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Frida Kahlo - Scandaleuse

Agnès - 13/07/2018

(1907 - 1954)

« Elle est la première femme dans l’histoire de l’art à avoir repris avec une sincérité absolue et impitoyable, et on pourrait dire avec une impassible cruauté, les thèmes généraux et particuliers qui concernent exclusivement les femmes. »
Diego Rivera (1937)

Magdalena Frida Carmen Kahlo Calderón est née le 6 juillet 1907 dans le quartier de Coyoacán, au sud de Mexico. Son père, Carl Wilhelm Kahlo, est d’origine Allemande, il a émigré au Mexique en 1891, à l’âge de dix-neuf ans. Devenu photographe officiel au temps de Pofirio Diaz, il peut installer sa famille dans une vaste demeure, la Casa azul, où est née et mourra Frida. (Actuel musée Frida Kahlo.)

Son épouse, Matilde Calderón y González, est née à Mexico. Elle a du sang espagnol et indien. Illettrée, excessivement pieuse, elle a déjà deux filles et vient de perdre un fils lorsque Frida vient au monde. En 1911, la révolution jette la famille dans la gêne financière, et Matilde doit vendre ses meubles et louer des chambres pour arrondir les fins de mois.

A l’âge de six ans, la petite Frida contracte la poliomyélite, qui la laisse avec la jambe et le pied droit atrophiés. A l’école, on la surnomme méchamment « Frida la boiteuse ». C’est pourtant une élève brillante et en 1922, à seize ans, elle est admise à l’Ecole Nationale Préparatoire, considérée comme la meilleure du Mexique. Elle fait partie des 35 premières filles à y entrer et rêve de devenir médecin.

Le 17 septembre 1925, elle revient de l’école en bus quand celuici est percuté par un tramway. Plusieurs passagers trouvent la mort, et la jeune Frida est grièvement blessée. Sa jambe droite, déjà malade, est fracturée en onze endroits, son pied est écrasé, sa colonne vertébrale brisée, une barre de fer traverse son ventre et ressort par son vagin. Persuadée que sa fille va mourir, Matilde n’ira lui rendre visite à l’hôpital qu’un mois plus tard.

Pourtant, contre toute attente, Frida survit. Elle souffrira toute sa vie des suites de ce terrible accident, qui lui interdira notamment de pouvoir mener une grossesse à terme. De retour à la Casa azul, elle est immobilisée pendant des mois dans un corset de plâtre et devra subir de nombreuses opérations. Alitée sur de longues périodes, elle se tourne alors vers la peinture, un art qui ne lui est pas totalement inconnu, puisque son père est aussi aquarelliste.

On lui fait installer un chevalet spécial pour qu’elle puisse peindre allongée, et un lit à baldaquin avec un miroir en guise de ciel. Elle devient ainsi son premier et principal modèle. Sur les 143 tableaux qu’elle peindra au cours de sa vie, plus de 70 sont en effet des autoportraits, où elle saisit ses humeurs et ses souffrances.

En 1928 Frida, qui est déjà un esprit libre, rencontre le peintre muraliste Diego Rivera, venu réaliser une fresque dans l’enceinte de son école. Elle a le culot de lui présenter certains de ses propres tableaux, et de lui demander son avis sans détour. Impressionné par ses oeuvres, il tombe amoureux de la jeune femme et l’épouse le 21 août 1929. Il a vingt-et-un an de plus qu’elle, et on ne peut imaginer deux personnages plus opposés : elle est belle et lui ressemble à un crapaud, elle est petite et fragile et lui est un colosse et une force de la nature, elle est pauvre et inconnue et lui est riche et célèbre.

Ce qui les rapproche c’est naturellement l’amour de la peinture, mais aussi leur conscience sociale, ils sont tous deux membres du Parti communiste Mexicain, et leur passion réciproque. Au cours de leurs mariages tumultueux ils vont se tromper, se déchirer, se séparer, mais ils ne cesseront jamais de s’aimer. En 1930 et 1932, Frida fait deux fausses couches qui la laissent dévastée.

En 1935, elle découvre que Diego a une liaison avec sa soeur Cristina. Profondément blessée, elle le quitte et s’installe à Mexico. Elle aura de son côté de nombreuses aventures. Bisexuelle, elle séduit aussi bien des hommes que des femmes, et ne réintègrera le foyer conjugal qu’après la fin de la liaison avec Cristina. En 1937, Léon Trotsky et son épouse reçoivent l’asile politique au Mexique et viennent s’installer avec Frida et Diego à la Casa azul. Une liaison courte mais passionnée se noue entre Frida et Léon.

Frida Kahlo a continué à s’épanouir en tant qu’artiste, et fin 1938 elle expose à New York. En 1939 elle est invitée à Paris pour une grande exposition sur le Mexique. En effet, André Breton l’a rencontrée lors d’un voyage à Mexico l’année précédente et, subjugué par son oeuvre, écrira : « L’art de Frida Kahlo de Rivera est un ruban autour d’une bombe. » Malheureusement, la jeune femme va tout détester de ce séjour.

On la taxe de surréalisme, ce dont elle se défend : « Ils pensaient que j’étais une surréaliste, mais je ne l’étais pas. Je n’ai jamais peint de rêves, j’ai peint ma réalité. » La crudité de certains de ses tableaux choque, et on n’en expose que six sur les vingt-sept prévus. Elle se sent incomprise en tant qu’artiste, et exècre l’intellectualisme parisien : « Maudits intellectuels de mes deux. Je préférerais m’asseoir par terre pour vendre des tortillas au marché de Toluca plutôt que de devoir m’associer à ces putains d’artistes parisiens. » Voilà, c’est dit…

En décembre 1938 Frida et Diego divorcent, mais si la vie à deux est compliquée, la vie l’un sans l’autre est impossible et, le 8 décembre 1940, ils se remarient et s’installent définitivement à la Casa azul. Frida commence à rédiger un journal, elle est élue au Seminario de Cultura Mexicana, chargé de favoriser la diffusion de la culture mexicaine. A partir de 1943 elle enseigne aussi la peinture, mais souffre terriblement du dos et doit subir une première opération de la colonne vertébrale en 1946. Six autres suivront, et elle ne peut plus peindre qu’allongée.

Début 1953 est organisée sa première exposition au Mexique. Comme son médecin lui interdit de se lever, elle se fait transporter sur son lit de douleur jusqu’à la galerie, pour assister au vernissage. A l’été elle doit être amputée de la jambe droite, qui s’est gangrénée. Elle plonge alors dans une terrible dépression : seule l’idée que Diego a besoin d’elle l’empêche de se suicider. Affaiblie par une pneumonie, Frida Kahlo meurt dans la nuit du 13 juillet 1954, sept jours après son quarante-septième anniversaire.

Son corps torturé a-t-il fini par rendre les armes, ou s’est-elle volontairement administré une surdose de morphine, la question reste sans réponse. Les derniers mots inscrits dans son journal laissent penser à un suicide : « J’espère que la sortie sera joyeuse… et j’espère bien ne jamais revenir — Frida » Pourtant, sur le tableau peint juste avant de mourir elle a écrit : « Viva la Vida ». Elle avait demandé à être incinérée, pour ne pas reposer dans la position où elle a souffert pendant une si longue période de sa vie.

Frida Kahlo est considérée comme l’une des plus grandes artistes mexicaines du XXème siècle. Certains de ses tableaux se sont vendus à plus de cinq millions d’euros ces dernières années. Moderne par ses revendications féministes d’indépendance et de liberté, et son engagement social, elle était aussi profondément attachée à son pays et portait souvent des vêtements traditionnels.

 

 

 

 

Film biographique de Julie Taymor, inspiré du livre de Hayden Herrera, avec Salma Hayek (Frida Kahlo), Alfred Molina (Diego Rivera), Geoffrey Rush (Léon Trotsky), Ashley Judd (Tina Modotti).

Dans un article paru dans le New York Times le 12 décembre 2017, intitulé « Harvey Weinstein is my monster too », Salma Hayek raconte le calvaire que lui a fait vivre le patron de Miramax, qu’elle avait eu le tort de solliciter pour produire ce film, retraçant la vie d’une femme qu’elle admirait par-dessus tout pour son courage et sa détermination face à l’adversité. Le moins qu’on puisse dire, c’est que son propre courage fait honneur à son héroïne.

Après avoir accepté de produire le film, ce monsieur a évidemment sollicité de Salma Hayek toutes sortes de faveurs sexuelles, qu’elle lui a refusées. Elle raconte : « Je ne crois pas qu’il déteste quoi que ce soit autant que le mot ‘non’ ». Il a alors menacé de donner le rôle et le script sur lequel elle avait travaillé depuis des années à une autre actrice, et elle a dû l’attaquer en justice. Pour se justifier il a prétendu qu’elle n’était pas assez connue en tant qu’actrice, et incompétente en tant que productrice.

Afin de prouver ce dernier point, il lui a donné une liste de tâches à mener à bien en un laps de temps très court, persuadé qu’elle n’y parviendrait pas.

Elle devait :
• Faire réécrire le script sans verser un sou supplémentaire
• Trouver 10 millions de dollars de financement
• Engager un réalisateur de premier plan
• Obtenir l’accord de quatre acteurs célèbres pour les rôles secondaires

Et contre toute attente elle a réussi.
Harvey Weinstein allait devoir produire le film, avec Salma Hayek dans le rôle principal. Furieux, il lui a jeté à la figure que tout ce qu’elle avait pour elle c’était son sex-appeal, que sous les traits de la boiteuse Frida Kahlo, avec son monosourcil, elle n’en avait aucun et que personne ne voudrait voir ce film. Il a ensuite exigé qu’elle tourne une scène de sexe avec une autre femme, et apparaisse à l’écran de face et entièrement nue.

Une fois le film terminé, il a décrété qu’il n’était pas assez bon pour être diffusé dans les cinémas et qu’il serait directement distribué en DVD.

Pourtant Frida a été un succès inattendu au box-office et, en octobre 2002, a reçu six nominations aux Oscars, dont celle de Meilleure actrice pour Salma Hayek. Il en a remporté deux : Meilleur maquillage et Meilleure BO.

Salma Hayek poursuit en soulignant qu’entre 2007 et 2016, seulement 4% des films ont été réalisés par des femmes, et que dans 80% des cas celles-ci n’ont pu réaliser qu’un seul film. En 2016 une étude a montré que 27% seulement des dialogues, dans les grosses productions, sont prononcés par des femmes.

Pourquoi parler de cela à la fin d’un article consacré à Frida Kahlo ? Tout simplement parce qu’il semble ironique que si peu de choses aient changé pour les artistes femmes depuis le début du XXème siècle, où elle a dû se battre pour mener une vie libre et indépendante, dans une société machiste et un monde de l’art dominé par les hommes. Ne serait-elle pas étonnée, cette femme d’une force et d’une détermination incroyables, que 110 ans après sa naissance nous en soyons encore là ?

Oh et je vous conseille le film, il est vraiment très sympa…

Agnès

Sources
https://fr.wikipedia.org/wiki/Frida_Kahlo#cite_ref-14
https://www.nytimes.com/interactive/2017/12/13/opinion/contributors/salma-hayek-harvey-weinstein.html
http://www.vivamexico.info/Index1/frida-kahlo.html
http://www.psychologies.com/Culture/Maitres-de-vie/Frida-Kahlo
http://www.parismatch.com/Culture/Art/Frida-Kahlo-la-revanche-532279

 

 


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