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Julie Leboeuf - Scandaleuse

Les Romantiques - 10/02/2019

Lady Kulbach dite « Marguerite Bellanger » (1838-1886)

Année du scandale : 1865.
Epoque : Règne de l’Empereur Napoléon III.
Objet du scandale : Après la visite de l’Empereur Napoléon III à sa maîtresse Marguerite Bellanger, suivant une vigoureuse séance amoureuse, ce dernier est victime d’une crise cardiaque à peine rentré aux Tuileries, ce qui provoque la colère de l’impératrice Eugénie de Montijo, son épouse, qui se rend séance tenante chez sa rivale et pique une crise de colère retentissante : « Mademoiselle vous tuez l’Empereur ! »

Julie Leboeuf est née le 10 juin 1838 dans le petit village de Saint Lambert des Levées dans le Maine et Loire, commune qui se situe juste en face de la ville de Saumur. Ses parents sont de pauvres pécheurs qui se sont mariés l’année précédente : François Leboeuf âgé de vingt-trois ans, et Julie Hanot âgée de vingt ans. Julie Leboeuf perdra son père à l’âge de cinq ans alors que sa mère est enceinte de Lucien, son jeune frère. Ce dernier naîtra deux mois après la mort de leur père. La mère de Julie doit se mettre au métier de couturière pour faire vivre sa petite famille. Elle sera entourée par la famille de son époux, et notamment le mari de Marie Leboeuf, jeune soeur de François, un dénommé Jean Bellanger, garde barrière. La petite Julie est élevée avec son frère et les enfants de cet oncle, et lorsque vient l’âge de la placer sa mère lui trouve un emploi de blanchisseuse à Saumur : Julie a alors quinze ans.

Elle sait lire et écrire et est déjà d’une grande beauté : brune, très élancée, vive et pleine de joie de vivre. A Saumur, il y a l’école royale de cavalerie qui, sous le commandement du général de Rochefort, a repris les traditions équestres : la ville est encombrée de superbes cavaliers. L’un d’eux, le jeune lieutenant Rives, devient en 1854 le premier amant de Julie. Ils se rencontrent dans un café de Saumur où la jeune femme s’essaie au chant. Le regard mutin de Julie est attiré par le prestige de l’uniforme, et elle ne tarde pas à fréquenter l’appartement du jeune officier. Elle donnera un nom d’emprunt à son amant, certainement pour préserver sa famille d’un possible scandale : elle prétend s’appeler « Marguerite Bellanger » et c’est ce « nom de guerre » qu’elle gardera pour la postérité. C’est grâce au lieutenant Rives que Julie va succomber aux charmes de l’équitation.

En quelques mois, elle apprend à monter à cheval comme un homme, à faire des voltes et des demi-voltes. Bref, elle devient bientôt une écuyère accomplie. Mais ses absences répétées lui valent un congé de sa patronne : Julie se retrouve donc à la rue. Qu’importe ! Le lieutenant Rives l’accueille bien volontiers dans sa chambre, rue Saint Nicolas à Saumur. Ils vivent une vie sans souci et, le dimanche, elle l’accompagne à cheval, à califourchon dans une culotte retaillée de son amant.

Un jour, le cirque Rosario vient planter ses tentes à Saumur au moment de la foire Saint Nicolas : le clou du spectacle est une écuyère. Pour Julie c’est la révélation ! Elle se présente au directeur du cirque qui, convaincu de ses talents, l’engage sur le champ. Au grand désespoir du lieutenant Rives, elle le quitte pour suivre sa destinée avec le cirque.

On la retrouve en 1855 à Angers, à la Foire du Sacre, où elle exécute un numéro d’écuyère. Puis à Nantes, où elle est devenue la maîtresse du directeur du cirque Rosario. Mais Julie est infidèle, elle court les cafés du port et devient la maîtresse passagère de riches navigateurs qu’elle n’hésite pas à délester de leurs économies. Or le directeur du cirque Rosario n’aime pas partager ses conquêtes, il la chasse. Julie a alors l’idée de se faire engager au Théâtre Graslin à Nantes, et fait de la figuration dans quelques pièces. Il est fort possible qu’elle devienne aussi la maîtresse du directeur du théâtre. Mais la vie provinciale lui pèse, elle comprend très vite qu’une jolie fille comme elle ne peut avoir un destin qu’à Paris !

La province est trop petite, et sa réputation déjà bien entachée en Touraine et en Anjou. C’est décidé, elle prend sa valise et le premier train pour Paris, où elle se renseigne sur les cirques en quête d’écuyère. Elle se fait engager à « L’hippodrome » où elle caracole à cheval, saute, fait des voltes. La nuit elle court les cafés, puis retombe dans l’idée de faire du théâtre. Ses amants la baptisent « Margot la rigoleuse », tant la jeune femme est gaie et enjouée.

Elle se fait embaucher au « Théâtre des Variétés » où l’on joue « La belle Hélène », elle y trouve un rôle de figurante. Elle se fait remarquer par Henri Meilhac, un écrivain qui, subjugué par sa beauté, se persuade qu’il peut lancer Julie (pardon « Marguerite Bellanger ») au théâtre. Elle s’imagine pouvoir tenir le rôle principal dans la pièce « Mademoiselle de Belle Isle ». Amoureux, Henri Meilhac ne la dissuade pas, mais Julie manque d’expérience théâtrale.

Le public parisien, très exigeant, ne tarde pas à la chahuter et à exprimer sa désapprobation lors de sa première représentation. Prise au dépourvu, Julie s’arrête au beau milieu d’une réplique, balance un « zut » à la salle mécontente, rassemble ses jupes et sort de scène. Catastrophé, le directeur de la salle tente de raisonner la jeune femme dans sa loge, mais celle-ci lui lâche : « Je ne veux pas qu’on m’ennuie, et puis j’en ai assez » et sans autre façon quitte le théâtre pour ne plus y revenir.

Comme elle a eu du succès auprès des militaires à Saumur, Julie Leboeuf se rapproche de l’Ecole Militaire, qui se trouve avenue de Lamotte Piquet. Elle y passe très vite l’essentiel de son temps : sa beauté lui permet de faire des conquêtes faciles, et puis l’uniforme l’a toujours attirée. Vers six heures on peut la trouver dans les jardins du Palais Royal, puis elle danse au « Valentine » rue Saint Honoré, ou au « Bal Mabille » : elle se trouve partout où les jeune filles audacieuses et peu farouches peuvent faire des conquêtes. Même si l’Ecole Militaire lui apporte des protecteurs temporaires, Julie se doute que sa carrière de grisette a besoin d’un coup de pouce.

C’est alors que le destin joue en sa faveur. Un après-midi du printemps 1858 (elle a vingt ans) elle décide de se promener au parc de Saint Cloud, ouvert au public dans la journée, qui entoure le château de Saint Cloud, résidence de Napoléon III et des plus hauts dignitaires de la cour. A-t-elle en tête de séduire l’un de ces riches personnages ? Or, cet après-midi-là un orage menace : perdue dans une allée, Julie doit se mettre à l’abri sous un arbre alors que des trombes d’eau dégringolent sur son ombrelle bien légère. Un peu désespérée, elle est distraite par un bruit de clochettes, suivi de l’avancée d’un phaéton dont le valet porte la livrée vert et or des voitures de la cour. Julie reconnait le conducteur, qui n’est autre que l’empereur Napoléon III : à l’approche de la voiture, elle fait une gracieuse révérence.

A la vue de la jeune femme transie qui lui rend hommage, galant homme, il saisit la couverture posée sur ses jambes et la lui lance. Le phaéton repart au petit trot devant une Julie stupéfaite, qui s’empresse tout de même de se couvrir. Dès lors une idée folle germe dans sa jolie petite tête : rendre sa couverture à l’empereur et, qui sait, peut-être que le destin lui réserve un riche protecteur à nul autre égal ! Tout le monde connait la réputation de séducteur de l’empereur qui, bien que marié depuis cinq ans à Eugénie Montijo, ne manque pas d’initiative pour la tromper abondamment, et justement ces derniers temps il se sent las de sa dernière conquête, la peu reposante comtesse de Castiglione, une italienne au tempérament de feu.

Le lendemain, à onze heures du matin, soigneusement vêtue d’une superbe robe, la belle Julie se présente au château de Saint Cloud et est reçue par l’aide de camp de l’empereur, le général Caron. Ce dernier lui demande l’objet de sa visite, la jeune femme répond avec un sourire que c’est une visite privée. Sous son bras elle tient, bien nettoyée, la couverture au chiffre de l’empereur. L’aide de camp n’a pas pour habitude de chasser les jolies visiteuses désireuses de rencontrer sa majesté. Il fait entrer Julie dans son cabinet particulier, et c’est ainsi que Napoléon III fait la connaissance de Marguerite Bellanger et reconnait en elle la jolie femme trempée de la veille. Julie se fait séductrice, souriante, et amuse l’empereur.

Très vite on convint d’une nouvelle rencontre, et bientôt l’intendant du palais inscrit le nom de « Marguerite Bellanger » sur la liste du « Service des Femmes », lui permettant d’obtenir des gratifications particulières. Quelques jours plus tard elle devient la maîtresse de Napoleon III, ébloui par cette jeune femme vive, jolie et qui a son franc parler. Elle a bientôt ses entrées aux Tuileries comme à Saint Cloud. Elle est présente à toutes les chasses et bals de la cour. Napoléon III se ravit du tempérament irrévérencieux de Marguerite, de ses gamineries et de l’éternelle bonne humeur de la jeune femme.

Pour montrer son attachement, il lui achète un bel hôtel particulier rue des Vignes à Passy. Julie a pour la première fois un « chez soi » bien à elle. Pour cacher l’identité de l’acheteur, l’empereur demande à son secrétaire particulier, Mocquart, de se charger de la transaction. Julie a bientôt droit à ses propres chevaux, qui tirent un phaéton orné d’un blason qu’elle s’est inventé de toutes pièces : « des lions éreintés sur fond de gueule ».

A la chasse elle porte un tailleur d’amazone signé Hermann Kerkoff et des bottes souples de Sakowski, à la ville des robes de grands couturiers. Julie peut se targuer d’avoir atteint le sommet, et d’être à la hauteur des plus belles femmes de Paris, sur lesquelles la Païva règne en maîtresse. Elle n’oublie pas sa famille et achète pour sa mère une belle maison à Villebernier, près de Saumur.

Julie se fait photographier en costume d’homme : pour ce faire, elle a demandé une autorisation de la préfecture de police. Le 24 février 1864, elle met au monde un fils à Paris : Charles Jules Auguste François Marie Leboeuf, dont elle attribue la paternité à Napoléon III.

Mais pour éviter la colère de l’impératrice, qui aurait pu avoir connaissance de cette naissance par quelque indiscrétion, Julie accepte d’écrire une lettre officielle à Napoléon, niant la paternité de celui-ci vis-à-vis de son fils. C’est le président de la cour de Cassation, M. Devienne, qui est chargé de recueillir deux lettres, datées de Villebernier (près de Saumur), où elle séjournait alors pour se reposer après son accouchement :

Monsieur,
Vous m’avez demandé compte de mes relations avec l’Empereur, et, quoi qu’il m’en coûte, je veux vous dire toute la vérité. Il est terrible d’avouer que je l’ai trompé, moi qui lui dois tout ; mais il a tant fait pour moi que je veux tout vous dire : je ne suis pas accouchée à sept mois, mais bien à neuf. Dites-lui bien que je lui en demande pardon. J’ai, Monsieur, votre parole d’honneur que vous garderez cette lettre.
Recevez, Monsieur, l’assurance de ma considération distinguée.
M. Bellanger

et :

Cher Seigneur,
Je ne vous ai pas écrit depuis mon départ, craignant de vous contrarier ; mais, après la visite de M. Devienne, je crois devoir le faire, d’abord pour vous prier de ne pas me mépriser, car sans votre estime je ne sais ce que je deviendrais ; ensuite pour vous demander pardon. J’ai été coupable, c’est vrai, mais je vous assure que j’étais dans le doute. Dites-moi, cher Seigneur, s’il est un moyen de racheter ma faute, et je ne reculerai devant rien ; si toute une vie de dévouement peut me rendre votre estime, la mienne vous appartient, et il n’est pas un sacrifice que vous me demandiez que je ne sois prête à accomplir. S’il faut, pour votre repos, que je m’exile et passe à l’étranger, dites un seul mot et je pars. Mon coeur est si pénétré de reconnaissance pour tout le bien que vous m’avez fait, que souffrir pour vous serait encore du bonheur. Aussi la seule chose dont à tout prix je ne veux pas que vous doutiez, c’est de la sincérité et de la profondeur de mon amour pour vous. Aussi, je vous en supplie, répondez-moi quelques lignes pour me dire que vous me pardonnez. Mon adresse est : Mme Bellanger, rue de Launay, commune de Vilbernier, près Saumur. En attendant votre réponse, cher Seigneur, recevez les adieux de votre toute dévouée, mais bien malheureuse
Marguerite

L’empereur Napoléon III, ayant tranquillisé sa conscience, s’empresse d’un autre côté de doter secrètement cet enfant d’une pension et du château de Mouchy, dans l’Oise, dont il a acheté fort discrètement le domaine quelques temps auparavant. La mère devient usufruitière de la propriété. Dans l’esprit de l’empereur cet enfant ne peut être que le sien, et il vient s’ajouter aux deux fils naturels que lui a donnés Eléonore Vergeot dans les années 1840.

Le tourbillon des amours de Marguerite Bellanger avec l’empereur ne faiblit pas et, chose incroyable, malgré sa présence constante aux soirées impériales, jamais l’impératrice Eugénie ne soupçonne l’infidélité de son mari jusqu’au déplacement du couple aux eaux de Vichy en 1865.

Cela fait sept ans que Julie entretient une liaison avec l’Empereur, et elle a tenu à le suivre jusqu’en Auvergne, où le couple va passer un mois en cure. La santé de l’empereur est en effet très mauvaise : il souffre de rhumatismes, de poussées hémorroïdaires, de troubles digestifs et de crises de goutte. Les médecins lui détecteront plus tard un calcul vésical qui le fera énormément souffrir. C’est pourquoi les cures de l’Empereur et de sa femme se multiplient, tant à Plombières qu’à Vichy. Si Napoléon III suit la cure le matin à Vichy, il réserve l’après-midi pour Julie, qu’il a installée dans une jolie villa. Cette dernière a avec elle un petit chien qui manifeste une joie sans borne dès que l’empereur se présente pour ses amours de l’après-midi.

Or un matin le couple impérial, qui se promène dans le parc de la cure de Vichy, croise une jolie femme tenant en laisse un petit chien qui, à la vue de Napoléon, entre dans une joie hystérique, aboyant et se jetant contre les jambes de l’empereur. L’impératrice contemple d’un oeil froid cette scène embarrassante, et dévisage la jolie promeneuse, rouge de confusion, qui ne sait plus comment maîtriser la bête. Lorsqu’elle lève le regard sur son mari, elle remarque que ce dernier tord à l’envi sa moustache recourbée, signe d’un trouble excessif. Revenue dans leur suite, Eugénie entre dans une rage folle et accuse l’Empereur d’infidélité.

Ce dernier se défend mollement et, exaspérée, l’impératrice fait ses bagages et va terminer sa cure, seule, dans une ville d’eau en Allemagne. Revenu à Paris, l’Empereur entreprend de ramener le calme au sein de son ménage. Le tempérament espagnol de son épouse lui fait craindre un divorce éclair. Cette dernière ne supporte pas ses infidélités, et il sait que la scène de Vichy était à deux doigts de faire déborder le vase. Au retour d’une visite chez Julie, dont il a bien du mal à se séparer, après avoir vigoureusement rendu hommage à sa maîtresse, il fait une crise cardiaque. Affolée, l’impératrice qui assiste à ce malaise appelle le médecin impérial, lequel réussit à ranimer l’empereur et conseille à celuici un calme absolu. Rendue furieuse par cette nouvelle inconduite, qui aurait pu être mortelle, l’impératrice se rend chez le secrétaire impérial, Mocquart, et le somme de la conduire au domicile de Marguerite Bellanger.

Le pauvre homme tente un moment de nier qu’il connaît cette adresse, mais l’oeil noir et impérieux d’Eugénie de Montijo a raison de ses hésitations. Il la conduit auprès de Julie. Cette dernière, interloquée, voit débouler chez elle une impératrice hors d’elle, qui à peine entrée dans la salle à manger de la villa de Passy déclame d’un air tragique : « Mademoiselle, vous tuez l’empereur ! » Interdite, balbutiante, Julie promet alors de ne plus le revoir (âgé de trente ans de plus qu’elle, il n’a plus la vigueur de sa jeunesse).

Revenu à lui, l’Empereur est mis au courant de la visite de sa femme à sa maîtresse : humilié, outré, et en même temps honteux, il convoque le malheureux Mocquart et, pas très courageux, lui demande de se rendre à Passy chez Marguerite pour signifier à celle-ci la fin définitive de leur relation. Cette dernière prend très mal la chose, elle écrit lettre sur lettre à Napoléon III, qu’elle appelle « son cher seigneur », mais rien n’y fait.

Julie doit quitter la villa de Passy et s’installe dans un appartement du 4 rue Boccador à Paris. Elle continue cependant à inspirer les artistes qui la côtoient : le sculpteur Albert Ernest Carrier Belleuse la représente en allégorie du printemps dans un élégant buste en terre cuite, aujourd’hui au Musée Carnavalet à Paris. Chassée par l’Empereur, la jeune femme qui a une situation financière solide (l’empereur l’a généreusement dotée de bijoux magnifiques au cours de leurs années de liaison) sait qu’il lui faut rebondir et trouver un autre riche protecteur, mais il est difficile pour elle de passer de favorite impériale à femme entretenue, elle décide alors de se tourner vers les riches aristocrates anglais.

Elle se met à fréquenter la « Hill’s Tavern », une auberge de la rue de Caulaincourt près du cimetière Montmartre. Les anglais fortunés de passage à Paris aiment à s’y retrouver : ils y dégustent du jambon d’York et du thé anglais. Il y a aussi douze cabinets particuliers où ces messieurs peuvent programmer des soupers intimes avec les dames de leur choix.

Julie y rencontre un ancien capitaine des armées du roi britannique, qui a fait fortune aux Indes, le baron Louis William Kulbach. Ils entament une liaison
torride, et le baron présente sa demande en mariage à Julie, qui la refuse. Elle a toujours en tête l’idée de reconquérir l’empereur. Résigné, l’anglais retourne à Londres mais continue à correspondre avec Julie.

En 1870, la guerre avec la Prusse décide Julie à quitter Paris et la France. Elle traverse la Manche et s’installe au Trenter’s Hotel à Bridgewater Square, avec son fils et une gouvernante. Elle découvre que la société anglaise n’est pas aussi ouverte que celle de Paris, et que les anglais se retrouvent en
cercle très fermé. De nombreux français ont cependant fui leur pays et la guerre, et au cours des soirées données pour eux, Julie revoit le baron Kulbach. Elle comprend peut-être qu’il faut mettre un terme à sa vie galante. Elle l’épouse le 7 décembre 1870 au Temple de Queen’s Gate : elle a trente-deux ans, son mari quarante-neuf. Il possède des terres au pays de Galles, et un appartement confortable dans Catherine Street à Londres. Mais Julie, devenue baronne Kulbach, se lasse vite de la vie londonienne, et Paris lui manque cruellement.

En 1873, lorsque l’empereur Napoléon III, qui a été chassé de France, meurt en exil en Angleterre, elle se rend auprès du cercueil de son « cher Seigneur » à Chislehurst dans le Kent ; puis, la même année, le baron et la baronne Kulbach reviennent en France et se réinstallent rue de Boccador. Le baron, qui n’aime pas la vie parisienne, tombe sous le charme de la villa Trocha à Meillau près de Pau, et l’achète lors d’un voyage dans le sud. Julie, qui n’aime pas s’éloigner de la capitale, décide d’investir elle aussi dans la pierre, et achète le château de Villeneuve sous Dammartin, en Seine et Marne.

Elle vit alors une vie assez libre, et on lui prête comme amants à cette époque le général de Lignières, et selon certaines sources Léon Gambetta. En même temps, elle commence à faire don à des oeuvres charitables de certaines sommes d’argent, et se rapproche de Dieu en fréquentant l’église de Dammartin tous les dimanches. En France, elle continue à faire l’objet de caricatures et de divers cancans. Paul Handol, dans sa série de caricatures sur la « Ménagerie Impériale », en a fait une chatte. Elle vit l’été à Villeneuve avec son fils, et l’hiver donne des soirées dans son appartement parisien. On ne la connait plus que sous le nom de lady Kulbach, et peu de gens font le rapprochement avec l’ancienne favorite impériale.

Julie, bientôt séparée de son mari qui est tombé sous le charme de la ville de Pau, dans les Pyrénées, entreprend d’assurer l’avenir de son fils. Elle en fait un clerc de notaire, et il part tenir une charge à Brain sur Allonnes, près de la ville natale de sa mère. Julie n’envisage pas de revenir dans le Maine et
Loire, où sa réputation de maîtresse impériale l’a à tout jamais rayée de la mémoire de sa famille. Elle demeure à Villeneuve, dans son château.

Sa mort est assez brutale et inattendue, elle est victime d’une péritonite le 23 novembre 1886 à Villeneuve, elle n’a alors que quarante-huit ans. La cérémonie religieuse de funérailles a lieu le 27 novembre à l’église Saint Pierre de Chaillot, sa dépouille est emmenée au cimetière du Montparnasse, dans la 27e division, 7e ligne no15 nord. Elle laisse une fortune de 1 222 803 francs, un appartement dans la rue de Boccador, un autre rue de Turbigo, son château de Villeneuve, des obligations du Paris Lyon Méditerranée, des actions de la compagnie des Tramways Nord et 44 894 francs or de bijoux.

Son mari, dont elle était séparée mais non divorcée, continue à vivre dans sa villa de Pau. Il renonce à hériter de sa femme contre une rente mensuelle. Les héritiers de Julie sont son fils, et son petit frère Jules Leboeuf, qui était venu en tant que jardinier embellir les abords du château de Villeneuve. Il retourne vivre à Brain sur Allonnes, où il fait bâtir une solide maison bourgeoise, qui est aujourd’hui devenue la mairie. Son fils, Charles Leboeuf, décédera le 11 décembre 1941, après avoir quitté son métier de clerc et avoir fait une carrière d’officier : il mourra sans postérité.

Lafouine77

Sources :
« Société des lettres, sciences et arts du Saumurois » 1953.
Wikipédia


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