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La Romance Chorale

Fabiola - 10/02/2019

Choral, adjectif (latin médiéval choralis, de chorus, choeur) : Se dit d’une oeuvre dont les différentes intrigues finissent par se rejoindre pour former une unique trame dramatique : Film, livre choral. On nomme ainsi ces oeuvres en référence à la polyphonie. Source Larousse.

Le roman choral n’est pas un genre à part entière, mais simplement une forme d’écriture où l’auteur distribue la narration entre plusieurs personnages. Ainsi, le roman choral désigne tous les romans avec une pluralité de points de vue. Il est également appelé «Roman polyphonique» ou encore «Roman mosaïque».

C’est une forme d’écriture largement répandue dans le paysage littéraire et notamment dans celui de la romance ! Pour vous parler de ce sujet, nous avons
décidé de procéder en deux étapes. Dans la première partie, nous exposerons les résultats d’une petite étude menée sur un panel de lecteurs amateurs de romance que nous avons interrogés sur le sujet. Puis vous aurez la possibilité de découvrir les réponses aux questions que nous avons posées à deux auteurs qui utilisent cette méthode.

La parole est aux amateurs de romance

Nous avons mené une petite étude sur un panel d’environs 60 lecteurs amateurs de romance que nous avons interrogés sur leur rapport à la romance chorale.

D’entrée de jeu, une question filtrante nous a permis d’affiner le panel des répondants pour une meilleure exploitation des résultats. Ainsi, à la première
question « Dans les romances que vous lisez, vous préférez quand » :
• 73 % ont répondu (soit 46 personnes sur 63) : La narration se partage entre plusieurs personnages.
• 27 % ont répondu (soit 17 personnes sur 63) : La narration est portée par un personnage unique tout au long du roman.

Avant de laisser les 27 % des répondants qui n’apprécient pas les changements de voix dans les romances quitter le questionnaire, nous leur avons posé une question subsidiaire : « Que pensez-vous des auteurs qui réécrivent l’histoire avec un point de vue différent, mais unique tout au long du roman ? ».

Leur retour est sans appel et définitif, le changement de point de vue n’est vraiment pas leur tasse de thé ! Le questionnaire s’est poursuivi avec les 73 % (soit 46 personnes sur 63) qui ont répondu qu’ils préfèrent quand « La narration se partage entre plusieurs personnages ».

Avant d’aller plus loin, nous leur avons demandé pourquoi ils avaient choisi cette option. Ils sont 39 à nous avoir répondu, voici une synthèse de leurs réponses :
De façon globale, il ressort que la diversité des points de vue dans une romance apporte de la profondeur, de l’intensité et un développement complémentaire à l’intrigue. Cela enrichit l’histoire et permet de créer un suspense efficace. Cela donne également un rythme à l’écriture. Le roman en devient plus vivant, plus dynamique, plus captivant.

Les différentes voix sont appréciées car elles permettent aux plus curieux de découvrir les pensées, les sentiments et les émotions de tous les personnages. D’être dans leurs confidences.
Elles permettent aussi d’approfondir la connaissance d’un personnage, de le cerner, de découvrir sa psychologie et de mieux comprendre sa complexité. D’appréhender ses réactions et ses humeurs, notamment au moment des disputes et des ruptures. Éventuellement de le trouver sympathique et attachant.

L’omniscience donnée par la convergence de plusieurs points de vue permet de confronter les personnages. Certaines informations données par les pensées d’un personnage peuvent changer la perception d’une situation donnée. Ainsi, cela permet une meilleure compréhension de l’histoire.

Les lecteurs se sentent plus impliqués dans l’histoire quand il y a plusieurs points de vue. Les impressions de lectures sont plus intenses, car les allées et venues dans les pensées donnent du sens aux liens qui unissent les personnages.

À l’inverse, quand le deuxième point de vue est manquant, certains ont l’impression de passer à côté d’indices et d’informations clés pour comprendre l’histoire.

Pour préciser leur goût nous leur avons ensuite demandé « Quand la narration se partage entre plusieurs personnages, vous préférez » :
• 87 % ont répondu (soit 40 personnes sur 46) : Deux voix (celle du héros et de l’héroïne).
• 13 % ont répondu (soit 6 personnes sur 46) : Plusieurs voix, celle du héros, de l’héroïne et celles de leurs proches et entourage.
Le résultat est écrasant ! La répartition des voix entre les deux personnages principaux est largement appréciée.

À nouveau, nous leur avons demandé de justifier en quelques mots leur choix. Ils sont 34 à nous avoir répondu, voici la synthèse de leurs réponses :

Deux voix (celle du héros et de l’héroïne)
Ceux qui préfèrent la répartition entre deux voix sont plutôt pragmatiques !
Ils apprécient cette répartition entre les deux héros, tout simplement parce que dans la romance ce sont eux les personnages les plus importants. Ainsi, l’équilibre de leurs points de vue leur suffit. Quand la parole est prise par les personnages secondaires (sauf exceptions très bien menées par l’auteur) ils sont tentés de survoler ces parties, qui s’apparentent à des digressions.

De plus, la multiplication des points de vue est redoutée par certains lecteurs qui finissent par s’y perdre. Certains craignent de ne pas s’attacher aux trop nombreux personnages, ou à l’inverse de s’attacher et d’être frustrés parce que leur mise en lumière n’est pas aussi importante que pour les personnages principaux.

Plusieurs voix : celle du héros, de l’héroïne et celles de leurs proches et entourage
Ceux qui préfèrent une répartition plus large des voix apprécient la vision globale qu’ils ont de l’histoire.
Les différents points de vue donnent au lecteur une vision de l’action de l’intérieur, avec les personnages principaux, et de l’extérieur, avec les personnages secondaires. L’entourage permet d’appréhender la situation et les réactions des personnages, notamment parce qu’ils ont beaucoup de choses à nous apprendre sur les héros, qu’ils connaissent bien. L’histoire gagne en richesse. Et les plus malins tentent de repérer les futurs couples pour des prochains tomes dans le cas des séries.

Nous leur avons ensuite posé trois questions sur leurs préférences dans les procédés d’écriture. À chacune de ces questions, nous leur avons demandé de nous dire quelques mots pour nous éclairer sur les choix qu’ils ont fait.


1. Dans l’alternance des voix, vous préférez :
• 69,6 % ont répondu (soit 32 personnes sur 46) : Régulier, une voix qui change à chaque chapitre
• 26,1 % ont répondu (soit 12 personnes sur 46) : Aléatoire, une voix qui apparaît de temps en temps
• 4,3 % ont répondu (soit 2 personnes sur 46) : Surprise, une voix qui apparaît à l’improviste à la fin pour une révélation

Ils sont 30 à avoir précisé leur pensée, et tous sont d’accord pour dire que cela dépend des besoins de l’histoire. Audelà de cet état de fait, voici la synthèse de leurs réponses.

Régulier
La construction de l’histoire basée sur une alternance des voix régulière permet de confronter les points de vue l’un par rapport à l’autre. Cela permet aussi d’avoir les différents sentiments sur toutes les situations. Pour cela le changement doit être proche ou au coeur de l’action.

La régularité est souvent synonyme de simplicité. Elle permet de savoir quel héros parle. Certains lecteurs estiment qu’ainsi, ils sont moins déroutés par les changements. D’ailleurs, certains préfèrent que le héros qui prend la parole soit immédiatement signalé.
Cela dit, certains ont dit qu’ils n’attendent pas une régularité absolue, mais surtout un équilibre entre les deux héros.

Aléatoire
La construction qui consiste à apporter une seconde voix de temps en temps dans l’histoire a plus d’un adepte ! Selon eux, elle est moins rigide. Et surtout, c’est la forme la plus judicieuse dans la romance, car elle permet de faire gagner à l’histoire de la rondeur et de l’intensité. Cela parce que le changement de voix peut mettre en valeur des retournements de situation et des révélations, notamment pendant certaines scènes clés.
De plus, alors que certaines scènes méritent d’être vues sous deux angles, souvent ce n’est pas le cas de toute l’histoire.

Surprise
Voici la réponse de la seule personne ayant choisi cette option et ayant pris le temps de nous expliquer pourquoi : « J’aime tous les cas de figure cités, mais j’adore être surprise et me retrouver face à une narration d’un personnage auquel je ne m’attendais pas ! »

 

2. Dans l’alternance, vous préférez que les voix se placent :
• 56,5 % ont répondu (soit 26 personnes sur 46) : dans le même cadre temporel, Présent
• 13 % ont répondu (soit 6 personnes sur 46) : dans un cadre temporel différent, Présent vs Passé
• 40,4 % ont répondu (soit 14 personnes sur 46) : dans un cadre temporel différent puis dans le même cadre temporel, Présent ft Passé

Ils sont 23 à avoir apporté des précisions, voici un florilège de leurs réponses :

Dans le même cadre temporel
Cette question m’a permis de découvrir que nombreux sont les lecteurs qui n’aiment pas les flashbacks !
Extraits des réponses :
- De manière générale, je n’aime pas les flashbacks dans une romance, je veux suivre l’histoire à l’instant T.
- [...] je ne suis pas fan des flashbacks.
- J’aime pas trop les flashbacks.
- Je ne suis pas fan des retours en arrière.
- Je déteste les flashbacks ! Je trouve que ça casse complètement le rythme de l’histoire et je trouve que souvent, on s’en fout. Alors oui, il y a des exceptions mais c’est très rare.
- Je n’aime pas les sauts dans le temps, je me perds trop.

Globalement, ceux qui ont choisi cette option veulent apprécier l’histoire à l’instant présent. Ainsi, l’auteur doit pouvoir expliquer le passé sans avoir recours aux allers-retours dans le temps avec des révélations par exemple. Certains considèrent qu’une histoire qui se place dans une temporalité unique est plus facile à appréhender.

Dans un cadre temporel différent
Ceux qui apprécient les histoires qui se placent dans deux temporalités (qui se rejoignent ou non) trouvent le changement de temporalité nécessaire pour une meilleure compréhension de l’histoire et des personnages.

Selon eux, les retours au passé apportent des clés qui permettent de comprendre certains événements, ainsi que les réactions que peuvent avoir les personnages. De plus, c’est une construction qui apporte du suspense et de l’attente, qui pousse le lecteur à des sessions de lecture toujours plus longues.

3. Dans l’alternance, vous préférez que les voix racontent :
Cette question était la seule où les participants pouvaient choisir plusieurs réponses.
• 4,3 % ont répondu (soit 2 personnes sur 46) : la scène précédente
• 19,6 % ont répondu (soit 9 personnes sur 46) : la même scène
• 60,9 % ont répondu (soit 28 personnes sur 46) : la scène qui suit
• 54,3 % ont répondu (soit 25 personnes sur 46) : la scène en parallèle

Ils sont 25 à nous avoir donné plus d’informations, voici un florilège de leurs réponses :

La même scène / parallèle
Ceux qui sont adeptes de la répétition de la même scène, ou de la scène vécue en parallèle par l’autre personnage, apprécient la confrontation des ressentis d’une même action entre les points de vue. Selon eux, une scène répétée devient plus riche. Cela permet de confronter les personnages sur un fait commun, et ainsi de mieux comprendre leurs attentes.

Cela peut également apporter de l’inattendu au récit. Pour appuyer cette réflexion, une personne nous a même donné un exemple dans le roman « Viens on s’aime » de Morgane Moncomble (attention, n’ayant pas lu roman, je ne sais pas dans quelle mesure cette information peut spoiler un bout de l’intrigue) : «Il y a un moment où Violette voit sur le trottoir Loan embrasser son ex... elle croit qu’il revoit son ex, et au chapitre suivant on revoit la scène via Loan et en fait c’était un bisou d’adieu car il lui disait qu’il était amoureux de Violette.»

La scène qui suit / précédente
Les lecteurs qui préfèrent quand les changements de voix vont de pair avec les scènes suivantes (ou précédentes) de l’intrigue sont pragmatiques et intraitables. Pour eux l’histoire doit avancer, répéter une scène risque de la faire stagner, au risque de lui faire perdre son rythme. L’auteur ne doit pas se contenter de redites qui deviennent vite redondantes. Il doit explorer d’autres moments de l’histoire.

Et enfin nous leur avons posé trois questions difficiles, que nous n’avons pas rendues obligatoires :

Quelle est LA meilleure romance à plusieurs voix ?

Voici la liste des titres cités :
Mention spéciale au titre Méfie-toi de nous de Juliette Bonte, qui a été cité deux fois. Et aux auteurs Morgane Moncomble et Sarina Bowen, qui ont été citées plusieurs fois.
• 16 ways to break a heart de Lauren Strasnick (Harlequin)
• A court of thorns and roses de Sarah J. Maas (De La Martinière Jeunesse)
• Aime-moi je te fuis de Morgane Moncomble (Hugo Roman)
• As mad as you are de Milyi Kind (Butterfly)
• Baby random de Gaïa Alexia (Hugo Roman)
• Chirurgicalement vôtre d’Emma Landas (Black Ink Editions)
• Colocs et plus d’Emily Blaine (Harlequin)
• Et puis soudain de Laura S. Wild (Hugo Roman)
• Fucking love, Tome 1 : For play de Amheliie
• Fuis-moi, je te suis de Charlene Kobel
• Her billionaire - London : Escapade de Lisa Marie Rice
• Heroes de Battista Tarantini (Hugo Roman)
• Into the storm de Suzanne Brockmann
• La confrérie de la dague noire, Vol. 1. L’amant ténébreux de J.R. Ward (Milady)
• La surprise de Noël de Debbie Maccomber (Diva Romance)
• Le Cycle de Kjall, Tome 2 : L’honneur de l’espion d’Amy Raby (Bragelonne)
• Le Grand Nord, tome 1 : Amertume de Sarina Bowen (Hugo Roman)
• Le Grand Nord, Tome 3 : Secrets de Sarina Bowen (Hugo Roman)
• Love me if you can d’Emma M. Green (Addictives)
• Marked men, tome 1 : Rule de Jay Crownover (Hugo Roman)
• Méfie-toi de nous de Juliette Bonte (Harlequin)
• Military heart de Thaïs L. (Editions Elixirya)
• My hipster Christmas de Mag Maury (Addictives)
• Mystery man de Kristen Ashley (MxM Bookmark)
• Noirs secrets de G.H. David (Eden)
• Playboy pilot de Vi Keeland & Penelope Ward (Hugo Roman)
• Ringing in the New Year d’Alexa Riley
• Secrets désirs : Hell’s eight de Sarah McCarty (Harlequin)
• Sugar daddy de Sawyer Benett (Hugo Roman)
• Tout en haut de ma liste d’Emily Blaine (Harlequin)
• The Ivy years, Tome 1 : Notre année trouble de Sarina Bowen
• Ugly love de Colleen Hoover (Hugo Roman)
• Une Lady nommée Passion de Lisa Valdez (J’ai lu)
• Unité d’élite de Loraline Bradern (BMR)
• Viens on s’aime de Morgane Moncomble (Hugo Roman)

La romance où il manque cruellement un autre point de vue ?

Mention spéciale à Driven de K. Bromberg, cité deux fois !
• After d’Anna Todd (Hugo Roman)
> Manque le point de vue de Hardin
Commentaire : « J’ai détesté le personnage masculin et, sans son point de vue, tous ses actes étaient inexcusables. Je pense que c’est une des raisons pour lesquelles je n’ai pas continué après le premier tome ».
• Avant toi de Jojo Moyes (Milady)
> Manque le point de vue de Will
• Driven de K. Bromberg (Hugo Roman)
> Manque le point de vue de Colton
Commentaire : « Avoir le point de vue de Colton dans les trois premiers tomes permettrait de mieux cerner ce personnage. »
• Et tes larmes retenir de Charlotte Orcival (Harlequin)
> Manque le point de vue de l’héroïne
Commentaire : « Ça m’a manqué, surtout après l’avoir adorée dans Forever young. »
• Indécent de Colleen Hoover (J’ai lu)
• International Guy d’Audrey Carlan (Hugo Roman)
> Manque le point de vue de ses deux amis
• Jamais plus de Colleen Hoover (Hugo Roman)
> Manque le point de vue du mari
• Jeu de patience de Jennifer L. Armentrout (J’ai lu)
> Manque le point de vue de Cam
Commentaire : « Heureusement l’auteure a écrit Jeu de confiance, le point de vue de Cam. »
• Live a little, love a lot d’Alexa Darin
> Manque le point de vue du héros
Commentaire : « Le livre n’était pas terrible mais avec l’absence du point de vue du héros, c’était pire, d’où une seule étoile sur Goodreads. »
• Méfie-toi des étoiles d’Elizabeth
• Craft (Harlequin)
• Meilleurs ennemis de Sally Thorne (Harlequin)
• Orages, tome 1 : Soir d’orage de Sybil Lane
Commentaire : « Point de vue de l’héroïne trop dominant par rapport à celui du héros. »
• Outlander de Diana Gabaldon (J’ai lu)
> Manque le point de vue de Jamie Frazer
• Pretty wife de Cécile Chomin
> Manque le point de vue de Guillaume Garon, le héros
• What light de Jay Asher (Michel Lafon)
> Manque le point de vue de Caleb

Certains participants ont souligné que c’est une forme d’écriture qui s’était généralisée, au point de ne pas se souvenir du dernier livre où, justement, il n’y avait qu’un point de vue.

Qui est l’auteur qui utilise le mieux cette forme d’écriture ?

Angel Arekin, Amy Jarecki, Battista Tarantini, Brittainy C. Cherry, Christina Lauren, Colleen Hoover, Elle Kennedy, Emily Blaine, Georgia Caldera, Jay Crownover, Jennifer L. Armentrout, Jo Davis, Kathryn Le Veque, Mag Maury, Morgane Moncomble, Nathalie Charlier, Nora Roberts, Sarah Morgan, Sarina Bowen, Suzanne Brockmann, V.E. Schwab et Zoé Murât.

La romance chorale est plutôt appréciée, toutefois cette partie nous a permis de découvrir que les avis sont très tranchés ! Pour clore cette partie sur les lecteurs et le rapport à la romance chorale, voici une réponse apportée par un auteur (qui ne s’est pas signalé) à notre questionnaire :
«Il y a des scènes qui gagnent à être racontées tour à tour par plusieurs persos, et d’autres qui peuvent se contenter d’un seul point de vue, soit par simplicité, soit parce qu’elles sont beaucoup plus significatives pour l’un des persos que pour l’autre. C’est la question que je me pose quand j’écris : est-ce qu’il y a un point de vue qui maximise l’enjeu, l’impact de la scène? Je cherche qui cela va le plus affecter et je raconte toujours de ce point de vue-là. Si c’est les deux, alors je m’arrange pour caser les deux..

Des questions pertinentes et judicieuses qui nous permettent de reconnaître que certains auteurs utilisent mieux que d’autres les ficelles d’écriture qui caractérisent le roman choral.

 

Pour aller plus loin, nous avons demandé à deux auteurs comment ils appréhendent cette forme d’écriture, et surtout pourquoi ils l’utilisent : Fabiola Chenet et Cecile Chomin.

La parole est aux auteurs

Dans vos publications, vous avez utilisé plusieurs points de vue, est-ce une forme d’écriture que vous utilisez systématiquement ?
Fabiola Chenet : Oui, surtout quand il s’agit d’une histoire longue. Quand j’écris des nouvelles très courtes (notamment pour le concours La nouvelle Romantique) on n’a pas vraiment le temps d’avoir plusieurs points de vue, car l’action doit aller très vite puisque nous avons un nombre de pages maximum (12).

Cécile Chomin : Non ça n’est pas systématique chez moi. Parfois seul un personnage parle, parfois il s’agit des deux protagonistes principaux, voire plus car il m’est arrivé que ce soit un chapitre un personnage, quand il s’agit d’une bande d’amis.

Pourriez-vous nous dire deux mots sur le roman en question et surtout quels sont les personnages que vous avez fait intervenir ?
Fabiola Chenet : L’ennemi de l’ombre, une romance historique que j’ai rééditée en janvier dans un format poche. On y trouve plusieurs points de vue : celui du héros, de l’héroïne et des méchants.

Cécile Chomin : Deux mots, « juste cosy », lol c’est ce qui ressort le plus des lectrices ! Mes personnages sont entiers, honnêtes et volontaires, mais avec une partie à l’intérieur fêlée par les marques de la vie. Une séparation brutale pour elle, un deuil en cours de processus pour lui… J’y ai ajouté des personnages « secondaires », même si je n’aime pas ce mot car ils sont essentiels à l’épanouissement des principaux protagonistes. Les personnages secondaires sont donc déterminants, car ils ont un impact dans la vie des deux héros, ils sont eux aussi droits et attachants, avec leurs faiblesses, leurs secrets, mais aussi leurs doutes…

Pourquoi utiliser cette forme d’écriture ? Qu’est-ce qu’elle apporte de plus à vos histoires ?
Fabiola Chenet : Je ne suis pas fan moi-même des romances avec un seul point de vue. J’aime avoir au moins les pensées des deux personnages principaux. Quand je lis une romance, je ne m’identifie pas aux personnages, c’est une histoire qui sert de dépaysement et je suis l’histoire d’amour de loin, comme un film. Donc avoir les pensées des héros me permet de mieux apprécier cette histoire. Je fais la même chose dans mes propres écrits.

Cécile Chomin : J’aime alterner et me mettre dans la peau de chacun. Je trouve ça stimulant. Ça oblige l’auteur à se remettre en question et à ne pas rester sur ses acquis sur une seule personnalité. Mais parfois, être entièrement sur un livre complet avec le même personnage permet d’aller plus au bout et de mieux le saisir… donc ça dépend du livre et des envies :)

Comment les voix se répartissent-elles ?
Fabiola Chenet : J’essaie de le faire régulièrement, mais parfois ça peut se mélanger dans un chapitre. Quand c’est le cas, il y a plusieurs sauts de ligne pour montrer une coupure dans le chapitre. En tout cas, j’essaie d’avoir un équilibre entre les héros. Les autres personnages peuvent apparaître aléatoirement.

Cécile Chomin : C’est régulier, une voix à chaque chapitre. C’est clairement identifiable dès le début. Je n’aime pas l’idée que le lecteur soit perdu. Ça ne doit pas être un jeu de piste, mais une véritable alternance de personnalités et de points de vue. Ce que j’aime c’est finir un chapitre avec une vision masculine par exemple, et reprendre le cours de l’histoire dans la même situation, mais avec la vision féminine. J’aime jouer sur cette différence et le fait que, pour la même chose, nous avons deux approches différentes. Ce qui est valable aussi entre deux personnes du même sexe. Chacun voit par le prisme de son regard.

Dans l’alternance, les voix se placent ?
Fabiola Chenet : Dans le même cadre temporel. Je ne suis pas très fan des flashbacks. Il m’arrive de mentionner une scène courte du passé, mais c’est tout.

Cécile Chomin : Les voix se placent dans le même cadre temporel. Mon écriture, en général, a une dynamique qui impose l’utilisation du présent pour l’action que ça engendre.

Dans l’alternance, les voix racontent ?
Fabiola Chenet : La scène qui suit.

Cécile Chomin : Le temps se déroule sans interruption. Il y a un fil conducteur sur l’action menée par les personnages et quand le chapitre change, le second personnage continue de vivre dans le présent mais avec son regard. Pas de retour en arrière, jamais. Ce qu’ont vécu les personnages, nous ne le verrons qu’à travers les yeux d’un seul…

Comment organisez-vous vos séances d’écriture ? Est-ce que vous écrivez d’une traite chacun des points de vue ou avancez-vous en écrivant les deux points de vue en parallèle ?
Fabiola Chenet : J’écris toute l’histoire d’une traite.

Cécile Chomin : J’écris toujours d’une traite. La réalité temporelle pour moi est essentielle ! La vie avance sans retour en arrière, il doit en être de même pour mes personnages. Pas de vision décalée, je découvre l’histoire en même temps qu’eux ;)

Est-ce que vous utilisez des schémas, des tableaux ?
Fabiola Chenet : Il m’arrive d’utiliser un carnet avec les caractéristiques des personnages, ou quelques éléments à revoir pendant les corrections.

Cécile Chomin : Non. Juste une feuille annexe parfois pour ne pas m’embrouiller dans les personnages qui gravitent autour, mais c’est tout. Les prénoms surtout (car ceux qui me connaissent savent que j’ai un réel problème avec ça !). Je connais par coeur l’identité d’un personnage, ce qui fait son caractère et ce qu’il est dans ses réactions, mais son prénom… Allez savoir pourquoi je ne le retiens pas, donc ça je le note ! Avec leur date de naissance aussi. Je veux de la crédibilité en fonction de leur âge et de leur impact dans l’histoire. Donc en gros pas de schémas, mais des fiches de renseignements policières « âge, sexe et date de naissance » lol

Comment choisissez-vous le personnage qui prend la parole pour raconter une scène ?
Fabiola Chenet : Je choisis en fonction du personnage que je veux mettre en avant dans la scène.

Cécile Chomin : Je ne choisis pas ! C’est ça qui est génial. J’ai fait le tour du chapitre avec un personnage : hop je switche et je passe à l’autre. Mais parfois ça ne m’arrange pas. La scène était plus facile à décrire à travers des yeux féminins pas exemple, eh bien c’est pas grave. Justement, ça me force à bien me concentrer et à trouver les choses sous un angle qui ne serait pas le mien et la facilité.

Quelles sont vos astuces pour donner de l’authenticité au point de vue de vos personnages ?
Fabiola Chenet : Alors, j’espère qu’on ne va pas me traiter de macho LOL Les hommes sont terre-àterre et vont droit au but. Quand j’écris une scène du point de vue d’un homme, j’essaie de me dire : est-ce qu’il va vraiment savoir (par exemple) quelle différence il y a entre des chaussures à talons aiguille, une paire d’escarpins ou une paire de Louboutin ? De mon point de vue, il s’en fiche. La fille porte des chaussures à talons et son fantasme serait plutôt de la voir nue avec ces chaussures. Point. Donc quand je vais décrire la scène du point de vue du héros, je vais plutôt écrire : « Elle avait une paire de chaussures à talons hauts qui la rendaient hyper sexy et il n’avait qu’une envie : lui enlever tous ses vêtements et la voir parader avec. Il salivait rien qu’à penser à son déhanchement. » Même scène du point de vue de l’héroïne : « Elle avait choisi une paire de Louboutin dont elle savait qu’elle la rendait sexy. Elle avait eu envie de mettre toutes les chances de son côté pour lui plaire et rien ne valait mieux qu’une robe courte moulante, des collants et des chaussures à talons hauts. »

Cécile Chomin : Facile, quand j’ai un doute pour les hommes, « Euh doudou, tu en penses quoi de sa réaction, ça te parait crédible ? » :) Mais sinon, c’est surtout le fait que j’écrive avec cette fluidité temporelle qui aide à l’authenticité je pense. Et puis chaque personnage est emprunté de quelque chose que j’ai vécu, ressenti ou croisé dans ma vie. Donc rien de complètement artificiel, jamais.

Quelle est la plus grande difficulté que vous rencontrez avec cette forme d’écriture ?
Fabiola Chenet : Il est justement plus difficile de se rappeler qu’on a changé de point de vue et que les hommes et les femmes n’ont pas la même vision des choses.

Cécile Chomin : Comme je le disais plus haut, c’est d’arriver à un instant crucial et me dire « Non, là je ne peux pas. Il faut que ce soit lui qui découvre ça ». Donc là il peut m’arriver de tricher légèrement en ajoutant une action qui n’était pas prévue pour que la scène attendue se décale au chapitre suivant. Mais, en fin de compte, ce sont ces scènes ajoutées qui font la plus-value et apportent en général un souffle différent ou une pointe d’humour.

 

Le roman choral est très répandu dans la romance. Les effets qu’il entraîne dans la construction de l’histoire sont largement appréciés des lecteurs. Toutefois, même si c’est un procédé d’écriture simple, il nécessite une dextérité importante, que les auteurs appréhendent avec plus ou moins de facilité.

Bonus : Merci à l’ensemble des lecteurs qui ont pris le temps de répondre à nos questions. Sans vos retours, cet article n’aurait eu aucune matière.

 

BIB


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