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Les femmes dans la Grande Guerre

06/12/2018

Les célébrations du centenaire de la première guerre mondiale viennent
de s’achever, et nous nous sommes dit qu’il serait dommage de passer à
côté de cette occasion d’évoquer le rôle joué par les femmes entre 1914
et 1918. Bien sûr, cette guerre a été avant tout une affaire d’hommes,
pourtant les femmes ont eu toute leur importance, et nous allons voir
dans quels domaines.

On pense bien entendu aux infirmières qui ont soigné les blessés, parfois
très près des lignes de front et au péril de leurs vies. Mais le départ des
hommes a aussi poussé les gouvernements européens à faire appel à la
main d’oeuvre féminine dans les usines et les campagnes : sans armes
ni nourriture, pas de guerre possible ! Dans de nombreux métiers, les
femmes ont dû remplacer les hommes partis au combat. Mais dès la signature
de l’armistice, ces dames ont été priées de regagner leur foyer
et de reprendre leur rôle « naturel » : faire des enfants ! On venait d’en
massacrer quelques millions, il fallait bien repeupler l’Europe…

Voici quelques figures féminines hors du commun, dont il nous a paru
important de saluer la mémoire cent ans après les événements qui les
ont poussées à prendre part, d’une façon ou d’une autre, au conflit.

 

Edith Cavell, infirmière et résistante britannique


Edith Cavell est née le 4 décembre 1865 à Swardeston, dans le Norfolk. Après avoir fait des études pour devenir institutrice, elle part travailler à Bruxelles comme gouvernante, mais rentre en Angleterre en 1895 lorsque son père tombe gravement malade. Elle décide de devenir infirmière et entre à l’hôpital Royal de Londres l’année suivante. Elle va travailler dans plusieurs établissements pour pauvres.

En 1907 le docteur Antoine Depage, impressionné par la formation des infirmières britanniques, lui demande de prendre le poste d’infirmière en chef de l’Institut Berkendael qu’il vient de créer à Bruxelles. Elle devient ensuite directrice générale de la toute première école d’infirmières belge.

Lorsque la guerre est déclarée, Edith, qui était en visite chez sa mère en Angleterre, revient en Belgique. L’institut Berkendael devient un hôpital de la Croix Rouge belge et les soldats y sont soignés, quelle que soit leur nationalité. En tant qu’infirmière en chef, Edith va vite intégrer un réseau d’évasion permettant la fuite des soldats belges, français et anglais, et même des civils. Ils sont cachés par les membres du réseau, et on leur procure de faux papiers et de l’argent pour rejoindre la frontière avec la Hollande neutre, ce qui enfreint les lois de l’occupant allemand. En moins d’un an, le réseau va permettre la fuite de plus de 200 soldats.

En juin 1915 le réseau recueille deux hommes se présentant comme des soldats français en fuite. Il s’agit en réalité d’un français travaillant pour les allemands et d’un agent allemand. Les arrestations sont nombreuses et Edith est enfermée à la prison de St Gilles, accusée de cacher des soldats ennemis. Après de longues semaines d’interrogatoires et d’incarcération elle finit par avouer, et elle est condamnée à mort pour haute trahison le 11 octobre. Elle passe devant le peloton d’exécution tôt le lendemain matin avec Philippe Baucq, un membre du réseau qui distribuait également illégalement le journal La Libre Belgique clandestine. Ses mots pour le révérend qui l’entend en confession dans la nuit, « Le patriotisme n’est pas assez, je ne dois avoir ni haine ni amertume envers quiconque », seront gravés au pied du mémorial érigé place St Martin à Londres en 1920.

La mort d’Edith Cavell suscite l’indignation internationale et est utilisée comme outil de propagande contre l’Allemagne. De nombreuses légendes se propagent sur son attitude face à ses bourreaux, destinées à galvaniser les populations. Les autres membres du réseau d’évasion voient leurs condamnations commuées en peines de prison.

Son corps sera rapatrié après la guerre et enterré chez elle à Norwich, après une cérémonie à l’abbaye de Westminster le 15 mai 1919 en présence du roi George V. De nombreuses statues sont érigées et des rues ou des bâtiments portent à présent son nom en France, en Belgique, en Angleterre, mais aussi au Portugal, au Canada et en Nouvelle-Zélande.

https://fr.wikipedia.org/wiki/Edith_Cavell
http://www.lefigaro.fr/histoire/centenaire-14-18/2014/08/21/26002-20140821ARTFIG00079-edith-cavell-une-infirmiere-heroique-1915.php

 

Marthe Cnockaert, infirmière et espionne belge

Née le 28 octobre 1892 à Westrozebeke dans l’ouest de la Belgique, Marthe fait d’abord une formation d’infirmière avant de s’inscrire à l’université de médecine en 1914. Malheureusement les troupes allemandes envahissent la Belgique, et en août elles attaquent le village de Westrozebeke et brûlent la maison des Cnockaert. Marthe est séparée de sa famille, qui décide de quitter la ville pour trouver du travail, et peu de temps après elle commence à travailler à l’hôpital militaire allemand de fortune installé non loin de là.

En 1915 Marthe est transférée à l’hôpital de campagne situé près de Roulers, se rapprochant ainsi de sa famille qui s’y est installée. Une voisine et amie, sachant qu’elle parle couramment l’anglais, le français, l’allemand et le flamand, lui propose de travailler pour les services secrets britanniques. Marthe accepte, et pendant les deux ans qui vont suivre elle travaille à l’hôpital de campagne ainsi que dans le café que tiennent ses parents, récoltant des renseignements pour le compte des anglais. Dans son réseau se trouvent également deux autres espionnes locales, une maraichère et une postière, qui transmettent ses messages codés vers le quartier général anglais.

Les compétences linguistiques de Marthe ne passent pas inaperçues des allemands, et n’osant pas dire non elle est recrutée par eux aussi comme espionne. Cette position d’agent double devient difficile à tenir, elle a peur que les allemands ne se fatiguent des informations sans importance qu’elle leur fournit, et elle s’arrange pour que l’agent allemand qui l’a recrutée soit tué. Elle fait également détruire une ligne téléphonique utilisée par un prêtre pour espionner pour le compte des allemands, et obtient des renseignements sur une visite du Kaiser Guillaume II, qui sera finalement annulée.

En 1916, Marthe découvre qu’un égout désaffecté passe sous le dépôt de munition des allemands. Elle y entre elle-même afin de poser des explosifs, mais y perd sa montre gravée à son nom. Elle est arrêtée et condamnée à mort pour espionnage en novembre 2016. De nombreux anciens ou actuels patients viennent témoigner en sa faveur. Sa sentence est finalement commuée en prison à perpétuité car elle avait reçu la Croix de Fer allemande pour avoir soigné à l’hôpital militaire de très nombreux soldats blessés. Elle se retrouve forcée à travailler comme infirmière dans la prison de Gand jusqu’à l’armistice de 1918.

Après sa libération, Marthe reçoit des décorations pour ses activités pendant la guerre : la Citation militaire britannique et la Légion d’honneur française et belge. Ayant épousé un officier anglais, John McKenna, elle écrit deux livres de mémoires : Souvenirs d’une espionne, paru en 1932 et préfacé par Winston Churchill, et Les espions que j’ai connus paru en 1934. Le couple va ensuite publier une quinzaine de romans d’espionnage, John s’occupant des traductions pour la publication en Angleterre. On le soupçonne d’être aussi en grande partie le véritable auteur des romans.

Pendant la Seconde Guerre Mondiale, Marthe et son mari s’installent à Manchester. Son nom figure sur le Sonderfahndungsliste G.B., ou Black Book, la liste des résidents britanniques qui doivent être arrêtés en cas d’invasion du Royaume-Uni par l’Allemagne nazie, au côté de ceux, entre autres, de Charles de Gaulle, Winston Churchill, Sigmund Freud, ou encore Virginia Woolf.

Après la guerre, le couple revient s’installer à Westrozebeke mais il finira par divorcer en 1951. Marthe décède en 1966 dans son village. Son livre de mémoires, Souvenirs d’une espionne, a été adapté au cinéma en 1933 sous le titre J’étais une espionne.

https://fr.wikipedia.org/wiki/Marthe_McKenna

 

Marie Curie, scientifique française d’origine polonaise

Maria Salomea Sk?odowska est née le 7 novembre 1867 à Varsovie. Son père est professeur de mathématiques et de physique et sa mère institutrice. C’est une élève brillante, elle obtient son diplôme de fin d’études secondaires en 1883 et souhaite poursuivre des études supérieures. Malheureusement les femmes n’en ont pas le droit dans son pays. Elle doit travailler et économiser et, en 1891, elle part étudier à Paris.

En 1893 elle obtient une licence de physique, elle termine première de sa promotion, et en 1894 une licence de mathématiques, et là elle n’est que seconde ! En 1894 on lui présente  Pierre Curie, avec qui elle va étudier le magnétisme. Ils se marient le 16 juillet 1895.

Le 12 septembre 1897 ils ont leur première fille, Irène. Marie cherche un sujet pour sa thèse de doctorat et décide d’étudier les radiations, qui viennent d’être découvertes par Wilhelm Röntgen et Henri Becquerel.

Le 10 décembre 1903 Marie Curie, Pierre Curie et Henri Becquerel se voient attribuer le prix Nobel de physique. Marie est la première femme à le recevoir, grâce à l’intervention de son mari qui a appris à temps que l’Académie des sciences française n’avait pas jugé bon de la citer dans sa proposition initiale. A partir de là le couple devient célèbre. Malheureusement Pierre meurt le 19 avril 1906, renversé par une voiture.

Marie devient la première femme professeur à la Sorbonne, en remplacement de son époux, et elle continue ses recherches. En novembre 1911 interviennent deux événements qui contribuent à sa « célébrité ». D’une part la presse révèle sa liaison avec Paul Langevin, un confrère physicien marié et père de quatre enfants. On s’empresse de fustiger l’étrangère, la tentatrice venue dévoyer un bon père de famille français.

Soit dit en passant ce dernier aura par la suite trois enfants de deux maîtresses différentes, il ne devait pas falloir le tenter beaucoup pour qu’il succombe. Et le 8 novembre 1911 Marie reçoit la nouvelle que le prix Nobel de chimie vient de lui être attribué.

Ses travaux ont des applications immédiates au niveau médical. On découvre d’une part que les radiations peuvent combattre le cancer : ce sont les débuts de la radiothérapie. Et les rayons X permettent d’autre part la radiographie, une technique révolutionnaire dont Marie comprend tout de suite l’utilité sur le front. Elle imagine et construit elle-même la première unité mobile de radiologie, qui permet d’examiner les blessés sans avoir à les transporter jusqu’à un hôpital. Dix-huit ambulances radiologiques, surnommées par la suite « petites Curies », seront mises en service.

Marie Curie forme également des jeunes femmes qui deviennent aide-radiologistes, et sous son impulsion 150 postes fixes de radiologie sont implantés au sein d’hôpitaux militaires. Ils permettent de repérer les balles, les éclats d’obus et autres corps étrangers logés dans les plaies. Quand on sait qu’en l’absence d’antibiotiques (la pénicilline ne sera découverte qu’en 1928), l’infection des blessures était le plus souvent mortelle, on réalise qu’elle a dû sauver de nombreuses vies.

En 1916 elle obtient même son permis de conduire et se rend régulièrement sur le front pour faire des radios en compagnie de sa fille Irène, qui n’a alors que dix-sept ans. En 1921 elle publiera un livre, La radiologie et la guerre, qui décrit la façon dont elle a développé cette technologie pour répondre aux besoins immenses induits par le conflit. Marie Curie mourra le 4 juillet 1934, d’une leucémie causée par une trop grande exposition aux radiations.

https://fr.wikipedia.org/wiki/Marie_Curie
http://centenaire.org/fr/espace-scientifique/societe/1-marie-curie-la-radiologie-et-la-guerre

 

Louise de Bettignies, espionne française

Louise Marie Henriette Jeanne est née le 15 juillet 1880 à St-Amand-Les-Eaux dans le Nord-Pas-de-Calais, septième enfant d’une famille de neuf. En proie à des difficultés financières son père doit vendre l’usine de porcelaine héritée de sa famille, mais Louise fait des études chez les Soeurs du Sacré Coeur à Valencienne, puis en Angleterre chez les Ursulines d’Upton, d’Oxford et de Wimbledon. Elle revient en France en 1905 à la mort de son père, mais termine ses études à la faculté de lettres de Lille. Comme elle parle le français, l’anglais, l’allemand et l’italien, elle va pouvoir travailler comme préceptrice dans de grandes familles européennes : un comte italien, un comte et des princes autrichiens. Elle aurait refusé de devenir préceptrice des enfants de François-Ferdinand d’Autriche, celui-là même dont l’assassinat en 1914 va déclencher la première guerre mondiale.

De retour à Lille au début de la guerre, Louise et sa soeur Germaine sont recrutées par une amie comme infirmières pour la Croix Rouge. Louise écrit également des lettres dictées par les soldats blessés. Mais surtout elle s’engage dans la résistance sous le pseudonyme d’Alice Dubois. Après une courte
formation auprès des Services secrets britanniques, elle gère depuis son domicile un réseau de renseignements d’environ quatre-vingts personnes pour le compte de l’armée britannique, et transporte même en personne certains renseignements jusqu’en Hollande, pays neutre. Les vies d’environ 1000 soldats seront sauvées grâce à son réseau entre janvier et septembre 1915. L’un des messages transmis par Louise fait part d’une gigantesque offensive allemande en préparation sur Verdun pour 1916, mais le commandement français refuse d’y croire.

Son amie et co-espionne Charlotte Lameron, alias Marie-Léonie Vanhoutte, est arrêtée le 13 septembre 1915 sur la route de la Hollande, et Louise l’est en octobre. Elles sont condamnées en mars 1916 par un tribunal militaire allemand : Marie-Léonie à quinze ans de réclusion, et Louise à la peine de mort. Mais l’officier qui a signé l’arrêt de mort d’Edith Cavell ne souhaite pas faire une nouvelle martyre et va commuer la peine de Louise en travaux forcés à perpétuité. Elles sont toutes les deux envoyées au bagne de Siegburg.

Malgré les conditions d’emprisonnement très dures, lorsqu’elle découvre que les prisonnières travaillent sur de l’armement malgré les conventions internationales, Louise déclenche une émeute. Mise au cachot, elle tombe gravement malade. Elle va être opérée sans succès, et finalement transférée dans un hôpital de Cologne où elle meurt la 27 septembre 1918.

Son corps sera rapatrié à Lille en 1920 pour y recevoir des funérailles nationales. Elle recevra à titre posthume la Légion d’honneur, la Croix de guerre 1914-1918 avec palme, la médaille militaire anglaise et sera faite officier de l’ordre de l’Empire britannique.

Une statue représentant un soldat baisant la main de Louise a été érigée en 1927 à Lille. Plusieurs rues et écoles portent son nom en France, et sa ville natale a transformé sa maison d’enfance en maison-musée des femmes résistantes.

https://fr.wikipedia.org/wiki/Louise_de_Bettignies
https://francearchives.fr/commemo/recueil-2018/82601654

 

Hélène Brion, féministe et pacifiste française

Hélène Brion est née le 27 janvier 1882 à Clermont-Ferrand. Ses parents divorcent lorsqu’elle a dix ans et elle est recueillie par sa grand-mère. Elle obtient le brevet en 1900 (les femmes ne seront autorisées à se présenter au bac qu’en 1924). En 1905 elle passe un concours et devient institutrice. Elle se syndique et adhère à la SFIO (ancêtre du Parti Socialiste). Elle s’engage aussi dans plusieurs mouvements féministes et milite pour les droits des femmes, aussi bien en tant que travailleuses qu’en tant que citoyennes. En 1908, 1910 et 1912, elle soutient les campagnes électorales féministes de Jeanne Laloë, Hubertine Auclert, Renée Mortier et Madeleine Pelletier.

En 1911 elle est institutrice à l’école maternelle à Pantin. Elle parle beaucoup, pour le faire connaître, d’un roman publié en 1889 par Bertha von Suttner, Die Waffen nieder!, Bas les armes ! en français, qui décrit les horreurs de la guerre du point de vue d’une femme. (Bertha von Suttner est la première femme à avoir reçu le Prix Nobel de la paix, en 1905) En 1915 un courant pacifiste nait au sein de la CGT, dont Hélène Brion va devenir porte-parole. La police l’empêche de se rendre aux conférences pacifistes, mais elle publie des manifestes et envoie des lettres qui, interceptées, seront retenues à charge contre elle.

Le 26 juillet 1917 son appartement est perquisitionné, et le lendemain elle perd son emploi. En novembre elle est arrêtée pour propagande défaitiste et envoyée à la sinistre prison pour femmes de Saint-Lazare. La presse, alors toute puissante, l’accuse d’avoir trahi la France, d’être anarchiste, d’avoir reçu de l’argent de pays étrangers et d’être… gloups… PACIFISTE !

Elle passe en conseil de guerre du 25 au 31 mars 1918. Le 29 mars elle lit une déclaration qui commence par ces mots : « Je comparais ici comme inculpée de délit politique : or je suis dépouillée de tous droits politiques. » En effet, non seulement les femmes n’ont pas le droit de vote à l’époque, mais elles sont aussi privées de nombreux autres droits, comme celui d’être tutrices de leurs propres enfants.

Non sans humour, elle poursuit : « La loi devrait être logique et ignorer mon existence, lorsqu’il s’agit de sanctions, autant qu’elle l’ignore lorsqu’il s’agit de droits. Je proteste contre son illogisme. » Elle s’attaque ensuite au fondement de la loi elle-même : « Je proteste contre l’application que l’on me fait des lois que je n’ai ni voulues, ni discutées. Ces lois ne sont pas, ainsi que le dit la Déclaration des Droits de l’Homme, « l’expression de la volonté générale », car la fraction numériquement la plus importante de la Nation, les femmes, n’ont été appelées à les faire, ni directement, ni par leurs représentants. »

Sa ligne de défense principale est la suivante : « C’est par féminisme que je suis ennemie de la guerre. » Et elle développe ensuite les raisons de son pacifisme, lié aux droits des femmes. « La guerre est le triomphe de la force brutale ; le féminisme ne peut triompher que par la force morale et la valeur intellectuelle ; il y a antinomie absolue entre les deux. » En effet, argumente Hélène Brion, la guerre ne fait qu’exacerber les inégalités entre hommes et femmes : « Dans le système d’appréciation des valeurs que la guerre rend inévitable, l’homme seul compte.

C’est lui la valeur, le futur soldat. Il peut être lâche moralement, débile physiquement, il est quand même intitulé le «défenseur», le «protecteur né», le Maître et soigné comme tel. On s’occupe de son développement physique, on néglige celui de la femme. On lui inculque l’idée de sa valeur propre, de la
grandeur de son rôle social et, inversement, on donne à la femme la suggestion de la reconnaissance, de l’humilité qu’elle doit avoir devant ce protecteur qu’on lui impose sans qu’elle l’ait demandé, et qui est souvent, dans la vie civile, son pire adversaire. »

Elle attaque aussi de front les bordels militaires qui fleurissent partout où l’on trouve des soldats : « Je ne puis m’empêcher de penser qu’il est certaines maisons, vous comprenez lesquelles, qu’on est presque assuré de rencontrer toujours dans les villes de garnisons, parce que sans doute leur installation fait partie du confort et de l’hygiène du soldat… Oh ! je sais qu’il est de mauvais ton de parler de ces choses. Votre morale, la morale faite par vous, à votre profit a décrété que le mal, le mauvais ton n’était pas de les faire mais d’en parler, de laisser voir, surtout lorsqu’on est femme, qu’on sait leur existence et qu’on y pense. »

Elle fustige le bellicisme masculin et lance un vibrant : « Si vous n’appelez pas les femmes à votre secours, la pente ne sera pas remontée, et le monde nouveau que vous prétendez instaurer sera aussi injuste et aussi chaotique que celui d’avant-guerre ! » Elle souligne le rôle patriotique des mères : « premières et toutes puissantes éducatrices, acharnées à défendre le foyer et inculquant, dès le berceau, à l’enfant, l’amour d’une langue, d’une patrie, d’une race. »

Malgré son brillant plaidoyer, Hélène Brion est condamnée à trois ans de prison avec sursis et révoquée de l’enseignement. Après la guerre elle continue son combat féministe et adhère au parti communiste. De 1925 à la seconde guerre mondiale elle peut reprendre son métier d’institutrice. Elle ne se mariera jamais et n’aura pas d’enfant, les historiens actuels pensent qu’elle était sans doute homosexuelle. Elle meurt le 31 août 1962.

https://fr.wikipedia.org/wiki/H%C3%A9l%C3%A8ne_Brion
http://www.jaures.eu/ressources/guerre_paix/declaration-dhelene-brion-feministe-et-pacifiste-au-conseil-de-guerre-1918/
https://www.revue-ballast.fr/helene-brion-entre-feminisme-et-socialisme/

 

Anne Morgan : Philanthrope américaine

Anne Morgan et Anna Murray Dike Née le 25 juillet 1873 à Manhattan, Anne Morgan est la plus jeune des trois filles du très peu scrupuleux banquier et homme d’affaires John Pierpont Morgan. A la mort de ce dernier, en 1913, elle a quarante ans, est célibataire, et devient la plus riche héritière des Etats-Unis. Alors que son frère, J.P. Morgan Jr, s’enrichit de façon spectaculaire en finançant la première guerre mondiale et en vendant des munitions et autres approvisionnements aux gouvernements français et britanniques, Anne est horrifiée des souffrances causées par ce conflit à la France, un pays qu’elle aime et où elle vit, près de Versailles, depuis 1907.

Dès septembre 1914 elle se rend avec des amies sur le champ de bataille de la Marne, puis rentre aux Etats- Unis afin de lancer une collecte de fonds en faveur des victimes de la guerre. Elle fonde l’American Fund for French Wounded, qui fournit du matériel médical et envoie des colis aux soldats. Début 1916 elle revient en France et transforme sa villa en maison de convalescence pour les blessés.

Témoin de la misère des populations qui vivent près du front, elle crée avec Anna Murray Dike, médecin canadienne, le Comité américain pour les régions dévastées qui a pour but de venir en aide aux victimes civiles. Après l’entrée en guerre des USA en 1917, elle s’installe avec l’accord des autorités militaires françaises dans le château dévasté de Blérancourt, près du front, dans une région détruite à 80% par les bombes.

Elle convainc 350 jeunes américaines de la bonne société de venir l’aider. Elles s’engagent pour six mois et portent un uniforme militaire. Toutes doivent pouvoir subvenir à leurs besoins, parler français et savoir conduire. Soixante-trois voitures Ford et camionnettes Dodge, que les américaines ont même appris à réparer, ont en effet été achetées pour évacuer les blessés et approvisionner la population en nourriture, linge, vêtements, outils, etc.

La fortune d’Anne Morgan permet le financement d’une partie des activités du CARD, mais elle collecte aussi des fonds en employant pour la première fois la photographie et le film afin de montrer aux américains fortunés les conditions de vie des français qui ont tout perdu et souffrent de la faim et de diverses maladies.

Après la guerre, elle poursuit son action jusqu’en 1923 pour participer à la reconstruction, mais aussi apporter éducation et culture aux populations meurtries. Elle met par exemple en place des bibliothèques ambulantes. Elle forme et emploie des françaises, à qui elle passe petit à petit les rênes de l’association qu’elle a créée. Elle reçoit la Légion d’Honneur en 1924, et est élevée au grade de Commandeur en 1932.

Elle reviendra en France pendant la seconde guerre mondiale pour apporter à nouveau son soutien aux populations. Anne Morgan meurt le 29 janvier 1952 à Mount Kisco (État de New York). Bien que son action ait été remarquablement efficace et bien menée, et préfigure ce qu’on appelle aujourd’hui l’action humanitaire, elle est lentement tombée dans l’oubli. Un documentaire qui la retrace a heureusement été tourné en 2017, il s’intitule « Anne Morgan, une américaine sur le front » et sera rediffusé sur la chaîne Histoire les 30 novembre et 6 décembre à 17h50.

https://fr.wikipedia.org/wiki/Anne_Morganhttp://www.aisnenouvelle.fr/68894/article/2018-02-16/anne-morgan-la-plus-axonaise-des-americaines-dimanche-soir-sur-france-5
https://museefrancoamericain.fr/duchateau-au-musee/anne-morgan-et-la-grande-guerre
https: / /www.peler in.com/Histoire-Patrimoine/Anne-Morgan-l-Americaine-de-Picardie
http://www.artlinefilms.com/catalogue/anne-morgan

 

Anna Coleman Ladd, sculptrice américaine

Anna Coleman Watts nait le 15 juillet 1878 en Pennsylvanie, aux Etats-Unis. Elle étudie la sculpture à Paris et à Rome puis épouse en 1905 Maynard Ladd, un médecin avec qui elle s’installe à Boston. Ils auront une fille, Gabriella May.

Anna continue à sculpter et réalise des fontaines ornées de créatures mythologiques, mais aussi des portraits et des bustes. En 1914, elle fait partie des fondateurs de la Guilde des Artistes de Boston, et ses oeuvres sont présentées dans les expositions itinérantes de la guilde. En 1915, son oeuvre Triton babies est présentée lors de l’exposition universelle de San Francisco, et on peut la voir aujourd’hui dans une fontaine du Boston Public Garden. En parallèle elle écrit deux romans, Hieronymus rides et The candid adventurer, ainsi que deux pièces qui ne seront jamais jouées, dont l’une parle d’une sculptrice qui part à la guerre.

En 1917 son mari, qui est membre de la Croix Rouge américaine, est envoyé au bureau local de Toul, en Lorraine. Anna y apprend qu’à Londres le sculpteur Francis Derwent Wood crée des masques pour les soldats défigurés, et elle décide de faire la même chose en France. Elle prend contact avec Wood et, avec l’appui de la Croix Rouge américaine, ouvre rapidement un studio à Paris.

Elle y accueille les hommes défigurés, étudie leurs visages actuels et les photos d’eux avant la guerre. Il faut d’abord faire des moulages en plâtre, puis un modèle du futur masque est réalisé avec un genre de pâte à modeler. Les masques définitifs sont en cuivre galvanisé peint de la couleur de la peau du soldat, et ils tiennent grâce à des lunettes ou des ficelles attachées derrière la tête. Avec l’aide de ses assistants, Anna va créer 185 masques jusqu’à ce que la Croix Rouge ferme le studio en 1919, faute de moyens.

Anna garde précieusement les lettres de remerciements qu’elle reçoit. « Merci, je vais avoir un foyer » dit l’une d’elles. « La femme que j’aime ne me trouve plus répugnant, comme elle en avait le droit. » Il est peu probable malheureusement que ces masques aient duré de longues années en restant intacts, mais le soulagement immédiat qu’ils ont apporté aux Gueules cassées qui en ont bénéficié n’est pas négligeable.

Après la fermeture de son studio, Anna retourne à Boston et se consacre à nouveau à son art, avec des oeuvres dont les thématiques se rapprochent de son travail d’avant-guerre. Anna reprendra son activité de sculptrice et mourra le 3 juin 1939 à Santa Barbara en Californie, sept ans après avoir reçu la Légion d’honneur française.

https://www.smithsonianmag.com/artsculture/faces-of-war-145799854/
https://en.wikipedia.org/wiki/Anna_Coleman_Ladd

 


Rinou et Agnès

 


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