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Olga Aleksandrovna Zherebtsova - Scandaleuse

Les Romantiques - 06/03/2019

Madame Gerebtzoff (1766-1849)

Année du scandale : 1803.
Epoque : Règne de Napoléon 1er.
Objet du scandale : Désireuse de rejoindre à Londres son amant anglais, Charles lord Whitworth, Olga Gerebtzoff (la Zherebtsova), issue de la noblesse russe, entre dans une rage folle en apprenant le mariage de celui-ci avec la riche veuve du duc de Dorset. Pour mettre fin à ses importunités et son harcèlement, la nouvelle lady Whitworth devra remettre à Mme Gerebtzoff 10 000 £ pour avoir enfin la paix.

Olga Aleksandrovna Zoubov est née en 1766 dans la ville de Vladimir (située à 100 km à l’est de Moscou). Elle est le quatrième enfant d’Alexandre Nikolaevitch Zoubov (1727-1795) et de son épouse Elisabeth Vassilievna Voronova (1742-1814).

Le père d’Olga est gouverneur de la province de Vladimir et a acquis une fortune considérable grâce à de nombreux pots de vin. Il aura sept enfants, dont les plus connus sont Olga, son frère Platon (d’un an plus jeune qu’elle) et le dernier frère Valerian (né cinq ans après Olga).

Tous les enfants du couple Zoubov ont hérité de la beauté de leur mère, une très jolie femme dont seul l’embonpoint devait atténuer le charme dans les années suivantes. L’inconvénient des filles trop belles, c’est que leurs parents les marient très jeunes : Anna, la soeur aînée d’Olga, est mariée en 1775 à l’âge de quinze ans à Osip Ivanovich Khorvat. Quant à Olga c’est à l’âge de quatorze ans qu’on la marie à un noble russe, chamberlain à la cour de l’impératrice Catherine II de Russie : Alexandre Alexeivitch Zherebtsov. Il s’agit là d’un mariage de convenance, le mari d’Olga a douze ans de plus qu’elle, mais il est charmé par la beauté de la jeune fille. L’année suivante, elle donne naissance à son premier enfant, un fils, Alexandre. Puis viendront trois autres : Alexandra en 1783 (qui mourra à deux ans), Elisabeth en 1787 et Nicolas en 1792.

Le mari d’Olga occupe une place limitée dans sa vie (ils n’ont rien en commun) : la mésentente du couple fait fuir l’époux qui ira vivre avec leurs enfants une grande partie de l’année sur leur domaine de Rovnoe. Olga, quant à elle, va suivre le destin exceptionnel de son frère cadet, Platon Zoubov. En 1790, lieutenant des gardes à cheval de l’impératrice Catherine II, il est repéré par cette dernière qui tombe sous le charme de ce très beau jeune homme de vingt-trois ans. En très peu de jours il devient l’amant de la vieille impératrice de soixante-deux
ans. Ce sera le dernier amour de celle-ci, qui en est folle. Les faveurs pleuvent bientôt sur Platon : il est installé dans l’appartement des favoris, qui jouxte celui de la tsarine au Palais d’Hiver à Saint Pétersbourg.

Il est bientôt nommé grand maître de l’artillerie et courtisé par tous dès lors que sa faveur devient publique (les généraux russes se disputent l’honneur de lui servir son café). Platon Zoubov décide aussitôt d’en faire profiter sa famille, et fait venir celle-ci à Saint Pétersbourg. Ses frères aînés, Nicolas et Dimitri, sont faits généraux.

Son père et sa mère s’installent près du Palais d’Hiver, et sa soeur Olga achète une maison dans la ville. Elle devient la coqueluche de la société russe. Ses contemporains sont unanimes pour reconnaitre la beauté d’Olga. D’ailleurs elle et ses frères se distinguent par une beauté slave envoûtante, Valerian est réputé comme étant, après Platon, le « plus bel homme de Russie ». Certains le soupçonnent même d’avoir lui aussi partagé le lit de l’impératrice, à l’insu de son frère.

Ce qui n’empêche pas Catherine II (même si elle est infidèle) de combler son favori d’honneurs : lorsqu’il requiert pour son père Alexandre Zoubov la dignité de Comte du Saint Empire romain, elle en fait la demande à François II, empereur d’Autriche, qui l’accorde le 7 février 1793 (il accordera à Platon la dignité de Prince du Saint Empire romain le 2 juin 1796).

Fédor Rostoptchine rapporte à Semion Romanovitch Vorontsov le 20 août 1795 que « le Comte Zoubov est tout ici. Il n’y a aucun autre désir que le sien. Sa puissance est supérieure à celle de Potemkine. Il est aussi irresponsable et incapable qu’avant, bien que l’impératrice continue à répéter qu’il est le plus grand génie que l’histoire de Russie ait connu. »

L’impératrice, jalouse, fait suivre Platon lorsqu’il se rend à un bal hors du Palais d’Hiver, mais le jeune homme rentre sagement dans ses appartements après les fêtes : Catherine II est rassurée et ne l’en aime que plus. Dans le sillage de son frère, Olga est invitée à de nombreux bals à la cour. Comme ses frères elle a reçu une éducation raffinée, même si elle reconnait qu’elle ne sait pas chanter et n’est pas très douée pour la conversation de salon.

Son mari étant notoirement absent, elle atti re bientôt les soupirants, et le plus hardi d’entre eux est le grand-duc Pavel Petrovitch, héritier et fils de Catherine II (futur Paul 1er), qui est tombé amoureux d’elle. Mais Olga ne lui accorde pas un regard, car son coeur s’est emballé pour un bel homme de quatorze ans plus âgé qu’elle : l’ambassadeur anglais à Saint Pétersbourg. Il y est depuis deux ans et se nomme Charles Whitworth (il ne deviendra le comte Whitworth qu’en janvier 1815).

Napoléon 1er, qui le rencontrera beaucoup plus tard, le décrira comme « très bel homme ». Il est de plus célibataire, et pour Olga il représente bientôt l’amour avec un grand A. Ses fonctions d’ambassadeur ne lui confèrent pas une rente exceptionnelle, et il est souvent à court d’argent : il n’a aucune fortune personnelle, étant le troisième fils.

Qu’importe le statut financier pour Olga, dès qu’elle devient sa maîtresse en 1791 (elle a vingt-cinq ans), elle l’entretient sur un grand pied, car elle est elle-même richissime. Cette grande passion va durer neuf ans et l’ambassadeur d’Angleterre ne quitte guère la maison d’Olga, sauf quand le mari de celle-ci fait un retour intempestif de quelques semaines, avant de regagner ses terres.

Les contemporains d’Olga pensent que lord Whitworth s’était engagé à l’épouser dès qu’elle aurait obtenu un divorce de son époux, divorce pourtant bien peu probable dans la Russie tsariste. Pendant cinq ans, la vie d’Olga va se régler sur le rythme des bals et des invitations à la cour de l’impératrice vieillissante. Mais le 5 novembre 1796 Catherine II meurt, terrassée par une attaque d’apoplexie.

Aussitôt prévenu de la mort de sa vieille maîtresse, Platon Zoubov quitte le Palais d’Hiver et s’installe chez sa sœur Olga. Le fils de Catherine II, Paul 1er, lui succède aussitôt. Il a toujours entretenu de bons rapports avec le favori de sa mère, et dans un premier temps laisse entendre au jeune homme qu’il a toujours sa confiance. Olga devient plus prudente et abandonne sa vie frivole, car elle connait bien son ancien soupirant : il peut détester le lendemain ce qu’il a aimé la veille.

L’instinct de la jeune femme ne la trompe pas, au fil des mois la position de la fratrie Zoubov se fragilise à la cour du nouveau tsar. Ses frères sont exilés un à un, le premier étant Platon, deux mois après la mort de Catherine II : le nouveau tsar lui accorde un congé de deux ans (qu’il n’avait pas demandé) pour voyager à l’étranger. Bientôt Olga reste la seule de sa famille à Saint Pétersbourg.

En 1798 Paul 1er met fin à l’exil de Platon Zoubov, qui s’était d’abord rendu à Riga, puis en Allemagne, mais ce dernier ne revient pas à Saint Pétersbourg, il est maintenu sur ses terres de Vladimir. Toujours versatile, le tsar change d’avis et nomme Platon chef du 1er corps de cadets à la fin de l’année 1800. Un à un les frères d’Olga reviennent en Russie (Nicolas et Valerian) et elle les accueille à leur passage à Saint Pétersbourg.

Lord Whitworth est toujours présent chez Olga (il vit pratiquement avec la jeune femme, aux yeux de tous) et bientôt l’Angleterre, par le biais de son ambassadeur, incite les mécontents du règne de Paul 1er à se réunir afin de le chasser du pouvoir.

En effet, les ordres et contre ordres du tsar déstabilisent tout le monde, chacun se demande s’il a bien toute sa tête : un jour il condamne tous les possesseurs de chapeaux ronds à être jetés en prison s’ils sont surpris ainsi coiffés en pleine rue. Plusieurs voyageurs anglais se retrouvent de ce fait dans les geôles russes, après avoir été rudement malmenés par les policiers.

Une autre loi de Paul 1er provoque l’irritation des nobles : lorsqu’un carrosse ou un cavalier croisent le véhicule transportant l’empereur, les hommes doivent arrêter leur cheval ou leur véhicule et se prosterner face contre terre en attendant le passage du convoi impérial (les femmes sont autorisées à rester à la portière et à incliner la tête). C’est la prison pour tous les contrevenants.

Il remet au goût du jour 2 000 actes, rétablissant par exemple les châtiments corporels pour les nobles, et les rappelant au service actif dans l’armée. La noblesse russe est exaspérée et souhaite évincer Paul 1er pour mettre à sa place son fils aîné, le grand-duc Alexandre (qui était le successeur désigné par Catherine II dans son testament). Mais surtout il change d’avis sur sa politique extérieure et se range aux côtés de Bonaparte en 1800, revenant par
conséquent sur son alliance avec l’Angleterre. En avril 1800, les liens avec l’Angleterre sont rompus et le tsar demande à lord Whitworth de quitter Saint Pétersbourg immédiatement. L’amant d’Olga doit s’exécuter, l’ambassade d’Angleterre est fermée.

Pour Olga c’est le drame, elle voit son amant préparer ses malles et reprendre le chemin de l’Angleterre à la fin d’avril 1800. Sa rage et sa colère se transforment en haine contre Paul 1er, et elle ouvre sa porte aux conjurés qui
projettent l’assassinat du tsar, et non plus son abdication. Les préparatifs vont durer un an.

Le 11 mars 1801, les frères Zoubov (Platon et Nicolai), guidés par le comte Pierre Pahlen, gouverneur militaire de Saint Pétersbourg, se décident à tuer l’empereur : les conjurés pénètrent dans la chambre de Paul 1er, s’emparent
de lui, l’assomment et l’étranglent avec une ceinture. Puis Platon Zoubov se rend à l’autre bout du Palais d’Hiver pour annoncer au grandduc Constantin (fils de Paul 1er et frère d’Alexandre) que son frère aîné est désormais tsar de Russie.

Le tsar assassiné n’entretenait pas de bonnes relations avec ses enfants, qui avaient tous été élevés par Catherine II, laquelle les retirait à leur mère dès leur naissance. Le nouvel empereur n’a donc aucun mal à accepter le trône dans les circonstances tragiques du moment. Il était partisan d’une abdication de son père, mais l’assassinat de ce dernier n’avait pas reçu son approbation.

Dans un premier temps Alexandre 1er traite Platon Zoubov avec clémence, mais l’incite vivement à voyager à l’étranger, ce qu’il fait à la Noël 1801 en se rendant à Vienne. Quant à Olga, dès l’annonce de la mort de Paul 1er elle prend la route de Londres dans le but bien précis de retrouver son amant.

En faisant une halte à Berlin en mai 1801, elle apprend avec stupéfaction, par les journaux, que lord Whitworth s’est marié un mois auparavant à la veuve de John Frederick Sackville 3ème duc de Dorset, Arabella Diana Cope, une riche héritière anglaise qui est de plus une beauté renommée. Elle a trois ans de moins qu’Olga et un revenu de 13 000 livres à l’année, elle possède les maisons de Dorset House et Knole Park. Charles Whitworth et elle se connaissent depuis des années, car il a commencé sa carrière diplomatique grâce aux relations du duc de Dorset.

Pour Olga c’est une trahison impensable : elle est folle de rage. Toute autre qu’elle aurait rebroussé chemin, mais elle reprend sa route et arrive à Londres au début de l’été 1801. Elle prend ses quartiers à l’ambassade de Russie, et se met à surveiller les allées et venues de son ancien amant, qu’elle tente de reconquérir. Il refuse de la recevoir et oppose un visage fermé à toutes ces tentatives. L’ambassadeur russe à Londres confie, dans sa correspondance, qu’il ne comprend pas comment une dame de la haute société russe, mariée avec enfants, « se confesse à tout va et exprime son désespoir de ne pas être libre de rencontrer l’homme de sa vie depuis que ce dernier s’est marié ».

La plus confuse est surement Arabella, qui voit surgir à tous les bals de la cour de George III celle qu’on appelle Madame Gerebtzoff, laquelle assiège littéralement son nouvel époux. Ce dernier résiste pourtant, et finit par se retirer sur ses terres avec sa femme dès la fin de la Saison à Londres. En désespoir de cause, Charles Whitworth obtient le poste d’ambassadeur à Paris et part en novembre 1802, mettant des kilomètres entre lui et son ancienne maîtresse. Il est reçu par l’empereur Napoléon 1er en décembre, et sa femme par l’impératrice Joséphine à Saint Cloud. Mais le couple ne résidera qu’un an à Paris, puisque l’Angleterre déclare la guerre à la France en mai 1803.

De retour à Londres, les Whitworth voient ressurgir l’encombrante Olga. Elle accepte de les laisser tranquille en échange d’un versement de 10 000 livres de dédommagement des prêts consentis à lord Whitworth lorsqu’il était ambassadeur en Russie. Arabella, lady Whitworth, lui verse l’argent réclamé afin de se débarrasser de l’ancienne maîtresse russe de son mari. Pourtant Olga ne manque pas de moyens financiers et peut mener un train de vie digne d’elle, puisqu’elle a aussi récolté les deux millions de roubles que le gouvernement anglais avait mis à la disposition des conspirateurs et assassins du tsar Paul 1er, dont elle faisait partie.

En 1804 son mari vient lui rendre visite à Londres, accompagné de leurs enfants. Peut-être s’agit-il d’un semblant de réconciliation ? Toujours est-il qu’Olga n’est pas pressée de retourner en Russie. Elle continue à fréquenter la société de Londres, et fait notamment très vite partie du cercle du prince George (futur Régent) dont elle devient la maîtresse en novembre 1805.

A la suite de cette liaison elle donne naissance à un garçon en 1806, dont elle attribue la paternité au prince de Galles. Elle le prénomme George Nord. Ses contemporains pensent qu’il est le fils de lord Whitworth, mais il est plus vraisemblable qu’il s’agisse d’un enfant de son époux, conçu lors de leur réconciliation momentanée. Le mari d’Olga, qui est de faible constitution, finit par mourir en 1807.

Ce n’est qu’en 1810 qu’elle retourne en Russie, elle a alors trente-quatre ans. Elle s’installe définitivement avec ses enfants à Saint Pétersbourg, où elle vit ses dernières années. Elle patronnera des intellectuels, notamment Alexandre Herzen, qui parlera d’elle dans ses mémoires « Mon passé et mes pensées » : Il la compare à un arbre solide qui, bien que dépouillé de ses feuilles en plein hiver, réussit tout de même à garder son franc parler et sa bravoure qui lui permettent d’affronter toutes les tempêtes. Elle apprend la mort du comte Whitworth le 13 mai 1825 : il avait soixante-douze ans. Son épouse, lady Arabella, le suivra dans la tombe trois mois plus tard. Olga meurt le 1er mars 1849, sous le règne du tsar Nicolas 1er, à l’âge de quatre-vingt-trois ans. Elle a enterré trois de ses enfants, et seul son fils Nicolas lui survivra.

Elle est inhumée dans le caveau des Zoubov, au monastère de Saint Serge à Saint Pétersbourg. Elle est la dernière de la fratrie Zoubov à mourir : elle rejoint ainsi Valerian (mort en 1804) et Platon (mort en 1822).

 

Lafouine77

Sources :
Effroyables tsarines de Henri Troyat
Wikipedia.ru


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