantiques - 16/04/2019

dite Princesse de Conti (1693-1775)

Année du scandale : 1745.
Epoque : Règne de Louis XV.
Objet du scandale : Percluse de dettes, Louise Elisabeth de Bourbon Condé, princesse douairière de Conti, (âgée de cinquante-deux ans) présente à la Cour de Versailles, lors d’une cérémonie publique le 14 septembre 1745, la nouvelle maîtresse du roi Louis XV, Jeanne Antoinette Poisson future marquise de Pompadour. C’est la seule princesse de sang qui accepta de se fourvoyer en présentant cette « bourgeoise » en échange de l’extinction de ses dettes.

 

Fille de Louis III de Bourbon-Condé, Prince de Condé (1668-1680), et de Louise Françoise de Bourbon (1673-1743), Louise Elisabeth de Bourbon Condé est le troisième enfant du couple (sur neuf) et la deuxième fille (sa soeur aînée est mentalement attardée). Elle a déjà un frère, le futur Prince de Bourbon Condé. Le 24 novembre 1698 elle est baptisée dans la chapelle de Versailles, en même temps que son frère Louis Henri et sa soeur Louise Anne.

C’est une jolie fillette, intelligente et pleine de joie de vivre. Elle reçoit le nom de Mademoiselle de Sens, puis de Mademoiselle de Charolais (qui sera pris plus tard par sa jeune soeur, Louise Anne). Son père est un homme brutal et jaloux (comme le sera plus tard son propre époux) et sa mère n’est autre que la fille légitime de Louis XIV et de la Montespan. Le couple s’entend mal, et les deux époux se trompent mutuellement.

Lorsque Louise Elisabeth a dix-sept ans, sa mère commence à lui chercher un beau parti et se met en tête de lui faire épouser Charles de Bourbon, duc de Berry, l’un des petits-fils du roi Louis XIV. Mais la duchesse d’Orléans (soeur de la duchesse de Bourbon, et fille elle aussi de Louis XIV et de la Montespan) remporte le match et le duc de Berry épouse sa fille aînée, Marie Louise Elisabeth d’Orléans.

Le 9 juillet 1713, Louise Elisabeth de Bourbon Condé épouse à Versailles, en présence de toute la cour, son propre cousin, Louis Armand II de Bourbon Conti. Durant la même cérémonie, le frère de Louise Elisabeth, Louis Henri Joseph de Bourbon Condé, épouse la soeur de Louis Armand II, Marie Anne de Bourbon Conti. Aucun de ces mariages ne sera heureux.

Le Prince de Conti, né le 10 novembre 1695 à Versailles, et mort le 4 mai 1727 à Paris, donnera à Louise Elisabeth cinq enfants, dont deux seulement parviendront à l’âge adulte. De trois ans plus jeune qu’elle, il est devenu Prince de Conti en 1709 à la mort de son père. Il est aussi laid de corps que d’esprit : sa face est hideuse, il est bossu et va vite développer une obsession pour sa jeune épouse, qui est le charme incarné envers lui.

St Simon rapporte ce mariage dans ses Mémoires :
…Enfin les deux fiançailles se firent le samedi 8 juillet, sur le soir, dans le cabinet du roi, par le cardinal de Rohan, revenu exprès de Strasbourg, où il ne faisait que d’arriver. Mme la Duchesse et Mme la Princesse de Conti n’y firent prier que les parents, mais jusqu’à un degré assez étendu. La foule ne laissa pas d’y être grande de tout ce qui ne l’avait pas été. Mlle de Charolais et Mlle de La Roche-sur-Yon portèrent la queue de la mante des deux fiancées. Le lendemain dimanche 9, le cardinal de Rohan dit la messe à midi dans la chapelle, en présence du roi et de toute la cour, et il y maria les deux princes et les deux princesses, qui furent mis tous quatre sous le même poêle. Il n’y eut point de dîner ni de plaisirs. Le soir, toute la maison royale, tous les princes et princesses du sang, M. et Mme du Maine et leurs deux fils, et M. le comte de Toulouse, soupèrent avec le roi chez lui. Il passa avec eux tous dans son cabinet, au sortir de table, et un quart d’heure après il descendit dans l’appartement de feu M. le Prince, que Mme la Princesse avait conservé entier, et qui était double. Les deux noces y couchèrent, le roi donna la chemise aux deux mariés, et Mme la duchesse de Berry aux deux mariées. Ce ne fut pas sans prodiguer à l’une des deux ses plus perçants dédains. Le lendemain lundi, après dîner, le roi retourna au même appartement voir les deux mariées chacune sur son lit, où toute la cour abonda le reste de la journée. Dès le soir M. le Prince de Conti entra après le souper dans le cabinet du roi, jusqu’à son coucher, comme mari de sa petite-fille, privilège attaché uniquement à cette qualité. M. le Duc avait près de quatre ans moins que sa nouvelle épouse, et M. le Prince de Conti deux moins que la sienne…

En août 1716, Louise Elisabeth soigne courageusement son mari lorsqu’il est atteint de la petite vérole. Quelque temps plus tard, elle contracte elle-même la maladie. Son mariage n’en est pas moins malheureux. Non seulement le Prince trompe sa femme ouvertement, mais encore, à demi-fou, il fait preuve d’une jalousie maladive et violente. Cependant elle sait faire preuve de suffisamment de courage et de fierté pour dire à son mari : « Souvenezvous que je puis faire des princes du sang sans vous alors que vous ne pouvez en faire sans moi.»

Mme Palatine dira d’elle dans ses Mémoires vers 1719 :
…C’est une personne pleine de charme, et l’exemple vivant que la grâce est supérieure à la beauté. Lorsqu’elle se décide à se montrer agréable, il est impossible de lui résister. Ses manières sont fascinantes, elle est pleine de gentillesse, et n’a jamais la moindre mauvaise humeur et dit toujours les choses les plus gentilles et les plus obligeantes. Il est regrettable qu’elle n’est pas entourée de personnes plus vertueuses, car elle possède une nature profondément bonne, mais elle est gâtée par la mauvaise compagnie dont elle s’entoure.
Elle a une espèce de fou pour mari, qui a été très mal élevé et les exemples qu’elle a sous les yeux tous les jours sont si persistants qu’ils ont fini par la corrompre, et faire en sorte qu’elle se soucie peu de sa réputation, qui n’est pas bonne. Ses manières élégantes et gracieuses sont un délice pour les étrangers. Par-dessus tout les Bavarois sont tombés amoureux d’elle, de même que le Prince Ragotzky, mais elle a fini par le dégoûter avec sa coquetterie. Elle n’aime pas son mari, et ne peut l’aimer d’autant qu’il est aussi laid physiquement que de tempérament. Ce n’est pas seulement son visage qui est hideux, mais toute sa personne est effrayante et déformée. Elle l’a terrifié en plaçant des mousquets et des épées près de son lit, et l’a assuré que s’il s’avisait de venir à elle avec ses pistolets chargés, elle prendrait le fusil et lui tirerait dessus, et si par malheur elle devait le manquer, elle se rabattrait sur l’épée pour lui tomber dessus. Depuis ce moment, il a cessé de porter ses pistolets chargés sur lui. Son mari la nargue, et l’a tant fait pleurer qu’elle a perdu son enfant, et sa santé est de nouveau chancelante…

En effet la Princesse, de son côté, n’a pas tardé à prendre pour amant Philippe Charles marquis de La Fare (1687-1752), un cavalier de belle allure, futur maréchal de France, sans prendre la peine de dissimuler cette liaison. On le soupçonnera d’être le vrai père de Louis François Ier de Bourbon-Conti, qui n’a pas hérité de la bosse des Conti. Le Prince se met à battre sa femme et l’on doit à deux reprises appeler un chirurgien.

Elle finit par s’enfuir, enceinte de sept mois, pour se réfugier chez sa mère, puis dans un couvent. Le Prince en appelle au Parlement pour tenter de récupérer son épouse. Celle-ci annonce son intention de le quitter, et menace de se présenter nue devant les juges si ceux-ci la contraignent à regagner le domicile conjugal. Les parisiens s’amusent de ces tribulations, qui font le bonheur des humoristes. De guerre lasse, Louise Elisabeth finit par réintégrer l’Hôtel de Conti en 1725. Son mari commence par l’enfermer dans son château de L’Isle-Adam, mais elle réussit à le convaincre de rentrer à Paris en 1727 car elle est enceinte et souhaite y accoucher.

Bientôt la vie conjugale de la Princesse de Conti s’achève, car souffrant d’une fluxion de poitrine, le Prince meurt le 4 mai 1727, âgé de trente-et-un ans. Louise Elisabeth est alors connue sous le titre de Madame la Princesse de Conti dernière douairière (ou troisième douairière) pour la distinguer des autres princesses de Conti (Marie Anne de Bourbon, fille de Louis XIV et de La Vallière qui mourra en 1739 ; et Marie Thérèse de Bourbon Condé, sa belle-mère, qui mourra en 1732).

Devenue veuve à trente-quatre ans, elle profite pleinement de la cour à Versailles, et y trouve en 1732 un beau parti pour son fils : sa cousine Louise Diane d’Orléans (1716- 1736), fille du feu Régent, ce qui permet la réconciliation des branches cadettes de la famille de France, rivales depuis la fin du règne de Louis XIV. En 1734, l’architecte Nicolas Simonnet aménage pour la Princesse l’hôtel de La Vrillière, 14 rue Saint-Dominique à Paris.

En 1743, elle acquiert le château de Voisins près de Louveciennes, qui sera plus tard démoli et reconstruit. La même année, le 17 décembre, elle marie sa fille Louise Henriette de Bourbon Conti, âgée de dix-sept ans, à Louis Philippe d’Orléans duc de Chartres, futur duc d’Orléans. Ils seront les parents de Philippe Egalité. En 1745, Louise Elisabeth accepte de présenter officiellement à la Cour Madame de Pompadour, le roi réglant en échange le montant de ses dettes.

Mémoire de Mme de Luynes du mercredi 15 [septembre 1745] : Mme de Luynes, […] croyant que la présentation de Mme d’Étioles seroit faite dimanche ou lundi dernier, fut obligée de rester à Versailles jusqu’à sept heures ; elle voulut se trouver chez la Reine dans le moment de la présentation. Mme de Pompadour fut donc présentée au Roi sur les six heures. Il y avoit un monde prodigieux dans l’antichambre et la chambre du Roi, mais assez peu dans le cabinet. La conversation fut fort courte et l’embarras très grand de part et d’autre. Mme la Princesse de Conty avoit avec elle sa dame d’honneur ; d’ailleurs il n’y avoit avec elle que Mme de Lachau-Montauban et Mme d’Estrades. Il n’y avoit pas moins de monde à la présentation chez la Reine ; et tout Paris étoit fort occupé de savoir ce que la Reine diroit à Mme de Pompadour. On avoit conclu qu’elle ne pourroit lui parler que de son habit, ce qui est un sujet de conversation fort ordinaire aux dames quand elles n’ont rien à dire. La Reine instruite que Paris avoit déjà arrangé sa conversation, crut, par cette raison-là même, devoir lui parler d’autre chose. Elle savoit qu’elle connoissoit beaucoup Mme de Saissac. La Reine lui dit qu’elle avoit vu Mme de Saissac à Paris et qu’elle avoit été fort aise de faire connoissance avec elle. Je ne sais si Mme de Pompadour entendit ce qu’elle lui disoit, car la Reine parle assez bas ; mais elle profita de ce moment pour assurer la Reine de son respect et du désir qu’elle avoit de lui plaire. La Reine parut assez contente du discours de Mme de Pompadour, et le public, attentif jusqu’aux moindres circonstances de cet entretien, a prétendu qu’il avoit été fort
long et qu’il avoit été de douze phrases.

La Princesse sera présente lors du bal en l’honneur du mariage de l’infante Marie Thérèse d’Espagne avec le Dauphin de France en 1745. Louise Elisabeth de Bourbon Condé, Princesse de Conti, meurt à l’âge de quatre-vingt-un ans dans son hôtel à Paris, le 27 mai 1775. Elle est enterrée à l’église St Sulpice à Paris.

Lafouine77


Sources :
Mémoires de Saint Simon
Wikipédia


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